Vous lisez : Le soutien des clients, du patron et des pairs : un gage d’efficacité accrue des interventions-conseils?

Marie est conseillère en dotation dans une grande entreprise de services. Brillante, elle est une véritable experte dans son domaine. Elle dévore chacun des ouvrages et des articles qui traitent de dotation et de gestion des ressources humaines. Récemment, elle s’est rendu compte que ses clients lui confient des mandats toujours plus complexes et qu’elle ne peut plus se fier à sa seule expertise, si vaste soit-elle, pour les soutenir. À bout de ressources, elle cherche désespérément des moyens d’accroître l’efficacité de ses interventions.

La plupart des conseillers se retrouvent un jour ou l’autre dans la situation de Marie. Et plus le contexte d’affaires est difficile, plus les gestionnaires, en perte de repères, leur demandent de fournir rapidement une expertise prête à l’emploi, transférant ainsi le poids de leurs besoins et de leurs défis sur les épaules
des conseillers.

Le risque, pour le conseiller, consiste alors à atteindre les limites de son expertise et à s’épuiser en tentant de répondre aux exigences sans cesse croissantes de ses clients, sans pour autant remettre en question les conditions dans lesquelles il exerce son rôle-conseil. À terme, ce sont la qualité et la pertinence des résultats que produiront ses interventions qui pourraient en souffrir.

Or, ce n’est pas en s’isolant ou en tentant d’accroître son degré d’expertise que le conseiller parviendra à se sortir de cette impasse. Au contraire, dans un tel contexte, il a avantage à se tourner vers ses clients, son patron et ses pairs, trois sources de soutien qui lui permettront de continuer à « performer » tout en enrichissant sa pratique.

La décision de s’associer plus étroitement à ces trois sources de soutien suppose néanmoins que le conseiller accepte de mettre au rancart certains réflexes et de redéfinir sa relation d’affaires et ses modes de collaboration. Bien que ce ne soit pas chose facile, l’expérience démontre que cette redéfinition peut engendrer de réels bénéfices.

S’associer davantage à ses clients
Quand le monde change, dit-on, il faut changer pour rester soi-même. En contexte de transformation profonde, le conseiller doit s’interroger sur les changements à apporter à ses pratiques et à sa façon de soutenir ses clients, afin de s’assurer de produire les meilleurs résultats pour l’organisation.

Il peut sembler audacieux d’affirmer que le conseiller peut obtenir du soutien de ses clients, alors que ces derniers s’attendent souvent à ce qu’il en sache plus qu’eux. Les clients qui adoptent une telle position de « consommateurs » se privent pourtant d’une grande richesse.

Dans un monde en évolution rapide, les conseillers qui réussissent à s’associer étroitement à leurs clients et à faire véritablement équipe avec eux en réalisant les mandats en mode partagé sont ceux qui, à la fois, obtiennent les résultats les plus probants et font de leurs mandats une source d’apprentissage et de développement.

Passer d’expert-pourvoyeur à expert-partenaire est un virage qui doit être négocié avec doigté. En effet, comment vendre à ses clients une approche qui exige un plus grand engagement de leur part? Comment changer leur perception du rôle de conseiller? Comment conjuguer rôles d’expert et de facilitateur afin de tabler davantage sur le savoir détenu par les clients?

S’il veut fonder sa relation avec son client sur de nouvelles bases, le conseiller doit revoir le contrat, tacite ou explicite, qui le lie à lui. Il s’agit avant tout de convenir du fait qu’ils doivent créer la stratégie ensemble et non que le conseiller donne les solutions après avoir reçu une commande.

L’expérience démontre que les conseillers qui ont fait le pari de mettre leurs clients dans le coup en retirent de nombreux avantages, notamment sur le plan de l’efficacité de leurs interventions.

