Les employeurs ont régulièrement recours à la surveillance des employés, généralement par une filature ou l’installation de caméras sur les lieux de travail. La situation la plus fréquente est celle où l’employeur a des doutes sur la véracité de l’incapacité d’un employé à travailler et qu’une filature a révélé qu’il était en mesure de le faire.
C’est dans l’affaire Syndicat des travailleuses et travailleurs de Bridgestone/Firestone de Joliette (C.S.N.) c. Trudeau, que la Cour d’appel a confirmé l’approche retenue par l’arbitre Gilles Trudeau saisi du grief contestant le congédiement d’un employé; ce dernier, alors qu’il était absent à la suite d’un accident du travail, a été filmé par un enquêteur à trois reprises alors qu'il se livrait à des activités incompatibles avec une entorse lombaire. La Cour a précisé qu’il ne saurait s'agir d'une décision purement arbitraire et appliquée au hasard. L'employeur doit avoir des motifs raisonnables avant de décider de soumettre son salarié à une surveillance. Quant aux moyens utilisés, il faut que la mesure de surveillance, notamment la filature et la captation d’images vidéo, apparaisse comme nécessaire afin de vérifier le comportement du salarié et qu’elle soit menée de la façon la moins importune possible.
Les articles 3 et 35 du Code civil du Québec consacrent le droit à la vie privée et l’article 36 précise que « Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d’une personne les actes suivants : […] Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu’elle se trouve dans des lieux privés. »
L’article 2858 du Code prévoit que : « Le tribunal doit, même d’office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de considérer l’administration de la justice. »
La Charte des droits et des libertés de la personne contient aussi des dispositions pertinentes, soit l’article 4 qui stipule que : « Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation » et l’article 5, selon lequel « Toute personne a droit au respect de sa vie privée. »
Une sentence arbitrale de grief récente illustre bien le type de situation, moins fréquente, où un employeur peut utiliser une preuve obtenue par surveillance électronique. Dans l’affaire Syndicat des travailleuses et travailleurs du CSSS du Sud de Lanaudière (CSN) et Centre de santé et de services sociaux du Sud de Lanaudière (SOQUIJ AZ-5053-6320), une salariée soupçonnée de brutalité à l’endroit d’un bénéficiaire a été congédiée. Les gestes reprochés ont été captés sur bande vidéo par une caméra dissimulée dans la chambre par la fille du bénéficiaire, à l'insu de l'employeur. Le syndicat a invoqué que la bande vidéo constitue une preuve irrecevable puisqu'elle a été obtenue dans des conditions portant atteinte au droit à la vie privée de la plaignante et que son utilisation en preuve déconsidère l'administration de la justice, en contravention avec l'article 2858 du Code civil. Il affirme que la famille du bénéficiaire n'avait aucun motif sérieux d’installer une caméra cachée dans sa chambre et de filmer en continu tout ce qui s'y passait. L’objection du syndicat a été rejetée et le congédiement confirmé. L’arbitre a précisé qu’afin d'écarter un élément de preuve en vertu de l'article 2858, il doit y avoir une atteinte à un droit fondamental et une utilisation susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Or, selon lui, la plaignante ayant été filmée sur les lieux du travail et pendant l'exécution de ses tâches, elle ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que les gestes qu'elle posait dans la chambre du résident durant l'accomplissement de ses tâches habituelles ne soient connus que d'elle-même et du bénéficiaire. La situation aurait été différente si la plaignante avait été filmée dans un endroit de l'établissement où elle pouvait aspirer à un plus grand respect de sa vie privée. L’arbitre précise que la surveillance effectuée dans la chambre du bénéficiaire ne constituait pas une surveillance constante de ses faits et gestes susceptible de porter atteinte à son autonomie et à son intimité. Il conclut que l'utilisation de la bande vidéo n’a pas pour effet de déconsidérer l'administration de la justice (d'autant moins que cette preuve a déjà été utilisée dans le procès criminel subi par la plaignante).
Dans une autre affaire, soit dans le cadre d’une action en responsabilité contre un syndicat pour manquement à son devoir de représentation, la Cour supérieure a conclu qu’on ne pouvait lui reprocher d'avoir omis de s'opposer à la production d'une bande vidéo. Elle a tenu compte du fait qu’après avoir effectué les vérifications jurisprudentielles qu'il considérait comme importantes, le syndicat a conclu qu'il ne pouvait s'opposer à la recevabilité de la preuve puisque des images avaient été captées dans un lieu public et que la salariée avait admis avoir joué au golf. L'arbitre avait d'ailleurs estimé que l'employeur était raisonnablement fondé à douter de l'incapacité de la salariée à accomplir toutes les tâches de son poste : Desbiens c. Syndicat du Centre hospitalier de Charlevoix et du Centre d'accueil et d'hébergement Pierre Dupré (CSN), (SOQUIJ AZ-50465697).
Pour ce qui est des lésions professionnelles ou autres cas où l’employé prétend qu’il est incapable d’exercer son emploi, il s’agit du domaine où la surveillance des employés est la plus fréquente. La CSST et les employeurs recourent à la filature et à la captation d’images. C’est dans l’affaire Éppelé, très médiatisée à l’époque, que le principe a été entériné par la Cour supérieure. Celle-ci a conclu que lorsque la CSST recevait une information selon laquelle le travailleur effectuait des travaux lourds incompatibles avec sa condition physique, l'organisme payeur était justifié de faire, à tout le moins, une vérification plus approfondie. La filature devient ainsi un moyen raisonnable et proportionné de vérifier la véritable situation du travailleur à qui elle verse une IRR. Quant à la question de savoir si la surveillance et l'enregistrement vidéo des activités du travailleur portaient atteinte au droit au respect de sa vie privée, la Cour précise que l'article 36 du Code civil laisse sous-entendre a contrario que la capture ou l'utilisation de l'image ou de la voix d'une personne serait acceptable dans des lieux publics. Toutefois, même dans un lieu public, une personne conserve une attente raisonnable à la protection de sa vie privée. Cependant, la portée de ce droit est tempérée par l'article 9.1 de la charte québécoise qui prévoit que les libertés et les droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens. La surveillance peut donc être admise si elle est justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables : Éppelé c. Commission des lésions professionnelles (SOQUIJ AZ-00027006).
Plusieurs cas illustrent bien ces principes ainsi que leur application à diverses situations susceptibles de se produire en milieu de travail.
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Les principes applicables
L'employeur doit avoir des motifs raisonnables avant de décider de soumettre son salarié à une surveillance; quant aux moyens utilisés, il faut que la mesure de surveillance, notamment la filature et la captation d’images vidéo, apparaisse comme nécessaire afin de vérifier le comportement du salarié et qu’elle soit menée de la façon la moins importune possible.
Le plaignant a été congédié pour avoir menti à plusieurs reprises à l'employeur dans le but de prolonger une absence consécutive à un accident du travail. L'arbitre a rejeté le grief, estimant que le congédiement était justifié. Devant une preuve fortement contradictoire, il a retenu la version des témoins de l'employeur. Il a, par ailleurs, rejeté une objection du syndicat à la recevabilité en preuve des bandes vidéo filmées par l'employeur. Le syndicat soutenait que la filature et la prise des vidéos avaient porté une atteinte grave à la vie privée du plaignant et qu'en conséquence elles étaient irrecevables en vertu de l'article 2858 du Code civil du Québec. La demande de révision judiciaire de la sentence arbitrale a été rejetée. Le premier juge a retenu que l'arbitre avait accepté la présentation d'une preuve constituée en contravention avec les dispositions énoncées aux chartes quant au respect de la vie privée. Il a toutefois conclu que le plaignant, en présentant une réclamation à la suite d'un accident du travail, avait implicitement renoncé à certains droits quant au respect de sa vie privée. Concluant que l'arbitre n'avait commis aucune erreur manifestement déraisonnable, le juge a rejeté la requête. Le pourvoi invoque deux moyens distincts. Le premier reproche à l'arbitre d'avoir usurpé les fonctions des instances spécialisées mises en place par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) afin d'apprécier la qualité des certificats médicaux et l'incapacité du plaignant de retourner au travail. Le second porte sur la décision de l'arbitre de recevoir en preuve les bandes vidéo.
