De façon habituelle, la relation d’emploi est bipartite, soit entre un employeur et un salarié. Cependant, il arrive fréquemment, surtout dans certains milieux, que l’employeur fasse appel à des agences de placement ou de location de personnel afin de combler ses besoins de main-d’oeuvre.
Ce texte aborde, en première partie, la question des relations tripartites – celles s’établissant entre l’employeur, l’agence et le salarié – principalement sous l’angle de la détermination du véritable employeur. Cette détermination est importante lorsqu’il s’agit de décider si la personne dont les services sont fournis par une agence de personnel est visée par l’unité de négociation du syndicat accrédité dans l’établissement où elle effectue sa prestation de travail et si elle est assujettie aux conditions de travail négociées dans la convention collective.
Nous verrons plus loin que cette détermination est pertinente, par exemple lorsqu’il est question de savoir si une clause relative à la sous-traitance a été respectée. D’autre part, le fait d’être inclus dans l’unité de négociation implique des obligations tant pour le salarié (paiement de la cotisation syndicale) que pour le syndicat (devoir de juste représentation).
Par ailleurs, dans plusieurs conventions collectives, les conditions de travail des employés « à statut précaire » (occasionnels, surnuméraires, temporaires, etc.) sont différentes de celles applicables aux syndiqués qui détiennent un emploi régulier ou permanent[1]. On y trouve notamment des disparités de traitement en matière de congés payés ou sans solde, d’avantages sociaux (assurances) et de rémunération. En outre, le droit pour ces salariés de recourir à la procédure de grief et d’arbitrage prévue à la convention collective est souvent restreint à certaines matières expressément mentionnées.
En deuxième partie, nous présenterons quelques sentences arbitrales ayant mis en cause des employés d’agence (statut de salarié, accumulation d’ancienneté, sous-traitance et droit de retrait).
Partie I - La détermination du véritable employeur
Au cours des dernières années, la question de la détermination du véritable employeur s’est surtout posée au sein des établissements du secteur de la santé et des services sociaux. Invoquant une pénurie de main-d’œuvre, une augmentation des besoins et l’épuisement des listes de rappel, les établissements utilisent les services de travailleurs provenant d’agences de personnel.
L’arrêt de principe en cette matière est Ville de Pointe-Claire[2]. Dans cette affaire, la municipalité avait engagé, par l'intermédiaire d'une agence de location de personnel, une employée temporaire pour une période de 6 semaines à titre de réceptionniste et, par la suite, pour une période de 18 semaines à titre de commis. Pendant ces deux affectations, le salaire de cette employée a été fixé et versé par l'agence, qui présentait un compte à la Ville. L'exécution du travail de l'employée s’accomplissait sous les directives et la surveillance d'un cadre de la Ville. Les conditions générales de travail – horaire, périodes de repos et jours fériés – étaient dictées par cette dernière.
Le syndicat accrédité pour représenter la plupart des salariés de la Ville a obtenu une décision concluant que l’employée en question était incluse dans son unité de négociation durant les deux périodes de travail visées. Cette décision[3]v, rendue en vertu de l’article 39 du Code du travail[4], a plus tard été confirmée tant en appel[5] qu’en révision judiciaire[6]. Les juges majoritaires de la Cour suprême ont entériné l’approche globale préconisée par le Tribunal du travail, estimant qu’elle ne donnait pas lieu à un résultat déraisonnable.
Ce qu’il faut retenir de ce jugement : l’« employeur » est celui qui exerce le plus grand contrôle sur tous les aspects du travail d’un salarié. Différents facteurs doivent être pris en considération. Le poids de ces facteurs variera en fonction de la situation particulière de chaque milieu de travail. Parmi ces facteurs, mentionnons : les processus de recrutement, de sélection, d’embauche et d’établissement des conditions de travail, l’assignation des tâches, la supervision du travail, la durée de l’affectation, l’exercice du pouvoir disciplinaire ainsi que l’intégration au sein de l’entreprise.
Voici quelques cas répertoriés dans la jurisprudence rendue à la suite de cet arrêt de principe. Les situations sont présentées par secteur d’activités.
