Vous lisez : Quels besoins de formation combler grâce au PACME?

Au milieu de tous les problèmes créés par la pandémie, le Programme actions concertées pour le maintien en emploi (PACME ) apparaît comme une opportunité rare pour les entreprises québécoises : profiter de la pause forcée de leurs activités pour former leurs employés, les rendre plus productifs et polyvalents, de même que les préparer à la reprise économique qui devrait suivre la crise.

L’occasion mérite d’être saisie. Après la crise, même si beaucoup de gens se retrouveront sur le marché du travail, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée se fera sentir avec la même acuité qu’avant.

Comment profiter intelligemment du programme? « Les organisations devraient s’en servir pour combler leurs besoins en formation, observe Geneviève Schoeb, Ph. D., CRHA, psychologue organisationnelle et consultante en développement organisationnel chez Alia Conseil. Mais encore faut-il qu’elles connaissent bien leurs besoins. »

Or, cette connaissance n’est pas instinctive. L’urgence de la situation, l’attrait de la subvention, la rapidité avec laquelle il faut l’utiliser (puisque les formations doivent se terminer avant le 30 septembre pour être admissibles), le souhait d’occuper des employés plutôt que de les mettre à pied, la promotion intensive de nombreux fournisseurs de formation : tous ces facteurs pourraient précipiter les entreprises vers des formations mal adaptées à leurs besoins réels.

Pour déterminer les besoins en formation à combler dans le cadre du PACME, l’approche varie selon que l’entreprise avait déjà ou non un plan de formation avant la pandémie.

Si l’entreprise avait un plan de formation : le réviser en fonction du nouveau contexte

« La première chose à faire serait de réviser le plan pour s’assurer qu’il répond toujours aux besoins futurs de l’organisation, dit Geneviève Schoeb. L’entreprise va-t-elle sortir de la crise en reprenant exactement la même offre de produits et services et les mêmes processus qu’avant? Si des changements sont à prévoir, quels sont leurs impacts sur les compétences dont l’entreprise aura besoin dans l’avenir? »

La révision du plan de formation n’est donc pas simple. Les professionnels RH devraient au moins éliminer, dans les formations prévues, celles qui risquent de ne plus être pertinentes. Après, il faut comprendre l’incidence de la nouvelle normalité  et outiller en conséquence. C’est peut-être une opportunité pour enfin former vos employés sur des compétences de base (lecture, français, numérique, etc.).

Si l’entreprise n’avait pas de plan de formation : analyser les besoins en période de forte turbulence

Les PME sans plan de formation avant la crise peuvent se trouver désarçonnées par l’éventail de choix possibles en formation, alors qu’elles doivent se décider rapidement. « Elles devraient, autant que possible, procéder à une analyse de leurs besoins en formation », note Geneviève Schoeb.

L’analyse des besoins [de formation] est normalement une démarche méthodique. Elle vise à déterminer l’écart entre les compétences actuelles et les compétences souhaitées, puis à formuler des objectifs de formation pour combler cet écart. « Si cette analyse n’a jamais été faite, le PACME peut être l’occasion de la mener », suggère Geneviève Schoeb. En effet, le programme peut être utilisé pour financer un diagnostic RH, qui pourrait au besoin être confié à un consultant.

À défaut d’une analyse rigoureuse, un professionnel RH discutera avec les gestionnaires de l’organisation, pour faire ressortir les points faibles de l’entreprise et les compétences qui lui manquent.

Les conseillers d’Emploi Québec peuvent également fournir une aide précieuse pour déterminer les besoins, mais beaucoup sont actuellement débordés par les demandes. Les comités sectoriels de main-d’œuvre, qui connaissent bien les compétences propres à leur industrie, sont une autre ressource utile. Les chambres de commerce, soucieuses de combattre la pénurie de main-d’œuvre, offrent parfois des documents ou des ressources qui peuvent aider l’entreprise dans son analyse.

Pour évaluer l’importance d’une compétence manquante, il faut saisir les enjeux stratégiques auxquels l’organisation fait face. « Il doit y avoir une harmonisation stratégique entre l’orientation de l’entreprise et les compétences qu’on veut développer », rappelle Geneviève Schoeb.

