Vous lisez : De nouvelles compétences pour les futurs leaders RH

Traduit par Danièle Veillette, traductrice agréée [ English version ]

Le leadership consiste essentiellement à donner forme à ce qui devrait être fait. Notre travail sur la marque de leadership nous a permis de constater qu’un bon leadership suppose qu’il faut d’abord comprendre les attentes des clients, puis créer les compétences et les capacités de direction qui vont permettre de combler ces attentes. On observe l’existence d’une marque de leadership au sein d’une entreprise lorsque tous les leaders de l’organisation pensent et agissent en ayant à l’esprit l’expérience client.

Pour leur part, les leaders en ressources humaines contribuent plus que jamais à créer la marque de leadership. Les activités associées aux ressources humaines touchent en effet chaque employé au moins hebdomadairement (formation, rémunération, communications). Les leaders doivent donc donner forme à l’âme de l’entreprise et démontrer par leurs actions ce que les clients veulent. Ils sont vus par tous. Ces activités doivent aussi servir à communiquer aux employés ce que les clients attendent.

Dans le cadre de notre travail sur le leadership en gestion des ressources humaines, nous avons commencé par aborder la question des compétences (valeurs, connaissances, comportements). Depuis plus de vingt ans, nous consignons l’évolution du rôle des professionnels de la gestion des ressources humaines, tant au plan qualitatif que quantitatif. Tous les cinq ans, nous effectuons une vaste étude et nous recensons les compétences qu’ils doivent posséder. Lors de notre plus récente étude, nous avons sondé plus de dix mille personnes dans six régions du monde.

Forts des données recueillies, nous pouvons présenter avec confiance les compétences que les professionnels de la gestion des ressources humaines doivent posséder pour devenir des leaders.

Survol des compétences
Les professionnels qui possèdent les bonnes compétences donnent non seulement eux-mêmes un meilleur rendement, mais ils améliorent également la performance de l’ensemble de l’organisation. Ils sont plus susceptibles de motiver les employés, de mieux servir les clients et de créer une richesse intangible pour les actionnaires. Les compétences en matière de gestion des ressources humaines définissent ce que l’on attend d’eux et elles constituent, de ce fait, une base aux fins de l’évaluation et de l’amélioration de leur qualité.

Depuis 1988, nous suivons l’évolution constante des compétences de ces professionnels. Nous avons entrepris notre recherche avec l’intention de résoudre trois problématiques :

  • définir les compétences qui ajoutent la plus grande valeur pour les principales parties prenantes;
  • déterminer comment les professionnels de la gestion des ressources humaines acquièrent ces compétences de la façon la plus rapide et la plus efficace;
  • déterminer la relation entre les compétences et les pratiques de gestion des ressources humaines, d’une part, et la performance de l’entreprise, d’autre part.

Pour ce faire, nous avons décidé d’effectuer une vaste étude (Human Resources Competency Study, HRCS) auprès des professionnels de la gestion des ressources humaines et de leurs collègues liés ou non à la gestion des ressources humaines. Nous avons ainsi procédé à cinq grandes collectes de données (1988, 1992, 1997, 2002 et 2007). Pour chacune de ces collectes, nous avons utilisé la même méthodologie, c’est-à-dire que nous avons fait parvenir un sondage aux professionnels concernés, qui l’ont ensuite transmis à leurs collègues. Ce sondage contenait des questions sur les compétences et le rendement du professionnel concerné et sur la performance de l’entreprise qui l’emploie.

Lors du cinquième et plus récent sondage, nous avons interrogé 1700 professionnels et 8300 collègues dans six régions du monde.

Le nouveau modèle des compétences du leader RH
Pour déterminer les nouvelles compétences, nous avons procédé à une analyse statistique des réponses aux cent trente-deux questions sur les aptitudes ou les connaissances que les professionnels de la gestion des ressources humaines devraient posséder. Nous avons regroupé les questions en fonction de leurs similitudes et dégagé ainsi six champs de compétence. Ceux-ci tiennent compte du fait que les compétences englobent non seulement des connaissances, habiletés et valeurs, mais aussi la capacité de mettre ces connaissances à profit, dans l’intérêt de l’organisation. Ainsi, il apparaît que les professionnels de la gestion des ressources humaines doivent posséder des connaissances mais, plus encore, qu’ils doivent mettre leurs connaissances en application. Le tableau 1 montre le modèle des compétences, qui est expliqué dans les paragraphes suivants.