Décision
M. le juge Lebel, à l'opinion duquel souscrit la juge Thibault : L'argument selon lequel l'arbitre a usurpé la compétence exclusive d'autres organismes et tribunaux spécialisés — CSST, BEM, BRP et CALP — est rejeté. En effet, même s'il impliquait nécessairement un examen de l'état de santé du plaignant et de la valeur des attestations médicales dont ce dernier prétendait se prévaloir, l'objet du grief était la rupture du lien d'emploi pour cause de fraude et de malhonnêteté alléguées par l'employeur. Le plaignant a exercé son choix de recours, conformément aux articles 32 et 349 LATMP, en portant son cas devant un arbitre de griefs. Ce dernier devait alors exécuter l'ensemble de la mission qui lui était ainsi attribuée, y compris celle d'examiner l'état physique et le dossier médical du plaignant, dans la mesure nécessaire pour apprécier sa bonne foi.
Par ailleurs, l'analyse du second moyen invoqué par le syndicat ne doit pas se réduire à une question de captation illicite d'images. L'examen du pourvoi exige d'abord que l'on cerne de façon précise la nature et les limites du problème juridique porté devant la Cour. La Charte canadienne des droits et libertés ne reçoit pas d'application directe, le problème relevant de l'encadrement des rapports privés entre les parties, de la relation de travail établie entre le plaignant et l'employeur, sous l'autorité d'une convention collective. Ce sont plutôt les articles 5 et 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne et les articles 3, 35 et 36 du Code civil, portant sur les droits fondamentaux de la personne, qui définissent le cadre juridique à partir duquel s'appréciera la légalité des décisions prises par l'employeur et de leur exécution. Les articles 2085, 2087 et 2088 du Code civil portant sur le contrat de travail fournissent des sources supplétives pour apprécier la nature des obligations respectives des parties dans cette relation du travail. Certes, le présent appel ne permettra pas de régler tous les problèmes résultant de la mise en oeuvre de certaines garanties de protection de la vie privée. Le litige concerne un problème de surveillance, la réalisation des films ne constituant que la résultante de la filature ou de la surveillance décidée par l'employeur. L'intérêt de vie privée du salarié est mis en cause par une décision de le faire filer. À cet égard, la bande vidéo remplace et illustre le témoignage du détective qui aurait pu être présenté.
Cela dit, le concept de vie privée reste flou et difficile à circonscrire. Dans Aubry c. Éditions Vice-Versa inc. (C.S. Can., 1998-04-09), SOQUIJ AZ-98111049, J.E. 98-878, [1998] 1 R.C.S. 591, la Cour suprême du Canada a reconnu que les intérêts de vie privée n'étaient pas sujets à une limitation géographique stricte en ce sens qu'ils s'arrêteraient aux murs du foyer. La vie privée ne s'arrête pas aux frontières d'un lieu. Ce droit suit la personne. Ainsi, lorsqu'il est allé chercher son fils, qu'il a travaillé sur son terrain ou qu'il s'est déplacé dans les rues de sa ville, le plaignant restait tout de même à l'intérieur de sa vie privée et conservait en principe le droit de ne pas être observé et suivi systématiquement, ce qui ne signifie cependant pas que toute surveillance par l'employeur hors des lieux du travail soit illicite. Elle peut être admise si elle est justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables, comme l'exige l'article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne. Il doit aussi y avoir un lien entre la mesure prise par l'employeur et les exigences du bon fonctionnement de l'entreprise. Il ne saurait s'agir d'une décision purement arbitraire et appliquée au hasard; l'employeur doit déjà posséder des motifs raisonnables avant de décider de soumettre son salarié à une surveillance. Quant aux moyens, il faut que la mesure de surveillance, notamment la filature, apparaisse comme nécessaire afin de vérifier le comportement du salarié et que, par ailleurs, elle soit menée de la façon la moins importune possible. Lorsque ces conditions sont réunies, l'employeur a le droit de recourir à des procédures de surveillance, qui doivent être aussi limitées que possible. En l'espèce, comme l'arbitre l'a décidé, ces garanties fondamentales de protection de la vie privée n'étaient pas violées. Les nombreuses contradictions entre les résultats des examens effectués par le médecin de la compagnie et le comportement allégué du plaignant, dont les maux semblaient s'accentuer chaque fois qu'il pénétrait dans le bureau de l'infirmière, font que la décision de l'employeur de le surveiller était raisonnable. Les moyens utilisés l'ont été. L'arbitre n'a donc commis aucune erreur en recevant en preuve les bandes vidéo. Il n'existe aucun motif de révision judiciaire, quelle que soit la norme de contrôle qui s'applique.
M. le juge Baudouin : À l'opinion du juge Lebel, il y a lieu d'ajouter le commentaire suivant, dans l'hypothèse où les dispositions énoncées à l'article 2858 du Code civil trouveraient application. La partie qui réclame l'exclusion d'une preuve en raison d'une violation de la vie privée, aux termes de cette disposition, a le fardeau de démontrer que son admission serait de nature à déconsidérer l'administration de la justice. Les critères qui entrent en ligne de compte doivent exclusivement demeurer ceux du droit civil. Ceux qui sont élaborés à l'occasion d'un procès criminel ne sont ni applicables ni transposables tels quels. En l'espèce, il s'agit d'un cas de fraude caractérisée, volontairement ou involontairement soutenue par une complicité médicale. Refuser de recevoir en preuve les éléments dont disposait l'arbitre paraîtrait, à l'inverse, déconsidérer l'administration de la justice civile en permettant indirectement à un fraudeur d'invoquer sa propre turpitude.
Syndicat des travailleuses et travailleurs de Bridgestone/Firestone de Joliette (C.S.N.) c. Trudeau, SOQUIJ AZ-50067177
Cas où la preuve a été jugée irrecevable
La bande vidéo et le témoignage de l'enquêteur ayant procédé à la filature du plaignant — un aide-magasinier — pendant son absence sont déclarés irrecevables puisque l'employeur n'avait aucun motif sérieux de douter de son honnêteté; en outre, accepter la production de la preuve matérielle aurait pour effet de déconsidérer l'administration de la justice.
Au moment de son congédiement, le plaignant comptait 32 ans de service et occupait le poste d'aide-magasinier. Le 18 avril 2006, il a subi une lésion professionnelle à la hanche, qui a nécessité un arrêt de travail. Durant son absence, l'employeur a fait effectuer une filature du plaignant. Celui-ci a été congédié le 5 juin suivant pour avoir accompli des activités personnelles incompatibles avec l'incapacité alléguée. À l'audience, le syndicat s'est opposé à la recevabilité de la preuve issue de la surveillance (bande vidéo, témoignage de l'enquêteur et commentaires des médecins) aux motifs qu'elle constitue une atteinte à la vie privée du plaignant et que sa production aurait pour effet de déconsidérer l'administration de la justice. Quant au fond, le syndicat affirme que l'absence du plaignant était motivée et que ce dernier n'a commis aucune faute.
Décision
La jurisprudence enseigne qu'il faut des motifs sérieux et rationnels pour recourir à la filature d'un salarié et que celle-ci doit être menée de la façon la moins intrusive possible. En l'espèce, la décision de procéder à une surveillance du plaignant a été prise le jour suivant l'accident du travail, avant même la réception de la première attestation médicale. La direction le soupçonnait d'avoir organisé cette manœuvre afin d'obtenir indûment un congé. Ses soupçons se fondaient plus particulièrement sur quatre éléments : une rumeur selon laquelle il aidait à la construction de la maison de sa fille; une demande de congé rejetée le 3 avril; l'emprunt, depuis le 20 mars, d'une scie à céramique; et le fait que le plaignant avait terminé son quart après l'accident. Or, que ces éléments soient considérés de façon isolée ou globalement, on ne peut y voir des motifs sérieux de douter de l'honnêteté du plaignant. Aucun ne concerne l'état de santé de ce dernier. Si l'employeur avait des doutes sur l'accident du travail, il aurait dû demander une expertise médicale avant de décider de la filature. D'autre part, même si le Tribunal avait déclaré la bande vidéo recevable, il en serait venu à la même conclusion. En effet, tout au long du processus de filature, l'employeur est allé à la recherche de preuves. Suivre le plaignant chez lui et chez sa fille pendant huit longues journées constitue une trop grande intrusion dans la vie privée de ce dernier. Accepter en preuve la bande vidéo aurait donc pour effet de déconsidérer davantage l'administration de la justice que le contraire. Quant au fond, le plaignant s'est absenté en raison d'un accident du travail reconnu par l'organisme compétent. Le fait de mentir par omission — si tel est le cas — ne constitue pas un motif pour congédier un salarié ayant accumulé plus de 30 ans d'ancienneté et qui possède un dossier disciplinaire vierge. Affirmer que le plaignant a voulu profiter des indemnisations et qu'il a exercé des activités personnelles incompatibles avec sa « prétendue » incapacité serait de décider a posteriori, ce que le Tribunal ne peut faire. Le congédiement est annulé et la réintégration est ordonnée.
