Vous lisez : Votre style de gestion vous met-il à risque?

Au cours des dernières années, plusieurs gestionnaires se sont trouvés impliqués dans des plaintes de harcèlement psychologique. Certaines statistiques révèlent en fait que 32 % des plaintes formulées visaient des supérieurs immédiats[1]. Devant de telles données, les gestionnaires doivent réfléchir à leur style de gestion et s’interroger sur les bonnes pratiques.

Aux fins de cet article, cinq styles de gestion ont été retenus : critique, directif, agressif, narcissique ainsi qu’obsessionnel. Notons qu’il est tout à fait possible que certains gestionnaires affichent des styles de gestion différents ou mixtes selon les circonstances.

  1. Le style critique
    Pour le gestionnaire dont c’est le style de gestion, la critique fait souvent partie du quotidien. Elle peut être positive ou négative. Si les spécialistes recommandent aux gestionnaires de donner de la rétroaction à leurs employés puisqu’elle permet de les féliciter ou de les recadrer et de les aider à viser plus haut, il faut être prudent quant à la manière de s’y prendre, et ce, surtout lorsque la critique est négative. Dans ce cas, il faut avant tout anticiper qu’elle ne sera peut-être pas bien reçue. Tout est dans la façon de s’exprimer, et les qualités de bon communicateur font toute la différence. Critiquer est un art! Une bonne pratique consiste à se rappeler que la critique doit être constructive, ce qui signifie qu’elle doit notamment viser l’amélioration de l’employé. Il est essentiel de mettre sa participation à contribution dans la recherche d’objectifs. La critique doit aussi être formulée au bon moment ainsi que d’une manière calme et posée[2]. En principe, elle doit également être communiquée en privé et en des termes que l’interlocuteur comprendra.
     
  2. Le style directif
    Gérer, c’est s’adonner à des activités de planification, d’organisation, de contrôle et de coordination. Les gestionnaires doivent donc, par moments, donner des instructions, formuler des attentes, revoir des processus avec les employés, etc. Habituellement, cela se fait verbalement, lors de rencontres individuelles ou de groupe. Les gestionnaires au style directif sont souvent décrits comme directs, allant droit au but et ne passant pas par quatre chemins. Ils sont aussi généralement perçus « comme des personnes pratiques, efficaces, énergiques, rapides et décidées, mais aussi impatientes, dures et autoritaires. »[3]

    Le gestionnaire directif doit se souvenir de communiquer de façon claire et compréhensible. Il doit aussi tenir compte de son auditoire, puisque les employés auxquels il s’adresse peuvent eux-mêmes avoir un autre style, une autre personnalité. Le gestionnaire prudent cherchera donc à connaître le style de chacun de ses employés pour adapter ou nuancer son style en conséquence et faire preuve, par exemple, de plus de souplesse et de patience[4].
     
  3. Le style agressif
    Le discours du gestionnaire dont le style de gestion est agressif est généralement froid et dépourvu d’empathie. Il provoque et nuit à l’harmonie au travail. Ses interventions sont faites sans tact, souvent de manière réactive, abrasive, méprisante ou belliqueuse.

    Il convient de garder à l'esprit que la maîtrise de soi a bien meilleur goût, et qu’il est parfois difficile de se rattraper une fois que le mal est fait. Il faut donc faire appel à son intelligence émotionnelle et savoir quand réagir et comment le faire. Encore une fois, tout est dans la manière de s’exprimer ou de se comporter, ce qui fait essentiellement appel au savoir-être.
     
  4. Le style narcissique
    La personne qui gère en adoptant un tel style est souvent perçue comme une personne imbue d’elle-même, qui rêve de pouvoir et a besoin d’être admirée. Ce type de gestionnaire peut également vouloir profiter de sa situation à des fins personnelles, au détriment des autres et être hautain et arrogant, selon les circonstances.

    Il va sans dire qu’avec une telle description, un tel style de gestion n’est pas enviable.

    Il convient donc de faire un examen de conscience pour vérifier si l’une ou l’autre ou plusieurs de ces composantes se retrouvent dans votre style de gestion et dans l’affirmative, de le corriger afin d’éviter de blesser ou d’écorcher autrui en cours de route.
     
