Un salarié peut mettre fin unilatéralement à un contrat de travail à durée indéterminée en donnant un préavis de démission raisonnable.
En effet, l’article 2091 du En effet, l’article 2091 du Code civil du Québec (C.c.Q.) prévoit que « Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l'autre un délai de congé. »
Ainsi, l’obligation d’offrir un délai de congé raisonnable concerne tout autant le salarié que l’employeur.
Ce délai doit être jugé raisonnable et tenir compte de différents facteurs, dont la nature et la durée de l’emploi ainsi que des circonstances particulières. Plus précisément, en matière de préavis de démission, les tribunaux ont tenu compte du temps requis et de la difficulté pour l’employeur de trouver un remplaçant, de la situation géographique du lieu de travail, du type de travail et des qualités requises pour l’accomplir.
Cependant, lorsque le contrat de travail contient une clause particulière prévoyant une procédure à respecter ou un délai minimal à offrir à titre de préavis de démission, le salarié doit s’y conformer.
Dès lors, il peut être judicieux d’insérer un tel type de clause dans le contrat de travail afin d’éviter toute situation litigieuse en cas de départ précipité d’un salarié, notamment pour occuper un poste de cadre ou de premier plan dans une autre entreprise.
Par ailleurs, le salarié peut donner sa démission sans avoir à donner de préavis lorsqu’il la justifie par des motifs sérieux. Le non-respect du contrat de travail par l’employeur et un refus systématique de sa part de discuter avec le salarié de ses conditions de travail sont des exemples de tels motifs. Par contre, une démission motivée par une amélioration des conditions de travail dans une autre entreprise ne constitue pas un motif sérieux au sens de l’article 2094 C.c.Q. et nécessite donc l’octroi d’un délai de congé raisonnable.
Suivant ce qui précède, voici deux décisions récentes abordant le préavis de démission raisonnable.
Ethica Clinical Research inc. c. Le Gall[1]
Dans cette affaire, la Cour du Québec a apporté quelques précisions quant aux situations pouvant donner lieu à une indemnisation de l’employeur par le salarié fondée sur l’article 2091 C.c.Q.
La société demanderesse est une entreprise offrant des services de recherche sous contrat aux entreprises œuvrant dans les domaines pharmaceutique, biotechnologique, nutriceutique et cosmétique ainsi que dans celui des dispositifs médicaux. Le défendeur, quant à lui, y occupe le poste de directeur de la biométrie depuis plus de six ans.
Le défendeur a remis sa démission assortie d’un délai de congé d’une semaine et il a refusé d’accorder à son employeur le préavis d’une durée de trois semaines que ce dernier lui a réclamé. Conséquemment, l’entreprise n’a pas été en mesure de fournir certaines prestations de services à ses clients dans les délais convenus. Elle a dû faire appel aux services de consultants externes afin de pallier le départ intempestif du défendeur.
La demanderesse réclame l’octroi de dommages-intérêts sur les prétentions que le délai de congé raisonnable en l’espèce était de dix semaines, qu’il y a eu abus de droit lors de la résiliation unilatérale du contrat de travail de la part du défendeur ainsi que sur le défaut de ce dernier d’avoir exécuté son travail avec prudence, diligence et loyauté pendant la période du délai de congé.
Le préavis de démission de cinq jours était-il raisonnable?
Plusieurs facteurs ont été considérés lors de la détermination de la durée du délai de congé raisonnable dont la nature de l’emploi, le salaire, les responsabilités rattachées à l’emploi, la durée de la prestation de travail, la difficulté de recrutement compte tenu de la nature de l’emploi, la spécialisation de l’emploi, le temps nécessaire à la formation, le travail de remplacement nécessaire dû à l’absence du défendeur, les coûts reliés à la faible productivité du département de biométrie ainsi que le rapport de force entre l’employeur et l’employé.
La Cour a établi qu’un préavis de trois semaines était raisonnable compte tenu des faits en cause, dans la mesure où la présidente de la société avait, elle-même, déterminé qu’un délai-congé de trois semaines était suffisant. Le tribunal n’a pas tenu à se prononcer quant aux facteurs prépondérants qui ont motivé sa décision, se limitant à la mention que le témoignage de la présidente aurait certes pu augmenter la durée du délai de congé.
Le défendeur a-t-il fait preuve d’abus dans l’exercice de son droit de résilier son contrat de travail?
