Dans un article précédent, intitulé Maintenir un leadership d’influence en contexte de turbulence, nous avons découvert deux exemples bien réels illustrant qu’il est possible de battre des records de production et de qualité, malgré un contexte de réorganisation, de fusion, d’acquisition, de vente ou de fermeture. Pour soutenir l’atteinte de tels résultats d’exception, l’auteur propose un modèle simple que le professionnel en ressources humaines peut facilement expliquer et qui peut être partagé avec des collègues ou des équipes de gestion. Il se déploie en trois angles complémentaires :
- la gestion des affaires et des opérations quotidiennes;
- la gestion des autres;
- la gestion de soi.
Ainsi, la gestion des affaires et des opérations quotidiennes de même que la gestion des autres ont été définis et des pistes de transferts proposées. Cet article met l’emphase sur le troisième angle qui s’applique directement à la personne et auquel la majeure partie des efforts devraient être consacrés dans un contexte d’incertitude.
La gestion de soi
Ce troisième angle permet de se conscientiser et d’appliquer les outils et processus qui contribuent au développement d’une attitude résiliente devant l’adversité d’un contexte professionnel en mutation. La résilience permet au leader d’influence de demeurer un conseiller efficace, capable de continuer à collaborer à la transformation de l’organisation, malgré ses défis personnels.
Diane L. Coutu définissait la résilience, dans la Harvard Business Review, comme « l’habileté et la capacité individuelle de réinventer ses propres modèles mentaux au fur et à mesure que les circonstances changent. Ce n'est pas uniquement de rebondir à une crise isolée ou de retomber sur ses pieds après un échec ponctuel. C'est la capacité de constamment anticiper et s'ajuster à des tendances profondes et fortes qui pourraient hypothéquer sérieusement l'efficacité personnelle d'un individu. C'est d'avoir la capacité de changer avant que le besoin de changer ne soit désespérément évident ».
Ainsi, les exercices issus des travaux de Daniel Goleman, Annie McKee et Daniel Boyatzis (2005) portant sur l’intelligence émotionnelle (conscience de soi, gestion de soi, conscience des autres et gestion des relations) permettent de faire émerger les facteurs qui contribuent à développer sa résilience personnelle et d’équipe.
Une autre piste qui facilite le développement de la résilience serait de l’aborder en fonction des travaux et des recherches inspirés des Navy Seals, cette unité d’élite de l’armée américaine entraînée pour faire face à des situations extrêmes et littéralement inhumaines. Sept caractéristiques qui définissent la résilience sont ainsi explorées :
- Présence d’esprit (calme, innovateur) : rester calme dans la tourmente et faire preuve d'innovation en plein inconnu.
- Détermination : agir avec conviction lors de moments critiques; être responsable de ses faits et gestes.
- Persévérance (ténacité) : malgré l'adversité et les conflits, maintenir sa ligne de conduite (en s'adaptant au contexte).
- Cohésion : se supporter dans l'adversité; se servir des forces des autres à bon escient et en faisant connaître ses intentions.
- Intégrité : savoir faire ce qui est bien pour soi, mais aussi pour les autres, et être capable de prendre la juste décision.
- Contrôle de soi : garder le contrôle des émotions et impulsions déstabilisantes.
- Optimisme : toujours voir le côté positif des choses et créer un sens (peut transcender la réalité organisationnelle).
Dans son rôle de leadership d’influence, le professionnel en ressources humaines peut guider l’organisation vers l’acquisition et la valorisation des comportements et attitudes de résilience recherchés. Quelques pistes potentielles à explorer pour y arriver : exercices guidés, coaching et jeux de rôle; introspection (lectures, grilles d’analyse, rétroaction 360°, rétroaction ciblée, visualisation); identification et reconnaissance d’individus modèles. On peut aussi accorder une place de choix au concept de résilience au sein du programme de développement et d’évaluation de la performance de l’organisation et en assurer la cohérence avec les mécanismes de rémunération et de récompense.
Conclusion
Quelle que soit la réorganisation – fusion, acquisition, vente, fermeture ou réorganisation –, l’acharnement à vouloir défendre un passé révolu peut conduire à miner le processus de renouveau individuel et faire dérailler les efforts collectifs. Par le truchement des leaders d’influence que sont les professionnels en ressources humaines, il est toutefois possible de faire évoluer les superviseurs et les gestionnaires vers les comportements valorisés. Ces actions contribueront à soulever l’organisation et à mobiliser les employés vers le dépassement des objectifs opérationnels et financiers, et ce, malgré le contexte de turbulence.
« Plus que l’éducation et plus que l’expérience, la maîtrise de la résilience personnelle détermine qui réussi ou qui échoue. Ceci est vrai dans une chambre d’hôpital, vrai aux Olympiques et encore plus vrai lorsque l’on occupe un rôle de leadership. » Dean Becker, président et chef de la direction d’Adaptiv Learning Systems, une firme spécialisée dans le développement et la facilitation de programmes axés sur la résilience
Pour aller plus loin : suggestions de lecture
- Boyatzis, R. et McKee, A. (2005). « Les nouveaux défis du leadership », Village mondial, 269 p.
- Coutu, D. L. (2002). « How resilience works », Harvard Business Review, May 2002.
- Everly, G.S., D.K. McCormack et D.A. Strouse (2012). « Seven Characteristics of Highly Resilient People: Insights from Navy SEALs to the “Greatest Generation” », International Journal of Emergency Mental Health, 14 (2), 137-143.
- Frankl, V.E. (2004). Man's search for meaning : the classic tribute to hope from the Holocaust, Lavoisier S.A.S.
- Hamel, G. et L. Välikangas (2003). « The Quest for Resilience », Harvard Business Review, September 2003.
Pierre Boudreault, CRHA est consultant sénior en développement des gestionnaires pour la firme IC Formation. Il est également doctorant en administration des affaires et chargé de formation en GRH et management au Centre Laurent-Beaudoin (Université de Sherbrooke). Il intervient auprès des entreprises et organisations privées et publiques. On peut le joindre par téléphone [438 863-4959] ou par courriel [pierreboudreault.crha@hotmail.ca]. Site internet : www.icformation.com