  5. Le style obsessionnel
    Le gestionnaire qui veut dominer, contrôler à tout prix, voire manipuler, est perçu comme ayant un style obsessionnel. Il est à la recherche de subalternes plus que soumis et veut que tous fassent les choses à sa manière, celle-ci représentant à ses yeux la seule et bonne manière. Le style obsessionnel s’opère par intrusions, par emprise et peut entraîner des répercussions négatives et destructives.

    Il est donc important d’apprendre à déléguer, de savoir quand le faire, de savoir « lâcher prise » au moment opportun, de faire preuve de moins de rigidité, de ne pas se soucier démesurément de détails, d’éviter de faire de la microgestion et de démontrer une ouverture à l’écoute pour mieux respecter les idées des autres. En somme, il s’agit fondamentalement de faire davantage confiance à autrui pour accomplir un travail donné.
     

Conclusion
Pour diminuer les risques et prévenir des situations de harcèlement au travail, les comportements hostiles sont donc à éviter puisque même un seul de ces comportements (s’il est grave, porte atteinte et produit un effet nocif continu) ou une répétition de ceux-ci, pourraient, selon les circonstances, remettre en cause le gestionnaire et l’exposer à une plainte de harcèlement psychologique. Parmi les comportements les plus souvent invoqués à l’endroit de gestionnaires, mentionnons les interruptions et le refus du droit de parole, les gestes d’impatience, les soupirs, le haussement d’épaules, les cris, les propos qui ridiculisent, rabaissent ou humilient, les gestes brusques, avec ou sans objet à la main, les injures et la violence physique, réelle ou appréhendée.

Le gestionnaire qui est conscient de son style de gestion et qui connaît son personnel est avantagé puisqu’il sera dans une meilleure position pour adapter son comportement verbal et non verbal aux circonstances et aux individus. Le bon gestionnaire n’hésitera pas à intervenir quand il le faut et, s’il le fait de manière juste, équitable et respectueuse, il est peu probable que son comportement soit qualifié de harcèlement psychologique. Rappelons finalement qu’en cas de doute, plusieurs gestionnaires ont compris qu’il est judicieux de prendre du recul. Le style de gestion a assurément un effet direct sur l’ambiance au travail[5], et l’équilibre est un ingrédient essentiel pour entretenir de bonnes relations[6].

Note à propos de l’auteur :
Avocate spécialisée en matière d’enquêtes internes (harcèlement et violence au travail). Elle est également médiatrice accréditée (PC). Elle a écrit avec Jean-Maurice Cantin, c.r. : Politiques en matière de harcèlement au travail et réflexions sur le harcèlement psychologique, 2e édition, Yvon Blais, 2006, La dénonciation d’actes répréhensibles en milieu de travail ou whistleblowing, Éditions Yvon Blais, 2005 ainsi que deux articles publiés par Thomson Reuters dans le recueil de M. le juge John R. Sproat, Employment Law Manual Wrongful Dismissal, Human Rights and Employment Standards; Workplace Violence and Harassment in Ontario: What to expect from Bill 168 and how to cope with the new legislation, avril 2010 et Workplace Investigations under Scrutiny, janvier 2012.

Source : VigieRT, mars 2012.


1 Voir Brun, Jean-Pierre et Éric Plante, Le harcèlement psychologique au travail au Québec, Sondage Léger Marketing, mars 2004 et Jean-Pierre et Evelyn Kedl, Portrait et analyse de plaintes déposées pour du harcèlement psychologique au travail à la Commission des normes du travail, janvier 2006.
2 Pour plus de renseignements, voir Weisinger, Hendrie, Ph.D, L’art de la critique constructive, 20 conseils pratiques, 14 situations délicates, Les Éditions Transcontinental inc., 2000, 185 pages et Strub-Delain, Mariette, Comment le dire?, J’ai lu, 2006, 214 pages.
3 Cormier, Solange, La communication et la gestion, Presses de l’Université du Québec, 2006, 247 pages, à la page 158.
4 Voir par exemple, Samson, Alain, Comment devenir un meilleur boss?, Collection Entreprendre, 2005, 151 pages.
5 Si vous souhaitez faire des exercices afin de vérifier quel est votre style, voir Grebot, Élizabeth, Harcèlement au travail, Identifier, prévenir, désamorcer, Eyrolles, Éditions d’organisation, 2007, 195 pages.
6 Pour ceux qui sont intéressés par le volet psychologique des différentes personnalités, voir  la liste des récentes publications de l’auteur, Gérard Ouimet.
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