Vous lisez : ÉTUDE DE CAS – Salarié occupant plus d’un emploi

Le fait qu’une personne occupe plus d’un emploi crée une situation juridique souvent difficile à cerner. Les exemples qui suivent – tirés de décisions rendues par des tribunaux supérieurs, des arbitres de griefs, la Commission des relations du travail (CRT) ainsi que la Commission des lésions professionnelles (CLP) – permettent d’illustrer le genre de situations qui ont dû être tranchées et d’en dégager les règles applicables.

Le Code civil du Québec régit les obligations découlant d’un contrat de travail :

Art. 2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

Un salarié peut avoir plus d’un contrat de travail et le « double emploi » est une réalité courante dans certains domaines.

Ainsi, à moins de s’être engagé, personnellement ou dans le cadre d’une convention collective, à ne pas occuper deux emplois, un salarié peut occuper plus d’un emploi pourvu qu’il agisse avec loyauté, comme le prévoit le Code civil du Québec :

Art. 2088. Le salarié, outre qu'il est tenu d'exécuter son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l'information à caractère confidentiel qu'il obtient dans l'exécution ou à l'occasion de son travail.

Ces obligations survivent pendant un délai raisonnable après cessation du contrat, et survivent en tout temps lorsque l'information réfère à la réputation et à la vie privée d'autrui.

Toutefois, compte tenu de l’obligation prévue à l’article 2085, le salarié a le devoir de demeurer disponible conformément à l’horaire établi au moment de l’embauche.

Par ailleurs, lorsque survient une lésion professionnelle, l’article 75 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoit que : « le revenu brut d'un travailleur peut être déterminé d'une manière autre que celle que prévoient les articles 67 à 74, si cela peut être plus équitable en raison de la nature particulière du travail de ce travailleur ». Cela a pour conséquence qu’à la suite d’une lésion professionnelle, un employeur pourra se voir imputer le coût des prestations versées en vertu de cette Loi en tenant compte du salaire gagné chez un autre employeur.

Le texte qui suit présente diverses situations survenues dans différents milieux de travail, lesquelles sont régies par le Code civil du Québec (CCQ), la Loi sur les normes du travail (LNT) ou la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP).
 

En vertu de ses droits de direction, l'employeur était fondé à congédier le plaignant, un cuisinier, parce que ce dernier travaillait aussi pour son principal compétiteur.

Le plaignant travaillait à titre de cuisinier dans une rôtisserie. Il conteste le congédiement qui lui a été imposé le 14 janvier 2002. L'employeur justifie cette mesure au motif qu'il ne pouvait accepter que le plaignant travaille chez son principal compétiteur. Le procureur du syndicat invoque l'incapacité d'assurer au plaignant une défense pleine et entière parce qu'il n'a reçu aucun document faisant état des motifs du congédiement. La convention collective prévoit que « toute mesure disciplinaire doit être faite par écrit et contenir les motifs de ladite mesure ». De son côté, l'employeur conteste le moyen préliminaire en soutenant qu'il ne s'agit pas d'une mesure disciplinaire, mais plutôt d'une mesure administrative et qu'il n'était pas obligé de remettre un tel avis. L'une des obligations au contrat est devenue conflictuelle à cause du cumul d'emplois et, dans les circonstances, on a dû y mettre fin.

DÉCISION – La doctrine et la jurisprudence considèrent qu'en général le fait de travailler pour un concurrent direct sans l'accord de l'employeur constitue un manquement grave. En l'espèce, rien n'indique que le congédiement constitue une mesure disciplinaire. Il s'agit plutôt d'un congédiement non disciplinaire prenant la forme d'une résiliation unilatérale du contrat de travail. En effet, l'employeur a informé le plaignant que le cumul d'emplois le plaçait dans une situation de conflit d'intérêts ou d'une possibilité de double loyauté. Il ne lui a pas reproché de manquer de loyauté à son endroit ni n'a fait allusion à un comportement répréhensible ou fautif de sa part. Il a tout simplement exercé ses droits de direction. Dans les circonstances, le syndicat était suffisamment informé de la situation pour présenter une défense appropriée. Par conséquent, le moyen préliminaire est rejeté.

