Vous lisez : Et si les meilleures pratiques n’étaient pas toujours les bonnes pratiques?

La recherche de pratiques d’excellence contribue probablement plus à renforcer la motivation qu’à inciter à un rendement supérieur. Elle peut être une façon de masquer l’aversion au risque, de dissimuler la peur de l’échec, de gagner du temps. Nous nous convainquons que nous devrions savoir ce que fait notre concurrence; c’est pourquoi nous nous inspirons de pratiques d’excellence des entreprises qui se rapprochent le plus de notre sujet de préoccupation.

Il est possible que, dans notre tentative d’éviter l’échec, nous utilisions l’analyse comparative afin de découvrir la vérité. Mais l’information recueillie est trop souvent incomplète : elle manque de documents sérieux ou de données statistiques.

La meilleure pratique comme mauvaise pratique
Les décideurs devraient-ils prêter attention à la dynamique concurrentielle lorsqu’ils évaluent une information comparative?

Une étude intitulée Expanding the Innovation Horizon, publiée en 2006 par IBM Global Business Services, a réuni un groupe de chefs de direction qui ont confirmé l’importance de l’innovation et de la transformation du modèle d’entreprise. « Le modèle d’entreprise que nous choisissons déterminera le succès ou l’échec de notre stratégie. » Quatre sur dix des créateurs de modèles d’entreprise craignaient que les changements dans le modèle d’entreprise d’un concurrent perturbent la dynamique concurrentielle de toute l’industrie. Ces chefs de direction ont conclu que la collaboration était un des éléments de l’innovation en matière de modèle d’entreprise qui mènerait à de vrais gains. Mais si ce modèle d’entreprise collaboratif fait vraiment la différence entre le succès et l’échec, est-ce que cela signifie qu’une stratégie partagée pourrait engendrer des gains partagés ou l’échec de plusieurs organisations plutôt qu’un incident isolé?

Est-ce que l’innovation et la dynamique concurrentielle quand il est question de modèles d’entreprise créent un scénario qui incite à la prudence envers les meilleures pratiques? Une pratique d’excellence doit être envisagée dans le contexte de la dynamique des systèmes, y compris les modèles d’affaires (vue d’ensemble), l’exploitation (quand et comment un processus fonctionne), les produits et les services (quoi et qui) ainsi que la pertinence (adaptation globale à l’organisme).

Discernement
Les gestionnaires qui établissent une stratégie en se fiant aux données provenant d’une analyse de l’environnement devraient être prudents. Une entreprise ne peut adopter des choix prédéfinis, qui influencent les décisions et les actions d’une autre organisation, en s’attendant à obtenir les mêmes résultats. Monsieur Michael Porter, directeur de l’Institute for Strategy and Competitiveness de Harvard, met en garde contre l’adoption des pratiques d’excellence d’une autre entreprise, puisque c’est une application très difficile. « Le vrai défi de la gestion est le fait qu’il faut faire les choses ensemble, en même temps. »

Monsieur Jonathan Becher, chef de la direction de Pilot Software, a affirmé ce qui suit dans son blogue, à l’automne 2006 : « Il me semble que le langage des meilleures pratiques est souvent complètement vide. La manie d’appeler meilleures pratiques des processus arbitraires ou des applications freine la croissance d’une industrie, maintes et maintes fois. »

Nous utilisons les pratiques d’excellence depuis longtemps, bien avant qu’elles n’aient été nommées et identifiées comme étape préliminaire d’une analyse de l’environnement externe. Vous vous souvenez de vos premiers séminaires sur la façon de vous vêtir pour avoir du succès? On vous disait d’imiter l’image projetée par la personne qui occupe le poste convoité. C’est ainsi que des candidats à la présidence (des États-Unis) observent le président en poste et se demandent comment il s’habille lorsqu’il parle aux électeurs, lorsqu’il parle au Congrès ou lorsqu’il est en vacances. La recherche d’une pratique d’excellence dicterait au candidat d’imiter ceux qui ont réussi à atteindre le poste convoité. Si la mise en pratique des constatations ne faisait pas preuve de discernement, nous aurions encore des candidats qui portent perruque et collants! La recherche de ce qui a déjà été fait est donc très utile lorsque l’information recueillie est examinée dans le contexte actuel et futur de l’organisation.