L’approche organique, pour assurer la survie, puis l’apprentissage continu

À l’approche traditionnelle d’analyse des besoins en formation, Lucie Marcoux, CRHA, facilitatrice en apprenance chez RH Essentiel, propose d’ajouter une autre perspective : ce qu’elle appelle la trousse de survie, ou l’approche « de brousse ».

Selon son expérience, voici les formations les plus populaires chez les entreprises depuis le début de la pandémie :

  • La gestion de crise : outiller les gestionnaires alors que tout bouge en même temps et qu’il y a des risques importants;
  • Le télétravail : aider les employés à utiliser les outils numériques, et permettre aux superviseurs de gérer à distance; et
  • Les changements de processus en vue du retour au travail : santé et sécurité au travail (hygiène, distanciation physique, partage des espaces communs, etc.), mais aussi les aspects humains (gestion du stress lié au risque de contagion et aux préoccupations pour les proches).

La crise a créé des besoins urgents qui étaient absents des  plans de formation. Lucie Marcoux suggère de s’en inspirer pour considérer des formations « juste à temps » avec des contenus situationnels, qui répondent aux besoins à court terme et sont applicables immédiatement. L’acquis d’une formation s’actualisera sur le terrain d’autant plus qu’il sera mis en pratique rapidement.

« Demandez aux employés et aux gestionnaires de quoi ils ont besoin maintenant, propose-t-elle. Nous sommes, plus que jamais, dans un monde VICA — volatile, incertain, complexe et ambigu. Alors, ne vous limitez pas à l’idée qu’une bonne formation doit forcément se faire en salle de classe, que celle-ci soit physique ou virtuelle. »

Courtes vidéos, sessions de transfert d’expertise entre personnes, documents partagés, aides à la tâche avec photos : ce sont autant d’outils qui peuvent être utiles et que les employés peuvent s’approprier. Ce faisant, ils sont plus enclins à les utiliser spontanément, ce qui amènera l’entreprise à devenir davantage une organisation apprenante.

Facteurs d’efficacité à considérer avant de choisir une formation

Quels que soient les objectifs définis, certaines conditions doivent être réunies pour qu’une formation dans le cadre du PACME (ou non) soit une bonne façon de les atteindre.

  • Soyez réaliste : ne multipliez pas le nombre d’objectifs que vous souhaitez atteindre en une formation. Tenez-vous-en à un objectif global et, selon l’envergure de la formation, à quelques sous-objectifs précis.
  • Tenez compte du temps : ne vous engagez pas dans une formation que vous risquez ne pas pouvoir terminer avant la fin du programme; privilégiez les apprentissages qui pourront être mis en pratique rapidement; « n’asphyxiez » pas vos employés — laissez-les « respirer » entre deux formations.
  • Reconnaissez les limites du virtuel : si l’apprentissage d’une compétence exige une présence physique — près d’une machine ou à côté d’un employé déjà expérimenté, par exemple —, pensez-y à deux fois avant de « tourner les coins ronds » en vous contentant d’une formation à distance parce que c’est la seule à laquelle vous pensez pendant la durée du programme.
  • Assurez-vous que les apprenants sont psychologiquement disponibles : si leur esprit est ailleurs ou si le stress les paralyse, ils ne seront pas réceptifs même si la formation est excellente.
  • Communiquez, communiquez, communiquez : faites intervenir les apprenants dès que possible — en les sondant et en leur expliquant pourquoi la formation prépare l’avenir de l’organisation et contribue à leur carrière; en prenant contact avec eux juste avant la formation pour vérifier leur disponibilité et immédiatement après pour recueillir leurs premières réactions afin de vous ajuster.
  • N’hésitez pas à faire preuve de créativité : en ces temps particuliers, les organisations qui s’en sortiront sont celles qui auront le courage de se donner la permission de faire des essais et erreurs, tout en assurant un cadre sécuritaire. C’est la meilleure façon d’innover et de gagner en agilité!

« En réunissant ces conditions, vous maximiserez l’efficacité de la formation, remarque Lucie Marcoux. Et du même coup, vous augmenterez l’engagement de vos employés, leur fidélité et leur rétention. »

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