Vous lisez : Le congédiement suite à un résultat positif à un dépistage de drogue

Le 15 juin 2017, la Cour suprême du Canada a rendu une décision très attendue dans l’affaire Stewart c. Elk Valley Coald Corp. (2017 CSC 30). La Cour a maintenu la décision du Tribunal des droits de la personne de l’Alberta (ci-après « le tribunal de première instance »). Il avait jugé que le congédiement d’un employé occupant un poste à risque élevé pour la sécurité et ayant été impliqué dans un accident du travail alors qu’il avait consommé de la cocaïne ne constituait pas une discrimination illégale. Cette décision constitue un précédent important qui pourrait justifier la révision des politiques en matière de drogues et d’alcool par certains employeurs.

Les faits

Le travailleur, conducteur de camion, travaillait dans une mine de charbon. Il s’agit d’un secteur où il y a des postes présentant un risque élevé pour la sécurité. Les activités de la mine étant dangereuses, le maintien d’un chantier sécuritaire revêt une grande importance aux yeux de l’employeur et de la main d’œuvre. Dans cette optique, l’employeur a adopté une politique obligeant les membres du personnel à révéler tout problème de dépendance avant qu’un incident découlant de la consommation de drogues ne survienne. S’ils le faisaient, on leur offrait un traitement. Toutefois, s’ils ne le faisaient pas et qu’ils étaient impliqués dans un incident et obtenaient par la suite un résultat positif à un test de dépistage de drogues, ils étaient congédiés.

En l’espèce, le travailleur concerné consommait de la cocaïne pendant ses jours de congé, mais ne l’a jamais mentionné à son employeur. Celui-ci a mis fin à l’emploi du travailleur à la suite d’un résultat positif à un test de dépistage de drogues effectué après un accident du travail. Le travailleur a porté plainte auprès de la Commission des droits de la personne de l’Alberta en soutenant qu’il souffrait d’un handicap en raison de sa dépendance et qu’il avait été congédié pour cette raison. L’employeur a soutenu que le travailleur aurait pu divulguer volontairement sa dépendance et que, le cas échéant, un accommodement lui aurait été offert. Toutefois, ce dernier n’a jamais mentionné sa dépendance avant la survenance de l’accident. La lettre de congédiement indiquait clairement que le travailleur avait été congédié conformément à la politique parce qu’il avait omis de divulguer sa dépendance.

La décision du tribunal

Le tribunal de première instance a retenu que la dépendance à la drogue du travailleur était un handicap protégé en vertu de l’Alberta Human Rights Act (R.S.A. 2000, c. H-14). Le tribunal a cependant conclu qu’il n’avait pas été congédié en raison de sa dépendance, mais plutôt parce qu’il a violé la politique.

Même s’il y avait eu discrimination, le tribunal a conclu que celle-ci aurait été justifiée en raison de la nécessité d’imposer des mesures de dissuasion dans un milieu où la sécurité est importante. Finalement, le tribunal a estimé que l’employeur s’était acquitté de son obligation d’accommodement envers le travailleur en remettant la politique à tous les membres du personnel, en offrant de l’aide à ceux aux prises avec un problème de dépendance afin d’obtenir un traitement et, éventuellement, de les réintégrer dans leurs fonctions.

En appel

La Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a retenu que le travailleur n’avait pas été congédié en raison de son handicap, mais parce qu’il avait omis de respecter la politique. Cependant, la Cour n’a pas retenu l’avis du tribunal concernant l’accommodement raisonnable. Le travailleur a fait appel de la décision de la Cour sur la question de la discrimination et l’employeur, sur la question de l’accommodement.

Finalement, la Cour d’appel de l’Alberta a rejeté l’appel et déclaré que le tribunal avait correctement reconnu que le congédiement du travailleur était attribuable à la violation de la politique et non à son handicap. En ce qui concerne l’accommodement, les juges ont majoritairement conclu qu’on ne peut obliger l’employeur à faire reposer sa politique sur une manifestation flagrante de dépendance. La possibilité que l’employé ignore qu’il est dépendant ou nie sa dépendance n’y change rien.

Décision de la Cour suprême du Canada

Dans une décision majoritaire, la Cour suprême du Canada a rejeté l’appel du travailleur et a conclu que sa dépendance n’avait pas été le motif de son congédiement, mais plutôt le non-respect de la politique. Elle a fait preuve de déférence envers la conclusion du tribunal de première instance selon laquelle le travailleur était en mesure de respecter la politique et que, par conséquent, il n’était pas lésé par celle-ci.

L’argument selon lequel le déni a empêché le travailleur de révéler sa dépendance avant l’accident a été rejeté. En effet, peut-être celui-ci niait-il sa dépendance, mais il savait qu’il ne devait pas prendre de drogue avant de travailler et qu’il pouvait décider de ne pas en prendre, en plus d’avoir la possibilité de révéler sa consommation de drogue à son employeur. Le déni de sa dépendance n’a donc pas été jugé pertinent en l’espèce.

Commentaires

La décision de la Cour suprême du Canada confirme que les employeurs peuvent s’appuyer sur les dispositions d’une politique en matière de drogues et d’alcool qui exigent que les membres du personnel occupant un poste jugé critique pour la sécurité divulguent eux-mêmes leur dépendance. Cette décision confirme également qu’un membre du personnel ne peut pas toujours faire valoir qu’il est en déni de sa dépendance, assimilable à un handicap, lorsqu’il prétend que l’employeur a omis de l’accommoder.

Ainsi, les employeurs œuvrant dans des milieux de travail où il y a des postes jugés critiques sur le plan de la sécurité devraient réviser leur politique en matière de drogues et d’alcool pour s’assurer qu’elle impose adéquatement à la main-d’œuvre l’obligation de divulguer les dépendances avant qu’un accident survienne. Elle devrait également mentionner que les membres du personnel peuvent avoir accès à des programmes d’aide pour obtenir le traitement dont ils ont besoin. Lorsqu’une telle politique prévoit un accommodement pour le personnel qui la respecte et des mesures disciplinaires pour les membres qui ne la respectent pas, les employeurs peuvent imposer des mesures disciplinaires à ceux qui ne divulguent pas leur dépendance malgré la politique, que ceux-ci admettent leur dépendance ou non. L’employeur, ce faisant, n’agit pas de façon discriminatoire.

Source : VigieRT, septembre 2017.
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