Vous lisez : Le licenciement collectif

L’actualité des derniers mois fait état de licenciements massifs de salariés générés notamment par une situation économique difficile. Ainsi, en 2011, 428 copies d’avis de licenciements collectifs ont été transmises à la Commission des normes du Travail. Ces avis visaient plus de 16 000 travailleurs québécois[1].

Il existe des dispositions législatives qui sont de juridiction provinciale et qui prévoient et encadrent les licenciements de ce type. Les employeurs et les salariés ont certainement avantage à en connaître la portée, d’où l’intérêt de vous proposer un survol de ce que nous croyons être les plus importantes d’entre elles.

L’origine et les objectifs des dispositions concernant le licenciement collectif
Les dispositions portant sur le licenciement collectif ont été adoptées en 1969 et insérées dans la Loi sur la formation et la qualification de la main-d'œuvre (LFQM). Cette loi prévoyait le nombre de salariés nécessaire à la reconnaissance d’un licenciement collectif, les notions de force majeure et d’événement imprévu ainsi que l’existence d’un comité de reclassement. Par contre, il n’existait pas d’indemnité particulière reliée à l’absence ou à l’insuffisance d’avis de licenciement collectif.

En 2002[2], les dispositions ont été incorporées à la Loi sur les normes du travail (LNT)[3] afin notamment de les rendre plus visibles. Ce sont la Commission des normes du travail (CNT) et le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) qui se partagent la juridiction de cette section de la LNT.

Le but premier de ces dispositions est de s’assurer que les employeurs avisent le MESS qu’un licenciement affectera dans un avenir prochain plusieurs salariés d’un établissement. Le délai d’avis est plus long qu’en cas de licenciement individuel puisque la situation touche et affecte une région ou une sous-région et rend plus difficile la recherche d’un nouvel emploi. En cas de défaut ou d’insuffisance d’avis, un processus d’enquête sera déclenché à la CNT dans le but de réclamer des indemnités en remplacement de l’avis.

Le second objectif est de mettre en œuvre un comité de reclassement afin de muter les salariés touchés[4].

Voyons maintenant comment la LNT définit la notion même de licenciement collectif :

84.0.1 Constitue un licenciement collectif régi par la présente section une cessation de travail du fait de l’employeur, y compris une mise à pied pour une durée de six mois ou plus, qui touche au moins 10 salariés d’un même établissement au cours d’une période de deux mois consécutifs.

Les délais à respecter pour donner l’avis de licenciement collectif
Le nombre de semaines d’avis requis est en fonction du nombre de salariés visés par le licenciement.

Nombre de salariés Délai de l’avis
10 à moins de 100 8 semaines
100 à moins de 300 12 semaines
300 et plus 16 semaines

Les indemnités qui doivent être versées sont donc en fonction de ces nombres de semaines. Notons cependant que les indemnités versées à la suite d’un licenciement collectif ne peuvent être additionnées à celles versées à titre de cessation individuelle de travail pour un même salarié[5].

Les critères qui déterminent s’il y a un licenciement collectif
À partir de la définition de la LNT, on peut résumer ainsi les trois critères qui déterminent s’il y a un licenciement collectif.

  1. Une cessation de travail du fait de l’employeur
    Pour qualifier une situation de licenciement collectif, il faut d’abord que la fin d’emploi ou la mise à pied relève du fait de l’employeur. Cette fin d’emploi sera donc reliée à une situation où l’employeur doit se départir des services de salariés pour des motifs reliés à l’entreprise. Par exemple, une restructuration ou une fermeture d’usine.
     
  2. Qui touche au moins 10 salariés dans un même établissement
    Par ailleurs, et tel que nous l’avons souligné, un licenciement sera considéré comme collectif s’il touche au moins 10 salariés dans un même établissement, au cours d’une période de deux mois consécutifs.

    L’établissement n’est pas défini dans la LNT. Cependant, les tribunaux ont permis de cerner ce qu’il faut entendre par ce terme. Sera donc considéré comme établissement un lieu physique où le travail est effectué. L’établissement n’est cependant pas synonyme de bâtisse ou d’adresse civique puisqu’un ensemble d’édifices peut aussi constituer un seul établissement. L’élément principal qui permet de le qualifier est l’unité de gestion et d’activités. Ainsi, lorsque différents lieux de travail ne sont pas dirigés de façon autonome et distincte, on pourra considérer que l’ensemble constitue un établissement au sens de la LNT[6].
     
  3. Au cours d’une période de deux mois consécutifs
    Quant à la période de deux mois consécutifs, voici un exemple qui permettra de comprendre la façon de le calculer.

    L’employeur ABC inc. licencie 50 salariés, sans avis préalable, le 1er septembre 2011. Il devra donc verser à chacun des employés touchés par le licenciement une indemnité correspondant à huit semaines de salaire, nonobstant leur période de service continu auprès de l’entreprise[7].

    Ainsi, Monsieur Lalancette, qui travaille pour cet employeur depuis le 1er avril 1970 et qui est avisé le 1er septembre 2011 de sa fin d’emploi, aura droit à huit semaines d’indemnité tout comme Monsieur Tremblay, licencié au même moment, mais qui a commencé à travailler à cet endroit en 2009. Comme il est mentionné ci-dessus, l’indemnité est fonction du nombre de salariés et non du nombre d’années de service continu.