Quant au fond, l'employeur était fondé à résilier le contrat du plaignant en vertu de la clause relative aux droits de la direction. En effet, le plaignant cumulait deux emplois identiques à titre de cuisinier. Il était donc bien placé pour connaître les techniques de cuisson des mets et les changements pouvant survenir en matière de technologie ou d'équipement de même que dans la nature des approvisionnements. Par conséquent, le plaignant se trouvait dans une position stratégique pour informer le concurrent qui sert les mêmes mets, et ce, davantage lorsqu'on constate qu'il était informé des promotions à l'intérieur d'un plan stratégique de l'entreprise dont les grandes lignes sont communiquées aux employés. De plus, il y a lieu de tenir compte du critère de proximité, les établissements en question étant situés l'un en face de l'autre à l'entrée de la ville.

Rôtisserie St-Hubert de Drummondville et Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Rôtisserie St-Hubert de Drummondville (C.S.N.), SOQUIJ AZ-03141080.
 

Même si le salarié n'est pas invalide au sens de la définition contenue au contrat d'assurance, il est incapable d'occuper ses fonctions habituelles chez l'employeur puisqu'il souffre toujours d'une maladie chronique.

Le plaignant, un « inspecteur-contrôleur expérimental et outillage », s'est absenté du travail en raison d'une douleur chronique et d'un trouble dépressif majeur. Il recevait des prestations d'assurance-invalidité de longue durée. L'employeur l'a congédié pour avoir fraudé la compagnie d'assurances de laquelle il recevait des prestations en faisant de fausses déclarations. Il allègue qu'il a effectué des activités de déneigement rémunérées chez d'autres employeurs même s'il a été déclaré incapable de travailler et qu'il le faisait en cachant son identité. De plus, le recours de l'assureur en recouvrement des prestations versées a été accueilli devant la Cour du Québec. L'employeur soutient que le lien de confiance est rompu. De son côté, le syndicat fait valoir qu'il ne s'agit pas d'un cas où le plaignant aurait contrevenu à son obligation de fournir une prestation de travail, puisque son incapacité de travailler existe encore et n'a pas été remise en question.

DÉCISION – Le plaignant a agi de façon malhonnête envers l'assureur et il a menti volontairement quant à son travail de déneigement. Le contrat d'assurance qui lie l'employeur au plaignant contient une définition très restrictive du terme « invalidité » qui a pour effet d'empêcher le bénéficiaire de prestations de faire quelque travail que ce soit sans l'accord de l'assureur. Ainsi, le moindre travail rémunérateur emporte la déchéance du droit aux prestations, selon les conditions de ce contrat. En l'espèce, le congédiement du plaignant est fondé sur le seul motif d'avoir violé les dispositions du contrat d'assurance, soit d'avoir travaillé sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de l'assureur. Or, le plaignant n'a pas violé son obligation fondamentale de fournir sa prestation de travail. En effet, il n'a pas menti relativement à l’état de santé le rendant incapable d'exercer ses fonctions chez l'employeur. Il n'est pas invalide au sens de la définition contenue au contrat d'assurance, mais il est incapable d'occuper ses fonctions habituelles chez l'employeur, puisqu'il souffre toujours d'une maladie chronique. Par ailleurs, il a été sanctionné sévèrement en perdant ses prestations d'assurance et la sanction découlant de l'application de la décision de la Cour du Québec est suffisante pour servir de message dissuasif auprès des autres employés. En conséquence, l'employeur doit reprendre le plaignant à son service dans l'état où il se trouvait, c'est-à-dire celui d'un employé incapable pour une raison médicale de fournir sa prestation normale de travail, et ce, avec tous les avantages applicables à son état, à l'exception du droit de recevoir des prestations d'invalidité de l'assureur, conformément à la décision de la Cour du Québec.

Association internationale des machinistes et des travailleuses et travailleurs de l'aérospatiale, district 11, section locale 712 et Bombardier inc. (Noël Cadieux), SOUIJ AZ-50626682.
 

L'employeur ne fait pas preuve de discrimination en mettant fin au contrat d’une salariée parce qu’elle a obtenu un autre emploi et n’est plus disponible pour respecter ses obligations envers lui.