Les fondements de la collaboration conseiller/client
Les meilleures collaborations conseiller/client naissent de la rencontre de deux expertises : celle du conseiller, essentiellement liée au contenu, et celle du client, qui connaît mieux que quiconque son contexte d’affaires et les enjeux de son service. Pour travailler en partenariat avec son client, le conseiller doit revoir les fondements sur lesquels s’appuiera leur nouvelle relation, notamment en :

  • s’assurant de faire des affaires avec son client, ce qui signifie comprendre ce qu’il fait, son contexte, les attentes de ses patrons et employés, ses enjeux et ses objectifs; le but : garantir la valeur ajoutée de ses interventions et mieux en préciser la portée;
  • établissant avec son client les zones de responsabilité respective dans la réalisation des mandats;
  • établissant une relation de complicité stratégique tout en maintenant la distance nécessaire pour conserver son sens critique et argumenter avec le client au besoin;
  • instaurant un climat de confiance, en veillant à ce que ses interventions aient une réelle utilité et en manifestant une grande qualité d’écoute et d’adaptation de même qu’un degré d’éthique élevé;
  • posant les bonnes questions, c’est-à-dire celles qui permettront de détecter les véritables besoins contenus dans l’information fournie par son client;
  • démontrant sa tolérance à l’ambiguïté, en mettant en veilleuse ses réflexes d’expert, en évitant de présenter trop rapidement ses solutions et en acceptant d’explorer avec son client de nouvelles pistes d’action et de vivre les mêmes turbulences que lui, sans le juger.
Le soutien du patron
La relation avec leur patron est une source importante d’apprentissage et de soutien pourtant peu exploitée par les conseillers. Il s’agit pour eux de profiter des habiletés de coach et de guide de leur patron pour les mettre au service de la réussite de leurs mandats, de leur développement et de leurs apprentissages.

Les conseillers qui ne voient leur patron que comme un supérieur hiérarchique et un juge se privent d’un soutien précieux, occupés qu’ils sont à bien paraître, à montrer qu’ils peuvent se débrouiller seuls et à prouver qu’ils peuvent réaliser n’importe quel type de mandats.

Une approche d’accompagnement patron/conseiller fructueuse se fonde sur la création de véritables liens de confiance. Cela exige, de la part du conseiller, de s’engager à partager avec son patron tant ses défis d’apprentissage que les difficultés qu’il peut éprouver dans l’exercice de ses mandats.

En d’autres termes, le conseiller doit accepter d’exposer une certaine vulnérabilité et de faire preuve d’humilité auprès de son supérieur qui acceptera alors de faire de même et d’ajouter les responsabilités de coach à son rôle.

Le soutien des pairs
Les pairs sont sans doute la source de soutien la plus « naturelle » pour les conseillers. Voilà pourquoi les communautés de pratique et les groupes de codéveloppement sont des lieux de ressourcement qui permettent aux conseillers de briser leur isolement, d’éviter les pièges associés à l’exercice du rôle-conseil (voir encadré ci-dessous) et de se développer au contact des autres.

Dans ces groupes, les conseillers peuvent, d’une part, partager en toute sécurité leurs interrogations et leurs pistes d’expérimentation et, d’autre part, obtenir une rétroaction éclairée de plusieurs personnes. En contrepartie, ils peuvent s’enrichir au contact des expériences vécues par leurs pairs sur une foule de sujets liés à leur pratique.

D’autres formes de soutien entre pairs sont également possibles : il peut s’agir, par exemple, de deux collègues qui conviennent de s’appuyer au moyen d’un partenariat d’apprentissage ou de coaching mutuel.

Il existe parfois une certaine concurrence entre conseillers d’une même équipe qui limite les demandes d’appui. Toutefois, les équipes où règne un bon climat sont des lieux favorables à la mise en place de pratiques qui favorisent le soutien, notamment par l’analyse d’études de cas abordant des notions comme la compréhension du contexte d’affaires du client, les enjeux, le choix du plan d’intervention et les résultats produits.

