Obtenir, des employés, le meilleur d’eux-mêmes est un des défis des gestionnaires des ressources humaines. En plus, ceux-ci doivent diminuer l’absentéisme, attirer des candidats performants, réduire les réclamations à la CSST.
En d’autres mots, ils doivent rendre le milieu de travail intéressant et stimulant. Mais on se demandera peut-être quel est le lien entre l’aménagement ergonomique d’un poste de travail de bureau et ces objectifs? Eh bien, même si aménagement ergonomique ne rime pas avec productivité, ces deux aspects sont étroitement liés. Dans le cadre de cet article, nous verrons comment le fait de négliger l’aménagement ergonomique d’un poste de travail peut avoir des répercussions très négatives sur le travail, sur le travailleur et sur l’entreprise. Il sera aussi possible de vous familiariser avec des principes utiles, en vue de rendre les postes de travail de bureau confortables et de prévenir le développement de lésions musculo-squelettiques. Une démarche qui, très souvent, ne représente pas des coûts très élevés!
Aménagement ergonomique et productivitéImaginons la situation suivante : s’installant chaque matin devant son écran d’ordinateur, un travailleur remarque depuis un certain temps qu’il ressent, après quelques heures de travail, des douleurs au dos, à la hauteur des omoplates. De surcroît, son avant-bras lui fait mal et cela perturbe même son sommeil. Maussade, chaque jour il soupire en arrivant à son poste, d’une part parce qu’il a mal dormi et d’autre part parce qu’il anticipe les douleurs de la journée. D’ailleurs, il s’absente parfois en raison de la fatigue qui s’accumule. Au travail, déconcentré par ses malaises, il prend des pauses plus souvent, cherche à se dégourdir, tente de trouver une posture confortable, mais sans succès. Parlera-t-il, à son supérieur immédiat, de ses douleurs récurrentes qui sont, après tout, invisibles, mais de plus en plus irritantes?
Sans correctif à son poste de travail, cet employé s’expose à ce que son trouble musculo-squelettique (TMS) passe au stade de lésion musculo-squelettique (LMS), à plus ou moins long terme. Et qui dit lésion dit réclamation, mais aussi imputation de coûts, et quoi encore! En tant que gestionnaire des ressources humaines ou de la santé et sécurité du travail, il ne faut pas banaliser l’aménagement d’un poste de travail informatisé, entre autres, car une telle situation peut dégénérer; tant l’individu que l’organisation seraient alors perdants!
Début de la démarche d’analyse : l’utilisateurUne démarche d’analyse de poste portera essentiellement sur l’utilisateur – ses conditions personnelles – en relation avec le déroulement de son activité de travail. Voyons maintenant les éléments que l’on devra considérer pour réaliser une évaluation de poste. Le tout premier élément à prendre en compte correspond aux caractéristiques de l’utilisateur. Il est absolument inutile – voire dangereux – d’outrepasser cette première étape. Après tout, une telle démarche vise à optimiser le rendement de l’opérateur en ajustant son poste de travail. Dans un premier temps, il faut considérer les aspects suivants :
- la latéralité (main dominante);
- les caractéristiques anthropométriques : la taille et la stature de l’utilisateur vont influencer l’ajustement de certains éléments du poste (ex. : la hauteur du moniteur, le réglage de la chaise…);
- l’acuité visuelle : le port d’une lunette incorporant un foyer progressif influencera la position du moniteur;
- la présence de malaises ressentis lors de certaines activités de travail; ceux-ci pourraient diriger l’analyse vers une problématique spécifique (ex. : une douleur à l’épaule droite pourrait indiquer un mauvais positionnement de la souris).
Maintenant que les caractéristiques de l’utilisateur sont connues, la seconde étape consiste à préciser les fonctions prédominantes exercées; l’aménagement du poste doit s’harmoniser avec celles-ci. On devra alors déterminer dans quelle mesure les éléments suivants sont utilisés : le téléphone, la calculatrice, le clavier, la souris, le porte-document… Par analogie, cette étape équivaut à connaître les outils et les composantes dont se sert un employé travaillant sur une ligne de montage ainsi que l’importance d’utilisation de ceux-ci. Les éléments régulièrement requis devront être positionnés à des endroits stratégiques!
Surface de travail : la zone optimale
Un aspect important à intégrer dans l’analyse d’un poste est de s’assurer que l’activité principale de travail s’effectue dans la zone optimale du plan de travail. On appelle cette zone ainsi, car elle correspond à l’emplacement de moindre sollicitation musculaire pour les membres supérieurs. On peut approximativement établir cette zone optimale de la façon suivante : du bord de la table jusqu’à 30 cm de profondeur (utiliser une simple règle de 30 cm), et ce, entre la largeur des deux appuis-bras de la chaise. Si on utilise une tirette pour le clavier, la zone de 30 cm débute au bord de celle-ci (voir illustration ci-contre).