Ce tableau montre que les professionnels de la gestion des ressources humaines doivent avoir des compétences relatives aux personnes et à l’entreprise (flèches). Lorsque l’entreprise vit une période de changement, ils doivent se préoccuper des personnes de l’organisation, c’est-à-dire manifester de la sollicitude et de la compassion pour les employés. Ces compétences rejoignent l’aspect humain de l’expression « ressources humaines ». Cependant, ils doivent aussi se préoccuper des attentes des clients et des investisseurs en veillant à ce que des stratégies soient conçues et mises en pratique. Il n’est pas possible de se soucier d’un aspect et de négliger l’autre. Aussi, en tenant compte de ces deux aspects, nous avons relevé six champs de compétence portant sur les relations, les processus et les capacités, que nous décrivons ci-dessous.

Acteur crédible. Un bon leader est à la fois un acteur (qui offre son point de vue, qui prend position, qui met en question les hypothèses) et crédible (respecté, admiré et écouté). C’est ce que l’on appelle une gestion résolue des ressources humaines. Un leader crédible qui n’est pas un acteur suscite l’admiration mais n’a pas beaucoup d’influence. Celui qui est un acteur mais qui n’est pas crédible aura beau avoir des idées, on ne l’écoutera pas. Au plan statistique, cette compétence s’avère la plus importante des six compétences. Le leader compétent n’est plus celui qui obtient une place à table; c’est celui qui, lorsqu’il est à table, participe à la discussion – qui fait plus que prendre les notes lors des discussions stratégiques.

Promoteur de la culture et du changement. Le leader évalue, exprime clairement et aide à façonner la culture d’une organisation. Un bon promoteur sait que la culture commence avec une définition claire des attentes des clients et des actionnaires (ce que l’on appelle l’identité ou la marque de l’entreprise), et il peut établir le lien entre ces attentes et les comportements des employés et de l’organisation. Il respecte la culture en place et il sait comment il faut façonner la culture pour relever les défis actuels et futurs. Il facilite cette transformation en mettant à exécution ce que l’on sait notamment au sujet des changements que l’entreprise doit apporter, des initiatives stratégiques, etc.

Gestionnaire des talents/concepteur organisationnel. Un bon leader maîtrise la théorie, la recherche et la pratique tant en ce qui concerne la gestion des talents que la conception organisationnelle. La gestion des talents porte sur l’embauche, le perfectionnement, l’avancement ou le départ des personnes. La conception organisationnelle désigne la façon dont une entreprise intègre les capacités (par exemple la collaboration) à la structure, aux processus et aux politiques qui sous-tendent le fonctionnement de l’organisation. Le leader compétent comprend qu’il doit y avoir un équilibre entre les deux volets de ce rôle. Le talent et l’organisation ne peuvent exister distinctement; ils doivent être gérés ensemble pour permettre l’atteinte des buts de l’entreprise. Le talent ne peut se maintenir sans le soutien de l’organisation et celle-ci ne produira pas les résultats attendus si elle ne peut compter, pour l’exercice des fonctions cruciales, sur des personnes de talent qui possèdent les bonnes compétences.

Architecte de la stratégie. Un bon leader voit comment l’organisation peut prospérer et il joue un rôle actif dans la mise en place de la stratégie globale qui permettra de concrétiser cette vision. Cela signifie qu’il doit reconnaître les tendances économiques et leur incidence sur l’entreprise, prévoir les obstacles éventuels à la réussite et faciliter le processus d’établissement d’une stratégie claire. Il reconnaît également la nécessité de lier le fonctionnement interne et les attentes externes des clients en rendant les stratégies axées sur les clients concrètes pour les employés de l’organisation.

Exécutant opérationnel. Un bon leader exécute les aspects opérationnels de la gestion des personnes de l’organisation. Des politiques doivent être rédigées, adaptées et appliquées. Les employés ont aussi d’autres besoins (par exemple être payés, mutés, engagés et formés) qui supposent l’exercice de fonctions administratives. Le leader a la responsabilité de s’assurer que les besoins élémentaires des employés sont pris en considération de façon efficiente grâce à la technologie, aux services partagés ou à l’externalisation. Ce travail administratif, s’il est exécuté correctement et suivant une application uniforme des politiques, confère de la crédibilité au leader.

