Ce texte est le premier de deux articles. Il est consacré aux questions que doivent se poser les entreprises avant d’élaborer leur programme de gestion de la relève. L’article suivant traitera des cinq étapes clés à franchir pour mettre en œuvre un programme de gestion de la relève efficace et intégré.
Le marché du travail, au Québec comme dans le reste du monde, connaît des changements importants depuis des années. La diminution de la population active génère des pénuries de main-d’œuvre importantes dans certains secteurs très spécialisés tels celui des assureurs. Le talent qui se globalise permet maintenant aux entreprises de recruter à l’extérieur de leur zone géographique et de gérer à distance. Enfin, la crise de 2008 nous a appris que les entreprises qui avaient continué à croître étaient les entreprises les plus innovantes, ce qui rend plus difficile le recrutement de leaders créatifs capables de bien fonctionner dans des entreprises plus traditionnelles.
Ces différents facteurs ont créé une guerre des talents pour un nombre sans cesse grandissant de postes critiques ainsi qu’une recherche accrue de leaders que l’on veut dorénavant stratégiques, créatifs et capables de fonctionner dans un environnement global. Du coup, les entreprises ont dû revoir leurs stratégies d’acquisition de talents et surtout de développement de la relève, afin de pouvoir faire face aux enjeux relatifs à leur main-d’œuvre. Elles ont aussi dû réaliser rapidement que l’exercice traditionnel de planification et d’identification des hauts potentiels devait se transformer en stratégies intégrées à tous les niveaux de l’organisation : identification des leaders de l’avenir, accélération de leur développement et ajustement de leur rémunération en fonction de leur progrès.
Mais de tels changements ne se font pas en un jour. Pour réussir, les entreprises doivent reprendre leur actuel programme de gestion de la relève et se poser trois questions.
Le programme actuel est-il aligné sur la vision stratégique de l’entreprise? De quels profils de leaders l’organisation aura-t-elle besoin demain? Une bonne compréhension de la stratégie à long terme de l’organisation permet d’analyser comment elle va se différencier de la compétition et quels profils de leadership (connaissances, habiletés et attributs de leadership) vont lui permettre de se transformer et de réussir dans le futur. L’analyse de ces profils permet de mieux comprendre les vrais besoins de relève et d’identifier les employés actuels qui ont ou qui pourraient acquérir les compétences requises. Deux exemples concrets : on recherche des « leaders numériques », capables d’optimiser l’utilisation des outils web et des médias sociaux dans leur travail au quotidien. On recherche aussi des « leaders globaux », capables de gérer à distance dans des environnements multiculturels.
Le programme est-il intégré aux autres stratégies de gestion des ressources humaines? Acquisition des talents, gestion de la performance, développement du leadership, formation et rémunération doivent être intégrés dans une stratégie globale de gestion de la relève. Les services des ressources humaines doivent changer afin de ne plus gérer leurs programmes de façon cloisonnée. Ils doivent se mettre globalement au service de la gestion de la relève.
Les gestionnaires se sentent-ils responsables du développement de leur relève? Sont-ils capables d’évaluer leur performance, leurs besoins de développement et de les accompagner? Se sentent-ils responsables d’attirer de nouveaux talents? Encore trop peu de gestionnaires ont les qualités requises pour bien faire ce travail, par manque de compétence, par manque de temps ou par manque d’intérêt. Les compétences peuvent se développer si l’on va plus loin qu’une formation de base proposant des recettes à appliquer. Pas de changements possibles sans des formations qui favorisent une remise en cause individuelle des gestionnaires. Un bon atelier doit être déstabilisant : il doit à la fois insécuriser et rassurer afin de créer le déclic nécessaire pour que l’individu change de paradigmes. Si c’est par manque de temps, c’est à la haute direction de fixer ses priorités et d’en assumer les conséquences opérationnelles et financières. En cas de manque d’intérêt, il faut muter le gestionnaire dans d’autres fonctions assez rapidement, car l’absence de gestion de la relève a un coût important pour l’entreprise.
En conclusion, les réponses à ces questions doivent servir de base à une réflexion en profondeur permettant l’élaboration d’un programme efficace de gestion de la relève. Ce programme doit être un des piliers de la stratégie globale de l’entreprise et servir de point de référence pour les autres stratégies de gestion des ressources humaines de l’organisation.
Philippe Mast, CRHA est associé chez CORTO.REV, cabinet de recherche de cadres supérieurs et de conseil en transformation organisationnelle. Il intervient plus particulièrement dans la recherche de cadres supérieurs dans les secteurs de la finance et des hautes technologies ainsi que dans la mise en œuvre de stratégies intégrées de gestion de la relève et de développement du leadership. On peut le joindre par téléphone [514 995-4452] ou courriel [pmast@cortorev.com]. Site web : www.cortorev.com