Cet article explique qu’il faut assurer la liaison entre les champs de la GRH en favorisant le développement de solutions qui tiennent compte de l’interdépendance entre les processus et les systèmes.
Au cours des dernières années, la fonction ressources humaines a confirmé le besoin de diviser le travail afin de mieux répondre aux besoins d’affaires. Le premier travail est réalisé par le conseiller, qui collabore quotidiennement avec son client ou son partenaire d’affaires en vue de l’atteinte des objectifs de l’organisation. Une autre partie du travail est la conception des programmes, touchant ainsi les processus et les outils de gestion des ressources humaines. Généralement, divers experts réalisent ces activités.
Selon la taille de l’organisation et celle de la fonction ressources humaines, les employés sont regroupés au sein d’équipes, de directions, voire de vice-présidences. Quand il y a un nombre important de conseillers et d’experts, une seconde division du travail s’effectue. Cette dernière correspond aux différents domaines d’intervention comme l’acquisition du talent, la rémunération et le développement des ressources.
Dans ce contexte de division entre les experts et les conseillers et de leur répartition selon les domaines d’intervention, il existe un risque réel de fonctionner en vase clos et de concevoir des processus inefficaces.
Enfin, l’arrivée des technologies dans les processus de gestion des ressources humaines génère de nouveaux risques. Chaque expert acquiert le système ou le logiciel supportant les processus de son domaine. Il n’est donc pas rare que plusieurs systèmes cohabitent au sein d’une entreprise, ce qui complexifie les opérations, crée des redondances, confond les clientèles et accroît les coûts.
Nous proposons un modèle d’intégration qui permet de visualiser ces divisions, leurs relations, les impacts et des moyens de réduire ces risques. Ce modèle assure l’efficacité des processus et une saine utilisation des technologies lors de l’élaboration de programmes.
La relation entre l’expert et le conseillerL’expert et le conseiller cohabitent au sein de l’organisation. Que la fonction ressources humaines ait deux représentants ou deux cents, l’illustration ci-dessous montre que chaque groupe, celui de l’expert et celui du conseiller, contribue à l’élaboration des programmes et à leur mise en place. La relation d’interdépendance est réelle et apporte des bénéfices.
Le rôle initial de l’expert est de concevoir le programme. Il y consacre plus de temps au début et sa contribution diminue avec le temps. Ce rôle évolue, passant de la conception à l’opérationnalisation pour se poursuivre par l’accompagnement de son collègue pendant la vie utile du programme. Pour sa part, le conseiller consacre peu de temps au programme au début, mais sa participation grandit à mesure que le temps passe.
Il est cependant primordial d’offrir au conseiller un rôle dès la phase d’élaboration d’un programme. En effet, l’expert entame souvent sa réflexion pour répondre à une préoccupation de la direction. Bien que la réflexion et la vigie exercée par l’expert permettent l’élaboration d’un bon programme, le conseiller en contact quotidien avec les opérations apportera un point de vue différent et utile. Son rôle à cette étape consistera à préciser le besoin. Il s’exprime aussi à titre de futur utilisateur du programme. Cette participation dans le processus d’élaboration d’un programme permet un meilleur accueil, facilite le succès par l’adaptation aux enjeux du terrain et maximise les bénéfices escomptés.
À l’étape suivante, l’expert est confronté aux enjeux de l’opérationnalisation de son programme. Pour s’assurer que la conception est fonctionnelle, une validation s’effectue par des tests. Le conseiller permet ainsi au programme et à ses outils de migrer de la théorie à la pratique. Le test de la réalité a son importance, puisqu’il permet l’adaptation ultime et favorise l’adoption par le conseiller.
Enfin, cette participation permet d’écourter la période d’adoption par les usagers et sa mise en œuvre. Cet élément est important, puisque la crédibilité et l’influence de la fonction ressources humaines au sein de l’organisation dépendent de son agilité et de sa rapidité de livraison.
Un point fréquemment négligé, c’est le suivi «après-vente». L’expert doit offrir un accompagnement continu et susciter la rétroaction afin de faire évoluer les programmes, politiques et processus d’affaires. Le conseiller bénéficie du soutien de l’expert, améliore son efficacité et son impact. La rétroaction régulière assure l’amélioration constante des programmes et renforce la capacité de la fonction ressources humaines à influencer l’organisation.
Il y a donc une interdépendance des experts et des conseillers dans la qualité de la solution, de sa mise en œuvre et de son impact. Chaque rôle a son importance…
La division par spécialités
Une seconde forme de division du travail est souvent nécessaire, en raison non seulement de la taille de l’entreprise, mais aussi de l’éventail des domaines d’intervention ou spécialités en gestion des ressources humaines. L’illustration ci-dessous présente cette seconde forme de division par spécialités : Dotation, Rémunération, Formation, etc.
Ainsi, cohabitent plusieurs spécialités sans interaction pour la livraison des services, avec un risque d’inefficacité et d’incohérence.