La plaignante, une responsable de la mobilité des étudiants affectée au vice-rectorat des affaires académiques d'une université, s'est absentée pour cause de maladie en raison d'une lésion professionnelle. Elle a informé son employeur qu'elle avait obtenu un emploi chez un autre employeur. Quelques semaines plus tard, il n'a pas renouvelé son contrat à durée déterminée et y a mis fin. La plaignante invoque l'article 6.01 de la convention collective, qui interdit la discrimination fondée sur l'état de santé, et l'article 36.12, qui traite de l'obligation d'accommodement raisonnable de l'employeur à l'endroit d'un employé qui subit une invalidité.

DÉCISION – L'employeur n'a pas fait preuve de discrimination à l'endroit de la plaignante en mettant fin à son contrat, car c'est plutôt le fait qu'elle ait obtenu un autre emploi et qu'elle ne soit plus disponible pour travailler qui motive sa décision, et non son état de santé. En effet, elle a postulé un autre emploi, elle a demandé une lettre de recommandation à son employeur et elle est venue chercher ses effets personnels. Il ne s'agit pas d'un congédiement déguisé, mais d'un licenciement à la fin d'un contrat à durée déterminée.

Université Concordia et Syndicat des employées et employés professionnels de l'Université Concordia (CSN), (Marie Marceau), SOQUIJ AZ-50585914.
 

Le congédiement d'un voiturier au service d’un hôtel parce qu’il s’est absenté pendant plus de trois jours est confirmé; on ne peut considérer que le motif de son absence — exploiter son entreprise de nettoyage de stationnements — était une raison valable.

Le plaignant occupait les fonctions de voiturier à temps plein dans un établissement hôtelier depuis près de 20 ans. Il exploitait également, depuis 10 ans, une entreprise de nettoyage de stationnements dont les activités se déroulaient au printemps, une période calme quant à ses fonctions de voiturier. Il avait déjà obtenu des congés sans solde d'une durée de six semaines afin d'exploiter son entreprise. En janvier 2006, sa demande de congé a été rejetée à la suite d'une modification à la convention collective selon laquelle le fait d'occuper un autre emploi n'était plus considéré comme un motif valable pour l'obtention d'un tel congé. Ce refus n'a pas fait l'objet d'un grief. Par ailleurs, l'employeur a suggéré au plaignant d'en discuter avec son supérieur immédiat afin de tenter de trouver une solution. Le plaignant a plutôt décidé de prendre trois semaines de vacances, pensant pouvoir se faire remplacer pendant les trois autres. Le 10 avril suivant, il a communiqué avec son supérieur pour lui demander la permission de s'absenter les 11, 12 et 13 avril, en lui indiquant qu'il travaillait pour son entreprise. L'employeur lui a refusé la permission de s'absenter et, au terme des trois jours d'absence, a appliqué la clause de perte d'ancienneté prévue à la convention collective et a mis fin à son emploi.

DÉCISION – La demande du plaignant aurait dû faire l'objet d'une analyse de la part de l'employeur même si celle-ci avait probablement mené à la conclusion que le motif invoqué n'était pas valable, mais le rejet n'aurait pas été automatique. Toutefois, cette décision n'ayant pas fait l'objet d'un grief, elle ne peut être analysée par le Tribunal. Par ailleurs, la jurisprudence présentée permet de constater que, peu importe que l'on qualifie la fin d'emploi de disciplinaire ou d'administrative, l'application de la clause est la même : si l'un des événements indiqués survient, il y a perte d'emploi sans possibilité de révision. Or, la raison valable dont il est question à la clause de perte d'ancienneté doit s'analyser dans le contexte des relations du travail. En effet, la première obligation d'un salarié est de fournir une prestation de travail, à moins qu'il en soit incapable ou qu'il soit dispensé de le faire par l'employeur ou encore en vertu de clauses de sa convention collective. Cette obligation est d'ailleurs consignée dans la convention collective. Depuis janvier 2006, le plaignant savait qu'il devait tenter de trouver une solution avec son supérieur afin de pouvoir s'absenter de son travail. La suggestion qui lui a été faite d'en parler avec son supérieur dénotait une ouverture de la part de l'employeur, mais le plaignant n'a fait aucune démarche en ce sens. Ainsi, compte tenu de la première obligation de ce dernier, qui est de fournir une prestation de travail, il n'est pas possible de conclure que le motif de son absence pour exploiter son entreprise était une raison valable.

