Plus ou moins un mois par année de service pour un employé cadre, trois semaines pour un professionnel et d’une à deux semaines pour les autres types d’employés.
Bien que cette affirmation puisse servir de règle empirique (rule of thumb) au moment de déterminer le préavis de fin d’emploi ou l’indemnité en tenant lieu pour un employé que l’on s’apprête à congédier sans cause, y compris le licenciement pour motif économique (ci-après indistinctement désignés comme « indemnité »), il n’en reste pas moins qu’il ne s’agit effectivement que d’un guide approximatif. Un exercice sérieux de détermination de l’indemnité raisonnable s’avère plus complexe, puisqu’il faut tenir compte des critères élaborés par les tribunaux, qu’ils soient civils ou administratifs, et les adapter à la situation particulière de l’employé visé.
À titre de rappel, ces critères jurisprudentiels sont les suivants : l’âge de l’employé, la nature et l’importance de sa fonction, les circonstances particulières dans lesquelles l’emploi s’exerce, le nombre d’années de service et l’expérience de l’employé, les démarches effectuées par l’employé dans le but de se trouver un emploi similaire et l’effort soutenu de mitigation de ses dommages[1]. Ainsi, plus un employé aura été longtemps au service d’un employeur, plus l’on doit s’attendre à ce que l’indemnité soit élevée.
En effet, le principe à la base de la détermination de l’indemnité raisonnable est le suivant : il s’agit en quelque sorte d’un tremplin visant à permettre à l’employé congédié de retomber sur ses pieds et de trouver un emploi similaire à celui perdu. Par conséquent, plus les caractéristiques de l’employé et de son emploi sont particulières, plus l’indemnité sera élevée.
Cela étant dit, historiquement, les tribunaux ont tendance à fixer des indemnités maximales équivalant à 6 mois de salaire pour un employé non cadre et à 12 mois de salaire pour un cadre. Toutefois, au cours des dernières années, on a pu voir confirmées des indemnités équivalant à un salaire de 15, de 18, voire de 24 mois de service dans certaines circonstances.
Qu’en est-il présentement? Quelles sont les tendances en matière d’indemnités de fin d’emploi? Une revue de la jurisprudence pour 2015 et 2016 nous démontre que cette tendance se poursuit.
Ainsi, outre quelques cas où des indemnités équivalant au salaire de très longs préavis ont été accordées, les employés cadres continuent de recevoir des indemnités équivalant à 1 mois par année de service, ne dépassant toutefois généralement pas 12 mois. Quant aux employés non cadres, ils continuent de recevoir d’une à deux semaines par années de service, ne dépassant généralement pas 6 mois.
Il existe toutefois des situations particulières qui favorisent une indemnité beaucoup plus importante. Parmi celles-ci, notons celle de l’employé de 50 ans comptant plus de 30 ans de service auprès de son employeur, qui, sans éducation particulière, a gravi les échelons de l’entreprise jusqu’à en devenir un cadre. Cet employé était fondé à croire qu’il finirait sa carrière au sein de cette entreprise. Il lui sera difficile dans les circonstances de retrouver un emploi équivalent et tout aussi rémunérateur. La Cour supérieure a conclu qu’une indemnité équivalant à 24 mois de salaire est raisonnable dans les circonstances[2].
Dans d’autres cas, et même si contractuellement les parties ont prévu une indemnité de fin d’emploi qui, à première vue, apparaît raisonnable, les tribunaux réviseront toutes les circonstances de l’espèce afin d’évaluer si effectivement, dans les circonstances, ce « plancher » est bel et bien raisonnable[3] ou si une indemnité supérieure ne doit pas plutôt être accordée[4].
En outre, si l’employeur, lors de l’embauche, a fait miroiter un emploi à long terme au candidat, ce qui a incité ce dernier à quitter un emploi certain et rémunérateur occupé de longue date, l’indemnité en cas de congédiement sans cause sera d’autant plus importante. Par exemple, les tribunaux ont ainsi accordé pour cette raison une indemnité équivalant à 12 mois de salaire pour un emploi ayant duré 12 mois[5] et une indemnité équivalant à 6 mois de salaire pour un emploi ayant duré 7 mois[6].