La Cour a conclu que le salarié avait adopté un comportement répréhensible en omettant volontairement de divulguer qu’il avait l’intention de remettre sa démission deux semaines après une période de vacances. De plus, la preuve a démontré qu’il savait pertinemment qu’il plaçait son employeur dans une situation où il ne serait pas en mesure d’embaucher un remplaçant et de procéder aux transferts des responsabilités à l’intérieur d’un délai de 24 à 96 heures. Le juge a donc accordé des dommages de 1 500 $ s’ajoutant à l’indemnité tenant lieu du délai de congé.
Le défendeur a-t-il exécuté son travail avec prudence, diligence et loyauté durant la période couverte par le délai de congé?
Sur cette question, la Cour a donné foi aux témoignages des différents cadres de la demanderesse et est parvenue à la conclusion que le défendeur avait démontré une attitude conflictuelle et une collaboration inadéquate, indigne du poste qu’il occupait. Elle a donc octroyé une somme de 1 000 $ supplémentaire en dommages.
Environnement Sanivac inc. c. Lamoureux[2]
Dans cette affaire, il était question d’un contrat de travail à durée déterminée qui a été reconduit tacitement, de telle sorte qu’il est devenu un contrat de travail à durée indéterminée. La Cour du Québec devait se prononcer sur l’octroi d’un préavis de démission raisonnable dans une telle situation.
L’entreprise Environnement Sanivac inc. est spécialisée dans le pompage et la récupération de matières résiduelles alors que l’entreprise Sancovac 2000 se spécialise en gestion environnementale. Le défendeur, quant à lui, est directeur d’environnement chez Sanivac inc. et Sancovac 2000. Occupant un poste de grande importance, répondant directement au nom du propriétaire des entreprises, le défendeur a quitté son emploi en mentionnant qu’il serait disponible par téléphone ainsi que par courriel pour une période de deux semaines suivant sa démission.
Son départ a eu pour conséquence d’augmenter considérablement les déplacements du propriétaire afin de pallier la situation d’urgence. Comme le défendeur n’a pas veillé au transfert de ses connaissances et n’a pas assuré de transition adéquate de ses fonctions, certains clients importants se seraient plaints et n’auraient pas reçu les services escomptés. De plus, l’entreprise se trouvait au milieu d’un déménagement au moment de la démission du défendeur et ce dernier avait la responsabilité de coordonner le tout.
La demanderesse réclame donc un préavis de démission de 8 semaines au défendeur à titre de dommages.
Le défendeur a-t-il fait défaut de donner un préavis raisonnable?
Comme il y a eu reconduction du contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, un préavis de démission raisonnable se devait d’être donné en l’espèce.
Bien que le défendeur se soit déclaré disponible par voie téléphonique ou par courriel pour assister les représentants de l’entreprise à la suite de son départ, cela ne correspond pas à un préavis respectant la norme reconnue. Il n’était pas disponible pour demeurer au service de l’entreprise pendant deux semaines. Le défendeur ne peut donc pas reprocher à la demanderesse de ne pas avoir profité de cette offre.
Quel est le préavis raisonnable en l’espèce?
Le Code impose de s’inspirer non seulement de la durée de la prestation de travail, mais également de la nature de l’emploi et des circonstances particulières dans lequel il s’exerce. Le tribunal a qualifié le poste qu’occupe le défendeur d’important au sein de l’entreprise.
Il a déterminé que le préavis raisonnable compte tenu de tous les facteurs en cause était de deux semaines. Toutefois, comme aucune perte de revenu n’a été démontrée, pas plus qu’une quelconque perte de clientèle, la Cour a de sérieuses réserves pour ce qui est de l’étendue réelle des dommages occasionnés par le départ du défendeur.
Bien que le propriétaire ait dû augmenter ses déplacements et sa charge de travail de façon significative, il a été mis en preuve que le poste du défendeur n’a jamais été comblé et qu’il est assumé par les autres employés de l’entreprise. Considérant cela, une somme de 4 000 $ à titre de dommages-intérêts a été jugée suffisante par le tribunal puisqu’il y avait eu absence de préavis de démission raisonnable.
Conclusion
Lorsque l’employeur subit un préjudice et qu’il est en mesure d’en faire la preuve, la responsabilité du salarié peut être encourue lorsqu’il fait défaut de donner un préavis de démission raisonnable.
Même si très peu de décisions ont été rendues en matière de préavis de démission raisonnable, celles-ci rappellent que les employeurs bénéficient toujours de ce droit.
Source : VigieRT, janvier 2016.
1 | 2015 QCCQ 3708 |
2 | 2015 QCCA 10261 |