Vous lisez : Télétravail ou travail à domicile

Le télétravail est une réalité courante à travers le monde. Sur le site Web Wikipédia, on en donne la définition suivante : « Le télétravail désigne de manière générale toutes les formes de travail à distance, c'est-à-dire les formes d'organisation et/ou de réalisation du travail rendues possibles hors de la classique unité de temps et de lieu, par les moyens de télécommunication et l'Internet dans le cadre d'une prestation de service ou d'une relation d'emploi. »

Cette forme de travail atypique amène des situations pour lesquelles les règles usuelles du droit du travail et de l’emploi ne sont pas applicables.

Voici un aperçu des problématiques liées au télétravail qui ont dû être tranchées par les tribunaux dans le cadre de diverses lois, et ceci, tant sur le plan provincial que fédéral.

Plainte pour suppression de poste en vertu du Code canadien du travail
Dans Séguin et Farm Credit of Canada (FCC), SOQUIJ AZ-50567835, l’arbitre désigné a rejeté l’objection préliminaire quant à sa compétence et a accueilli la plainte d’un comptable à la suite du transfert de ses tâches vers l’établissement de l'employeur situé en Ontario. Selon l’arbitre, cette situation ne constituait pas une « suppression de poste » au sens de l'article 242 (3.1) b) du Code canadien du travail (C.C.T.). Le comptable, un « senior auditor », travaillait à partir de son domicile de Vaudreuil.

Selon l’employeur, l'arbitre n'avait pas compétence puisque le plaignant a été licencié en raison de la suppression de son poste. Il explique qu’à la suite d'une évaluation interne de la fonction occupée par le plaignant, il a procédé à une réorganisation administrative nécessitant le transfert de cette fonction vers son établissement situé en Ontario. En raison des coûts élevés qu'il aurait dû assumer, il a décidé de mettre fin à l’emploi du travailleur en lui versant une indemnité de départ. L’employeur estime que ce déplacement aurait entraîné des coûts variant entre 100 000 $ et 150 000 $.

L’arbitre a conclu que le poste du plaignant n'a pas été supprimé, au sens de l'article 242 (3.1) b) C.C.T., puisque l'ensemble des responsabilités et des activités liées à ce poste a été transféré vers l'établissement situé en Ontario. Selon lui, l'employeur ne peut prétendre que le déplacement du poste vers un autre établissement entraîne sa suppression, puisqu’un « poste » est composé d'un ensemble de tâches, d'obligations et de responsabilités, et le simple transfert de ce poste ne peut donc constituer sa suppression. L'arbitre a conclu qu’il avait compétence pour entendre la plainte.

Quant au fond, il a conclu que même si la décision de transférer le poste du plaignant reposait sur des raisons administratives valables, l’employeur n'avait aucune raison de le congédier. D’une part, il n'a pas procédé à un examen sérieux des coûts de son transfert, il a surestimé ceux-ci et dans son évaluation, il n'a pas considéré les coûts associés à l'embauche et à la formation d'un nouveau candidat. D'autre part, aucun reproche ne pouvait être formulé à l'endroit du plaignant. L’arbitre a aussi considéré le fait que ce dernier a eu des difficultés à trouver un emploi équivalent, notamment en raison de son âge (57 ans) et de sa faible scolarité. Il lui a accordé le remboursement du salaire et des avantages perdus ainsi que le paiement des honoraires de l'avocat qu'il avait engagé. La réintégration du plaignant a été ordonnée, de sorte qu’il a eu droit au paiement des dépenses liées à son déménagement.

Congédiement d’un employé en télétravail
Dans Blanchet et Vidéotron Télécom ltée, SOQUIJ AZ-50227930, l’arbitre saisi d’une plainte en vertu de l’article 240 du Code canadien du travail (C.C.T.) a conclu qu’en continuant d'effectuer du télétravail malgré un ordre clair et raisonnable de l'employeur, le plaignant, un ingénieur, a fait preuve d'insubordination, et que son congédiement était justifié.

En février 2001, le plaignant a été muté au service d'ingénierie. Au mois de mai suivant, il a été question de négocier son départ en échange d'une indemnité de cessation d'emploi, mais les parties ne se sont pas entendues. En octobre, son supérieur lui a écrit qu'il ne pouvait plus faire du télétravail, car cela était incompatible avec l'exécution efficace de ses fonctions. Le plaignant a continué à en faire. Il a alors été congédié. L'employeur met en cause l’insubordination. Quant au plaignant, il invoque pour sa part le droit de faire du télétravail, tel que le prévoit son contrat.