Syndicat des employées et employés du Loews Hôtel Québec (CSN) et Loews Hôtel Québec inc. (Alain Sanschagrin), SOQUIJ AZ-50425170.
 

Le congédiement d’un employé qui a travaillé pour un autre employeur durant une absence pour cause d'invalidité est justifié.

Le 16 avril 2001, le plaignant a été engagé par l'employeur. En raison d'une douleur à l'épaule et au cou, il a dû s'absenter du 16 février au 19 mars 2004. Durant cette période, il a travaillé dans l'entrepôt d'une autre entreprise. Le 22 avril 2004, l'employeur l'a congédié, invoquant ses fausses déclarations relatives à l'occupation d'un autre emploi ayant causé la rupture du lien de confiance. Le 22 septembre 2005, la CRT a accueilli sa plainte en vertu de l'article 124 LNT et a transformé son congédiement en une suspension disciplinaire de deux semaines. Bien que le commissaire ait reconnu que le plaignant avait commis une faute, il a conclu que celle-ci n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier son congédiement. L'employeur allègue que la décision rendue est entachée d'un vice de fond et il demande le rejet de la plainte. Il soutient que, dans les circonstances, la perte de confiance est évidente en raison de la succession de mensonges et d'omissions d'éléments de la part du plaignant lors de l'enquête de l'employeur.

DÉCISION – Pour qu'une décision soit annulée, il faut qu'elle comporte un vice de fond ou de procédure suffisamment sérieux. En l'espèce, il est établi que le plaignant a commis une faute en cachant ses agissements à l'employeur. Ses mensonges sans motif valable constituent une cause justifiant une sanction disciplinaire. Ces fautes sont très sérieuses et portent directement atteinte à son devoir de loyauté. Le commissaire n'avait pas à décider si le plaignant, en travaillant pour l'autre entreprise, avait retardé sa guérison. Par définition, un arrêt de travail complet n'autorise pas de travailler ailleurs, quelles que soient les tâches à accomplir. Le commissaire aurait dû considérer la gravité intrinsèque des fautes et leur caractère répétitif et se demander si le plaignant pouvait expliquer ces dernières par une circonstance atténuante. De plus, le commissaire a eu tort de conclure que l'employeur n'avait pas agi de manière diligente. C'est plutôt l'appréciation inverse qu'il faut adopter si l'on considère que le traitement du dossier d'enquête s'étend sur une période d'un peu plus de deux mois en raison de la résistance du plaignant à transmettre l'information. Par ailleurs, la confiance ne peut être rétablie entre les parties tellement les mensonges et les omissions du plaignant se sont répétés avant que celui-ci n'avoue, une fois démasqué. Il ne bénéficie d'aucune circonstance atténuante. La décision attaquée est donc entachée de plusieurs erreurs. Chacune d'entre elles, prise isolément, comporte un caractère grave, évident et déterminant; considérées ensemble, elles font en sorte que cette décision perd tout fondement. Elle est annulée et la plainte est rejetée.

Wyeth-Ayerst Canada inc. et Hamberger, SOQUIJ AZ-50372984.
 

Le congédiement imposé à un mécanicien de piscines pour avoir accompli des tâches d'un autre emploi pendant ses heures de travail est modifié en suspension vu l'absence d'intention malhonnête de sa part.

Le plaignant travaillait à titre de mécanicien de piscines dans un complexe hôtelier. Il conteste le congédiement qui lui a été imposé pour avoir accompli les tâches d'un autre emploi pendant ses heures de travail. Il admet qu’en décembre et en janvier 2005, il a occupé un poste de superviseur dans une entreprise ayant la responsabilité du déneigement du complexe hôtelier, mais nie qu'il y ait eu chevauchement des deux postes. L'employeur allègue que le plaignant occupait un poste conférant une grande autonomie et qu'il a manqué à son obligation de loyauté.

