Commençons par les obligations. Il est certain que l’employeur a des obligations envers le membre du personnel qui s’absente pour cause d’accident du travail, et celles-ci sont énumérées explicitement dans la LATMP. Les droits de cette personne sont encadrés notamment par l’article 32.
Concernant les absences pour cause de maladie, la LNT encadre également les droits des employés, et un topo complet a récemment été fait par un collègue CRHA.
Or, lorsque l’absentéisme est réellement devenu un fardeau pour l’employeur, en affectant ses opérations, mais aussi son équipe de travail, de quelles options dispose l’employeur?
D’abord, s’en remettre aux dispositions de la convention collective en vigueur, si votre entreprise est syndiquée. En effet, plusieurs conventions collectives vont comporter des clauses au sujet des mesures disciplinaires et peuvent être plus spécifiques pour ce qui est des absences et des retards, en les catégorisant même comme une classe à part. Dès l’embauche, le membre du personnel doit être informé de la méthode prescrite par l’employeur en ce qui concerne la gestion de l’absentéisme au travail. Des balises claires doivent être établies, et cette démarche doit être appuyée par la jurisprudence interne. Par exemple, l’informer que nous nous attendons de lui qu’il soit présent pour l’ensemble de ses quarts de travail, à l’heure convenue et pour la durée prévue, qu’il formule ses demandes de congé en suivant la procédure établie et motive ses absences par un billet médical.
Dans le cas où la personne refuse de se conformer à la procédure établie, il faut évidemment faire preuve de cohérence et gérer le tout en processus disciplinaire en bonne et due forme, dans le respect de la gradation des sanctions. Au moment de chacune des rencontres de mise à niveau avec le membre du personnel, il faut s’assurer de l’avoir clairement informé de nos attentes relatives à la modification souhaitable de son comportement et de lui laisser suffisamment de temps entre les mesures disciplinaires pour mettre en place les correctifs souhaités. Ainsi, un processus de gestion de l’absentéisme efficace et documenté ne peut se régler en quelques semaines pour se terminer en congédiement pour cause, sous peine de voir annuler la sanction par un arbitre de griefs, par exemple, en cas de contestation de la mesure par le syndicat.
D’un autre côté, lorsqu’une personne cesse tout simplement de se présenter au travail, mais sans avis de démission formelle, est-il légitime pour l’employeur de présumer qu’elle a démissionné et donc, de rompre le lien d’emploi? En la matière, l’idéal est d’avoir une clause à votre convention collective qui prévoit cette situation. Par exemple, après un nombre X de journées sans nouvelles, la personne est présumée avoir démissionné et ainsi, le lien d’emploi est rompu unilatéralement. Il faut toutefois appliquer cette clause avec parcimonie et justesse, sans être trop rapide sur la gâchette. En effet, il existe certaines situations où le membre du personnel peut être dans l’impossibilité de communiquer avec son employeur, sans pour autant désirer mettre fin à son emploi (s’il est interné ou en prison, par exemple). L’idéal est toujours de documenter le dossier et de tenter de le joindre par téléphone ou courrier recommandé avant de procéder. Cela évitera la lourdeur administrative d’une annulation de la démission.
Qu’en est-il du lien d’emploi lorsqu’une personne est dans l’impossibilité de se présenter au travail selon son horaire pour cause d’incarcération?
D’abord, si l’employeur décide de procéder à la terminaison de l’emploi, il doit s’assurer de ne pas y aller en violation de l’article 18.2. de la Charte des droits et libertés de la personne :
« 18.2. Nul ne peut congédier, refuser d’embaucher ou autrement pénaliser dans le cadre de son emploi une personne du seul fait qu’elle a été déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle, si cette infraction n’a aucun lien avec l’emploi ou si cette personne en a obtenu le pardon. »
Ainsi, le motif du congédiement ne peut être la condamnation de la personne salariée, à moins que cela ait un lien direct avec l’emploi. De plus, l’employeur ne peut considérer un membre du personnel coupable si la justice ne s’est pas encore prononcée sur un verdict, en raison de la présomption d’innocence. Il s’agit de l’un des grands principes sur lequel repose notre justice, qui mentionne notamment que toute personne qui se voit reprocher une infraction est réputée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement prouvée. Dans ce contexte, l’employeur doit user de doigté s’il désire tout de même rompre le lien d’emploi avec la personne salariée incarcérée. Il doit s’assurer que la décision de mettre fin à l’emploi n’est pas discriminatoire, abusive ou arbitraire. Il doit également valider que cette démarche n’entre pas en contradiction avec la convention collective en vigueur, si par exemple une disposition de celle-ci prévoit que l’absence pour cause d’incarcération est considérée comme une cause légitime d’absence, au même titre qu’une absence pour maladie. Finalement, la sanction ultime doit être imposée spécifiquement en raison de l’impossibilité de fournir la prestation de travail, sans égard au motif de l’absence. Par conséquent, la personne est congédiée en raison de son absence du travail, et non en raison de son incarcération.
Bref, la gestion de l’absentéisme est un grand défi pour les employeurs d’aujourd’hui. Avec le taux de chômage actuellement au plus bas et les difficultés d’attraction de la main d’œuvre, il faut faire tout en son pouvoir pour conserver les candidates et les candidats, mais en demeurant tout de même conforme à sa propre jurisprudence et aux règles présentes au sein de l’organisation afin de ne pas créer de précédent de tolérance. Chaque dossier est unique en son genre et doit ainsi mériter toute l’attention de la professionnelle et du professionnel des ressources humaines responsable.
Source : VigieRT, décembre 2017.