L’arbitre a rejeté la plainte. Selon lui, la directive de l’employeur était claire : le plaignant ne pouvait plus faire de télétravail. Si celui-ci estimait que l'entreprise portait atteinte à ses droits en cette matière, il ne pouvait se faire justice en s'absentant malgré une directive explicite. Même si elle pouvait donner lieu à un débat sur la portée du contrat d'embauche, la directive de l'employeur n'était pas abusive ou vexatoire, compte tenu du contexte et des problèmes de rendement du plaignant.

Réclamation de salaire et d'indemnité en vertu de la Loi sur les normes du travail et droit aux heures supplémentaires
Dans Poirier c. Société immobilière Campiz ltée, SOQUIJ AZ-50551764, la Cour du Québec a conclu que les heures supplémentaires effectuées par la salariée, une préposée à la comptabilité travaillant surtout à domicile, devaient être payées à taux majoré. Selon la Cour, le télétravail ne faisait pas en sorte que ses heures de travail étaient « incontrôlables » au sens de l'article 54 paragraphe 4 L.N.T.

Par contre, la demande de paiement du salaire durant sa période d'invalidité a été rejetée. La Loi sur l'assurance-emploi établit un régime de prestations spéciales aux assurés qui ne peuvent travailler en raison de circonstances particulières, dont la maladie ou la grossesse. Selon le juge, même si la salariée avait eu droit à de telles prestations, leur valeur ne serait pas ce qu'elle réclame, car elle n'a pas tenu compte du délai de carence, ni de la rémunération assurable, ni du taux des prestations. De plus, une personne admissible au bénéfice des prestations d'assurance-emploi doit manifester son intention de les recevoir.

Lorsqu'un employeur refuse de remettre un relevé d'emploi, l'employé ne peut demeurer inactif. Il doit agir de façon raisonnable afin de s'assurer qu'il satisfait aux droits et obligations énoncés à la loi, en particulier en s'adressant à la Commission de l'assurance-emploi du Canada. Une telle situation est prévue à l'article 19 (5) et (6) du Règlement sur l'assurance-emploi.

La salariée n'ayant rien fait, elle ne peut avoir, en droit civil, plus de droits que ceux qu'elle aurait eus si elle avait présenté une demande d’assurance-emploi.

Atteinte à la vie privée
Dans Syndicat des professionnelles du Centre jeunesse de Québec (CSN) c. Desnoyers, SOQUIJ AZ-50296164, la Cour d’appel a conclu que le centre jeunesse ne pouvait obliger ses salariés à travailler à domicile sans enfreindre le droit fondamental de ces derniers au respect de leur vie privée.

L’employeur, qui est un organisme chargé de s'assurer de la protection de la jeunesse et d'offrir des services continus jour et nuit, toute la semaine, a mis sur pied un service d'urgences sociales qui prend la relève le soir, la nuit et la fin de semaine. Jusqu'à l'automne 1999, un salarié était présent sur place la nuit afin de recevoir les appels et d'assurer le suivi des dossiers. Il était payé pour huit heures de travail.

À compter de l'automne 1999, l’employeur a modifié cette façon de faire en obligeant les salariés à temps partiel à assurer la garde, à tour de rôle, à partir de leur domicile de minuit à 8 h. Il leur a fourni une ligne téléphonique supplémentaire, un ordinateur et un télécopieur. Les salariés n’étaient alors plus payés pour huit heures de travail. Le syndicat a déposé trois griefs afin de contester l'obligation de travailler à domicile.

L'arbitre a rejeté les griefs, estimant que l'employeur n'avait pas contrevenu à la convention collective et que l'exigence du travail à domicile n'entrait pas en conflit avec les articles 5, 6 et 7 de la Charte des droits et libertés de la personne. La Cour supérieure a conclu que cette interprétation n'était pas manifestement déraisonnable et qu'il n'y avait pas eu d'atteinte aux droits garantis par la Charte.

Par la suite, le dossier a été retourné devant l’arbitre pour qu’il se prononce sur la réparation du préjudice. Ce dernier a conclu que l’employeur n'avait d'aucune façon voulu porter atteinte au droit à la vie privée de ses salariés, mais il leur a accordé des dommages-intérêts pour le préjudice matériel et moral qu'ils ont subi (SOQUIJ AZ-50570300).

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Source : VigieRT, avril 2011.

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