Par ailleurs, demeure inchangée la règle voulant que des dommages moraux ne soient octroyés à l’employé congédié que lorsque l’employeur a exercé son droit de congédiement de manière abusive. En effet, il est reconnu qu’est inhérent au congédiement un certain préjudice moral subi par l’employé, lequel n’est pas indemnisable. Ainsi, pour avoir droit à de tels dommages moraux, l’employé devra démontrer que l’employeur s’est conduit de manière cavalière dans la façon de le congédier. Les montants ainsi octroyés dépasseront rarement 25 000 $[7].
Il apparaît donc que les règles du jeu n’ont pas changé au cours des deux dernières années. Toutefois, au fur et à mesure que l’on rencontre des cas d’employés ayant évolué au sein d’une même entreprise pendant plus de 30 ans et qui sont congédiés peu avant leur retraite, il semble que nous verrons de plus en plus les tribunaux augmenter le plafond des indemnités au-delà de 12 mois.
En conclusion, cet article s’intéressait aux indemnités que peuvent réclamer (et obtenir) des employés lorsque prend fin leur emploi sans cause. Toutefois, et bien que ce soit très peu fréquent, nous avons recensé au cours des deux dernières années quelques cas où c’est l’employeur qui recherchait (et a obtenu) une telle indemnité de la part de son employé démissionnaire[8]. Compte tenu des coûts engendrés pour recouvrer une telle indemnité et du fait qu’elles sont rarement importantes, il va de soi qu’un employeur qui recherche un tel remède le fait généralement davantage par principe que pour recouvrer totalement le préjudice qui lui est causé par le départ volontaire de son employé. Il s’agit néanmoins d’une avenue envisageable qui semble plus utilisée que dans le passé.
Source : VigieRT, mars 2017.
1 | Québec (Commission des relations du travail)c.Asphaltes Desjardins, 2014 CSC 51. |
2 | Rippeurc.Société canadienne des postes, 2016 QCCS 1696. DansPickeringc.Centre d’optométrie MG de Repentigny inc., 2015 QCCS 1604, une employée de 33 ans de service a obtenu une indemnité équivalant à 16 mois de salaire. DansCouturec.Québec Linge Co., 2015 QCCS 1140, une indemnité équivalant à 12 mois de salaire a été octroyée à un employé comptant 33 ans de service. |
3 | Audetc.Solutions Petals inc., 2016 QCCS 4388 (6 mois). |
4 | Kuglerc.IBM Canada Limited, 2016 QCCS 6576 (20 mois);Structures Lamerain inc.c.Meloche, 2015 QCCA 476 (18 mois). |
5 | Blaisc.Aéroport de Québec inc., 2016 QCCS 1563. |
6 | Plamondonc.ArcelorMittal et Action SST inc., 2016 QCCS 5652. |
7 | Audetc.Solutions Petals inc., 2016 QCCS 4388 (15000$);Blaisc.Aéroport de Québec inc., 2016 QCCS 1563 (20000$);Huardc.6102069 Canada ltée, 2016 QCCS 4204 (25000$); Kugler c. IBM Canada Limited, 2016 QCCS 6576 (10000$);Structures Lamerain inc.c.Meloche, 2015 QCCA 476 (25000$);Jeanc.CBRE ltée, 2015 QCCS 6220 (8000$). |
8 | Pharmacie Blais inc.c.Pharmacie Bergeron inc., 2016 QCCS 1306 (12000$ équivalant à 2 mois de salaire);Traffic Tech inc.c.Kennell, 2016 QCCS 355 (28194$ équivalant à 6 semaines de salaire);Environnement Sanivac inc.c.Lamoureux, 2015 QCCQ 10261 (4000$ équivalant à 2 semaines de salaire);Ethica Clinical Research inc.c.Le Gall, 2015 QCCQ 3708 (5192$ équivalant à 3 semaines de salaire et 1500$ pour troubles et inconvénients). |