La mutuelle de prévention est un produit d’assurance créé en 1997 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). La CSST permettait ainsi à un plus grand nombre d’employeurs de bénéficier d’un régime personnalisé et proposait du même coup un régime reflétant mieux les efforts des petites et des moyennes entreprises en matière de santé et de sécurité du travail. La tarification devenue plus réactive face au dossier d’expérience de l’employeur, la CSST proposait un incitatif financier favorisant la prévention, la réadaptation et le maintien du lien d’emploi avec les travailleurs victimes d’un accident du travail.
Les petites et les moyennes entreprises ne pouvant supporter seules le coût des lésions professionnelles, leur cotisation est généralement basée sur un taux d’unité relié au secteur d’activité de l’employeur. Plus la cotisation de l’employeur est importante, plus on la « personnalisera » en fonction de son dossier d’expérience. L’objectif de former une mutuelle est donc de regrouper plusieurs employeurs aux fins du calcul du taux personnalisé, ce qui aura pour effet d’augmenter de façon significative la portion variable du taux. C’est ce qu’on appelle le degré de personnalisation. Ainsi, les employeurs sont regroupés dans des unités et, au fil des ans, plus la cotisation à la CSST augmente, plus la portion variable du taux de cotisation tenant compte de l’expérience propre des employeurs augmente.
Notons aussi que certains employeurs choisissent de former leur propre mutuelle avec différentes entités juridiques dont ils sont actionnaires. De la même façon, ils augmentent la partie variable de leur taux et peuvent bénéficier de leur bonne expérience. Dans ce cas, il y a lieu de faire une analyse financière du dossier de santé et sécurité avant de procéder au jumelage.
Ainsi, contrairement à ce qui est occasionnellement véhiculé, le seul fait d’être membre d’une mutuelle de prévention n’est pas synonyme d’une réduction de votre cotisation. Être membre d’une mutuelle de prévention signifie seulement que les employeurs membres assumeront collectivement le poids financier de leurs succès comme de leurs échecs. Les avantages financiers sont visibles lorsque la mutuelle est performante. De ce fait, avant de se lancer dans l’aventure, il y a plusieurs points à considérer.
D’abord, mentionnons que vous aurez à respecter certaines obligations envers la CSST. Une de ces obligations est de présenter à la CSST, chaque année, un plan d’action démontrant votre implication active en matière de prévention, de réadaptation, ainsi que de maintien du lien d’emploi. Ce plan d’action devra être réaliste et réalisable puisque vous aurez à présenter un bilan annuel de vos activités. De plus, la CSST s’assurera par des inspections aléatoires ou ciblées (secteur d’activité, mutuelle contre-performante) que chacun des membres respecte le plan d’action qu’il s’est donné. Il sera donc primordial de s’assurer que chacun des membres faisant partie de votre mutuelle soit engagé de la même manière envers les bonnes pratiques de gestion de la santé et de la sécurité du travail.
Même si la prévention doit être la pierre angulaire d’une mutuelle, il faut également s’assurer qu’un mécanisme de suivi médico-administratif systématique des lésions professionnelles est mis en place chez chacun des membres afin que le retour à l’emploi après une lésion professionnelle soit géré dans les règles.
Voici donc quelques questions à poser avant d’adhérer à une mutuelle de prévention.
Avec quels autres employeurs serai-je jumelé?
Il n’y a aucune règle établie par la CSST à cet égard. Il y a cependant un certain nombre d’éléments à considérer. Entre autres, il est préférable de jumeler des entreprises dont les risques sont comparables. En comparant le taux de l’unité des membres, il est assez facile d’établir si les risques des uns et des autres sont compatibles.
Il est aussi intéressant de jumeler des entreprises d’un même secteur d’activité (déménagement, transport général, etc.), puisque ces entreprises pourront échanger leurs bonnes pratiques en matière de prévention. Il se créera alors une synergie entre les membres de la mutuelle.
Quelle a été la performance de la mutuelle dans le passé?
Bien qu’en matière de lésions professionnelles le passé ne soit pas nécessairement garant de l’avenir, il est intéressant, voire primordial de considérer l’indice de risque de la mutuelle, si celle-ci existe déjà depuis plusieurs années. L’indice de risque est une comparaison de la performance de la mutuelle versus les coûts anticipés avec les mêmes secteurs d’activité sur une période moyenne de trois ans. Ainsi, un indice de risque égal à 5 indique que la mutuelle est 50 % plus performante que celles auxquelles on les compare sur une moyenne de trois ans, alors qu’un indice de 1,25 nous indique que la mutuelle a été 25 % moins performante sur une moyenne de trois ans.
La CSST établit deux types d’indice de risque. L’un est basé sur les accidents à court terme (fréquence) et l’autre sur les accidents à long terme (gravité).
Sans entrer dans le détail des calculs des indices de risque, mentionnons que l’indice de risque à long terme est beaucoup plus important dans la détermination du taux personnalisé (environ 80 % plus important que l’indice de risque à court terme pour une mutuelle pleinement personnalisée). Les accidents avec gravité représentent un fardeau financier beaucoup plus important pour la CSST et c’est la raison pour laquelle on a attribué plus d’importance à la gravité qu’à la fréquence dans le calcul du taux.
Combien d’employeurs font partie de la mutuelle?
Plus une mutuelle est grande, plus les mécanismes de contrôle doivent être efficaces afin d’éviter la non-participation de certains membres dans les efforts de prévention. À l’inverse, plus une mutuelle est petite, plus elle est facile à gérer, mais plus le poids d’une réclamation importante se fera sentir sur le taux.
Dans le but de limiter les coûts, à plus forte raison lorsque la mutuelle est petite, il faut s’assurer que chaque membre soit engagé dans une démarche favorisant le retour à l’emploi (assignation temporaire, emploi convenant aux travailleurs conservant des limitations fonctionnelles, etc.).
Combien ça coûte?
La majorité des entreprises en mutuelle confient la supervision des opérations à une firme externe. Cette façon de faire est recommandée, particulièrement dans le cas de mutuelles regroupant plusieurs employeurs afin de s’assurer d’un effort concerté chez chacun des membres.
Les coûts de la prise en charge d’une mutuelle sont variables d’un fournisseur à l’autre (taux fixe mensuel, taux horaire, pourcentage sur l’économie, etc.) Il faut donc s’assurer que l’économie de cotisation anticipée soit assez importante pour couvrir les frais de gestion. En somme, disons qu’il faut magasiner son fournisseur.
Comment puis-je connaître les mutuelles existantes?
Visitez le site Internet de la CSST pour avoir accès à la liste de toutes les mutuelles existantes ainsi qu’aux coordonnées de leurs gestionnaires.
Gérald Corneau, CRIA, président, GCO Santé et Sécurité Inc.
Source : VigieRT, numéro 25, février 2008.