Vous lisez : Pour éviter le code sans éthique

Le code-barres contient des bâtonnets. Le code génétique contient des gènes. Alors, pourquoi les codes d’éthique ne contiennent-ils que des normes et des règles et si peu d’éthique? Non pas que ces éléments soient incompatibles. Il est cependant curieux de constater, à la lecture de plusieurs codes d’éthique, que l’éthique ne réside que dans leur titre! Pourquoi est-ce ainsi?

L’éthique serait-elle encore mal connue? Serait-ce que l’exercice semble plus simple ainsi ou, tout simplement, que personne ne réalise la relation directe entre l’éthique et la saine gestion d’une entreprise?

Étant donné que les professionnels en ressources humaines sont souvent au cœur des démarches éthiques, quelques précisions s’imposent afin qu’ils sachent comment conjuguer « code » et « éthique », parce que cette conjugaison est une valeur ajoutée pour l’entreprise.

Avant de commencer la rédaction d’un code, il est essentiel de savoir que l’éthique est une discipline réflexive. Elle est une partie de la philosophie qui a comme objectif de déterminer le sens à donner à une conduite. Ainsi, aucun code ne sera valable sans la nécessaire réflexion qui doit précéder son énonciation.

Ce qu’est un code d’éthique
  • Un code est, avant tout, un énoncé, un codex. Autrefois, il était une tablette pour écrire. Au fil du temps, il a pris le sens d’un recueil de règles établies dans un domaine professionnel et ayant force de loi.
  • Un code sans éthique est un énoncé de règles et de normes à portée générale, sans égard à une entreprise particulière.
  • Un code d’éthique est le produit d’une réflexion portant sur l’éthique et sur les valeurs qui devront fonder le code. Celui-ci contiendra des règles qui définiront l’articulation pratique et générale de l’éthique et des valeurs.
  • Un code d’éthique de vitrine n’est que forme sans substance.

Afin d’éviter les pièges d’un code sans éthique et celui de l’éthique de vitrine, il faut être en mesure de répondre aux questions suivantes...

1. Pourquoi se doter d’un code d’éthique?
D’abord, il faut déterminer le but visé par le code en question. Veut-on inspirer? Surveiller? Punir? Veut-on faire l’exercice « pour l’avoir fait »? Veut-on faire comme tout le monde? Désire-t-on un code parce que c’est à la mode? Parce qu’un régulateur l’exige? Ou parce que l’on comprend la valeur de l’éthique?

Comme on peut le constater, les buts sont nombreux et les motivations peuvent différer de manière importante. La réponse à ces questions nous amène directement à la deuxième question.

2. Souhaite-t-on un code sans éthique, un code d’éthique ou un code d’éthique de vitrine?
Dans l’élaboration d’un code d’éthique, on tente trop souvent de prendre des raccourcis conceptuels. On tente de faire plus simple en évacuant la culture. En rejetant la réflexion de l’exercice au profit des règles et des normes « déjà connues ». Le code est souvent un copier-coller sans égard au contexte de l’entreprise.

On procède à l’exercice de rédaction d’un code pour l’avoir fait ou pour remplir la commande. Puis, on se satisfait d’un code qui n’a d’éthique que dans son titre. Trop souvent, le produit final est un code de déontologie ou de « bonne conduite » à l’usage exclusif des ressources humaines. Il est sans réel contenu éthique global; il ne fait qu’indiquer que les dirigeants n’ont pas compris le potentiel de l’exercice ou qu’ils n’ont pas vu le lien entre éthique et prospérité ou saine gestion. Pourquoi?

L’éthique fait peur...
Même si l’on en parle fréquemment, l’éthique fait peur. Elle fait peur parce qu’elle implique de faire autrement et que certains choix valent mieux que d’autres. Lesquels? Pourquoi?

L’éthique fait peur parce qu’elle implique la réflexion. Elle sous-entend la responsabilisation, l’autonomie. Elle suppose que, devant une problématique, il faudra dire « je » plutôt que « le code… ».

L’éthique fait peur parce qu’elle est un pari sur les gens plutôt que sur les règles.

Une nécessaire réflexion...
Sans la nécessaire réflexion qui doit précéder son énonciation, l’élaboration d’un code d’éthique ne mènera qu’à un code de déontologie : tu dois ou tu ne dois pas. Pire encore, elle n’aboutira qu’à un code sans éthique, voire à un code d’éthique de vitrine. Et un code sans éthique n’aura pas d’autre avantage que celui de n’être plus à faire.

S’il n’influence pas la culture de l’organisation par un exercice réflexif, et figé dans le temps, le code ne pourra que comparer les actions des membres de l’organisation avec un passé jugé comme étant idéal.

Le code permettra de chercher la faute et de désigner un coupable. Sans plus. Un tel code n’offrira aucun élément distinctif à l’entreprise, il ne sera qu’une forme organisationnelle et administrative du « paraître ».

Un investissement rentable...
« On ne change que lorsque ce qui est à venir est meilleur que ce qui est », dit l’adage. Le code doit donc dépeindre un futur, un idéal, une finalité. Plutôt que de susciter la peur des membres de l’organisation, cette finalité inspirera un changement.

L’éthique, lorsqu’elle est bien comprise, permet à l’organisation de prendre une position distinctive sur son marché, de se démarquer de ses concurrents, de répondre aux nouvelles exigences en matière d’intégrité, de favoriser le recrutement des meilleurs talents et de devenir une entreprise socialement responsable. L’ensemble de ces facteurs contribue à installer l’entreprise dans la durée, et c’est dans la durée que s’installe la prospérité.

L’éthique n’est pas un coût ou une contrainte, elle est un investissement qui mène l’entreprise vers une prospérité durable. Là est sa valeur.

René Villemure, éthicien

Source : Effectif, volume 18, numéro 1, janvier/février/mars 2015.


Cet article poursuit la réflexion entamée le 21 octobre 2014 avec les participants du Congrès international francophone des ressources humaines, lors de la conférence plénière intitulée Éthique et déontologie : quoi faire pour « bien faire ».

Ajouté à votre librairie Retiré de votre librairie