La recherche de la meilleure pratique est extrêmement profitable lorsque l’entreprise qui cherche l’information a une vision complète et franche de son environnement interne. Elle n’obtiendra pas de résultats d’évaluation semblables si elle ne peut distinguer les différentes conditions qui entraînent un aboutissement déterminé.

Approche du système global
Étudiez les résultats de votre organisation (revenus, dépenses, image de marque, roulement, climat de travail, relations avec les clients, litiges, évaluation des risques, etc.). Certains feraient probablement partie de votre liste de francs succès et d’autres d’éléments que vous cherchez activement à améliorer. Les systèmes humains, mécaniques et procéduraux ont tous participé à créer ces résultats.

Votre évaluation actuelle de l’environnement est une représentation des systèmes qui sont en place. Un système complet s’est formé pour créer exactement ce que vous avez actuellement : un résultat parfait fondé sur des intrants. La théorie des systèmes nous apprend qu’une variable, en apparence insignifiante, peut engendrer une série d’événements qui changent le résultat désiré. Cela peut prendre des années à élaborer certains de ces intrants avant d’arriver à un résultat.

Monsieur Ram Charan, coauteur de Execution, remarque : « C’est rare qu’une organisation échoue à cause d’un mauvais plan ». Au moment de mettre les stratégies en œuvre, ce sont les éléments et les interactions tangibles et intangibles qui créent un résultat. Ce résultat, dans sa perfection, est ce que nous pouvons déterminer comme source de la « meilleure pratique ».

On ne trouvera pas deux systèmes mettant en jeu des interactions humaines qui donneront exactement les mêmes résultats. Ceux qui tentent de reproduire exactement des réalisations en appliquant des pratiques d’excellence dans leur propre organisation ne peuvent y arriver à moins d’avoir en place exactement le même système, ce qui est très peu probable, voire impossible.

Pourquoi un si grand nombre d’organisations effectuent-elles une étude des meilleures pratiques comme étape préliminaire à l’établissement de stratégies et à la prise de décision? Les historiens nous avertissent pourtant d’éviter de reproduire les erreurs passées en étudiant l’histoire. Or, les meilleures pratiques sont une étude de l’histoire. Elles ne sont pas un plan pour reproduire des résultats. En effet, les résultats publiés ne mentionnent pas les subtilités systémiques requises pour créer ce résultat spécifique. Le système interne n’est pas stationnaire, mais bien dynamique. La recherche d’une meilleure pratique est toujours une rétrospective sur des variables qui continuent de se développer. La recherche d’une meilleure pratique, lorsqu’elle fait partie d’une approche systémique de prise de décision, est une pratique collaborative pour chercher des tendances, comprendre ce qui est efficace et ce qui ne l’est pas, et utiliser cette information pour créer une stratégie unique à l’organisation actuelle.

Évaluer les pratiques des autres
Les meilleures pratiques ne fourniront aucune information cohérente à moins que le résultat soit envisagé dans le contexte de son environnement. Lorsque des résultats sont comparés, ce contexte peut faire la différence entre choisir des stratégies appropriées ou inappropriées.

Conseil
Une organisation qui cherche à découvrir les meilleures pratiques des autres entreprises devrait d’abord s’examiner.

Structure d’une interrogation

1re étape – Déterminez pourquoi vous cherchez l’information. Pourquoi est-ce important de savoir ce que fait X? Qu’avez-vous l’intention de faire avec cette information?

2e étape – Déterminez l’activité ou l’information que vous cherchez : produit, service, marchés, exploitations, ressources, etc.

3e étape – Choisissez les questions structurelles et contextuelles à poser à l’organisation à laquelle vous vous comparez et à votre propre organisation.

4e étape – Déterminez la ou les personnes les plus qualifiées pour réaliser le sondage.