Syndicat national des travailleurs des pâtes et papiers de Donnacona inc. (CSN) et Produits forestiers Alliance inc. (Bowater), (Marcel Barbeau), SOQUIJ AZ-50487873
L'enquêteur de la CSST a agi illégalement en obtenant des documents provenant de la Régie de l'assurance maladie du Québec – des détails du temps d'antenne de la travailleuse, des relevés d'opérations bancaires et des bandes vidéo –, lesquels ne sont pas recevables en preuve; le fait d'être investi de pouvoirs en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête ne lui permet pas d'obtenir des documents protégés par le secret professionnel sans autorisation de la personne visée ni ordonnance d'un tribunal pour que de tels documents soient produits.
Requête par la travailleuse visant à faire déclarer irrecevable la preuve de filature faite par la CSST, tant en ce qui concerne le rapport écrit de l'enquêteur que les bandes vidéo de surveillance. Requête accueillie.
Le 1er décembre 2003, la travailleuse, une serveuse, est victime d'un accident du travail. Le premier diagnostic est celui de tendinite de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, mais plusieurs diagnostics s'ajoutent par la suite. La travailleuse conteste à la CLP des décisions de l'instance de révision de la CSST, deux déclarant que les diagnostics de fibromyalgie et de dépression majeure ne concernent pas l'événement du 1er décembre 2003, une autre statuant qu'elle n'a pas droit au remboursement de certains médicaments et une dernière confirmant qu'elle doit rembourser à la CSST la somme de 1655,36 $ et qu'elle est capable d'exercer un emploi convenable de préposée au service à la clientèle à compter du 31 mars 2008. La CSST produit divers documents à la CLP, dont le rapport d'une enquête effectuée par un enquêteur du service des enquêtes spéciales de la CSST et des annexes à cette enquête, soit des dossiers condensés informatiques de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) concernant la travailleuse et d'autres personnes; un relevé de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) qui fournit de l’information sur les consultations médicales de la travailleuse avant le 3 décembre 2003; des documents médicaux concernant une consultation du 7 janvier 2003; les rapports de la surveillance physique effectuée les 13, 14, 27 et 28 mars, les 24 et 25 mai et les 15 et 16 juin 2007, ainsi que les vidéos à produire ultérieurement; les détails du temps d'antenne du cellulaire de la travailleuse pour les périodes du 1er mai 2006 au 13 mars 2007 et du 16 mars au 5 décembre 2007; les relevés des opérations effectuées en 2007 par la travailleuse à la Caisse populaire. La travailleuse demande de déclarer ces documents irrecevables en preuve parce qu'il y a violation de ses droits civils et de ses droits fondamentaux. Elle réfère aux articles 3, 35, 36 paragraphe 4, 36 paragraphe 6 et 2858 du Code civil du Québec, aux articles 4 et 5 de la Charte des droits et libertés de la personne et aux articles 8 et 24 paragraphe 2 de la Charte canadienne des droits et libertés et invoque la jurisprudence. La CSST réfère également à la jurisprudence pour justifier la filature et invoque que les moyens utilisés ont respecté les droits fondamentaux de la travailleuse.
Décision
Dans l'exercice de sa compétence exclusive pour examiner et décider toute question visée par la LATMP, la CSST peut utiliser son pouvoir d'enquête, qui est exercé par une personne désignée en vertu de l'article 160 LSST. Lorsqu'il enquête, l'enquêteur désigné est investi des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Cependant, le Code civil du Québec prévoit notamment que toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Le respect de la vie privée est un principe énoncé à la charte québécoise et la charte canadienne prévoit quant à elle que chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Par ailleurs, la Cour d'appel a déjà statué que la CLP possède la compétence pour se saisir d'une question relative à l'application de la charte québécoise. En l'espèce, avant même de décider si la CSST avait des motifs sérieux pour demander qu'une enquête et une filature de la travailleuse soient faites, la CLP doit décider si certains documents obtenus par l'enquêteur portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux de la travailleuse, et ce, conformément aux articles 2858 du Code civil et 24 de la charte canadienne. L'exercice d'un pouvoir d'enquête doit se faire de façon légale, selon l'article 351 LATMP et l'article 6 de la Loi sur les commissions d'enquête; pour sa part, l'enquêteur, en vertu de l'article 173 LSST, peut obtenir tout renseignement ou toute information, ce qui inclut un document, dont la CSST a besoin pour l'application de la LATMP et des règlements qu'elle administre. Or, les documents provenant de la SAAQ, les détails du temps d'antenne du cellulaire de la travailleuse et les relevés des opérations effectuées en 2007 à une caisse populaire ont été obtenus illégalement par l'enquêteur. En effet, la CSST n'a pas besoin de ces documents pour appliquer la LATMP et leur obtention porte atteinte à la vie privée de la travailleuse et est assimilable à une « fouille, perquisition ou saisie abusive ». Admettre ces documents en preuve peut entraîner un fort risque de déconsidération de l'administration de la justice. Même si un travailleur, en présentant une réclamation à la CSST, renonce implicitement à la confidentialité de son dossier médical, cette renonciation s'applique à ce qui concerne la lésion professionnelle à partir du jour de la survenance de cette lésion. En vertu de l'article 9 de la charte québécoise, qui traite du secret professionnel, pour obtenir des renseignements médicaux antérieurs à une lésion, un travailleur doit autoriser la communication de tels renseignements ou une disposition expresse de la loi doit le prévoir ou un tribunal peut en ordonner la communication. À cet égard, les renseignements obtenus par l'enquêteur de la RAMQ ne concernent pas l'administration de la loi et l'article 42 LATMP ne permet pas d'obtenir les renseignements médicaux antérieurs à une lésion professionnelle. En obtenant de l’information sur des consultations antérieures au 1er décembre 2003 et les documents médicaux relatifs à une consultation du 7 janvier 2003, sans l'autorisation de la travailleuse et sans une ordonnance d'un tribunal, l'enquêteur viole le droit au respect du secret professionnel et l'obtention de ces documents est aussi assimilable à une « fouille, perquisition ou saisie abusive ». Ce n'est pas parce qu'il est investi des pouvoirs d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête que l'enquêteur peut s'arroger le droit d'obtenir des documents qu'il ne pourrait obtenir autrement puisqu'ils sont protégés par le secret professionnel. Ces documents ayant été obtenus illégalement, la CLP doit-elle écarter ces éléments de la preuve? La CALP a déjà considéré que l'exclusion d'une telle preuve plutôt que son utilisation était plus susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. La charte québécoise ne prévoit aucune disposition permettant d'écarter une preuve obtenue dans des conditions qui portent atteinte à la vie privée ou qui violent le droit au secret professionnel. En vertu de l'article 24 paragraphe 2 de la charte canadienne, la CLP peut écarter ces éléments de preuve s'il est établi que « leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice », de même qu'elle doit rejeter tout élément d'une telle preuve en vertu de l'article 2858 du Code civil. Par contre, l'article 2 du Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles prévoit que la CLP n'est pas tenue à l'application des règles de procédure et de preuve civiles. Cela étant, la CLP estime qu'une saine administration de la justice et une saine administration d'un fonds public n'emportent pas le droit d'obtenir des éléments de preuve de façon illicite. Il est difficile de s'imaginer qu'un élément de preuve qui contrevient aux droits et libertés fondamentaux d'un individu peut être déclaré inadmissible devant un tribunal de droit commun, mais admissible devant un tribunal administratif. De plus, les conséquences pour la travailleuse sont très graves puisqu'elle pourrait être privée des bénéfices de la LATMP, une Loi d'ordre public. La CLP doit donc décider si le rejet des éléments de preuve obtenus par l'enquêteur aurait pour effet de déconsidérer l'administration de la justice. Il est clair qu'il y a eu intrusion dans la vie privée de la travailleuse et qu'il y a eu « fouille, perquisition ou saisie abusive ». Les dossiers de la SAAQ, certains ne concernant même pas la travailleuse, les détails du temps d'antenne du cellulaire de la travailleuse et le relevé des opérations effectuées en 2007 dans une Caisse populaire ne sont pas admissibles en preuve. La CSST n'a pas besoin de ces documents pour appliquer la LATMP, et ceux-ci ne permettent pas de connaître le fonctionnement de la travailleuse. Puisque l'utilisation de cette preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, la CLP doit