Secteur de la santé
Le Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de La Mitis, qui a recours aux services d'infirmières recrutées par des agences de placement, doit être considéré comme le véritable employeur de ces salariées; celles-ci sont visées par l'accréditation du syndicat[7].Décision : Les infirmières recrutées par les agences travaillent aux mêmes heures et partagent les mêmes locaux et les mêmes outils que celles du CSSS. Elles reçoivent la même formation, elles se voient assigner la clientèle de façon aléatoire et leur travail est contrôlé par le personnel d'encadrement du CSSS. Le service qu'elles rendent à la clientèle est identique. Le critère de la durée du temps de travail est de moindre importance en raison du contrôle exercé par le CSSS et du degré élevé d'intégration des infirmières dans l'entreprise. Les agences jouent essentiellement le rôle d'agent payeur et le véritable employeur des infirmières est le CSSS. Étant donné les dispositions explicites de la Loi concernant les unités de négociation dans le secteur des affaires sociales[8], ces infirmières sont visées par l'accréditation du syndicat.
Certaines infirmières d'agence sont demeurées des salariées de cette dernière plutôt que de l’établissement, le CSSS de la Montagne[9].
Décision : Dans le contexte d'une relation tripartite, l'employeur est celui qui exerce le plus grand contrôle sur tous les aspects du travail, et non seulement sur la supervision du travail au quotidien. Dans ce dossier, la façon de fonctionner de chaque agence a eu une incidence sur les conclusions de la Commission des relations du travail (CRT). Ainsi, certaines agences, en raison de leur structure complexe de gestion des ressources humaines et du suivi serré qu’elles exercent sur la formation et la qualité de la prestation de travail fournie, ont conservé leur statut d’employeur à l’endroit des infirmières malgré l’intégration de ces dernières dans l’entreprise du CSSS et la durée de leur affectation. Les conditions de travail de ces infirmières – tels les congés, les vacances et le programme d’aide aux employés – sont énumérées dans le manuel des ressources humaines de l’agence.
En raison du contrôle qu'il exerce sur certaines conditions de travail d'une infirmière provenant d'une agence de placement, un centre d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) doit être considéré comme l'employeur de cette dernière[10].
Décision : Le CHSLD assure la formation de la salariée, lui assigne des tâches et évalue la qualité de son travail. Même si l'agence décide des mesures disciplinaires, la procédure n’est déclenchée qu’à la suite d’une plainte du CHSLD. Dans les faits, le fardeau financier de la rémunération est supporté par ce dernier. De manière globale, la salariée – dont l'affectation s'étend sur plus de 18 mois – est davantage intégrée dans l'entreprise du CHSLD que dans celle de l'agence. Elle participe aux activités courantes du CHSLD et exerce même une supervision professionnelle à l'égard du travail de deux préposés aux bénéficiaires. En raison du contrôle qu'il exerce sur certaines conditions de travail, le CHSLD doit être considéré comme le véritable employeur de la salariée aux fins de l'application du Code du travail. La CRT a conclu que les conditions de travail sur lesquelles l'agence avait un contrôle – jours fériés, vacances et REER collectif – n’étaient pas suffisamment importantes pour en décider autrement. Elle a déclaré que la personne visée par la requête était une salariée comprise dans l'unité de négociation du syndicat.
Le CSSS fait appel à une agence de personnel afin d'obtenir des services d'accompagnement de ses patients à l'occasion de leurs déplacements interhospitaliers. Le propriétaire de l'agence n'est pas un salarié du CSSS, mais un entrepreneur indépendant, en plus d'être l'employeur des infirmières accompagnatrices[11].
Décision : Le propriétaire de l’agence recrute, sélectionne et embauche son personnel infirmier. Il procède à sa formation et contrôle la quantité ainsi que la fréquence du travail effectué. Il gère les absences et les congés et fixe les taux horaires de même que les conditions de travail offertes par l’agence. Il se charge également de la discipline de son personnel au besoin. Sur le plan clinique et professionnel, le travail des accompagnatrices n'est supervisé ni par le CSSS ni par l’agence. Il n’y a pas d’intégration de ces dernières au sein du CSSS. La demande du syndicat visant à déclarer que ces infirmières sont des salariées du CSSS est rejetée. Le recours à du personnel d’agence ne vise pas à vider le syndicat de son accréditation. C’est à cause du manque de personnel infirmier pour accomplir le travail d’accompagnement que le CSSS utilise les services d'une agence.
Secteur municipal
La Ville de Gatineau est le véritable employeur d'une personne affectée de façon temporaire au poste de secrétaire de direction par une agence de personnel puisque celle-ci exerce davantage de contrôle sur tous les aspects du travail de cette employée[12].
