Il est fréquent qu’un employeur n’obtienne pas toute l’information utile, au cours du processus de recrutement et de sélection, pour embaucher le meilleur candidat pour le poste à pourvoir ou tout simplement un candidat satisfaisant aux exigences de l’emploi. Si l’employeur doit évidemment poser les bonnes questions et chercher à obtenir un maximum de renseignements pertinents au sujet du candidat dans la perspective du poste convoité, celui-ci doit, pour sa part, les communiquer.
Un tribunal d’arbitrage s’est récemment penché sur le congédiement d’un salarié qui avait omis de déclarer une condition médicale particulière au moment de l’embauche. Le syndicat alléguait notamment que l’employeur avait néanmoins l’obligation d’accommoder le salarié, compte tenu de son handicap. Nous vous résumons ici la décision[1] rendue par le Tribunal d’arbitrage à la suite du grief déposé par le salarié en contestation de son congédiement.
Les faits
Le plaignant est embauché par l’employeur à titre de paramédic. Il réussit, préalablement à son embauche, un test d’évaluation de sa condition physique dans un centre universitaire. Le plaignant complète aussi, toujours avant son embauche, un formulaire médical. La responsable de la santé et de la sécurité au travail de l’employeur passe en revue, avec le plaignant, chacune des questions et réponses qui y figurent.
Une de ces questions porte précisément sur les troubles du système articulaire et musculaire. Le plaignant ne déclarant rien de particulier à cet égard, l’employeur ne lui demande pas de subir un examen médical et le considère donc comme apte à occuper l’emploi.
Plusieurs mois après son embauche, le plaignant remplit une demande de prestation d’invalidité auprès de l’assureur pour une blessure au genou qui serait survenue plusieurs années auparavant. L’employeur obtient le dossier médical du plaignant et constate que celui-ci ne lui avait pas transmis tous les renseignements requis à propos de son état de santé. Après analyse et consultation médicale, l’employeur conclut qu’il n’aurait pas embauché le plaignant si celui-ci lui avait déclaré sa blessure au genou. En effet, le plaignant était dans un état susceptible d’être à la source d’un accident au cours de l’accomplissement de ses fonctions, mettant ainsi sa santé et celle du public en jeu. Le plaignant n’aurait pu être embauché qu’après avoir subi l’intervention chirurgicale requise. L’employeur procède, par conséquent, à la cessation d’emploi du plaignant sur la base de ces fausses déclarations.
La position des parties
L’employeur
L’employeur prétend que le plaignant n’a été embauché que parce qu’il a fait de fausses représentations quant à son dossier médical au moment de l’embauche. En effet, au moment où le plaignant a rempli le formulaire d’embauche, il savait qu’il avait une déchirure du ligament croisé antérieur et qu’il allait subir une intervention chirurgicale à cet effet.
La fausse déclaration du plaignant et sa blessure ont un lien direct avec l’emploi. En effet, le paramédic est aux prises avec une multitude de situations imprévisibles et à la suite de la blessure qu’il a subie, son genou est instable et peut se déboîter. S’il avait connu l’état du plaignant, l’employeur ne l’aurait pas embauché. Le contrat conclu est donc nul ab initio (dès sa formation).
Le syndicat
Selon le syndicat, l’employeur aurait dû questionner le plaignant sur l’état de son genou, et le questionnaire serait standard et non adapté à un poste de paramédic.
Le syndicat plaide également que l’aveu de l’employeur selon lequel il aurait embauché le plaignant après son opération constituerait une discrimination en raison du handicap. L’employeur aurait ainsi l’obligation d’accommoder le plaignant.
La décision
Le Tribunal considère que les questions du formulaire médical pré-embauche sont suffisamment précises et que le plaignant devait communiquer, en réponse à ces questions et à celles posées par la représentante de l’employeur, l’état de son genou. Le plaignant savait qu’il allait subir une intervention chirurgicale à son genou dans les mois suivant son embauche. De l’avis du Tribunal, l’employeur est en droit de connaître un tel renseignement, et le plaignant a lui-même décidé de ne pas divulguer sa blessure au genou.
Le Tribunal reprend les conditions à satisfaire pour conclure que le contrat de travail liant l’employeur et le plaignant est nul. Ces conditions sont :
- Le candidat a fait une fausse déclaration ou omis de divulguer une information importante le concernant;
- La déclaration (ou l’omission) est en relation avec l’emploi;
- S’il avait connu la vérité, l’employeur n’aurait pas procédé à l’embauche du candidat.
À cet effet, le Tribunal a conclu que la preuve démontre que chacune de ces conditions est satisfaite et que, l’employeur n’ayant pas toute l’information médicale pertinente au sujet du salarié, le contrat est ainsi vicié dès sa conclusion.
Quant aux prétentions du syndicat selon lesquelles l’employeur aurait agi de manière discriminatoire et qu’il avait une obligation d’accommodement envers le plaignant, l’arbitre reprend d’abord les dispositions pertinentes de la Charte des droits et libertés de la personne[2] (ci-après la « Charte ») :
10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.
Motif de discrimination.
Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.
18.1. Nul ne peut, dans un formulaire de demande d'emploi ou lors d'une entrevue relative à un emploi, requérir d'une personne des renseignements sur les motifs visés dans l'article 10 sauf si ces renseignements sont utiles à l'application de l'article 20 ou à l'application d'un programme d'accès à l'égalité existant au moment de la demande.
20. Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi, ou justifiée par le caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d'une institution sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d'un groupe ethnique est réputée non discriminatoire.
Le Tribunal souligne que, dans l’affaire qui lui a été soumise, la preuve a démontré qu’il faut jouir d’une excellente condition physique et psychologique pour travailler comme paramédic. Dans tous les cas, les exigences de l’emploi ne font pas l’objet d’un litige entre les parties.
Le Tribunal précise également que les dispositions de la Charte ne peuvent être appliquées en l’espèce. L’arbitre s’exprime ainsi à cet effet :
« [42] Pour invoquer avec succès les dispositions de la Charte et l’obligation d’accommodement faut-il encore que l’employeur ait été informé du handicap du plaignant au moment de son embauche. »
Selon le Tribunal, l’employeur ne peut être contraint d’accommoder le plaignant en raison d’un handicap qui ne lui aurait pas été déclaré au moment de l’embauche. Le contrat doit en effet être considéré comme nul dès sa formation, et on ne peut, par conséquent, imposer à l’employeur des obligations qui découleraient de la relation contractuelle, celle-ci n’ayant jamais existé entre les parties.
Dans ces circonstances, considérant que le contrat est affecté d’un vice de consentement de l’employeur, celui-ci n’ayant pas eu l’information requise à la suite de l’omission du plaignant de remplir correctement le formulaire médical pré-embauche et considérant que l’employeur n’aurait pas embauché le plaignant s’il avait connu sa situation médicale, le grief est rejeté.
Pour obtenir des renseignements sur le cabinet ou pour consulter ses publications, cliquez ici.
Source : VigieRT, avril 2012.
1 | Syndicat du préhospitalier (FSSS-CSN) et Corporation d'Urgences-santé, SOQUIJ AZ-50838609 (T.A.). |
2 | Charte des droits et libertés de la personne, LRQ, c C-12 |