rejeter ces documents. De même, les renseignements et documents médicaux obtenus par l'enquêteur sont inadmissibles en preuve. Il est pertinent de savoir si un travailleur a des antécédents médicaux qui sont en lien avec la lésion pour laquelle il réclame les bénéfices prévus à la LATMP. L'enquête n'est pas, dans un premier temps, le moyen raisonnable approprié pour tenter d'obtenir des renseignements ou des documents médicaux. Avant d'agir ainsi, la CSST doit avoir des doutes raisonnables sur l'existence d'antécédents et doit d'abord tenter d'obtenir l'autorisation expresse de la travailleuse pour obtenir les détails sur ses antécédents médicaux. Quant à savoir si la CSST pouvait demander que la travailleuse soit prise en filature, suivant l'affaire Syndicat des travailleuses et travailleurs de Bridgestone/Firestone de Joliette (CSN) c. Trudeau (C.A., 1999-08-30), SOQUIJ AZ-50067177, J.E. 99-1786, D.T.E. 99T-846, [1999] R.J.Q. 2229, [1999] R.J.D.T. 1075, la demande de la CSST doit être justifiée par des motifs rationnels. La surveillance doit être conduite par des moyens raisonnables et il doit y avoir un lien entre la mesure prise et une saine administration, par la CSST, du régime d'indemnisation des travailleurs accidentés du travail. La CSST doit avoir des motifs sérieux qui permettent de mettre en doute l'honnêteté d'un travailleur et il faut que la mesure de surveillance apparaisse nécessaire pour vérifier le comportement d'un travailleur. En l'espèce, une demande d'enquête est faite en février 2007 parce que la conseillère en réadaptation note une discordance entre les allégués de la travailleuse et l’information médicale au dossier. Entre autres, sur la foi d'une seule rencontre, elle met en doute les examens des psychiatres qui constatent que la travailleuse présente une condition de dépression majeure chronique. Même si la CSST refuse de reconnaître la relation entre ce diagnostic et la lésion professionnelle, refuser de reconnaître une relation entre un diagnostic et une lésion est une chose et refuser de reconnaître une pathologie en est une autre. Comme dans l'affaire Fonderie Shellcast et Castillo-Alvarado (C.L.P., 2007-02-16), 2007 QCCLP 1075, SOQUIJ AZ-50417360, si la CSST avait un doute sérieux sur la pathologie psychologique de la travailleuse, elle devait d'abord utiliser le moyen qui apparaissait alors le plus approprié, soit soumettre le dossier au Bureau d'évaluation médicale, ce qu'elle n'a pas fait. Le fait que la conseillère se questionne sur la réelle détresse présentée par la travailleuse ne constitue pas, dans les circonstances, un motif rationnel et sérieux pour demander qu'une filature soit faite. Quant à la difficulté à joindre la travailleuse, la seule tentative infructueuse du 17 janvier 2007 ne peut justifier une demande de filature. Il ne s'agit pas d'un motif rationnel et sérieux. En ce qui concerne la demande d'enquête du 14 mai 2007, la CLP ne peut conclure que l'examen pratiqué par un médecin le 10 juin 2005 démontre une discordance entre les allégués de la travailleuse et les constatations médicales. Quant à la disproportion entre les signes cliniques constatés et les symptômes subjectifs que note un médecin le 7 décembre 2005, quelques jours après cet examen, la travailleuse est hospitalisée en psychiatrie, pour une assez longue période, ce qui démontre le degré de sévérité de cette condition psychologique. Tenant compte de l'ensemble de la condition de la travailleuse, tant physique que psychique, le seul avis de ce médecin, par ailleurs émis 14 mois plus tôt, n'est pas un motif rationnel et sérieux pouvant justifier une filature. La prolongation de l'incapacité de la travailleuse et l'apparition de nouveaux diagnostics ne peuvent non plus être considérées comme des motifs rationnels et sérieux justifiant une demande de filature. À ce sujet, la CSST n'avait qu'à faire évaluer la travailleuse, moyen utilisé à quelques reprises depuis la survenance de la lésion professionnelle. Finalement, sur la question de médicaments remboursés en double ou en triple à la travailleuse, qui fait d'ailleurs partie des litiges dont la CLP est saisie, si la décision réclamant un trop-perçu est maintenue, la CSST n'aura qu'à évaluer la possibilité de poursuivre la travailleuse, de la manière prévue au chapitre XV de la LATMP. La filature n'est pas justifiée pour démontrer que des médicaments lui ont été remboursés en trop. Comme la CSST n'avait aucun motif rationnel et sérieux de procéder à une filature de la travailleuse, la CLP, en accord avec les propos tenus dans l'affaire Lessard et Meubles Canadel inc. (C.L.P., 2003-12-02), SOQUIJ AZ-50209784, C.L.P.E. 2003LP-260, [2003] C.L.P. 1260, n'a pas à entreprendre les étapes du deuxième critère, soit la déconsidération de l'administration de la justice. La CLP déclare irrecevables en preuve le rapport d'enquête produit par la CSST, les documents obtenus lors de cette enquête et les bandes vidéo de filature. L'audience au mérite des requêtes de la travailleuse devra donc se poursuivre sans que ces éléments de preuve soient pris en considération.
SYLVIE BÉLANGER, partie requérante, et SOCIÉTÉ DE GESTION GORDON DECAEN LTÉE, partie intéressée, et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL, partie intervenante, SOQUIJ AZ-50521347
Malgré les contradictions de faits, il aurait fallu que la preuve permette clairement de les faire ressortir et ne laisse pas de doute quant à la possibilité qu'il ne soit rien survenu au lieu et à l'heure de l'accident allégué; l'admission d'une preuve basée sur la filature et les images vidéo serait donc de nature à déconsidérer l'administration de la justice.
Le 26 septembre 2006, le travailleur, un technicien-installateur, a déclaré s'être blessé alors qu'il était chez un client pour installer un câble et qu'il est tombé en descendant un escalier. Une entorse à la cheville a été diagnostiquée le jour même. La CSST a accepté sa réclamation. L'instance de révision a confirmé cette décision. Au soutien de sa contestation, l'employeur veut présenter un DVD et un rapport de filature. Le travailleur s'y oppose.
Décision
En matière de filature et de surveillance d'un travailleur à l'extérieur de l'établissement d'un employeur, la Cour d'appel du Québec, dans Syndicat des travailleurs(euses) de Bridgestone-Firestone de Joliette c. Trudeau (C.A., 1999-08-30), SOQUIJ AZ-50067177, J.E. 99-1786, D.T.E. 99T-846, [1999] R.J.Q. 2229, [1999] R.J.D.T. 1075, a énoncé les principes sur lesquels la CLP s'appuie. Les articles 5 et 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne et l'article 2858 du Code civil du Québec doivent également être considérés. Une telle filature ne peut être admise que si l'employeur avait des motifs raisonnables et que les mesures de surveillance sont nécessaires pour vérifier son comportement. En l'espèce, il ne s'agit pas d'un cas de fraude caractérisée, volontairement ou involontairement soutenue par une complicité médicale comme dans Bridgestone Firestone. L'employeur n'a pas démontré de motifs sérieux et raisonnables pour mettre en doute l'honnêteté du travailleur et pour engager une filature de trois jours, à peine une semaine après l'accident allégué. Admettre en preuve le rapport de filature et les images vidéo dans de telles circonstances aurait pour effet de déconsidérer l'administration de la justice. La remise en question de l'existence de la blessure concerne une question d'ordre médical. Or, l'opinion de l'employeur ne peut sûrement pas primer sur celle du médecin de l'urgence qui, dès le 26 septembre, a constaté l'« enflure », la « douleur » et « la mise en charge impossible de la cheville » avant de conclure à un diagnostic d'entorse, et ce, après avoir fait passer une radiographie pour s'assurer qu'il n'y avait pas de fracture. Prétendre, comme le fait l'employeur, qu'« il y a incompatibilité entre la nature de la lésion nécessitant l'utilisation de béquilles et le fait de continuer à exercer normalement son travail » relève d'une appréciation médicale et ne peut être considéré comme un motif sérieux pour remettre en question l'existence de l'entorse à la cheville du travailleur, si cette prétention n'est pas appuyée médicalement. De plus, aucun médecin n'a contredit le diagnostic d'entorse de la cheville. Quant aux contradictions de faits, il aurait fallu que la preuve permette clairement de les faire ressortir et ne laisse pas de doute quant à la possibilité qu'il ne soit rien survenu au lieu et à l'heure de l'accident allégué. Or, ce n'est pas le cas. Si l'employeur avait raison de remettre en cause l'existence d'un accident du travail, ce n'est pas une filature ultérieure qui allait en faire la preuve. Ainsi, la filature de trois jours, avec prises d'images vidéo, même en des lieux publics, comportait une atteinte apparente à la vie privée du travailleur et l'employeur n'a pas démontré de motifs raisonnables et sérieux de mettre en doute son honnêteté. L'admission d'une preuve basée sur la filature et les images vidéo serait donc de nature à déconsidérer l'administration de la justice.