Décision : N’ayant pu pourvoir un poste temporairement vacant de secrétaire de direction à l’interne, la Ville a eu recours à une agence de personnel. Selon l'approche souple et globale qu'il faut privilégier dans le contexte d'une relation tripartite, la Ville est le véritable employeur. Elle exerce le plus grand contrôle sur tous les aspects du travail de cette secrétaire. L’employée en question est pleinement intégrée dans son milieu de travail. Rien ne la distingue des autres employés. Même si la paie est préparée par l'agence de personnel, le salaire de l’employée est tributaire des heures de travail accomplies pour la Ville. Sa formation ainsi que l’évaluation de son rendement relèvent de la Ville. Le fait que l’agence s’occupe de la sélection, de l'embauche et du processus disciplinaire n'est pas déterminant. La CRT déclare que l’employée était une salariée comprise dans l'unité de négociation du syndicat pendant son affectation.
Secteur de l’éducation
Les deux techniciens en informatique affectés au Collège Mont-Saint-Louis sont des salariés de ce dernier et non de l'agence de personnel avec laquelle il a conclu un contrat de services[13].
Décision : L’agence ne peut affecter n'importe quel employé au Collège puisque le nom du technicien fait partie intégrante du contrat de services. Les techniciens sont autonomes dans leur travail, mais ils doivent répondre aux demandes provenant du directeur des ressources matérielles ainsi que du personnel de l'établissement. La supervision exercée à l'endroit de leur travail ne se fait pas de manière traditionnelle, dans la mesure où les autorités du Collège ne sont pas des spécialistes en informatique, mais davantage en ce qui a trait au suivi. Or, ce suivi ne peut être effectué que par le personnel du Collège. L’autonomie des techniciens est similaire à celle d'un salarié professionnel ou technique de haut niveau. Le directeur de l’agence ne peut évaluer lui-même le rendement des techniciens étant donné qu'il n'est pas sur place. Le pouvoir disciplinaire ne peut s'exercer par l’agence qu'à la suite d'une plainte d'un représentant du Collège. Le syndicat a raison de dire que les deux techniciens fournis par l’agence constituent le service informatique du Collège.
Partie II - Sentences arbitrales de griefs mettant en cause du personnel provenant d’une agence ou d’un tiers
Droit à la procédure de griefs
En dépit du fait qu'il a été recruté et rémunéré par une agence de personnel, le plaignant était un salarié de l'employeur durant la période litigieuse. Compte tenu du nombre de jours travaillés, sa probation était terminée, et il peut contester son congédiement au moyen de la procédure de grief[14].
Décision : En raison du texte même de la convention collective applicable dans l’entreprise – un centre de distribution d’équipement de sport –, le recours à des employés d'agence revêt un caractère essentiellement temporaire. L’employeur n’a pas démontré qu’il avait fait appel au plaignant pour l'un des motifs énoncés dans la convention : surcroît de travail ou poste dont la vacance ne peut être pourvue faute de candidat. Il a retenu les services du plaignant après s'être lui-même assuré que ses connaissances, son expérience et ses habiletés correspondaient aux exigences de l'emploi d'électromécanicien. Il a participé activement au processus ayant mené à l'embauche du plaignant. Ce dernier a travaillé dans l'établissement de l'employeur, sous la direction et la supervision des gestionnaires de l'entreprise. Il a été affecté à un poste compris dans l'unité de négociation. Comme il avait accumulé au moins 60 jours de travail au moment où il a été remercié, il a droit à la procédure de griefs pour contester son congédiement.
Grief contestant l’attribution de travail en sous-traitance
Les personnes embauchées par l'intermédiaire d'une agence de personnel afin d'effectuer des remplacements sont comprises dans l'unité de négociation du syndicat représentant les salariés de l'employeur-client dans la mesure où ce dernier assure un véritable contrôle sur leur prestation de travail[15].