DÉCISION – La preuve démontre que les horaires des deux postes se sont effectivement chevauchés et qu'il y a donc eu double emploi. Le plaignant a essentiellement soutenu pour sa défense qu'il n'y avait eu aucun conflit d'horaires puisque à aucun moment il n'avait travaillé physiquement au déneigement alors qu'il était affecté à son poste de mécanicien. Or, il n'était pas nécessaire qu'il effectue des tâches de déneigement pendant ses heures normales de travail. Le chevauchement d'horaires englobe chacune des tâches que le plaignant a exécutées au profit de l'entreprise de déneigement à titre de superviseur alors qu'il était en fonction comme mécanicien pour l'employeur. De façon plus précise, il s'agit des tâches suivantes : la planification du travail de déneigement, la répartition de la main-d’œuvre, la surveillance de l'exécution des travaux, la réception des demandes verbales des représentants des personnes desservies par l'entreprise de déneigement, les discussions avec ces mêmes personnes, les rapports écrits et verbaux fournis à l'entreprise de déneigement ainsi que les appels téléphoniques à son remplaçant. L'employeur soutient que le comportement du plaignant équivaut à un vol de temps. Pour qu'il y ait vol, il doit y avoir commission de l'acte, mais aussi une intention malicieuse de s'approprier le bien d'autrui. En l'espèce, il ne fait aucun doute que le plaignant a commis les actes reprochés. Toutefois, il n'avait pas l'intention de voler puisqu'il croyait réellement que, pour qu'il y ait chevauchement des deux postes, il devait effectuer un travail physique de déneigement. Sauf une exception, il s'est toujours comporté de façon à ne pas effectuer un travail de déneigement alors qu'il agissait à titre de mécanicien. Le plaignant a donc accompli des tâches mineures relevant de son emploi de superviseur alors qu'il était rémunéré par l'employeur, mais les actes reprochés ne pouvaient avoir pour effet de rompre le lien de confiance. Compte tenu de la grande ancienneté du plaignant, de son dossier disciplinaire vierge et de la nécessité d'appliquer le principe de la progression des sanctions, il y a lieu de substituer une suspension de trois mois au congédiement.

Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Station Mont-Tremblant (CSN) et Station Mont-Tremblant, s.e.c. (Sylvain Ouimet) SOQUIJ AZ-50363557.
 

L'employeur a démontré qu’un technicien a été congédié parce que, durant son absence pour cause de maladie, il a manqué à son obligation de loyauté en travaillant dans un autre commerce.

Le plaignant était technicien au service de location dans une quincaillerie. Le 21 avril 2005, son médecin lui a prescrit un arrêt de travail jusqu'au 4 juillet pour cause de dépression majeure. Le 15 mai, le plaignant a été convoqué au magasin afin de s'expliquer sur son emploi du temps, car on le soupçonnait alors de travailler pour son ex-employeur. Il a nié avoir effectué du travail rémunéré. Avisé de la situation, l'assureur a mis fin au versement de ses prestations d'invalidité. Le plaignant a été congédié dès son retour au travail, le 4 juillet. L'employeur invoque la rupture du lien de confiance.

DÉCISION – La présomption étant établie en faveur du plaignant, il revient à l'employeur de démontrer qu'il a congédié ce dernier pour une cause sérieuse par opposition à un prétexte. L'employeur a procédé à une enquête afin de valider ses soupçons. Il a d'abord rencontré le plaignant dans le but d'obtenir sa version des faits. Comme les réponses fournies par ce dernier étaient évasives et peu convaincantes, il a entrepris de faire surveiller ses activités. Dès ce moment, il avait des motifs sérieux de douter de l'intégrité de son employé. Des faits et gestes observés par l'enquêteur et documentés par photographies, il a conclu que le plaignant travaillait dans un commerce d'équipement mécanisé et qu'il agissait de façon déloyale à son égard. La version du plaignant selon laquelle il ne s'adonnait qu'à un simple passe-temps n'est pas crédible, contrairement à celle des personnes l'ayant vu manipuler des tondeuses, parfois des journées entières. Le plaignant a exercé dans ce commerce des fonctions similaires à celles qu'il occupait chez l'employeur. Ce dernier était donc fondé à conclure à son manque de loyauté. En principe, un arrêt complet de travail ne permet pas à un salarié de travailler ailleurs. Le fait que les tâches effectuées par le plaignant soient plus ou moins compatibles avec son état de santé n'a aucune importance. Il a caché l'ampleur et la nature de ses activités durant son absence, faisant en sorte de rompre le lien de confiance essentiel à la relation employeur-salarié. C'est donc la conduite du plaignant qui est le véritable motif de son congédiement, et non son absence pour cause de maladie.