Instech Télécommunication inc., partie requérante, et Aziz Chlyh, partie intéressée, SOQUIJ AZ-50474181
Même s'il s'est limité à épier ses activités à partir d'endroits où il pouvait être vu du public, l'enquêteur mandaté par l'employeur a colligé des données sur le travailleur et surveillé ses agissements, sur une période de quatre jours, durant plus d'une douzaine d'heures. la surveillance effectuée et les éléments qui s'y réfèrent ne sont pas admis en preuve.
Le travailleur, qui occupait les fonctions de carrossier pour l'employeur, exploitait également un commerce à son domicile. Il prétend avoir été victime d'une lésion professionnelle, le 28 mai 2007, en manipulant une des portes d'une fourgonnette. Jusqu'au 12 juin 2007, il a continué à exercer ses tâches habituelles de carrossier, mais a mentionné à l'employeur qu'il souffrait de maux de dos. Le 13 juin 2007, le travailleur a consulté un médecin qui a noté qu'il s'était fait mal, trois semaines plus tôt, « après avoir soulevé une pièce d'auto lourde au travail ». Un diagnostic de « lombosciatalgie avec radiculopathie sensitive L5 » a été posé. Par la suite, un diagnostic d'entorse lombaire a été posé et maintenu. La CSST a accepté sa réclamation et l'instance de révision a confirmé cette décision. Le 9 août 2007, l'entorse lombaire a été consolidée sans séquelle permanente. Le 10 octobre suivant, le travailleur a produit une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation. Le 16 octobre, l'employeur a décidé de retenir les services d'une agence d'investigation pour effectuer une filature du travailleur.
Décision
Concernant la filature, même si l'objectif poursuivi par l'employeur était de s'assurer que le travailleur ne bénéficie pas de prestations auxquelles il n'avait pas droit, sa surveillance n'était pas justifiée par des motifs rationnels. D'une part, il a tiré une conclusion qui ne se justifie pas. En effet, entre le 10 et le 16 octobre 2007, un directeur lui a dit avoir remarqué que les lumières de l'atelier personnel du travailleur étaient allumées et que des véhicules étaient mis en vente sur sa propriété. Il conduisait alors une voiture dans une zone de 90 km/h. Le directeur n'a pas été capable de confirmer qu'il avait vu le travailleur effectuer une quelconque activité manuelle et il n'a pas été en mesure d'exclure qu'il pût s'agir d'un tiers. De son côté, en décidant de mandater une firme d'investigation en se fiant aux impressions de son directeur, le président-directeur général n'a guère fait mieux. De plus, quand la décision de surveiller le travailleur a été prise, moins d'une semaine s'était écoulée depuis le dépôt de sa réclamation et le début de l'assignation temporaire. À ce moment, il n'y avait pas d'examens discordants, d'inexplicables plaintes ou des incohérences pouvant faire douter de la sincérité et de l'honnêteté d'un individu. En optant pour une filature, l'employeur a agi de façon intempestive. Il ne s'est même pas donné la peine d'utiliser d'autres moyens pour chercher à s'assurer de l'honnêteté du travailleur. Dans ce contexte, l'admission de cette preuve et les éléments qui en découlent sont susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice, comme l'a indiqué la Cour d'appel du Québec dans Ville de Mascouche et Houle (C.A., 1999-07-28), SOQUIJ AZ-50066665, J.E. 99-1554, D.T.E. 99T-786, [1999] R.J.Q. 1894. D'une part, la question en litige vise la reconnaissance de la lésion professionnelle du 28 mai 2007 alors que la filature ordonnée par l'employeur s'inscrit à la suite de la « récidive, rechute ou aggravation » du 10 octobre 2007. Ainsi, même si cette preuve revêt une certaine pertinence pour l'évaluation de la force probante des allégations du travailleur, elle n'est pas déterminante. D'autre part, lorsque rien ne justifie une surveillance, le non-respect de l'un des droits fondamentaux du travailleur est sérieux. Même s'il s'est limité à épier ses activités à partir d'endroits où il pouvait être vu du public, l'enquêteur mandaté par l'employeur a colligé des données sur lui et surveillé ses agissements, sur une période de quatre jours, durant plus d'une douzaine d'heures. Par conséquent, la surveillance effectuée et les éléments qui s'y réfèrent ne sont pas admis en preuve.
Magog Ford 2000 inc., partie requérante, et Stéphane Canse, partie intéressée, SOQUIJ AZ-50491104
L'objection concernant la recevabilité du rapport de filature et de la vidéocassette est accueillie; le témoignage imprécis de l'employeur a fait en sorte que les motifs invoqués pour justifier la demande de filature ne peuvent être considérés comme fondés et, d'autre part, il ne s'agit pas ici d'un cas où le travailleur a été soumis à de nombreux examens médicaux faisant état d'une inconstance des signes et des symptômes, d'une discordance entre les plaintes subjectives et les trouvailles de l'examen objectif ou de la présence de signes de Waddell.
Le 3 août 2004, le travailleur s'est infligé une entorse grade I à la cheville que la CSST a acceptée à titre de lésion professionnelle. Cette décision a été maintenue par l'instance de révision de la CSST à la suite d'une contestation par l'employeur. Le 23 août 2004, le travailleur, qui était toujours en arrêt de travail, a été examiné par un médecin à la demande de l'employeur. Un diagnostic d'entorse grade I a été posé. Le médecin a également considéré que la lésion n'était pas consolidée, que le travailleur nécessitait des traitements de physiothérapie et qu'il était trop tôt pour évaluer les séquelles éventuelles. Deux jours plus tard, compte tenu des constats de son médecin, l'employeur a fait procéder à une filature du travailleur et une bande vidéo a été réalisée. Celle-ci a été transmise au médecin de l'employeur qui, le 22 septembre suivant, a conclu que le travailleur n'était pas incapable d'effectuer son travail et que les limitations présentées lors de l'examen étaient « volontaires et nettement exagérées ». L'arrêt de travail a été poursuivi et, le 10 novembre 2004, la CSST a soumis le dossier au BEM sur la foi du rapport d'expertise de l'employeur du 23 août et du rapport médical du médecin qui a charge du 15 septembre, sur lequel il avait indiqué un diagnostic d'entorse de la cheville pour laquelle le travailleur était référé en physiothérapie. Le 14 décembre suivant, le BEM a conclu à un diagnostic de contusion du genou et d'entorse grade I de la cheville, consolidée en date du 8 décembre, sans qu’il y ait nécessité de traitements additionnels. Le 24 janvier 2005, le BEM a produit un rapport complémentaire se prononçant sur l'absence d'atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Le 4 février suivant, la CSST a entériné l'avis du BEM et a déclaré qu'en sus de l'entorse, la contusion au genou constituait également une lésion professionnelle et que le travailleur était redevenu capable d'exercer son emploi depuis le 8 décembre précédent. Le travailleur a contesté cette décision qui a été maintenue par l'instance de révision de la CSST. Par la suite, le travailleur a déposé deux autres réclamations pour des récidives, rechutes ou aggravations de sa lésion professionnelle, survenues le 15 juin et le 7 décembre 2005. La CSST a refusé ces deux réclamations et ces décisions ont été maintenues par l'instance de révision. Devant la CLP, le travailleur a soulevé deux moyens préliminaires. D'une part, il s'est opposé à la recevabilité en preuve du rapport de filature et de la vidéo l'accompagnant et, d'autre part, il a fait valoir que l'avis du BEM était irrégulier. Quant au premier moyen, l'employeur a allégué que ces éléments étaient au dossier depuis longtemps et que le travailleur ne l'avait pas informé de ses intentions à ce sujet. La CLP lui a alors demandé s'il était prêt à procéder ou s'il voulait une suspension de l'audience, ce à quoi il a répondu par la négative. Le travailleur a alors assigné une représentante de l'employeur et l'a interrogée au sujet de la filature. Celle-ci n'a pas été contre-interrogée par l'employeur et, à la suite de son argumentation, il a demandé la permission de produire des « notes additionnelles » sur l'admissibilité du rapport de surveillance ainsi que sur toute autre question préalable soulevée par le travailleur. Par la suite, l'employeur a produit un affidavit de sa représentante afin de compléter sa preuve quant au moyen préalable. Le travailleur s'est opposé au dépôt de cette preuve. Il a fait valoir que la preuve avait été déclarée close de part et d'autre et qu'en agissant de la sorte, l'employeur a demandé une réouverture d'enquête sans que les critères retenus pour ce faire soient présents.
