Vous lisez : Récentes modifications législatives ayant un impact sur les relations de travail

Au cours des derniers mois, plusieurs projets de loi ayant des impacts potentiels sur les relations de travail ont été déposés, à Québec comme à Ottawa. Nous proposons un bref tour d’horizon de ces divers projets pour que les personnes travaillant dans les RH soient au courant des dernières tendances législatives en la matière et puissent orienter leurs stratégies en conséquence.

Au Québec

Au palier provincial, commençons par le projet de loi 176, « Loi modifiant la Loi sur les normes du travail [LNT] et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail », qui a été déposé par la ministre responsable du travail à la fin mars. Comme son titre l’indique, ce projet de loi vise l’introduction de certaines modalités à la LNT pour garantir une meilleure conciliation travail-famille aux parents québécois. Concrètement, cela se traduit notamment par :

  • une semaine additionnelle de vacances payée à partir de 3 ans de service continu :

    À l’heure actuelle À venir
    3 ans de service continu : 2 semaines de vacances payées 3 ans de service continu : 3 semaines de vacances payées
    5 ans de service continu : 3 semaines de vacances payées 5 ans de service continu : statu quo
  • des congés payés additionnels (maladie, décès d’un proche, etc.) :

    À l’heure actuelle À venir
    10 jours par année, sans solde, pour raisons familiales ou parentales 10 jours par année, pour raisons familiales ou parentales, dont 2 jours d’absence peuvent être rémunérés[1]
    Jusqu’à 26 semaines d’absence par année, sans solde, pour cause d’accident ou de maladie Jusqu’à 26 semaines d’absence par année, sans solde, pour cause d’accident ou de maladie, dont les 2 premières journées peuvent être rémunérées dont les 2 premières journées peuvent être rémunérées[2]
    5 jours de congés en cas de décès d’un proche :
    - 1 jour de congé payé;
    - 4 jours sans solde
    5 jours de congés en cas de décès d’un proche :
    - 2 jours de congé payés;
    - 3 jours sans solde
  • davantage de reconnaissance pour les proches aidants :

    À l’heure actuelle À venir
    Jusqu’à 12 semaines d’absence sur une période de 12 mois pour prendre soin d’un proche en raison d’une grave maladie ou d’un accident Jusqu’à 16 semaines d’absence sur une période de 12 mois pour prendre soin d’un proche en raison d’une grave maladie ou d’un accident

    et

    36 semaines dans le cas d’un enfant mineur
    1 an d’absence, sans solde, pour les parents en cas de décès d’un enfant mineur

    1 an d’absence, sans solde, en cas d’un suicide du conjoint
    2 ans d’absence, sans solde, pour les parents en cas de décès d’un enfant mineur

    2 ans d’absence, sans solde, en cas d’un suicide du conjoint
      La notion de « proche aidant » sera insérée dans la LNT
  • des nouveautés en matière d’heures supplémentaires et d’horaires de travail :

    À l’heure actuelle À venir
    Un salarié peut refuser de travailler :

    - plus de 4 heures au-delà de ses heures habituelles quotidiennes de travail
    Un salarié peut refuser de travailler :

    - plus de 2 heures au-delà de ses heures habituelles quotidiennes de travail;

    - lorsqu’il n’a pas été informé au moins 5 jours à l’avance qu’il serait requis de travailler

En plus, le projet de loi contient des dispositions novatrices au sujet des agences de placement de personnel. On établit notamment le principe selon lequel une telle agence ne peut accorder à une personne salariée, uniquement en raison de son statut, un taux de salaire inférieur à celui consenti aux salariés de l’entreprise cliente qui font le même travail dans le même établissement. On prévoit également que les agences et les entreprises clientes qui retiennent leurs services seront solidairement responsables envers cette personne des obligations pécuniaires fixées par la LNT.

Quant aux fameuses clauses « orphelines », la Ministre a finalement pris position : elles seront interdites pour les régimes de retraite et les autres avantages sociaux. Cette décision a pris de nombreux observateurs par surprise, d’autant plus que le rapport Fortin, publié en novembre 2017, recommandait au Gouvernement d’attendre que les autres provinces légifèrent dans le même sens avant de proposer un tel changement. Néanmoins, si le projet de loi est adopté tel quel, les clauses de disparités de traitement seront bel et bien interdites. Le Québec étant la seule province à interdire ces clauses, la modification pourrait être un casse-tête pour les entreprises œuvrant dans plusieurs provinces. Par contre, les clauses qui existaient avant l’entrée en vigueur du projet de loi ne seront pas affectées et demeureront valides.