Godin et Home Dépôt du Canada inc., SOQUIJ AZ-50436360.
 

En remplaçant l’affectation temporaire du travailleur, d'abord prévue à un quart de nuit, par une affectation à un quart de jour, alors qu’il occupe déjà un autre emploi de jour, l'employeur prive le travailleur d’occuper son autre emploi et contrevient aux dispositions de l'article 180 LATMP.

Le travailleur occupe un emploi saisonnier à temps partiel de jour quand il est embauché pour un poste de nuit chez l'employeur. Il subit une lésion professionnelle le 15 octobre 1997 et produit une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation le 15 août 2000. Après avoir obtenu l'autorisation du médecin du travailleur, l'employeur procède à une affectation temporaire de nuit, pour ensuite la modifier pour une affectation temporaire de jour. Le travailleur n'entre pas travailler les deux jours prévus par l'employeur, et celui-ci le congédie. La CSST rejette la plainte du travailleur en vertu de l'article 32 LATMP. L'employeur allègue qu'il a une cause juste et suffisante pour congédier le travailleur et qu'il ne s'agit pas d'un prétexte relié à son accident du travail, mais bien d’une décision fondée sur la convention collective puisqu'il a perdu son emploi après s'être absenté deux jours consécutifs de son travail sans justifier son absence. Il soutient qu'en agissant conformément à son droit de gérance, il pouvait déplacer le quart de travail de nuit du travailleur vers celui de jour.

DÉCISION – Le travailleur bénéficie de la présomption prévue à l'article 255 LATMP puisqu'il a fait l'objet d'un congédiement au cours des six mois suivant la date où il a exercé un droit que lui confère la LATMP, soit la date où il a produit une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation. En conséquence, l'employeur doit démontrer que le congédiement du travailleur relevait d'une cause juste et suffisante. Or, dès l’embauche du travailleur au quart de nuit, l'employeur est informé qu'il occupe un emploi de jour. Bien qu'il sache qu'il y a un conflit d'horaires pour le travailleur, il décide de l'affecter à un quart de jour, même si le travailleur a manifestement exprimé son désaccord en offrant de travailler tant au quart de jour que de nuit, mais à un horaire qui ne viendrait pas en conflit avec celui de son deuxième emploi; cette offre est refusée par l'employeur. Même si, en vertu de son contrat de travail, le travailleur doit être disponible pour donner une prestation de travail ainsi que des heures additionnelles, ces dispositions s'appliquaient à un horaire de nuit et l'intention du travailleur à cet effet a été clairement exprimée lors de son embauche. La Cour d'appel, dans l'arrêt Lafontaine c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (C.A., 1994-07-04), SOQUIJ AZ-94011721 a confirmé une décision de la CALP concernant une travailleuse enceinte se prévalant de l'article 40 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST). La Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (CALP) déterminait que l'emploi occupé dans un autre centre hospitalier ne pouvait constituer une limite à sa disponibilité pour son employeur, qu'il s'agissait d'une non-disponibilité résultant d'un choix de la travailleuse d'exercer son travail pour un autre employeur au moment où ses services sont requis par le premier et que la travailleuse était raisonnablement en mesure d'accomplir les tâches auxquelles son employeur l'avait affectée. Cependant, une juge émettait une dissidence en commentant le terme « qu'elle est raisonnablement en mesure d'accomplir » de l'article 40. Elle se demandait si l'on pouvait l'interpréter de façon à laisser une discrétion absolue à l'employeur quant à l'affectation. Elle rappelait que les premiers éléments examinés étaient évidemment le contrat de louage de services de l'employé et les conditions de son travail. Elle concluait que l'interprétation donnée par la CALP était déraisonnable, parce qu'elle équivalait à obliger une travailleuse à une disponibilité absolue en cas de retrait préventif, ce qui ne tient pas compte de la réalité actuelle du marché de l'emploi où le travail à temps partiel ou à temps partagé ou à horaires multiples n'est plus l'exception et où une variété grandissante de modalités d'emploi cohabitent dans certains secteurs d'activité. La CLP partage cet avis et considère que, dans les circonstances particulières du présent dossier, le fait pour le travailleur d'avoir accepté de travailler pendant un quart de nuit chez l'employeur relève des avantages liés à l'emploi. En modifiant l’affectation temporaire à un quart de nuit pour l’affecter à un quart de jour, l'employeur prive le travailleur de cet avantage de travailler la nuit et de pouvoir occuper son autre emploi et vient ainsi à l'encontre des dispositions de l'article 180 LATMP. L'employeur a exercé de façon abusive le droit que lui accorde l'article 179 LATMP et n'a pas respecté les obligations prescrites à l'article 180. Le motif invoqué par l'employeur pour congédier le travailleur ne peut être considéré comme juste et suffisant au sens de l'article 255, la présomption n'est pas renversée et le travailleur doit en bénéficier.