Décision
À la fin de l'audience sur les moyens préliminaires, la preuve concernant ces questions était close de part et d'autre. L'employeur n'a pas jugé nécessaire de prendre un temps de suspension ni de contre-interroger sa représentante. En décidant de faire valoir ses arguments à l'audience, sous réserve de notes additionnelles, l'employeur a implicitement déclaré que sa preuve était close. Ainsi, la demande de dépôt de l'affidavit de sa représentante constitue une demande de réouverture d'enquête. Dans cet affidavit, cette dernière déclare s'être rappelé certains faits corroborant l'existence de motifs rationnels et sérieux justifiant la filature du travailleur. Toutefois, cette déclaration est fondée sur les éléments de preuve dont elle pouvait prendre connaissance en temps opportun puisqu'ils font partie du dossier. Au surplus, si ces « faits additionnels » avaient été déterminants dans la décision de faire filer le travailleur, il est difficile de croire que la représentante de l'employeur a oublié d'en faire mention lors de son témoignage. Ainsi, il ne s'agit pas de circonstances exceptionnelles et il n'y a pas lieu de rouvrir l'enquête. Le dépôt de l'affidavit est donc refusé.
Quant à l'objection concernant la recevabilité du rapport de filature et de la vidéocassette, elle est accueillie. En effet, la filature dont a fait l'objet le travailleur représente une atteinte apparente à sa vie privée, contrevenant aux articles 5 et 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne et à l'article 2858 du Code civil du Québec. D'une part, le témoignage imprécis de la représentante de l'employeur a fait en sorte que les motifs invoqués pour justifier la demande de filature ne peuvent être considérés comme fondés. D'autre part, le dépôt de l'affidavit ayant été refusé, les éléments qui y sont contenus ne peuvent non plus être retenus. Il faut donc conclure à l'absence de motif rationnel et sérieux de la part de l'employeur. En effet, il ne s'agit pas ici d'un cas où le travailleur a été soumis à de nombreux examens médicaux faisant état d'une inconstance des signes et des symptômes, d'une discordance entre les plaintes subjectives et les trouvailles de l'examen objectif ou de la présence de signes de Waddell. Même si le médecin de l'employeur a qualifié son examen de difficile, il n'en reste pas moins qu'il a tout de même retenu un diagnostic d'entorse à la cheville droite dont la consolidation est indéterminée et pour laquelle il recommande des traitements. Un tel rapport n'amène aucun motif rationnel et sérieux pouvant justifier une filature et le fait que la représentante de l'employeur ne l'ait pas mentionné pour justifier la demande de filature tend à démontrer qu'il ne s'agissait pas d'un élément essentiel. De plus, l'exclusion en preuve du rapport de surveillance et de la vidéocassette n'est pas de nature à déconsidérer l'administration de la justice.
Cie Britton Électrique ltée, partie requérante, et Jean-Martel Baptiste, partie intéressée, et Jean-Martel Baptiste, partie requérante, et Cie Britton Électrique ltée, partie intéressée, SOQUIJ AZ-50433837
L'employeur n'avait aucun motif rationnel ou sérieux de procéder à une filature; le fait qu'il ait trouvé étrange que le travailleur ait rapporté la survenance de l'événement un samedi, alors qu'au cours de la semaine précédente il ne s'était pas plaint, et qu'il n'ait pas mentionné une chute survenue à son domicile n'est pas pertinent.
En ce qui concerne d'abord la date de consolidation, celle du 27 mars 2005 proposée par le médecin de l'employeur est purement prospective ou spéculative puisque fondée sur le délai habituel de guérison des blessures des tissus mous, alors que les seuls critères déterminants demeurent la guérison ou l'atteinte d'un plateau thérapeutique. De plus, l'autorisation d'un retour au travail progressif n'est pas synonyme de la stabilisation d'une lésion. Au contraire, la présence de limitations fonctionnelles temporaires peut signifier que la lésion n'est pas encore consolidée ou stabilisée, et c'est le cas en l'espèce. La CLP retient donc la date du 25 août 2005 établie par le membre du BEM. Avant de décider de l'existence d'une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, la CLP doit se prononcer sur la recevabilité en preuve d'un enregistrement vidéo réalisé à la demande de l'employeur lors d'une filature du travailleur. Elle doit d'abord déterminer si la surveillance vidéo porte atteinte à la vie privée du travailleur, ce qui inclut un examen en vertu de l'article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne. Selon l'arrêt Syndicat des travailleuses et travailleurs de Bridgestone/Firestone de Joliette (CSN) c. Trudeau (C.A., 1999-08-30), SOQUIJ AZ-50067177, J.E. 99-1786, D.T.E. 99T-846, [1999] R.J.Q. 2229, [1999] R.J.D.T. 1075, une atteinte apparente, comme c'est le cas en l'espèce, du droit à la vie privée peut être justifiée si elle est basée sur des motifs rationnels et effectuée par des moyens raisonnables. La filature et la surveillance d'un travailleur doivent donc être fondées sur des motifs sérieux de la part de l'employeur. De plus, les moyens utilisés doivent être le moins intrusifs possible. Si le tribunal devait conclure qu'il y a eu atteinte à la vie privée du travailleur, il devra ensuite analyser la question en vertu du deuxième élément prévu à l'article 2858 du Code civil du Québec (C.C.Q.) et se demander si l'admission ou l'utilisation de cette preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. À cet égard, l'arrêt de Mascouche (Ville de) c. Houle (C.A., 1999-07-28), SOQUIJ AZ-50066665, J.E. 99-1554, D.T.E. 99T-786, [1999] R.J.Q. 1894, enseigne qu'il faut d'abord examiner la gravité de la violation puis, dans un deuxième temps, faire un exercice de pondération entre la protection des droits fondamentaux et la recherche de la vérité. Ainsi, toute violation n'entraîne pas nécessairement le rejet de la preuve. En l'espèce, l'employeur n'avait aucun motif rationnel ou sérieux de procéder à une filature du travailleur. Il a retenu les services d'un enquêteur sur un seul doute reposant sur le fait que le travailleur a rapporté la survenance d'un événement le samedi alors qu'il ne s'était plaint d'aucun malaise dans la semaine précédente. Plutôt que de demander des explications directement au travailleur, l'employeur a le réflexe plutôt rapide et intempestif de demander une filature. Quant au fait que le travailleur aurait caché avoir fait une chute à son domicile le 6 février 2006, cet argument ne tient pas puisque la CSST a été avisée de cet événement dès le lendemain. Finalement, rien dans le dossier ne laisse présumer un manque de collaboration du travailleur dans ses relations avec l'employeur ou la CSST qui pouvait avoir rendu nécessaire la surveillance effectuée. Cette surveillance n'a pas été effectuée pour des motifs sérieux et porte atteinte à sa vie privée. Quant à savoir si l'utilisation de l'enregistrement vidéo est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, en tenant compte des éléments établis dans l'arrêt Ville de Mascouche c. Houle, la CLP doit se demander si le fait de ne pas utiliser l'enregistrement vidéo était plus néfaste que de l'utiliser et s'il y a une valeur plus importante en jeu. Elle doit réaliser un exercice de pondération entre le droit du travailleur au respect de sa vie privée et l'intérêt public d'une saine gestion d'un régime public d'indemnisation. Or, la CLP estime qu'il lui faut opter pour l'exclusion de la preuve vidéo. L'idée que l'employeur, l'auteur actuel de la violation au respect de la vie privée du travailleur, puisse utiliser cette preuve qui découle de cette violation est manifestement de nature à déconsidérer l'administration de la justice. Permettre la recevabilité de cette preuve serait envoyer un bien mauvais message à tous les employeurs, celui qu'il leur