Conseil
La ou les personnes qui recueillent l’information posent des questions semblables à chaque source, tout en ayant la capacité d’approfondir le sujet.

Conseil
Lorsqu’ils assignent la tâche d’une étude comparative, les cadres supérieurs ne doivent pas exprimer leur opinion ou leurs hypothèses sur l’information à collecter et sur sa possible application.

Évaluation de l’information recueillie

1re étape – Quels sont les obstacles contrôlables et dans les limites du champ d’application? Ce sont des variables qui peuvent avoir un effet sur les résultats. Si l’on ne tient pas compte des variables durant la planification d’un sondage, l’évaluation des données comparatives et les décisions qui s’ensuivent peuvent être faussées.

2e étape – Déterminez les pratiques de rechange et étudiez-les.

3e étape – Les évaluateurs des idées recueillies doivent discuter leurs impressions et les implications.

Conseil
Il est recommandé que l’information recueillie soit clarifiée par des spécialistes extérieurs avec lesquels on pourra discuter.

 Questions concernant le contexte des systèmes

  1. Quelles sont les similarités?
  2. Quel est le leadership de l’organisation?
  3. Comment l’organisation est-elle structurée?
  4. Qui crée la stratégie?
  5. Quels sont les mécanismes de communication interne?
  6. Comment la technologie est-elle utilisée?
  7. Quels sont les projets immédiats de changement face à la technologie et à son utilisation? Est-ce que ces changements auront un impact sur notre commerce?
  8. Tracez un graphique du flux de l’information.
  9. Les employés ont-ils, comparativement, accès à plus d’information?
  10. Les situations de conflit sont-elles évitées, ou perçues comme exercice utile?
  11. Quelles sont les personnes qui mettront la stratégie en œuvre? Sont-elles compétentes pour le faire?
  12. Comment les bonnes personnes sont-elles choisies pour effectuer les bonnes tâches?
  13. Quelles sont les compétences de ces personnes?
  14. Les suggestions et les décisions sont-elles appuyées par des données?
  15. À quels enjeux critiques l’organisation doit-elle faire face?
  16. Quelles sont les parties prenantes de l’organisation?
  17. Comment chaque partie prenante évalue-t-elle l’organisation?
  18. Jusqu’à quel point les personnes sont-elles récompensées pour leur importante contribution individuelle, comparativement à une contribution en équipe?
  19. Jusqu’à quel point chaque unité opérationnelle connaît-elle bien ses produits et sa concurrence?
  20. Le plan actuel est-il ciblé et expliqué de façon efficace?
  21. Quelles sont les stratégies de produits et d’établissement de prix?
  22. Quelle est la culture de l’organisation?
  23. Est-ce qu’on encourage ou récompense les innovations?
  24. Relativement aux meilleures pratiques, le but est-il de prendre de l’avance, de rester en arrière ou d’aller de pair?
  25. L’organisation adopte-t-elle les bonnes idées?
  26. Quels sont les résultats d’une bonne idée?
  27. Si quelqu’un me demandait d’expliquer nos bonnes pratiques, est-ce que je réussirais à donner les définitions que j’espérerais d’un employé d’une autre entreprise?

La recherche des meilleures pratiques peut fournir de l’information précieuse aux organisations qui cherchent à améliorer et à perfectionner leurs processus et leurs pratiques. Cependant, utiliser des meilleures pratiques automatiquement, sans s’assurer qu’elles sont appropriées à la taille et au type de l’organisation qui les emploie ou si elles lui conviennent, peut être difficile et même désastreux dans le pire des cas. Il ne faut pas décourager la recherche des pratiques d’excellence. La plupart du temps, collaborer avec d’autres organisations produit un meilleur résultat lorsqu’on sait distinguer l’application appropriée au sein du système en question.

Maggie Aldrich, SPHR, directrice du développement organisationnel, Pima Community College, Ore Valley, Arizona. Juin 2007

Traduit par Marie Livernois.
Reproduit avec la permission de la Society for Human Resource Management (SHRM). Tous droits réservés.

Source : Effectif, volume 10, numéro 5, novembre/décembre 2007.

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