MARTIN LAPLANTE, partie requérante, et PROVIGO (DIVISION MONTRÉAL DÉTAIL), partie intéressée, SOQUIJ AZ-50430696.
 

Lorsqu’un travailleur occupe deux emplois, l’application de l’article 75 LATMP s’impose et le cumul des revenus s’avère une méthode plus équitable, qui tient compte de sa situation lors de la lésion professionnelle.

Le 16 janvier 2006, le travailleur subit une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer ses deux emplois : un emploi à temps plein de marqueur et trieur de courrier et un emploi à temps partiel de commis à l'étalage dans un magasin. Son revenu annuel brut de l'emploi à temps plein selon son contrat de travail est de 40 501 $, mais, en 2005, il n'a gagné que 24 679 $ en raison d'un accident du travail et d'un accident d'automobile. La CSST établit la base salariale servant au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu (IRR) en additionnant le revenu gagné chez le premier employeur durant les 12 mois précédant l'événement et le revenu selon le contrat de travail chez le deuxième, pour un total de 41 687 $. L'instance de révision confirme cette décision aux motifs que le travailleur occupe deux emplois de même nature et que ce calcul est plus avantageux que le seul revenu de l'emploi le plus rémunérateur. Elle confirme également un avis de paiement daté du 6 avril 2006 informant le travailleur de l'existence d'un trop-versé de 1236 $ et de la récupération faite à partir de l'IRR. Par ailleurs, le 28 avril 2006, le travailleur réclame des frais de déplacement engagés entre le 26 novembre 2004 et le 21 février 2005 à la suite d'une lésion professionnelle subie le 17 novembre 2004. L'instance de révision déclare que la CSST est fondée à refuser cette demande puisqu'elle est hors délai. Elle refuse également le remboursement d’un gargarisme.

