L’obligation de confidentialité à laquelle est tenu un employé est comprise dans son obligation de loyauté à l’égard de l’employeur. Ces obligations découlent du contrat de travail qui le lie à l’employeur. Elles sont également codifiées à l’article 2088 du Code civil du Québec (C.C.Q.)[1].
En plus des politiques obligeant l’employé à respecter certains engagements reliés à l’obligation de confidentialité, l’employeur peut imposer des mesures disciplinaires en cas de contravention à une telle obligation. Ce qui suit présente une revue de la jurisprudence récente quant aux sanctions imposées en raison de ce type de manquement.
I- Contravention à l’obligation de confidentialité
Accès
La suspension de huit semaines imposée à une technicienne de laboratoire pour avoir accédé à des informations médicales confidentielles à des fins personnelles est confirmée; il y a eu manque de loyauté et conflit d’intérêts[2].
Cette technicienne de laboratoire a consulté des dossiers médicaux, mais n’a pas divulgué l’ensemble de ces derniers.
L’arbitre de griefs a conclu que la plaignante s’était placée en situation de conflit d’intérêts en consultant le dossier de son beau-père. Bien qu’il s’agisse d’un acte isolé et que son dossier disciplinaire soit vierge, la sanction imposée a été considérée comme juste et raisonnable.
Accès et divulgation
La suspension de quatre semaines imposée à une technicienne de laboratoire dans une pharmacie pour avoir consulté des renseignements confidentiels d’une patiente et les avoir divulgués à son propre conjoint est une sanction légère et elle est confirmée[3].
L’arbitre a souligné que le secret professionnel est à la base des services offerts par les pharmaciens et les techniciens de laboratoire d’une pharmacie. L’obligation de confidentialité s’inscrit non seulement dans le respect de la vie privée reconnu par la Charte des droits et libertés de la personne[4], mais elle est en outre au cœur même de la relation de confiance entre le pharmacien et sa clientèle.
Divulgation
Le congédiement imposé à une agente administrative affectée à l’urgence d’un hôpital pour avoir divulgué le diagnostic de porteur du VIH à une collègue est confirmé, malgré certains facteurs atténuants[5].
L’article 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux[6] prévoit que le dossier d’un usager est confidentiel et que les renseignements qu’il contient ne peuvent être divulgués à qui que ce soit, à moins que l’usager n’y ait consenti.
L’agente administrative s’était engagée expressément à respecter la confidentialité des renseignements et elle était également assujettie au devoir de confidentialité énoncé à l’article 2088 C.C.Q. De plus, le dossier médical d’un usager est visé par le secret professionnel. Il s’agit d’un droit fondamental protégé par les articles 5 et 9 de la Charte des droits et libertés de la personne.
L’arbitre ne pouvait modifier la sanction imposée puisque la plaignante ne comprenait pas la gravité de sa faute et qu’il y avait des risques de récidive.
Accès et divulgation
Le congédiement imposé à une agente de bureau en fiscalité pour avoir consulté, transmis ou utilisé, hors du cadre de ses fonctions et durant une période de 4 ans et demie, les données confidentielles de 60 dossiers fiscaux est confirmé[7].
L’arbitre de griefs a souligné la mission de l’Agence du revenu du Québec et son obligation de garantir la probité de ses employés.
Dans la proportionnalité de la sanction imposée, il a tenu compte de la gravité des actes commis, de leur caractère répétitif pendant une longue période, du fait que la plaignante s’était engagée par écrit à respecter la politique en vigueur et qu’elle recevait des formations à cet égard. Sa longue ancienneté a constitué un facteur aggravant.
À noter que la proximité de son admissibilité à la retraite n’a pu servir à remettre en cause la validité de la décision de l’employeur.
Divulgation
Le congédiement imposé à une agente des services correctionnels pour avoir divulgué à un détenu qu’un codétenu avait commis une agression sexuelle, ce qui avait entraîné l’agression de ce dernier et provoqué un soulèvement dans le centre de détention, est confirmé[8].
La plaignante avait un devoir de confidentialité. Elle a manqué à son devoir de protection et a plutôt véhiculé des valeurs inacceptables; elle a mis en péril la sécurité des détenus ainsi que celle de ses collègues.
Divulgation
Le congédiement d’une représentante du service à la clientèle d’Hydro-Québec pour avoir notamment transmis des renseignements confidentiels de clients résidentiels à un tiers afin de plaisanter est confirmé[9].
L’arbitre a conclu qu’elle avait contrevenu à la politique de l’employeur et à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[10].
Une telle faute s’était répétée à plusieurs reprises; ce geste était planifié et volontaire. La nature du poste requiert une grande loyauté de la part de la personne qui l’occupe. La plaignante n’a pas présenté d’excuses.