Finalement, le projet de loi aborde un sujet très présent dans l’actualité depuis plusieurs mois : le harcèlement sexuel. Ainsi, il sera explicitement reconnu que le harcèlement sexuel constitue une forme de harcèlement psychologique. De même, les entreprises auront désormais l’obligation d’adopter une politique de prévention du harcèlement psychologique et un mécanisme de traitement des plaintes en la matière.

Au fédéral

Parallèlement, divers projets de loi s’attaquent également à ces mêmes sujets au palier fédéral. Concernant les « normes du travail » fédérales, le projet de loi C-44 a reçu la sanction royale en juin 2017 et prévoit notamment que le congé parental passera de 37 semaines à 63 semaines et qu’un nouveau congé sera créé pour permettre aux membres de la famille d’un adulte gravement malade d’en prendre soin pour une période de 17 semaines.

De plus, à la fin janvier, des débats portant sur le projet de loi C-65 ont été engagés à la Chambre des communes. Il a pour objet de modifier le « Code canadien du travail (CCT) afin de renforcer le régime visant à prévenir le harcèlement et la violence dans les lieux de travail, notamment le harcèlement et la violence qui sont de nature sexuelle ». Notons que l’approche est centrée sur la santé et la sécurité au travail et comporte des modifications à la partie II du CCT afin d’intégrer les blessures ou les maladies psychologiques dans le cadre des accidents de travail visés par la législation.

Dans ce contexte, le projet de loi impose aux employeurs assujettis à la législation fédérale de prendre des mesures positives en vue de prévenir le harcèlement et la violence en milieu de travail et de protéger les employés à cet égard. En outre, les employeurs seront tenus d’enquêter sur tous les accidents découlant du harcèlement ou de la violence en milieu de travail, de les enregistrer et de les signaler.

Légalisation du cannabis à des fins récréatives

Autre sujet chaud, il semble bien que le cannabis à usage récréatif sera légalisé au Canada quelque part à la fin de l’été 2018. Bien que certains craignent, entre autres, une augmentation des risques d’accident du travail ou des taux d’absentéisme, il n’en demeure pas moins que la légalisation n’accordera pas le droit aux employés de consommer du cannabis sur les lieux de travail ni de se présenter au travail sous son influence.

Il s’agit d’une belle occasion pour les entreprises de s’assurer que leurs politiques en matière de drogues, d’alcool ou de facultés affaiblies sont bien à jour et communiquées efficacement à leurs employés, mais essentiellement, la situation s’apparentera à la manière dont l’alcool est abordé dans les milieux de travail. Toutefois, certains défis, particulièrement concernant le dépistage des cannabinoïdes, sont bien réels, et les employeurs devront trouver des façons raisonnables de s’y attaquer.

En conclusion

Il semble clair que le législateur souhaite harmoniser les normes minimales du travail avec les valeurs qui sont portées par les nouvelles générations de travailleurs. Les entreprises, par le biais de leurs gestionnaires et des autres acteurs du domaine des ressources humaines, devront s’assurer d’offrir des conditions de travail qui respectent ces normes. Dans bien des cas, c’est déjà fait, mais l’obligation de respecter au minimum ces nouvelles dispositions fera en sorte que les standards dans de nombreuses industries seront rehaussés.

Plusieurs autres sujets restent par contre en suspens et risquent d’alimenter les débats au cours des prochaines années. Nous pouvons penser au droit à la déconnexion, qui gagne en popularité et qui a été codifié dans plusieurs pays, notamment en France, ou encore aux dispositions sur le droit encadrant le télétravail. Autant de sujets qui seront suivis de près par toutes les personnes s’intéressant aux relations de travail.

Source : VigieRT, mai 2018.

1 Le projet de loi prévoit que 2 jours d’absence seront rémunérés pour des absences reliées à des raisons familiales ou parentales ou pour absence maladie ou pour cause d’accident.
2 Idem.
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