À un poste traditionnel, on utilise habituellement deux dispositifs d’entrée : la souris et le clavier. Au sujet de ce dernier, outre le fait de s’assurer qu’il soit positionné dans la zone optimale, on y associe peu de caractéristiques spécifiques lors d’une analyse de poste. Par contre, l’usage de la souris crée beaucoup plus de difficultés, et ce, particulièrement pour les utilisateurs droitiers. Cette problématique provient de la présence du pavé numérique, habituellement situé à la droite du clavier traditionnel. La souris étant positionnée à l’extrémité droite du clavier, elle se situe ainsi à l’extérieur de la zone optimale. Cette situation provoque un travail musculaire supplémentaire à l’épaule droite et au cou. Sur l’illustration, on note qu’un dispositif nommé « pont à souris » a été placé par-dessus le pavé numérique du clavier. Il permet de rapprocher le bras droit près du corps et, ainsi, de réduire une bonne partie du travail musculaire associé à l’éloignement de la souris.
Une chaise, plusieurs caractéristiques…
Il existe de nombreux modèles de chaise et leurs ajustements varient considérablement d’un modèle à l’autre. Rappelons les aspects les plus communs que l’on oublie trop souvent! D’abord, mentionnons que le dossier comporte habituellement un renflement dans sa partie inférieure : il s’agit du support lombaire. Il faut s’assurer que cette partie du dossier se situe dans la courbure du bas du dos. Si ce n’est pas le cas, il s’agit d’ajuster la hauteur du dossier en conséquence. Autre élément trop souvent négligé : la hauteur des appuis-bras. Si la personne ressent des malaises dans le haut du dos, il est possible que ses trapèzes soient trop sollicités. Il est également possible que cette contraction musculaire provienne, entre autres, du fait que les appuis-bras sont trop hauts (ceci provoque un haussement des épaules). Il faut lui demander de relâcher les épaules (ses membres supérieurs « descendront ») et de s’assurer que les appuis supportent ses avant-bras à ce niveau. Elle réduira ainsi sa sollicitation musculaire – et l’inconfort – de ses trapèzes.
Dernier aspect associé au réglage d’une chaise : il est possible que la position du dossier et le format de l’assise défavorisent l’irrigation sanguine des membres inférieurs. On doit effectuer la vérification suivante : demander à la personne de s’appuyer contre le dossier, puis vérifier l’espace de dégagement entre le devant de l’assise et l’arrière de ses genoux. Si l’arrière de ses genoux est complètement appuyé sur cette partie de la chaise, cela indique que l’assise de la chaise est trop profonde. Cela pourrait provoquer une mauvaise irrigation des membres inférieurs, puisque plusieurs vaisseaux sanguins se trouvent dans cette région corporelle. Si tel est le cas, il faut avancer le dossier ou reculer l’assise afin de créer un espace (2 cm) à l’arrière de ses genoux. Cela optimisera l’irrigation sanguine de ses membres inférieurs.
De façon classique, on dit que l’écran doit être placé de façon à ce que l’utilisateur puisse le regarder tout en conservant la tête droite – ni flexion ni extension du cou, tel un regard à l’horizon. Il est donc possible qu’un socle soit requis pour ajuster la position du moniteur et ainsi s’assurer que le haut de l’écran soit à la hauteur des yeux de l’employé. Par contre, s’il porte des verres bifocaux (avec foyer pour voir de près), cette position du moniteur est inefficace. Puisqu’il regarde de près avec le bas des verres, il est recommandé de placer l’écran le plus près de la table (position plus basse), afin d’éviter le mouvement d’inclinaison de la tête vers l’arrière pour regarder le moniteur.
« Pause-visuelle »Le phénomène nommé « convergence » correspond à l’activité musculaire nécessaire pour regarder un objet de près. Lorsqu’on travaille à un poste informatisé et que l’on regarde son moniteur, son clavier et ses documents, on effectue un travail visuel de près et l’action de convergence est en fonction. Or, si l’on effectue cette activité sur une longue période, il est possible qu’une fatigue musculaire oculaire s’installe. C’est la raison pour laquelle on dit qu’il est pertinent de reposer sa fonction visuelle en regardant loin (plus de cinq mètres) pendant quelques minutes, à chaque heure. Évidemment, s’il y a une grande fenestration au poste de travail, on peut plus facilement exercer un regard éloigné et obtenir un relâchement des muscles impliqués dans la convergence.
Plan d’action : mise en place progressive
Les consignes présentées dans cet article ne constituent pas une étude ergonomique exhaustive, mais elles correspondent, certes, à une première étape d’analyse d’un poste de travail, sans recourir à un expert. En résumé, on doit effectuer une vérification en répondant aux trois questions suivantes :
- les composantes principalement utilisées à ce poste se retrouvent-elles à l’intérieur de la zone optimale?
- la chaise (assise, dossier et appuis-bras) est-elle ajustée correctement?
- la hauteur du moniteur est-elle positionnée en fonction de l’acuité visuelle de la personne?
Si on doit effectuer des modifications, il serait sage de mettre en place ces ajustements progressivement : effectuer une première modification, expérimenter le résultat pendant une courte période et passer à une autre modification.
En conclusion, on doit être proactif dans la démarche, donc ne pas attendre qu’un malaise soit trop persistant pour engager des correctifs. Il faut aussi se rappeler que les lésions musculo-squelettiques se développent progressivement et que, plus l’intervention est entreprise rapidement, meilleures sont les chances de guérison complète!
Denis Dubreuil, ergonome, M. Sc., et Josette Boulé, CRHA, conseillère en santé et sécurité du travail, Centre patronal de santé et de sécurité du travail du Québec
Source : Effectif, volume 14, numéro 2, avril/mai 2011.