Tout comme l’expert et le conseiller doivent travailler en interdépendance, les représentants de chacune des spécialités doivent faire de même. Par exemple, il est évident que, malgré un processus rigoureux de sélection, un recruteur ne peut pas compléter son processus d’embauche s’il ne dispose pas des conditions salariales appropriées pour conclure. Le processus conduit par le spécialiste de la dotation est donc dépendant d’une autre spécialité, la rémunération.
En outre, la majorité des processus impliquent plus d’une spécialité pour être complétés adéquatement. Les processus sont la somme de sous-processus appartenant à plusieurs propriétaires.
L’utilisation des technologies : incontournableL’utilisation des technologies accroît-elle les risques sur les processus? C’est probable. Autrefois, seule la production de la paie bénéficiait des technologies. Maintenant, outre des applications plus ou moins intégrées supportant plus d’activités et donnant accès à plus d’information sur les ressources humaines, les spécialistes ont aussi accès à des applications dédiées. Ces dernières vont d’un mini-programme pour le suivi des dossiers d’accidents du travail au système de gestion et de diffusion de la formation.
Un bel exemple est l’utilisation de plateformes dans le processus de recrutement. Celles-ci sont parfois pleinement adaptées et intégrées au processus par un fournisseur d’application. Certains utilisent des services sur demande comme les applications partagées offertes par les grands babillards d’emploi.
Grâce aux technologies, on peut réduire le délai de réalisation des activités en accélérant le processus et en réduisant le coût unitaire. Généralement, chaque spécialité possède ses outils technologiques. La multiplicité des systèmes et la multiplicité des propriétaires avec leurs besoins respectifs apportent, comme dans le cas de la division du travail, des risques d’incohérence et d’inefficacité des processus.
La multiplicité et la non-intégration des applications utilisées forcent fréquemment la ressaisie de l’information et d’autres difficultés techniques. Il n’est pas question ici de centraliser sur une plate-forme toutes les activités de gestion des ressources humaines; il faut cependant réaliser que, chaque spécialité étant propriétaire de son processus et généralement des outils que le supportent, elle doit éviter de faire fonctionner en vase clos les processus et les systèmes qui les supportent.
Puisque les processus dépassent souvent les frontières d’une spécialité, les systèmes, aussi, sont transversaux et incontournables.
La solution : l’intégration des processus et des systèmes
Comment l’entreprise peut-elle réduire les risques? Le premier générateur de risque est la division entre les experts et les conseillers. Ce point est illustré ci-dessous par les diagonales et les flèches verticales. Le second générateur de risque provient de la division du travail entre les spécialités. La dépendance entre ces dernières et la transversalité des processus est représentée par les blocs horizontaux.
Pour leur part, les systèmes sont représentés par le bloc horizontal central. De larges flèches verticales illustrent le rôle d’échange et d’accès aux informations qu’apportent les applications à l’expert et au conseiller. Les programmes et les processus traversent les spécialités et sont représentés par la large flèche horizontale.
Que les systèmes soient intégrés ou non, interfacés entre eux ou non, ils soutiennent les processus transversaux. Lorsque plusieurs systèmes cohabitent, plusieurs risques en découlent, de nature technique principalement. Lorsqu’un système intégré est utilisé, les principaux risques sont liés aux processus.
Les systèmes de gestion des ressources humaines sont au cœur des activités de la fonction. L’expérience démontre que les efforts se concentrent sur une problématique à la fois; cette dernière est analysée et solutionnée par l’équipe de la spécialité concernée (vase clos). Le risque d’incohérence s’accroît lorsque plusieurs systèmes cohabitent et que la propriété des systèmes est répartie dans les diverses spécialités.
Considérant la transversalité des processus et des systèmes, il est conseillé de créer un poste d’intégrateur ou une équipe en système RH (ÉSRH). L’intégrateur a pour responsabilité d’assurer la liaison entre les besoins des spécialités, de favoriser le développement de solutions intégrées, c’est-à-dire qui tiennent compte de l’interdépendance entre les processus et les systèmes. Il verra à l’utilisation optimale des systèmes en intégrant la révision des processus dans la recherche de solutions.
Cette responsabilité d’intégration peut se manifester de différentes manières:
- création d’un poste d’intégrateur ou d’une équipe systèmes et processus RH;
- inclusion dans le mandat de chaque expert de la responsabilité d’obtenir le consentement du représentant de chaque autre spécialité;
- constitution d’un comité regroupant les diverses spécialités.
Quelle que soit la taille de l’entreprise ou du service des ressources humaines, il est toujours recommandé de bénéficier des technologies en y associant une réflexion sur les processus visés et, surtout, de valider les impacts sur les divers processus et systèmes. L’intégration au quotidien est le meilleur gage d’efficacité.
Carl Dalbec, CRHA, conseiller principal, Mouvement Desjardins
Source : Effectif, volume 13, numéro 2, avril/mai 2010.