Décision : Le syndicat soutient que l’employeur (Eau de source Labrador ltée) a illégalement attribué du travail couvert par la convention collective à des salariés non compris dans l'unité de négociation, ce qui a eu pour effet de priver les syndiqués d’heures supplémentaires. Le personnel d’agence a été utilisé afin de remplacer des salariés absents. Le véritable « employeur » est celui qui exerce un contrôle effectif sur la prestation de travail. Dans ce dossier, il a été admis que les personnes fournies par l’agence avaient travaillé à la chaîne de production, qu’elles avaient été formées par les représentants de Labrador, que leur supervision était effectuée par ces derniers tant sur le plan administratif que sur le plan du rendement et que les personnes recrutées par l'intermédiaire d’une agence de location de personnel étaient assujetties à toutes les clauses de la convention collective qui leur étaient applicables, y compris celle relative au paiement des cotisations syndicales. Le Tribunal a conclu que l’agence n’assumait pas le rôle d’un employeur. Les personnes recrutées par l'agence devaient être considérées comme des salariés à temps partiel compris dans l'unité de négociation du syndicat. Par conséquent, le grief contestant l’attribution de travail en sous-traitance a été rejeté.
Grief syndical réclamant la reconnaissance du statut de salarié syndiqué et l’application de la convention collective
Des consultants en informatique engagés pour remplacer des salariés temporairement absents se voient reconnaître le statut de salarié syndiqué[16].
Décision : La Société des alcools du Québec (SAQ) a décidé de recourir à des consultants afin de remplacer des salariés absents ou de pourvoir temporairement des postes vacants. Les fonctions de direction et de contrôle effectif de la prestation de travail des techniciens sont partagées entre la SAQ et la firme de consultation. Ils sont rémunérés et formés par cette dernière mais doivent se conformer à la semaine normale de travail fixée par la SAQ et rendre des comptes aux gestionnaires de celle-ci. Ces consultants sont des salariés au service de la SAQ. Ils occupent temporairement un poste compris dans l'unité de négociation et effectuent le travail de salariés syndiqués. Ils doivent donc être considérés comme tels. L’arbitre a accueilli le grief qui réclamait que la SAQ applique aux techniciens « toutes les dispositions de la convention collective et, le cas échéant, avec pleine rétroactivité et intérêts ».
Grief réclamant la reconnaissance de l’ancienneté
Une salariée embauchée par l'entremise d'une agence de placement avant d'obtenir un poste régulier se voit reconnaître son ancienneté depuis le premier jour de travail ainsi que le bénéfice de la sécurité d'emploi. De plus, sa mise à pied est annulée[17].
Décision : La plaignante occupait des fonctions de commis-comptable. Elle était soumise à un horaire identique à celui des salariés du service où elle travaillait, prenait ses pauses en même temps qu’eux et bénéficiait des mêmes congés. Cependant, sa rémunération n'était pas la même. L’arbitre conclut que, dès l’entrée en fonction de la plaignante, la compagnie de transport était son véritable employeur parce qu’elle exerçait de manière déterminante un contrôle direct et une surveillance quotidienne sur ses activités. Or, la convention collective prévoit que l'ancienneté se calcule à partir de la dernière date d'embauche et non à partir de la date de confirmation dans un poste. Par conséquent, la plaignante bénéficiait de la sécurité d'emploi et ne pouvait être mise à pied.
Grief réclamant des heures supplémentaires
L'employeur a le choix du mode de remplacement des salariés qui sont temporairement absents du travail. Il n'est pas obligé d'offrir des heures supplémentaires. Il peut recourir à des employés provenant d'agences ou à des salariés qui sont disponibles pour travailler au taux des heures normales[18].
Décision : La possibilité pour l’employeur de recourir à du personnel d’agence à l’occasion de remplacements temporaires est clairement stipulée dans la convention collective. Les parties n'ont pas limité le recours à ces personnes comme elles l'ont fait à l'égard de toute personne au service de l'employeur et non incluse dans l'unité de négociation. Le grief réclamant le paiement d’heures supplémentaires au bénéfice du plaignant est rejeté. À noter que la convention collective prévoit que les salariés temporaires, y compris les employés d’agence, doivent recevoir le taux horaire prévu à la convention et payer la cotisation syndicale.
Griefs contestant le retrait d’une affectation
En vertu de la convention collective, l'employeur n'a pas à établir que la demande de son client de retirer un salarié d'un contrat est fondée sur une cause juste et suffisante[19].
