Vous lisez : Mettre fin à l’emploi pour cause d’incompétence – Marche à suivre

Tout gestionnaire des ressources humaines conviendra que la recherche de personnel qualifié, qui s’adaptera aux normes, politiques et valeurs organisationnelles, est un enjeu d’importance. Si les responsables de la dotation doivent s’acquitter de la tâche de dénicher les talents, les gestionnaires qui doivent faire appliquer les normes dans la prestation de travail des salariés ont, quant à eux, d’autres défis. Ils miseront d’abord sur le processus d’intégration, sur l’accompagnement du salarié dans son cheminement professionnel ou sur sa formation pour l’aider à s’adapter aux exigences de son travail. Autrement, dans la mesure où le salarié ne répondra pas à ces exigences, l’employeur pourra, en tenant compte de la situation, avoir recours à des mesures disciplinaires ou administratives.

Les mesures disciplinaires sont imposées à un salarié qui a volontairement adopté un comportement inacceptable. Tel est le cas, par exemple, s’il ne respecte pas les horaires de travail, s’il manque de respect envers ses supérieurs ou s’il est négligent dans l’exécution de son travail. Comme le salarié est présumé capable de répondre aux exigences de l’employeur, cette négligence peut être assimilée à de l’insubordination puisqu’il commet des erreurs dues le plus souvent à un manque d’attention. En de telles circonstances, l’employeur est justifié d’imposer des mesures disciplinaires au salarié négligent, en conformité avec le principe de la gradation des sanctions.

La situation est différente lorsque le salarié fait preuve d’incompétence dans l’exécution de son travail. La frontière entre la notion d’incompétence et celle de négligence est souvent difficile à tracer. On parle d’incompétence le plus souvent lorsqu’il est question de manquement du salarié dans l’exécution particulière des tâches inhérentes à son emploi. Tel peut être le cas lorsque le salarié n’a pas des connaissances nécessaires pour effectuer correctement son travail.

La démarche de l’employeur est différente lorsqu’il fait face à une situation d’incompétence. En effet, les manquements du salarié n’étant pas de nature volontaire, imposer des mesures disciplinaires visant à amener le salarié à amender son comportement est inutile. Aucune progression des sanctions n’est donc envisageable, et l’employeur doit avoir recours à des mesures administratives telles que la rétrogradation ou, le plus souvent, le congédiement « administratif ». La jurisprudence[1] indique une marche à suivre à l’employeur qui veut mettre fin à l’emploi d’un salarié pour cause d’incompétence. Cette marche à suivre comporte quelques étapes qui doivent être observées par l’employeur pour que le congédiement dit « administratif » soit maintenu.

L’employeur doit avoir défini un degré de rendement requis (attentes) et l’avoir communiqué au salarié
Selon les fonctions exercées par le salarié, l’employeur aura des attentes particulières quant à la qualité de son travail. Ces attentes peuvent être écrites, mais elles sont souvent communiquées oralement. Ainsi, si le degré de rendement attendu est indiqué verbalement au salarié, au moment de son embauche ou dans le cadre de rencontres formelles ou informelles, le gestionnaire doit faire état de la teneur des communications dans le dossier de l’employé. Si les attentes sont inscrites dans un document écrit, par exemple dans une politique d’entreprise, une signature du travailleur attestant qu'elle lui a été remise et qu’il en a pris connaissance s’avérera fondamentale au moment d’invoquer une telle politique. Évidemment, si les attentes envers un salarié évoluent et sont modifiées au fil du temps, les changements doivent être portés à sa connaissance selon les mêmes modalités.

L’employeur doit aviser le salarié de ses lacunes dans l’exécution de son travail
Cette exigence peut sembler évidente à première vue, mais elle n’est pas toujours satisfaite. En effet, la diligence dans l’appréciation de la qualité du travail d’un salarié est nécessaire afin de justifier une fin d’emploi administrative. Cette étape nécessite l’implication du supérieur immédiat du salarié visé. En effet, celui-ci doit clairement déterminer les faiblesses relevées dans la prestation de travail du salarié. Ces faiblesses doivent ensuite être transmises au salarié de façon à ce que celui-ci puisse déterminer à quelles exigences de l’employeur il ne répond pas et donc amender sa façon d’exécuter le travail. Encore une fois, bien qu’une telle communication doive préférablement être faite par écrit, si elle est réalisée oralement, une note détaillée à cet effet devrait figurer au dossier du salarié.

Le salarié doit avoir reçu l’encadrement nécessaire pour atteindre ses objectifs
Il ne suffit pas de fixer les attentes et de constater les erreurs du salarié. L’employeur doit offrir au salarié le soutien essentiel afin que celui-ci s’acquitte correctement de ses tâches. Cette obligation découle directement de l’article 2087 du Code civil du Québec qui prescrit que l’employeur « est tenu de permettre l’exécution de la prestation de travail convenue ». Ainsi, le salarié doit disposer des outils nécessaires pour réaliser le travail demandé par l’employeur. L’employeur doit également offrir à l’employé des ressources vers lesquelles il peut se tourner en cas de questionnement. Aussi, si des modifications dans la façon de fonctionner ou des changements technologiques surviennent dans l’entreprise, l’employeur doit s’assurer que ses salariés peuvent composer avec les nouvelles exigences en leur offrant les ressources nécessaires.

Un délai raisonnable pour s’adapter doit être accordé au salarié
Évidemment, les deux dernières étapes ne peuvent se dérouler au cours de la même journée ou de la même semaine. Le salarié doit disposer d’un certain temps pour améliorer la qualité de sa prestation de travail. Le caractère raisonnable de ce délai s’évalue en fonction de plusieurs facteurs et il doit être apprécié au cas par cas. En effet, selon la complexité du travail effectué par le salarié ou les motifs sous-jacents aux attentes de l’employeur, celui-ci doit accorder au salarié une période plus ou moins longue pour améliorer l’exécution de son travail.

L’employeur doit prévenir le salarié du risque de congédiement ou de rétrogradation à défaut d’amélioration de sa part
L’employeur doit aviser le salarié des conséquences associées au fait de ne pas prendre les moyens nécessaires pour améliorer sa prestation de travail et ainsi satisfaire aux attentes. Certains décideurs ont en effet annulé les congédiements administratifs de salariés qui n’avaient pas été informés des conséquences associées à leur mauvaise exécution du travail. Cet avis devrait être donné par écrit au salarié. Il se peut qu’une telle information soit contenue dans la politique d’entreprise. Il est cependant recommandé de réitérer par écrit au salarié, quand les manquements sont relevés, que le défaut de satisfaire aux attentes pourra entraîner la rupture du lien d’emploi.

Conclusion
L’employeur qui désire mettre un terme au lien d’emploi avec un salarié à cause de l’incompétence de celui-ci doit respecter chacune de ces exigences fixées par nos tribunaux. En toutes circonstances, il doit évidemment agir de bonne foi. En contexte syndiqué, il revient à l’arbitre de griefs d’évaluer si la mesure imposée par l’employeur est réellement administrative, plutôt que disciplinaire. Si la mesure est administrative, l’arbitre a compétence pour apprécier la démarche suivie par l’employeur et ainsi maintenir ou annuler le congédiement. L’arbitre a également compétence afin d’évaluer si la mesure adoptée par l’employeur est abusive, discriminatoire ou arbitraire.

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Source : VigieRT, février 2011.


1 Pour une application récente, voir Groupe Pages jaunes et Syndicat des employées et employés professionnels et de bureau, section locale 574, SEPB-COPE, CTC-FTQ, D.T.E. 2010T-699 (T.A.).
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