est désormais possible, en l'absence d'un intérêt juridique, d'une motivation et d'une finalité sérieuse, de filmer leurs employés à leur insu dans le but de découvrir un éventuel manque de loyauté ou d'honnêteté et venir, par la suite, justifier la filature ou la surveillance par son résultat. Cela heurte le bon sens. Même si dans plusieurs décisions, la CLP exprime l'avis que, dans la mesure où l'enregistrement vidéo contient des éléments de preuve susceptibles d'influencer la décision ou d'évaluer la crédibilité d'un travailleur, son exclusion en preuve serait de nature à déconsidérer l'administration de la justice, le tribunal en l'espèce estime que cette jurisprudence continue de maintenir le mythe voulant que le seul critère à être analysé soit celui de la pertinence. Cette façon d'agir ne peut que trahir à la fois le texte de l'article 2858 du Code civil et l'intention du législateur. En effet, cet article constitue une rupture avec l'état du droit avant le 1er janvier 1994, date de son entrée en vigueur. Avant cette date, il n'y avait aucune disposition formelle pour exclure une preuve dans le domaine privé et la jurisprudence avait retenu la pertinence comme unique critère d'admissibilité en preuve. D'ailleurs, le ministre de la Justice soulignait que l'obtention d'une preuve par un procédé illégal n'était pas auparavant un obstacle à sa recevabilité et qu'il suffisait qu'une preuve soit pertinente. C'est donc dire que le critère de la pertinence doit être relativisé. Finalement, la recherche de la vérité n'est pas l'unique principe et elle ne doit pas se faire au détriment du droit fondamental du travailleur au respect à sa vie privée alors que l'employeur participe directement à sa violation. De toute façon, après en avoir pris connaissance, la CLP conclut que cette preuve ne revêt pas le caractère déterminant que l'employeur veut bien lui prêter. Le travailleur a toujours soutenu que sa condition lombaire était sujette à des hauts et des bas et n'a jamais prétendu qu'il était incapable de toute activité physique.
L'employeur disposait de moyens, en vertu de la LATMP, lui permettant d'atteindre son objectif, soit de vérifier si les nouveaux diagnostics étaient en relation avec la lésion initiale ou si l'incapacité était toujours justifiée; ces moyens auraient été plus appropriés que de recourir aux services d'une firme d'enquêteurs.
Selon les articles 5 et 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, 3, 35, 36 et 2858 du Code civil du Québec et 11 de la Loi sur la justice administrative, pour déclarer une preuve inadmissible, conformément à l'article 2858 du Code civil, deux conditions doivent être réunies : déterminer si la preuve a été obtenue en violation d'un droit fondamental et, dans un tel cas, si elle est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Pour ce qui est du droit à la vie privée, les principes ont été établis par la Cour d'appel dans Bridgestone C.A., 1999-08-30), SOQUIJ AZ-50067177, J.E. 99-1786, D.T.E. 99T-846, [1999] R.J.Q. 2229, [1999] R.J.D.T. 1075. Le concept de vie privée n'est pas limité aux lieux; il se rattache à la personne. Pour ce qui est de la surveillance ou filature du salarié absent pour une raison de santé, celle-ci peut être admise si elle est justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables, comme l'exige l'article 9.1 de la Charte. Le choix des moyens doit être justifié « pour la vérification du comportement du salarié » et elle doit être menée de la façon la moins intrusive possible. Lorsque ces conditions sont réunies, l'employeur a le droit de recourir à des procédures de surveillance. En l'espèce, l'employeur avait des motifs sérieux — nouveaux diagnostics (cervicobrachialgie, déchirure de la coiffe des rotateurs bilatérale et lombalgie), prolongation non prévue de l'incapacité et apparition de nouveaux sites lésionnels — de se questionner sur la fiabilité de l’information fournie. La preuve est cependant moins convaincante pour ce qui est des autres critères prévus à l'article 9.1 de la Charte, notamment le choix des moyens utilisés. L'employeur disposait en effet de moyens, en vertu de la LATMP, lui permettant d'atteindre son objectif, soit de vérifier si les nouveaux diagnostics concernaient la lésion initiale ou si l'incapacité était toujours justifiée. Ces moyens auraient été plus appropriés que de recourir aux services d'une firme d'investigation. De plus, il ne semble pas y avoir de rationalité entre les moyens choisis et l'objectif poursuivi, puisque l'employeur n'a pas fait connaître le résultat de la filature à la CSST et que celle-ci a rendu des décisions en partie favorables à l'employeur sans y avoir recours. Ce dernier a pris la décision de désigner un médecin deux ans après la survenance de la lésion professionnelle et après que la CSST eut pris l'initiative de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale (BEM) pour ce qui est de la détermination de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, après avoir obtenu deux opinions d'un médecin qu'elle a mandaté. Or, dans Diesels Dion ltée et Carignan (C.L.P., 2003-05-15), SOQUIJ AZ-50174985, la CLP a considéré que le fait que l'employeur ait demandé un examen du travailleur par un expert après l'avoir fait filer n'était pas de nature à justifier la filature conformément à l'article 9.1 de la Charte. En l'espèce, même si la filature a été réalisée d'une manière peu intrusive, il ne s'agissait pas du moyen le plus approprié ni le plus rationnel pour atteindre l'objectif poursuivi. La filature effectuée en août 2003 n'était donc pas justifiée en regard de l'article 9.1 de la Charte.
Pour ce qui est de la filature réalisée en mars 2005, l'employeur disposait d'une opinion médicale selon laquelle le travailleur était capable de travailler et qu'il y avait discordance entre les allégations de ce dernier et sa capacité réelle. De plus, le médecin de l'employeur avait constaté que le travailleur boitait dans son bureau et ne boitait plus à l'extérieur, ce qui introduisait un doute quant à l'honnêteté du travailleur. La filature effectuée à cette date était donc justifiée. Quant à la seconde étape prévue à l'article 2858 du Code civil, à savoir si la preuve obtenue en 2003 et 2005 — même si en partie obtenue en violation du droit à la vie privée — déconsidère l'administration de la justice, les critères à considérer dans cette analyse sont énumérés dans Ville de Mascouche et Houle (C.A., 1999-07-28), SOQUIJ AZ-50066665, J.E. 99-1554, D.T.E. 99T-786, [1999] R.J.Q. 1894, notamment la gravité de la violation et le rôle du tribunal dans la recherche de la vérité. En l'espèce, la preuve est peu intrusive : l'enquêteur a témoigné pour établir la fiabilité des images filmées, le travailleur a été filmé pendant le jour et dans des lieux publics, il a eu copie de la bande vidéo avant l'audience et a pu la visionner avec sa représentante. De plus, le fait de voir le travailleur dans ses déplacements est pertinent à la question de déterminer s'il demeure avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. La preuve par filature, qu'il s'agisse de celle obtenue en 2003 ou en 2005, ne déconsidère donc pas l'administration de la justice. Par conséquent, la preuve par filature est recevable.
Fonderie Shellcast, partie requérante, et José Abel Castillo Alvarado, partie intéressée, et José Abel Castillo Alvarado, partie requérante, et Fonderie Shellcast, partie intéressée, SOQUIJ AZ-50417360
Cas où la preuve a été jugée recevable
La bande vidéo est recevable en preuve sous réserve de ce qui pourrait être considéré comme illégal au moment du visionnement; la CRT n'a d'autre choix que de regarder celle-ci pour se former une opinion quant à l'objectif réel de l'employeur et quant à l'atteinte au droit des salariés à des conditions de travail justes et raisonnables au sens de l'article 46 de la Charte.