DÉCISION – Compte tenu de l'évolution du marché du travail, la jurisprudence tend à s'écarter de l'application stricte de l'article 71 LATMP, qui vise le cas d'un travailleur qui occupe plus d'un emploi, lorsqu'elle mène à une situation injuste. Elle retient, comme le permet l'article 75 LATMP, une manière plus équitable de calculer la base salariale en fonction de la nature particulière du travail d'un travailleur. En l'espèce, la CSST semble appliquer l'exception du premier alinéa de l'article 67 LATMP, qui prévoit la possibilité de retenir le revenu acquis durant les 12 mois précédant le début de l'incapacité lorsque le travailleur occupe deux emplois de même type pour des employeurs différents. Or, cette exception ne s'applique pas au cas du travailleur, puisque le marquage et le triage de courrier n’ont rien en commun avec le rangement de la marchandise sur des étalages. D'autre part, la règle de base énoncée à l'article 67 est le contrat de travail. Les exceptions prévues dans cette disposition ont pour but de permettre à un travailleur de démontrer un revenu plus élevé que celui prévu à son contrat de travail, mais la CSST ne peut retenir le revenu gagné durant les 12 mois précédant l'incapacité de travail lorsqu'il est moindre que le contrat de travail. La situation d'emploi de ce travailleur est particulière en ce qu'il occupe deux postes régulièrement, pour une prestation hebdomadaire de 57,5 heures et un revenu annuel brut combiné de 57 509 $ selon ses contrats de travail. L'application stricte de l'article 71 entraîne pour ce travailleur une perte financière importante. L'application de l'article 75 s'impose donc et le cumul des revenus s'avère une méthode plus équitable qui tient compte de sa situation professionnelle particulière au moment de la lésion professionnelle qui le prive du revenu de ses deux emplois. Toutefois, le maximum annuel assurable en vigueur au moment de la lésion professionnelle étant de 57 000 $, la base salariale ne peut dépasser ce montant. Quant à la récupération d'un surpayé, le travailleur témoigne être retourné au travail chez son premier employeur, en retour progressif, du 14 février au 11 mars 2006, à raison de 3,75 heures par jour, 3 jours par semaine, la CSST lui versant son IRR pour le reste, mais il n'est pas retourné chez le second employeur durant cette période. Le tribunal ne retrouve aucune copie de décision, sous la forme traditionnelle, informant le travailleur de la création d'un surpayé et lui expliquant qu'il a reçu un montant qui excède celui auquel il avait droit. De plus, ni les notes évolutives ni les extraits d'avis de paiement et de panoramas informatiques ne permettent au travailleur ni même au tribunal de comprendre sur quelles bases concrètes ce surpayé a été créé et comment il a été calculé. Or, ces calculs complexes affectent directement les droits du travailleur, qui a le droit de recevoir une décision motivée et non de simples explications téléphoniques. Le tribunal annule donc le surpayé de 1236 $, qui n'a jamais fait l'objet d'une décision motivée au sens de l'article 354 LATMP. En outre, la CSST a opéré compensation en contravention de l'article 434 LATMP, puisque la dette n'était pas exigible. Elle le devient lorsque la décision qui crée le surpayé devient finale, conformément à l'article 433 LATMP. Pour opérer compensation, la CSST doit donc attendre que la décision créant le surpayé soit finale. La CSST devra rembourser au travailleur la somme de 1236 $. Par ailleurs, le Règlement sur les frais de déplacement et de séjour prévoit un délai de six mois pour formuler une demande de remboursement et les situations invoquées par le travailleur ne constituent pas un motif raisonnable expliquant son retard. Enfin, le travailleur a subi une entorse lombaire et aucune preuve ne démontre qu'un gargarisme serait requis avec cette lésion.

GERRY LESPINASSE, partie requérante, et COURRIER PUROLATOR, partie intéressée, SOQUIJ AZ-50579225.
 

Un employeur n’est pas obéré injustement, au sens de l’article 326 alinéa 2 LATMP, en raison de la méthode de calcul établi en fonction de l’article 75 LATMP.

Le travailleur est préposé aux bénéficiaires pour le compte de l'employeur. Il siège également à la CLP à titre de membre issu des associations syndicales. Il a subi une lésion professionnelle dans le cours de ses fonctions de préposé aux bénéficiaires. L'instance de révision a modifié la base salariale retenue aux fins du calcul des indemnités de remplacement du revenu (IRR) et a tenu compte des revenus tirés de ses deux emplois. Cette décision n'a pas été contestée par l'employeur, mais en apprenant sa teneur, il a produit une demande de transfert de coût au motif qu'il était obéré injustement. La CSST a rejeté cette demande et l'instance de révision a confirmé cette décision. Au soutien de ses prétentions, l'employeur soumet la décision rendue dans Réno-Dépôt inc. (C.L.P., 2002-02-12), SOQUIJ AZ-01306846, C.L.P.E. 2001LP-171, où une obération injuste avait été conclue et dans laquelle l'IRR avait été calculée non pas en fonction du salaire versé par l'employeur chez qui la lésion professionnelle en cause était survenue, mais en fonction du salaire plus élevé que ce travailleur recevait d'un précédent employeur chez qui il avait également subi une lésion professionnelle.

DÉCISION – Les prétentions de l'employeur ne peuvent être retenues. En effet, depuis Réno-Dépôt inc., il a maintes fois été rappelé qu'un employeur n'est pas obéré injustement du coût des prestations qui résultent de l'application d'une disposition de la loi. En l'espèce, la CSST était fondée à calculer la base salariale du travailleur en tenant compte de l'article 75 LATMP de sorte que l'employeur ne peut prétendre être obéré injustement.

CSSS Drummond, partie requérante, SOQUIJ AZ-50553803

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Source : VigieRT, novembre 2010.
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