L’actualité regorge d’exemples de personnes condamnées pour des crimes qui les rendent inaptes à accomplir les fonctions reliées à leur emploi, qu’il s’agisse d’un policier trouvé coupable d’agression ou d’un enseignant s’adonnant au trafic de drogues. Les antécédents judiciaires d’un individu briseront nettement et indubitablement le lien de confiance qui doit exister entre l’employeur et l’employé en regard des fonctions qui lui sont confiées.
Cependant, certaines infractions placent l’employeur devant des choix parfois difficiles à faire. Le lien entre l’infraction commise et les fonctions de l’employé peut ne pas être clair et provoquer des divergences d’opinions quant à la survie du lien de confiance. Ainsi, le temps s’étant écoulé depuis l’infraction, les remords du coupable, les circonstances de l’infraction, l’attitude repentante ou le processus de réhabilitation entrepris sont des exemples de ces facteurs pouvant mitiger la gravité de la situation et affaiblir plus ou moins le lien de confiance.
Il arrive aussi que le législateur indique, par diverses dispositions législatives bien précises, les conséquences des antécédents judiciaires sur l’emploi présent ou futur de l’accusé. Il en est ainsi notamment dans le domaine de l’éducation, où la clientèle est particulièrement vulnérable et doit faire l’objet d’une protection plus encadrée que le public en général.
Dans les cas où aucune loi particulière ne s’applique, l’employeur devra se fier à l’article 18 (2) de la Charte des droits et libertés de la personne. Cet article prévoit que :
« Nul ne peut congédier, refuser d’embaucher ou autrement pénaliser dans le cadre de son emploi une personne du seul fait qu’elle a été déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle, si cette infraction n’a aucun lien avec l’emploi ou si cette personne en a obtenu le pardon. »
Une jurisprudence significative a été développée par les tribunaux d’arbitrage et de droit commun du Québec quant à la détermination de ce qui constitue un antécédent en lien avec un emploi.
Une fois qu’un tel lien peut être établi par l’employeur, celui-ci peut choisir de sévir ou non à l’endroit du salarié déjà en poste ou en processus de recrutement ou d’embauche. Il doit se demander si ces antécédents en lien avec l’emploi entraînent ou non la rupture du lien de confiance.
Les différents critères que l’employeur doit prouver par prépondérance de la preuve pour déterminer si les antécédents judiciaires ont un lien avec un emploi ont été établis par la Cour suprême dans l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Maksteel Québec inc.[1]. L’employeur doit donc démontrer :
- le degré de responsabilité associée au poste occupé ou convoité;
- la nature particulière de ses activités.
Ainsi, la plus haute cour du pays déclare que :
« […] plus un poste commande un degré élevé d’intégrité et de confiance, plus le lien pourra être facile à établir parce que les attentes sont plus grandes à l’égard d’un tel employé. »
Il est également à noter que, selon la Cour suprême, une distinction fondée sur les antécédents judiciaires ne constitue pas une discrimination au sens de la Charte et n’est pas visée par son article 10. En conséquence, rien n’interdit aux employeurs de poser des questions concernant les antécédents judiciaires des candidats. De plus, le mécanisme d’accommodement raisonnable ne s’applique pas non plus aux décisions prises dans ce contexte. En clair, l’article 18 (2) est bien distinct de l’article 10 et de ses applications, et un employeur n’aura jamais l’obligation d’étudier les possibilités d’adapter l’emploi ou de trouver, au sein de son organisation, un autre poste pour la personne dont les antécédents judiciaires l’empêchent d’accomplir ses propres fonctions.
Lois particulières
Dans certains milieux, notamment celui des commissions scolaires et des établissements d’enseignement privé, la Loi impose à l’employeur certaines attentes ainsi que des règles à respecter.
Ainsi, il est interdit pour une commission scolaire ou pour une école privée d’embaucher ou de garder à son emploi un individu ayant des antécédents en lien avec les fonctions qu’il peut être appelé à exercer auprès d’élèves mineurs[2].
Compte tenu des dispositions particulières concernant ce milieu, l’employeur qui constate l’existence d’un lien entre les antécédents judiciaires d’un individu et ses fonctions auprès d’élèves mineurs doit procéder à la résiliation du lien d’emploi. De plus, l’ensemble des critères élaborés par la jurisprudence dans le cadre de l’article 18 (2) de la Charte afin d’évaluer si le lien de confiance peut survivre malgré l’existence d’antécédents devient ici inapplicable. Pour l’employé, le seul moyen de remédier à la situation est l’obtention d’un pardon[3].
Vérifications
Dans certains contextes, une vérification régulière et périodique peut être adéquate pour certains corps de métiers. Il en sera ainsi lorsque, par exemple, l’employé doit conduire un véhicule routier ou un monte-charge et que l’employeur désire vérifier si l’employé n’a pas de casier judiciaire relié à la conduite avec facultés affaiblies.
Yann Bernard, avocat, Langlois Kronström Desjardins (lkd.ca), S.E.N.C.R.L.
Source : VigieRT, numéro 48, mai 2010.
1 | [2003] 3 RCS 228. |
2 | Voir les articles 261.0.1 de la Loi sur l’instruction publique (L.R.Q., c. I-13.3) et 54.5 de la Loi sur l’enseignement privé (L.R.Q. c. E-9.1). |
3 | Autobus Transbell inc. c. Syndicat des salariées et salariés de Transbell (CSN) (T.A., 2009-03-03), D.T.E. 2009T-377. |
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