Décision : L'employeur a avisé le plaignant, un préposé à l’entretien ménager, qu'il avait reçu une demande écrite de la part de son client, un YMCA, de le retirer de façon immédiate du contrat auquel il était affecté. Il a également informé le plaignant qu'il ne devait plus se présenter chez ce client et qu'il lui transmettrait une nouvelle affectation. En vertu de la convention collective, le client n'a pas à fournir de motif justifiant sa demande de transfert et l'employeur n'a pas le choix d'obtempérer. Ce dernier a toutefois l'obligation de maintenir la rémunération du salarié, et ce, même s’il travaille moins d’heures et même si l'échange de contrat ne peut être effectué. Si l'employeur l'estime nécessaire, il peut procéder à une enquête auprès du client et imposer une mesure disciplinaire ou administrative au salarié. Dans un tel cas, il aura le fardeau d'établir une cause juste et suffisante au soutien de sa décision. Il ne peut établir une cause juste et suffisante pour une décision qui appartient à un tiers, soit le client.
Compte tenu des plaintes de son client – un centre hospitalier –, l’employeur – une agence de sécurité – pouvait mettre fin à l’affectation du plaignant chez ce client[20].
Décision : Le retrait d'une affectation constitue une mesure administrative. Dans ce dossier, l’« employeur » est l’agence de sécurité qui fournit à sa clientèle des services de surveillance. Le plaignant est un employé syndiqué de l’agence. La convention collective à laquelle il est assujetti prévoit les conditions selon lesquelles un salarié doit être déplacé (« relocalisé ») lorsque le client demande le retrait de l’affectation. Le syndicat reproche à l'employeur de ne pas avoir prouvé les motifs invoqués par le client pour exiger le retrait du plaignant. Selon l’arbitre, l’employeur n’avait qu’à établir qu'il avait été prouvé à sa satisfaction que les plaintes du client lui semblaient fondées après enquête et qu'il valait mieux mettre fin à l’affectation du plaignant chez ce client afin d’empêcher la détérioration du lien de confiance qui doit exister avec ce dernier et de protéger l'image de son entreprise. Le grief contestant le retrait de l'affectation du plaignant a été rejeté.
Une agente de sécurité dont l’affectation chez un client a été retirée à la demande de ce dernier réintègre ses fonctions parce que le client n'a pas transmis ses motifs par écrit et que l'employeur (l’agence) a omis de faire enquête pour vérifier l'existence d'un motif valable[21].
Décision : La plaignante, une employée syndiquée de l’agence de sécurité, avait été affectée chez le seul client de celle-ci, le palais de justice de Chibougamau. Le client n'a donné aucun motif valable pour demander son déplacement. L’arbitre conclut que c’est en violation de la convention collective applicable que l’employeur a retiré cette affectation à la plaignante. Il aurait dû faire enquête afin de vérifier l'existence d'un réel motif. En vertu de la convention collective, un client peut demander le retrait de l'agent affecté à son contrat, mais, pour ce faire, il doit procéder par écrit et exposer ses motifs. Le grief est accueilli, et la réintégration de la plaignante dans ses fonctions au palais de justice est ordonnée.
Conclusion
Il n’est pas simple de répondre à la question suivante : quelles sont les conditions de travail applicables aux employés d’agence? D’abord, il y a peu de jurisprudence traitant expressément de ce sujet. Ensuite, comme on l’a vu, la réponse à cette question varie en fonction des circonstances dans lesquelles s’effectue la prestation de travail. En règle générale, ces personnes sont liées par un contrat de travail avec l’agence. Elles sont des personnes salariées au sens du Code civil du Québec (art. 2085) et leurs conditions de travail sont établies par l’agence. Ces conditions de travail (rémunération, congés, etc.) ne peuvent être moindres que ce qui est prévu aux dispositions d’ordre public de la Loi sur les normes du travail[22]. Les conditions de travail des employés d’agence peuvent toutefois être plus avantageuses que ce que prescrit cette loi ou que ce qui est prévu dans leur contrat de travail. C’est le cas notamment lorsqu’une convention collective en vigueur dans l’établissement où ces personnes sont affectées leur est applicable. Pour savoir si tel est le cas, il faut nécessairement déterminer qui est leur employeur véritable en tenant compte des critères établis par la jurisprudence. Il faut souligner que certaines entreprises qui fournissent à des tiers du personnel de surveillance ou d’entretien ménager sont elles-mêmes liées par des conventions collectives négociées avec des syndicats. Enfin, comme le mentionne l’auteur Robert P. Gagnon[23], on rencontre des situations où l’agence et le client se partagent les pouvoirs et les responsabilités de gestion de manière telle qu’ils sont conjointement l’employeur.
Source : VigieRT, mars 2014.