En outre, le fait que l’employeur n’ait pas subi de préjudice réel n’atténue pas la faute de la plaignante, car elle lui a fait courir un risque sérieux de perdre sa réputation. Elle a également exposé les clients à un vol d’identité. Son but de se moquer de la clientèle aggrave sa faute.
Enregistrement de conversations par une employée
La suspension de deux mois imposée à une cadre pour avoir enregistré ses conversations avec ses collègues et ses supérieurs à leur insu est maintenue[11].
La plaignante occupait un poste hiérarchiquement élevé qui requiert une discrétion et une confidentialité de haut niveau.
II- Absence de contravention à l’obligation de confidentialité
Appropriation de données
Le congédiement imposé à un tailleur pour avoir transféré des informations confidentielles (patrons de pantalons) appartenant à l’employeur dans son compte personnel est cassé; il est réintégré dans son emploi après un retrait du travail équivalant à une suspension de 26 mois[12].
L’arbitre de griefs a tenu compte de son dossier disciplinaire vierge, de ses 22 années d’ancienneté et de l’absence de preuve de malhonnêteté, et ce, même s’il s’agit d’une erreur grave de sa part.
Devoir de réserve
Une intervenante sociale n’a pas violé son obligation de confidentialité en discutant avec une cliente dans un lieu public d’événements qui s’étaient déroulés lors de cafés-rencontres. Toutefois, elle a enfreint son devoir de réserve et une suspension sans solde (1 jour) est substituée à son congédiement[13].
L’arbitre a retenu que les cafés-rencontres étaient des activités publiques et que les participantes en étaient avisées. De plus, elle n’a pas transmis d’informations confidentielles à autrui et son inconduite n’a causé aucun préjudice à l’employeur.
Toutefois, elle a contrevenu à son devoir de réserve en exprimant ses opinions personnelles au sujet des agissements des participantes en dehors de son travail.
Devoir de réserve
Le congédiement d’un agent de sécurité dans un centre de détention pour avoir hébergé chez lui un ex-détenu est confirmé, même s’il n’a pas violé son obligation de confidentialité[14].
Dans un milieu carcéral, la confidentialité des renseignements est très importante. Le plaignant savait qu’il devait conserver une certaine distance dans ses relations avec les détenus. Il y avait un risque de divulguer volontairement ou non des informations privilégiées et il s’est placé en situation de conflit d’intérêts.
Devoir de réserve
Le congédiement imposé à une technicienne aux opérations à la Commission de la construction du Québec pour avoir divulgué à un entrepreneur l’identité de l’inspecteur qui avait visité l’un de ses chantiers et qui avait été à l’origine de la plainte pénale déposée contre lui est modifié en suspension de 10 jours; il s’agit d’un renseignement à caractère public, mais la technicienne aurait tout de même dû aviser son supérieur de son geste[15].
L’arbitre de griefs a décidé qu’elle avait manqué à son devoir de loyauté, sinon de prudence. Il existait toutefois des facteurs atténuants, dont l’absence de préjudice causé à l’employeur, ses 10 ans d’ancienneté, son dossier disciplinaire vierge et le fait que son travail était généralement satisfaisant.
III- Absence de faute; fin d’emploi annulée
La décision de mettre fin à la période de probation d’une préposée aux bénéficiaires en raison de la publication d’une photographie et d’un commentaire sur sa page Facebook est annulée; il n’y a eu aucun manquement à l’obligation de confidentialité[16].
Elle a publié sur sa page Facebook une photographie la montrant avec une ecchymose à l’œil, ajoutant que c’est un patient qui lui avait infligé une telle blessure.
L’arbitre a retenu que la plaignante n’avait jamais mentionné l’endroit où elle s’était fait sa blessure. C’est une autre salariée qui avait révélé l’identité de l’employeur en publiant un commentaire sur la page Facebook de la plaignante.
Conclusion
Il ressort de ces décisions que l’obligation de confidentialité à laquelle est tenu l’employé est au cœur de la relation de confiance qui doit exister entre ce dernier et l’employeur. Dans tous les cas où il y a manquement de la part de l’employé, il s’agit d’une faute grave. Parmi les facteurs qui conditionnent la gravité d’un tel manquement, on trouve notamment la nature du poste et celle des activités de l’employeur ainsi que la teneur des informations qui ont fait l’objet d’un bris de confidentialité. La connaissance de politiques à cet effet de la part de l’employé est également prise en considération. Le congédiement est souvent imposé.
Même en l’absence de contravention à une obligation de confidentialité, un devoir de réserve peut subsister et peut être sanctionné par une mesure moins sévère. En matière disciplinaire, le principe demeure : chaque situation commande une évaluation des circonstances qui lui est propre.
Source : VigieRT, avril 2016.