L’un des défis de nombreuses entreprises consiste à s’assurer de disposer d’une relève de gestion prête à assumer des postes clés avec succès. Pour ce faire, il ne suffit pas de sélectionner les bons joueurs dotés d’un grand potentiel, il faut aussi les préparer adéquatement, les développer et, surtout, réussir à les fidéliser.
Force est de constater que les dirigeants rencontrent des obstacles de taille à cet égard :
- avec la pénurie de ressources, la compétition pour les meilleurs talents est nettement plus vive et le nombre de candidats disponibles est de plus en plus restreint; de ce fait, la rétention de ces employés talentueux sera de plus en plus critique;
- déjà, les entreprises font face à des hauts potentiels qui ont les capacités pour accéder à des postes de leadership, mais qui préfèrent rester de bons joueurs d’équipe afin de préserver leur qualité de vie. En effet, les membres de la génération émergente (Y) misent sur la qualité de vie, contrairement à leurs parents, les baby-boomers, pour qui le travail faisait partie de leur identité.
C’est donc réellement une toute nouvelle donne pour les employeurs. Non seulement ils doivent composer avec une certaine pénurie qui incite les autorités à envisager de prolonger l’âge de la retraite, mais aussi plusieurs hauts potentiels disponibles manquent d’intérêt pour les postes de responsabilité. De plus, ceux qui restent sont souvent impatients de relever des défis pour lesquels ils ne sont pas tout à fait prêts, ce qui fragilise leur engagement et les rend plus ouverts aux offres de concurrents disposés à leur proposer les responsabilités qu’ils convoitent.
Par ailleurs, lorsqu’il est question de leadership, le seul « savoir » ne suffit pas; il est essentiel de vivre des expériences pratiques de gestion et de recevoir une rétroaction qui permet de réfléchir, de prendre du recul et de dégager les bonnes pratiques de gestion. Un haut potentiel, c’est comme un diamant plus ou moins brut. En l’absence d’un bon « polissage » par des experts, les risques d’échec et de découragement sont très élevés.
Les savoirs de gestion tacites, la culture organisationnelle, le gros bon sens, le sens politique, la capacité d’influence et la stratégie ne s’apprennent ni dans les livres, ni sur des bancs d’école.
Les dirigeants devraient faire appel au partenariat entre les membres de la relève et des gestionnaires expérimentés. Qu’ils soient au troisième tiers de leur carrière ou même en âge de prendre leur retraite, l’apport de ces gestionnaires dans un tel contexte de pénurie s’avère souvent essentiel.
Ce partenariat peut même constituer un avantage concurrentiel en matière de gestion et de rétention de la relève. De nombreuses recherches ont porté sur les caractéristiques des diverses générations qui se côtoient au travail. De nos jours, les membres de la relève sont typiquement assoiffés de communication, de travail d’équipe, de rétroaction et souhaitent être guidés sans être contrôlés. Leurs ancres de carrière très axées sur la qualité de vie, le besoin de rétroaction et d’une certaine indépendance dans un cadre hiérarchique flexible devraient guider les initiatives des dirigeants en matière d’attraction et de rétention des employés de talent.
Le défi c’est que les leaders en devenir comprennent que leur employeur leur offre plus que d’excellentes conditions de rémunération et une certaine flexibilité pour composer avec leurs obligations personnelles ou familiales. Un avantage concurrentiel à ne pas négliger afin de maximiser leur engagement, c’est le sentiment que l’on mise véritablement sur leur potentiel en leur offrant un développement accéléré par l’accès à un vécu de gestion et à une rétroaction prodiguée par des gestionnaires crédibles.
Voici donc quelques pratiques gagnantes qui permettent le transfert de compétences et de savoirs tacites...
- Appariez les hauts potentiels avec des gestionnaires expérimentés en leur faisant jouer un rôle de coach ou de mentor. Ces gestionnaires crédibles peuvent être soit en fin de carrière, soit des retraités qui jouent ce rôle quelques heures par semaine. Les membres de la relève seront plus enclins à accepter une rétroaction de ces personnes crédibles, qui ne sont pas en position de contrôle et dont la fonction consiste à partager leur vécu et à valider les approches de la personne qu’ils accompagnent.
- Créez dans vos structure des postes de développement d’une durée déterminée visant à ce qu’un membre de la relève suive dans l’action un gestionnaire d’expérience qui le supervise.
Dans certains cas de pénurie de relève, nommez temporairement un gestionnaire en fin de carrière qui assurera la continuité tout en ayant le mandat de parfaire les compétences d’un ou de plusieurs candidats à la relève. - Assurez-vous que les gestionnaires d’expérience saisissent leur rôle dans le cadre du développement et de la rétention de la relève; fixez-leur des objectifs clairs en regard de leur plan de développement et bonifiez leur contribution à cet égard lorsque les résultats sont concluants.
- Une bonne gestion de la relève implique, dans certains cas, de recourir à des mandats intérimaires par des gestionnaires au troisième tiers de leur carrière ou même par des gestionnaires retraités. Cette pratique donne à l’entreprise l’assurance de maintenir sa performance et de diminuer le risque de « brûler » certains talents tout en leur permettant de prendre le temps de se perfectionner.
Conclusion : retenir et même attirer les gestionnaires expérimentés
Les entreprises doivent réussir à valoriser et à mobiliser ces gestionnaires au troisième tiers de leur vie professionnelle en leur donnant le défi de transmettre leur savoir de gestion et de contribuer ainsi à l’effort de relève organisationnelle. Afin d’attirer et de conserver ces partenaires indispensables, la flexibilité, le sur-mesure et la reconnaissance sont les clés (ex. télétravail, travail à temps partiel, retraite partielle, défis stimulants).
Évidemment, cela ne s’applique pas à tous les gestionnaires expérimentés. Il faut miser sur des contributeurs qui sont restés de leur temps, des leaders capables de mobiliser et de responsabiliser, qui sont adaptables, qui ont le goût et le talent naturel pour agir à titre de coach en partageant leur vécu sans être moralisateurs.
Quelques références pour vous inspirer
- Pozzebon, S. et autres. « La gestion des ressources humaines : d’hier à demain », Gestion, vol. 32, n° 3, automne 2007, p. 99-108.
- Francoeur, F. « Pour conserver les travailleurs âgés... », Le coin du gestionnaire, Portail de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, 2012.
- Gavrancic, A., F. Courcy et J. Proulx. « Comment superviser une équipe de travail diversifiée? », Gestion, été 2009, vol. 34, n° 2, p. 68-74.
- Lebeau, G., C. Madet et M.-P. Bourdages. Le point de vue sociologique et démographique. Qui est la relève? Nouveau défi pour gestionnaires. Le point en administration de la santé et des services sociaux, Hiver 2011-2012.
Psychologue organisationnelle, Jacqueline Codsi oeuvre comme gestionnaire et consultante en gestion des ressources humaines et en développement organisationnel. On peut la joindre par téléphone [514-235-0557] ou par courriel.