Un autre moyen pour un conseiller d’obtenir du soutien est d’inviter un collègue à l’accompagner lors d’une intervention auprès d’un client, en lui demandant par exemple d’observer certains aspects de sa pratique et de lui donner une rétroaction par la suite.

Un rôle élargi
Pour instaurer un véritable climat de collaboration où le soutien est à l’avant-plan de la relation, le patron et le conseiller doivent faire un choix éclairé. Le conseiller doit accepter de discuter avec son patron des enjeux liés à l’exercice de son rôle. Le patron doit pour sa part accepter de dépasser son rôle d’évaluateur et d’intégrer également celui de guide.

Patron-évaluateur Patron-guide
  • Relation d’autorité.
  • Échanges sur les dossiers.
  • Évalue le résultat des interventions.
  • Peu d’investissement personnel.
  • Confie des mandats selon l’expertise du conseiller.
  • Relation de confiance et de transparence.
  • Échanges sur les apprentissages.
  • Soutient la réalisation des interventions.
  • Engagement personnel dans le développement du conseiller.
  • Confie des mandats qui appuient les objectifs d’apprentissage du conseiller.
Les pièges du conseiller
La route vers une plus grande association avec ses clients, son patron et ses pairs est parfois pavée de pièges. Il peut être tentant de retomber dans ses vieux réflexes! Voici les principaux pièges qui guettent les conseillers.

« Forcer » à la place du client
Le conseiller est convaincu qu’il porte sur ses épaules l’entière responsabilité de la réalisation et du succès des mandats qui lui sont confiés. Bref, il « veut » plus que son client.

Vouloir convaincre à tout prix
Le conseiller est persuadé de détenir la seule réponse au problème du client. Dès lors, il déploie toute son énergie pour convaincre ce dernier du bien-fondé de sa solution, au risque de le mettre de côté.

Se sentir indispensable
Le conseiller croit que ses clients ne peuvent se passer de lui et il fait tout son possible pour qu’il en soit ainsi. D’abord très grisante, cette attitude peut engendrer un lien de dépendance entre le conseiller et ses clients et, à terme, devenir un fardeau lourd à porter.

Se précipiter dans l’action
Le conseiller cède à la pression du client qui veut une réponse pour hier, sans pour autant prendre le temps d’entrer en relation avec lui et d’établir un contrat clair. En voulant répondre au besoin du client, il ne se donne pas les conditions nécessaires pour réaliser adéquatement son mandat.

Placer la barre trop haut
Le conseiller est très exigeant envers lui-même, parfois même plus que ses clients et son patron. Il vise la perfection et ne se donne pas droit à l’erreur. Il peut alors en faire plus que le client n’en demande.


Un passage à réussir
La transition d’expert-pourvoyeur à expert-partenaire exige qu’on y consacre beaucoup de soin. En effet, il se peut que les gestionnaires, prompts à passer des commandes aux conseillers, hésitent à les faire participer à la réflexion sur leurs enjeux stratégiques. Il est aussi possible que les conseillers eux-mêmes – et leurs patrons – aient du mal à se défaire de leurs réflexes d’experts et à laisser plus de place aux clients dans leurs interventions.

Pourtant, les ressources d’un seul individu, aussi riches soient-elles, ne suffisent plus à affronter les défis complexes des organisations. C’est en mettant ces ressources en synergie et en favorisant l’émergence d’une intelligence collective que de véritables voies nouvelles peuvent être identifiées et expérimentées.

L’expérience démontre que les conseillers qui réussissent à élargir leur palette d’intervention en s’associant plus étroitement à leurs clients, à leur patron et à leurs collègues sont en mesure de contribuer de façon encore plus probante à la performance de leur organisation.

Michel Gendron, CRHA, président-directeur général et associé, Laurent Chartier, CRHA, FCMC, associé émérite,et Steve Gildersleeve, ADM. A., FCMC, conseiller senior en management et associé, Groupe Conseil CFC

Source : Effectif, volume 12, numéro 2, avril/mai 2009.

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