La violence qui existe dans la société et dont nous sommes témoins quasi quotidiennement n’a pas sa place. Elle ne peut être tolérée dans aucun milieu, notamment au travail où les femmes et les hommes devraient pouvoir se concentrer pour satisfaire les attentes de leur employeur et se dépasser. Selon une enquête, 17 % de tous les incidents autodéclarés de victimisation avec violence se sont produits en milieu de travail[1].
Les répercussions négatives[2] et les interventions des législateurs[3], de plus en plus contraignantes, forcent désormais les organisations, à travers des comités de toutes sortes, à chercher des moyens efficaces de prévention afin d’offrir aux travailleurs un milieu sain et exempt de danger.
La violence en milieu de travail n’a pas de sexe et, contrairement à ce que plusieurs pensent, elle n’est pas nécessairement limitée à de la violence physique avec blessures évidentes. La violence peut en effet prendre différentes formes. Elle peut être de nature verbale, écrite, psychique ou physique, les plus répandues étant vraisemblablement la violence verbale et physique. Plusieurs exemples peuvent être cités, notamment des jurons, insultes, coups, objets lancés, poussées, bousculades, morsures, menaces, viols et meurtres. Certains travailleurs font partie de groupes ayant tendance à présenter un risque de violence plus élevé que les autres, tels que les travailleurs de soins de santé, les agents de services correctionnels, les employés des services sociaux, les enseignants, les inspecteurs municipaux des logements, les employés des travaux publics et les employés du commerce de détail. Certains cas sont particulièrement délicats, surtout lorsque les évènements surviennent en l’absence de témoins.
Qu’en est-il lorsque la réaction de l’un entraîne une réaction de l’autre? Il arrive fréquemment que l’on entende des phrases du type : « Cette personne m’a blessé (estime de soi ou physiquement) donc j’ai réagi et riposté », « cas de légitime défense » ou « il y a eu provocation ». Il va sans dire que de telles hypothèses, lesquelles se rapprochent dans une certaine mesure du dicton « œil pour œil, dent pour dent », ne sont pas pour autant excusables. En d’autres mots, la vengeance n’a pas sa place, et ceci est particulièrement vrai dans les cas de violence familiale au travail. Les conséquences peuvent en effet être très graves, et c’est d’ailleurs une des raisons ayant mené le législateur en Ontario à adopter des dispositions particulières sur ce sujet en obligeant les employeurs qui prennent connaissance ou devrait normalement avoir pris connaissance du fait qu’il peut se produire de la violence familiale dans le lieu de travail susceptible d’exposer le travailleur à un préjudice corporel à prendre des précautions raisonnables dans les circonstances pour le protéger[4].
Comment réduire les risques?
Les employés, quel que soit leur statut, doivent être outillés pour déceler les situations problématiques et savoir comment réagir. Il est aussi essentiel que le personnel de direction (contremaîtres, gestionnaires, superviseurs, gérants, etc.) soit adéquatement formés pour prévenir la violence en milieu de travail. Tous devraient savoir comment agir en présence d’une personne violente. L’approche, telle que la fuite des lieux dans certaines circonstances, peut faire toute la différence.
Parmi les conseils usuels qui sont donnés pour prévenir et, le cas échéant, faire cesser la violence en milieu de travail, il y a entre autres :
- Vérifier comment les employés se sentent, comment ils perçoivent leur milieu de travail;
- Dresser un portrait des antécédents de violence dans le milieu;
- Évaluer les risques inhérents;
- Prendre des mesures pour éliminer les dangers;
- Élaborer une politique ou des procédures en matière de prévention de la violence en prenant soin de s’assurer de l’engagement de chacun, y compris celui de la haute direction;
- Organiser des sessions de formation et d’information en donnant des exemples et en misant sur l’intelligence émotionnelle des employés;
- Demeurer à l’écoute de ce qui se passe;
- Encourager les employés à communiquer et à s’adresser à une personne désignée en cas de non-respect des règles;
- Lorsqu’une situation problématique est portée à la connaissance d’une personne en autorité, vérifier les faits, même en l’absence d’une plainte formelle si des motifs raisonnables d’intervention existent;
- Intervenir sans délai notamment s’il est question de menaces, d’intimidation causant ou pouvant causer un préjudice corporel;
- Mettre en place des mesures de soutien et d’accompagnement; et,
- Faire des suivis ponctuels[5].
En d’autres mots, il ne faut pas hésiter à aller à la source pour comprendre le problème. Il faut aussi se rappeler que se faire justice à soi-même ou riposter en infligeant à l’autre la même médecine est non souhaitable. Il est, de plus, indispensable que l’organisation se dote d’une politique claire et appliquée de manière uniforme. L’information contenue doit être diffusée, même aux tiers avec lesquels les employés ont à travailler. Ainsi, par la conscientisation, l’éducation, la non-tolérance ainsi que par des politiques, il est possible d’ériger des barrières à la violence en milieu de travail.
Note à propos de l’auteur :
Avocate spécialisée en matière d’enquêtes internes (harcèlement et violence au travail). Elle est également médiatrice accréditée. Elle a écrit avec Jean-Maurice Cantin, c.r. : Politiques en matière de harcèlement au travail et réflexions sur le harcèlement psychologique, 2e édition, Yvon Blais, 2006, La dénonciation d’actes répréhensibles en milieu de travail ou whistleblowing, Éditions Yvon Blais, 2005, ainsi qu’un article intitulé Workplace Violence and Harassment in Ontario: What to expect from Bill 168 and how to cope with the new legislation, publié par Thomson Reuters dans le recueil de M. le juge John R. Sproat, Employment Law Manual, avril 2010.
Source : VigieRT, septembre 2011.
1 | Enquête sociale générale de 2004 sur la violence en milieu de travail, Statistique Canada |
2 | Voir Roher Eric M., Violence in the Workplace, 2nd edition, CLV Reports, Carwell Business, 2004 |
3 | Des lois spécifiques sur la violence existent notamment en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario, en Saskatchewan, au Manitoba et au fédéral. Voir entre autres à ce sujet : A Consult Carswell Special Report, Bill 168 Implementation Guide, Carswell, janvier 2010. |
4 | Voir supra, note 5, article 32.0.4, commenté dans Bill 168 Implementation Guide, supra, note 4, pages 55 à 59 et dans Workplace Violence and Harassment in Ontario: What to expect from Bill 168 and how to cope with the new legislation, supra, note 1, pages ND-11 à ND-13. |
5 | Pour plus de détails sur ces sujets, voir Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, Prévention de la violence en milieu de travail, 3e édition, CCHST, 2010. Les pages 120 et 121 sont entre autres consacrées à aider ceux qui rencontrent une personne susceptible de poser un acte de violence. Voir aussi Ontario Bar Association, Personal Security Handbook, 2009, à la page 8. |