    Poussons notre exemple un peu plus loin : les affaires de l’entreprise se détériorent tant et si bien que l’employeur est forcé de se départir des services de 75 autres salariés, en date du 15 octobre 2011. Nous sommes donc dans la même fenêtre de deux mois (1er septembre 2011 au 15 octobre 2011), c’est-à-dire qu’il ne s’est pas écoulé plus de deux mois entre la première vague et la deuxième vague de licenciement. N’ayant pas envoyé d’avis au MESS avant le moment où les 75 nouveaux salariés sont licenciés, l’employeur devra donc les indemniser en fonction du nombre total de salariés, soit 125, ce qui correspond à une indemnité de 12 semaines. De plus, l’employeur devra également ajuster l’indemnité des 50 salariés licenciés en septembre 2011, qui auront droit à 4 semaines supplémentaires aux 8 semaines déjà versées.

Les principales exceptions à la LNT concernant l’obligation de donner un avis dans le délai prévu
Les dispositions concernant le licenciement collectif ne trouvent pas application dans certaines conditions[8]. Voici deux de ces exceptions.

Soulignons tout d’abord le cas du salarié qui ne compte pas trois mois de service continu. Celui-ci ne sera pas visé par l’avis et n’entrera pas dans le calcul du nombre de salariés licenciés.

Une autre des exceptions prévoit le cas de l’événement imprévu ou de force majeure entraînant le licenciement. Bien entendu, étant donné qu’il s’agit d’une exception, l’employeur devra démontrer et justifier que la situation constitue effectivement une exception à l’application de la loi.

L’avis à transmettre au ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale
Rappelons-nous que la transmission et l'affichage de l'avis de licenciement collectif constituent les actions premières de l’employeur. L’objectif est d’aviser un nombre important de salariés qu’ils perdront définitivement leur emploi.

Quant à la façon dont l’avis doit être transmis et son contenu, nous vous référons au Règlement sur les normes du travail[9] qui le stipule. N’oublions pas que l’employeur, en plus de faire parvenir un avis au MESS, doit également aviser la CNT de la situation, par l’envoi d’une copie de l’avis[10].

Il nous semble également important de préciser qu’il n’est pas obligatoire que l’avis contienne le nom des salariés qui seront licenciés. En effet, l’employeur n’a qu’à indiquer le « nombre de salariés possiblement visés par le licenciement collectif »[11]. Ce faisant, un employeur qui craint devoir licencier plusieurs salariés sous peu aura avantage à transmettre l’avis, même s’il n’a pas terminé l’identification des salariés qui seront visés et même s’il garde espoir que leur nombre soit moins élevé, puisqu’ainsi il sera plus assuré d’avoir agi en conformité avec la LNT.

Il importe cependant de rappeler qu’un employeur qui donne l’avis de licenciement collectif n’est pas exempté de donner l’avis de cessation individuel de travail[12].

Les obligations de l’employeur pendant la période d’avis
Les dispositions de la LNT prévoient que pendant la période d’avis de licenciement l’employeur ne peut modifier le salaire et les régimes de retraite pour les salariés visés par le licenciement collectif[13].

Le plus tôt sera le mieux!
Les dispositions sur le licenciement collectif ont pour but principal de permettre à un groupe de salarié d’être informé suffisamment d’avance de leur fin d’emploi, de leur permettre que des moyens soient mis à leur disposition afin qu’ils puissent être replacés dans le marché du travail rapidement, et ainsi limiter les effets dommageables qui peuvent toucher une région.

Un employeur prudent avisera sans tarder les autorités gouvernementales d’un licenciement massif, même lorsqu’il espère que les affaires iront mieux bientôt. La prévention, par l’envoi d’un avis au MESS, est sans aucun doute la meilleure des solutions.

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1 Source : Commission des normes du travail.
2 La Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives (L.Q. 2002, chap. 80) est sanctionnée le 19 décembre 2002 et mise en vigueur le 1er mai 2003.
3 Articles 84.0.1 à 84.0.15 LNT.
4 Lorsque le nombre de salariés visés est de 50 ou plus (article 84.0.15 LNT).
5 Article 84.0.14 LNT. L’article 83 LNT prévoit le paiement d’une indemnité compensatrice lorsqu’un employeur ne donne pas l’avis individuel de cessation d’emploi prévu au paragraphe 82 LNT.
6 Syndicat des travailleurs en communication du Canada, section locale 81 c. Télébec Limitée, (1986) T.T.29, à la p. 32.
7 Sauf l’exception du trois mois dont il sera question dans la prochaine section.
8 L’article 84.0.2 LNT fait référence à l’article 3 LNT qui énumère ces exceptions.
9 R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r.3, articles 35.0.1 et 35.0.2.
10 Article 84.0.6 LNT.
11 Id., article 35.0.2, paragr. 6°.
12 Article 84.0.4 LNT.
13 Article 84.0.8 LNT.
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