Allié de l’entreprise. Pour réussir, les entreprises doivent établir des buts et des objectifs qui leur permettent de réagir aux possibilités et aux menaces extérieures. Un bon leader contribue à la réussite de l’entreprise en ayant une connaissance du contexte social dans lequel elle exerce ses activités. Il sait également comment l’entreprise réalise des profits, ce que l’on appelle la chaîne de valeur de l’entreprise (qui sont ses clients, pourquoi ils achètent les produits ou les services de l’entreprise). Enfin, il a une bonne compréhension des divers secteurs de l’entreprise (finances, commercialisation, recherche et développement, ingénierie), de ce qu’ils doivent accomplir et de la relation entre ces secteurs, de façon à contribuer à la réalisation de profits par l’entreprise.

Ces compétences ont été identifiées comme étant celles qui déterminent le rendement individuel perçu du professionnel de la gestion des ressources humaines aussi bien que celles qui ont une incidence sur les résultats de l’organisation.

Nous avons constaté avec intérêt que l’on estime ces compétences nécessaires autant pour le professionnel en début de carrière que pour celui qui exerce des fonctions de cadre supérieur au sein d’une organisation. Bien que les compétences exigées soient les mêmes quel que soit le palier de gestion, leur application à l’intérieur du champ d’influence de chacun peut varier. Quoiqu’il en soit, il est particulièrement important que les leaders comprennent ces compétences pour exercer leur rôle au sein de l’équipe de direction et pour déterminer comment bien outiller les professionnels de la gestion des ressources humaines de leur organisation pour que ceux-ci puissent avoir une influence sur l’entreprise.

Conclusion
En vingt ans de recherche, nous n’avons pas vu l’importance ou la prééminence de la gestion des ressources humaines décliner. Les entreprises ont besoin de meilleurs leaders qui possèdent un niveau de compétence plus élevé pour créer un avantage concurrentiel. Ceux qui auraient réussi il y a trente, vingt ou même dix ans ne réussiraient peut-être pas aujourd’hui. Les leaders RH ont de nouveaux rôles à jouer pour lesquels ils doivent posséder les compétences qui sont nécessaires aujourd’hui.

Grâce à l’étude sur les compétences en gestion des ressources humaines, les leaders ont une meilleure compréhension des compétences dont ils ont besoin pour avoir une incidence sur la performance de l’entreprise.


Notes

Ulrich, D., Smallwood, N. (2007). Leadership Brand Harvard Business School Press

The work we have done has been published in many places of the last 20 years. A few of those publications include:

  • Ulrich, D., Brockbank, W., & Yeung, A. (1990). Beyond belief: A benchmark for human resources. Human Resource Management, 28( 3): 311-335.
  • Ulrich, D., Brockbank, W., Yeung, A. &Lake, D. (1995). Human resource competencies: An empirical assessment. Human Resource Management Journal, 34(4): 473-496.
  • Yeung, A., Brockbank, W. &Ulrich, D. (1994). Lower cost, higher value: Human resources function in transition. Human Resource Planning Journal 17(3): 1-16.
  • Brockbank, W. &Ulrich, D. (2003).Competencies for the new HR. Arlington, VA: Society of Human Resource Management.
  • Brockbank, B. & Ulrich, D. HR Competencies that make a difference. To appear in Strategic HRM edited by John Storey, Patrick Wright, and Dave Ulrich. To be published by Routledge.

We are grateful in the fifth round of the Study conducted in 2007 for the support of our global partners:

  • Society for Human Resource Management (SHRM), a partner in 2002 and 2007, who represented North America
  • IAE, the Management and Business School of Universidad Austral in Argentina, a partner in 2002 and 2007, headed by Professor Alejandro Sioli and Michel Hermans. IAE represented Latin America.
  • Irish Management Institute (IME) headed by Martin Farrelly with the assistance of Grace Kearns, representing Europe.
  • Tsinghua University in Beijing, China, headed by Dr. Xiaoming Zheng and Dr. Felicia Deng.
  • Australian Human Resource Institute (AHRI) who worked in Australia and Asia Pacific, headed by Paul Dainty with the assistance of Anne Marie Dolan.
  • National HRD Network in India, which focused on data collection from India headed by Jagdeep Khandpur.

These regional partners took responsibility to identify companies in their geographies and were instrumental in facilitating data collection and analysis. This study is impossible without their collaboration and we are very grateful for their active involvement.


Dave Ulrich
, professeur, Ross School of Business, University of Michigan, et partenaire et cofondateur, RBL Group, et Dani Johnson, directrice des opérations et de la recherche, RBL Group

Source : Effectif, volume 11, numéro 1, janvier/février/mars 2008.
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