Dans le feu de l’action, on ne prend pas toujours le temps de se demander si la demande du client correspond bel et bien à son besoin. Pourquoi valider le besoin du client? C’est d’abord en vue de faire les bonnes choses, dans les règles de l’art. Il est possible de définir la demande du client comme étant la solution qu’il a trouvé à son problème. Est-ce la bonne solution?
Prenez, par exemple, une personne qui se présente chez le médecin avec des symptômes. Un bon médecin va-t-il demander une intervention chirurgicale sans faire passer d’examens? Il doit veiller à bien cerner la source du problème avant de choisir l’intervention médicale appropriée. Il doit s’assurer de poser le bon diagnostic ou de valider celui d’un collègue, parce qu’il est responsable de l’intervention qu’il va poser.
Il en va de même du côté des ressources humaines. On ne fait pas d’intervention de consolidation d’équipe si le problème se situe entre le supérieur immédiat et son employé, même si la demande précise que « les employés manquent d’esprit d’équipe » d’après le supérieur immédiat. En prenant la peine de s’assurer que la demande correspond au besoin, on peut découvrir qu’une partie du problème provient des perceptions du demandeur.
Qu’est-ce que sont le besoin, la demande et l’attente?
« … le besoin est décrit comme une exigence à satisfaire. Ce concept d’exigence nous permet de reconnaître immédiatement la caractéristique la plus fondamentale d’un besoin : le besoin révèle essentiellement un manque ou une déficience éprouvée par un ou plusieurs individus. En tant que tels, les besoins sont alors pour nous des sources de motivation pour l’action. Leur présence exige de notre part un geste, une intervention. »1
Selon cette définition, la demande provient du manque, mais n’est pas nécessairement le besoin. Cela a pour effet que le client perçoit parfois le manque comme étant la solution. En posant les bonnes questions, il est possible de découvrir le besoin présent sous la manifestation d’insatisfaction en lien avec la situation. Le besoin est généralement déterminé en fonction du cadre de référence du demandeur.
L’attente, c’est ce que le client attend de nous sur les plans technique et relationnel et qui n’est pas nommé. La requête sera alors la demande explicite du client. Une attente est quelque chose auquel on s’attend. On pense que cela va arriver. Cela peut être positif ou négatif. On espère que les événements seront positifs, mais il se peut que l’on s’attende à ce que ce soit difficile. L’attente est quelque chose que l’on désire et le désir peut être considéré comme une source de motivation ou de souffrance. Il prend sa source dans le besoin, mais n’est pas le besoin lui-même.
En résumé, la demande est ce que le client pense qu'il doit appliquer comme solution. Le besoin est ce qui lui pose problème. Dans l'exercice du rôle-conseil, même si ça a l'air pointilleux au départ, il est nécessaire de valider le besoin avant de décider si on accepte ou non d'aller dans le sens de la demande. Quant à l’attente, c’est le résultat souhaité.
Dans un contexte de rôle-conseil, le conseiller/consultant doit non seulement faire attention de poser de bonnes questions au client, mais aussi se poser des questions sur ses propres besoins et ses biais qui peuvent interférer dans son évaluation du besoin du client. Il est aussi important de « gérer » les attentes du client pour s’assurer qu’elles sont réalistes compte tenu de la situation.
Voici quelques questions que le conseiller/consultant doit poser au client pour s'assurer qu’il travaille à répondre à un besoin et non uniquement à un souhait ou un intérêt personnel tant du client que de sa part :
- À quoi ce que vous demandez comme intervention réfère en terme de vécu?
- Quelles sont les difficultés que vous rencontrez?
- Comment cette situation vous affecte-t-elle?
- Qu’est-ce qui vous dérange ou vous préoccupe?
- Que souhaitez-vous atteindre comme résultat?
- Qu’est-ce qui vous rendrait satisfait à la fin de notre démarche?
- Quels sont les enjeux que vous percevez dans cette situation, tant sur le plan organisationnel que pour vous?
Dans la perspective d'une approche réflexive d'amélioration de sa pratique professionnelle, voici quelques questions que le conseiller/consultant peut se poser :
- Est-ce que j’essaie d’orienter la demande du client selon des préférences personnelles non compatibles avec l’intervention qui devrait être faite?
- Mes valeurs me biaisent-elles et m’empêchent-elles d’intervenir de manière éthique?
- Suis-je centré sur le besoin du client ou sur la solution que je pourrais offrir?
- Est-ce que j’ai identifié un objectif clair avec le client?
- Ai-je aidé le client à identifier un objectif réaliste en tenant compte des différentes contraintes?
- Me suis-je assuré que la demande du client va dans le sens de la collectivité et qu’elle ne poursuit pas des fins personnelles?
- Qui est concerné par la situation? Auprès de qui allons-nous intervenir?
- Est-ce un contrat/mandat d’exécution, de conseil ou d’expert?
- Est-ce que j’accepte ce contrat/mandat?
Conclusion
En posant et en se posant ces questions, nous diminuons les risques d’erreurs pour le plus grand bien de nos clients tout en faisant preuve du professionnalisme requis par notre profession.
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À propos de l'auteure
Louise Charette, CRHA, c.o. organisationnel, présidente de Multi Aspects Groupe inc., travaille en développement organisationnel depuis 1989. Elle a développé son expertise dans l’intervention auprès des équipes de travail, la formation des formateurs, le rôle-conseil et le développement des personnes au sein des organisations. On peut la joindre par téléphone [418 651-4740] ou par courrier électronique [louise.charette@multiaspects.com]. Site web : www.multiaspects.com
1. Monette, Marcel et Mario Charette (1995). Les besoins de la clientèle. Québec, Presses Inter Universitaires.