L'employeur fabrique et distribue des produits chimiques destinés à l'industrie du textile. Outre le propriétaire, l'entreprise ne compte que deux salariés, dont le plaignant. Celui-ci a été embauché en 1999 afin d'effectuer plusieurs tâches, notamment la préparation des mélanges. Au soutien du congédiement, imposé le 13 juin 2005, l'employeur a invoqué plusieurs incidents survenus durant les mois précédents : omission de porter l'équipement de protection individuelle, non-respect de l'interdiction de fumer, modification unilatérale de son heure de repas, retards, insubordination et refus de collaborer avec la préposée aux services administratifs. À l'audience, le plaignant s'est opposé à la recevabilité en preuve d'une bande vidéo, estimant qu'elle avait été obtenue en violation de l'article 46 de la Charte des droits et libertés de la personne.
Décision
La bande vidéo est recevable en preuve sous réserve de ce qui pourrait être considéré comme illégal au moment du visionnement. En effet, lorsque les positions des parties sont opposées relativement à la production d'une bande vidéo, la Commission des relations du travail (CRT) n'a d'autre choix que de regarder celle-ci pour se former une opinion quant à l'objectif réel de l'employeur et quant à l'atteinte au droit des salariés à des conditions de travail justes et raisonnables au sens de l'article 46 de la Charte. Si la CRT conclut qu'il y a eu violation de la loi ou atteinte à un droit fondamental, elle doit simplement rayer de la preuve ce qui a été vu et dit. En l'espèce, il n'y a pas eu de contravention à la Charte, puisque les salariés sont la plupart hors du champ des caméras.
Quant au fond, l'employeur a prouvé les manquements reprochés. Considérés un à un, les manquements du plaignant sont sans grande conséquence. Cependant, dans leur ensemble, ils constituent un véritable cauchemar pour ce qui est de la gestion de l'employeur. Afin d'assurer le bon fonctionnement d'une entreprise de cette taille, chaque salarié doit effectuer correctement son travail et l'employeur a le droit d'exiger que le plaignant exécute ses tâches de façon autonome. Or, en offrant un rendement imprévisible, ce dernier n'a pas rempli de façon satisfaisante les termes de son contrat de travail, et il a rompu graduellement, mais irrémédiablement le lien de confiance avec l'employeur. La bande vidéo démontre que le 13 juin 2005, alors qu'il était de retour au travail à la suite d'une lésion professionnelle, le plaignant a omis de porter l'équipement de protection individuelle obligatoire. Il avait déjà reçu plusieurs avis verbaux à ce sujet. Le principe de la progression des sanctions devant être adapté au contexte d'une petite entreprise, il y a lieu de conclure que l'employeur a respecté son obligation à cet égard.
Laporte et Prismadye inc., SOQUIJ AZ-0467001
La requête du travailleur pour exclusion de la preuve – des images captées par une caméra de surveillance et mises sur un cédérom – est rejetée; les caméras de surveillance ont été installées à des endroits usuels sur les lieux du travail afin d'en assurer la sécurité de sorte que le droit à la vie privée du travailleur n'a pas été violé.
Le travailleur est cuisinier-livreur pour le compte de l'employeur depuis septembre 2005. Il prétend que le 13 mars 2006, il s'est tourné la cheville droite en descendant du camion de livraison, mais qu'il n'a pas rapporté cet incident à l'employeur parce qu'il n'était pas au courant qu'il avait droit à une indemnisation par la CSST. Il a consulté son médecin, qui a prescrit un électromyogramme, mais pas d'arrêt de travail parce qu'il voulait continuer en raison de ses obligations financières. Selon le travailleur, il éprouvait parfois de la difficulté à marcher et à compléter ses journées de travail, mais il n'a toutefois pas revu son médecin ni parlé de la situation à l'employeur. Le 10 avril, après une livraison, le travailleur s'est à nouveau fait mal à la cheville droite en descendant du camion. Il aurait alors montré son pied enflé à une collègue et consulté son médecin, qui a prescrit un arrêt de travail. Le lendemain, le travailleur a déclaré l'incident à l'employeur et a rempli un formulaire d'accident. Il s'est ensuite rendu à l'hôpital où l'on a posé le diagnostic d'entorse à la cheville droite. La CSST a accepté la réclamation du travailleur. L'instance de révision a confirmé cette décision. Devant la CLP, l'employeur veut déposer en preuve un cédérom contenant la captation des images par les caméras de surveillance au moment de l'incident du 10 avril, ce à quoi le travailleur s'est opposé au motif que les images ne pouvaient être visualisées en temps réel, ce qui ne permettait pas l'appréciation des mouvements et de sa démarche. La preuve est irrecevable, et l'audience est ajournée pour permettre à l'employeur de produire des images qu'il serait possible de visualiser en temps réel.
Décision
Le témoignage du technicien en informatique est recevable à titre d'expert. Il a une connaissance spécialisée et une expérience suffisante dans l'installation et l'ajustement du logiciel que possède l'employeur pour la gestion de ses caméras de surveillance ainsi que des connaissances générales dans ce domaine. L'enregistrement constitue une preuve technique et les critères établis par la jurisprudence afin de reconnaître l'authenticité d'une preuve technique et d'en permettre la recevabilité sont respectés. En effet, l'expert est crédible lorsqu'il affirme ne pas avoir altéré les images et l'ensemble de la preuve confirme la fiabilité des enregistrements. De plus, les caméras de surveillance ont été installées à des endroits usuels sur les lieux du travail afin d'en assurer la sécurité. Le droit à la vie privée du travailleur n'a pas été violé. La preuve est donc recevable.
Quant au fond, l'article 265 LATMP prévoit l'obligation pour le travailleur d'informer l'employeur de la survenance d'un incident dès que possible. En l'espèce, le travailleur n'a jamais déclaré l'incident du 13 mars. D'ailleurs, l'employeur n'a jamais pu constater les difficultés à marcher alléguées par le travailleur. De plus, sur la bande vidéo du 10 avril, on ne voit pas le travailleur perdre pied en descendant du camion, pas plus qu'on ne le voit boiter ou éprouver quelque difficulté à reprendre son travail dans les minutes qui suivent. Par ailleurs, la preuve médicale fait état de problèmes de santé préexistants, et l'investigation médicale n'est pas compatible avec une entorse de la cheville. Or, il appartenait au travailleur de clarifier cette preuve médicale, ce qu'il n'a pas fait. Ainsi, la preuve n'établit pas qu'une blessure est survenue sur les lieux du travail alors que le travailleur était à son travail, ni qu'un événement imprévu et soudain soit survenu par le fait ou à l'occasion du travail. Il ne s'agit donc pas d'un accident du travail et la présomption de lésion professionnelle prévue à l'article 28 LATMP ne s'applique pas.
Tim Hortons, partie requérante, et Gaétan Vaillancourt, partie intéressée, SOQUIJ AZ-50528441
La preuve obtenue lors de la filature est recevable pour ce qui est des images pour lesquelles les enquêteurs qui les ont captées ont témoigné de leur authenticité; par contre, les images filmées à travers les vitres d’une résidence sont irrecevables puisqu’il s’agit d’une atteinte à la vie privée.
Le 9 octobre 2005, la travailleuse a subi une lésion professionnelle, soit une entorse lombaire sur une discopathie L4-L5 préexistante et une arthrose facettaire L5-S1 symptomatique, selon l'avis du BEM du 11 avril 2006 non contesté; la lésion n'était pas consolidée et des soins étaient nécessaires. La CSST a entériné cet avis, et l'instance de révision a confirmé cette décision. À la suite d'un second avis du BEM, en date du 19 décembre 2006, la lésion a été déclarée consolidée au jour de l'examen, avec suffisance des soins, une atteinte permanente de 6 % et des limitations fonctionnelles de classe III. La CSST a entériné cet avis et a déclaré que la travailleuse avait droit à une indemnité forfaitaire ainsi qu'à la réadaptation. L'instance de révision a confirmé cette décision. Par la suite, la CSST a déclaré que la travailleuse était incapable d'exercer son emploi et un emploi convenable a été déterminé. L'instance de révision a confirmé cette décision.
Décision
Pour ce qui est des résultats d'une filature, la preuve est recevable en partie. Ayant des doutes sur l'incapacité alléguée par la travailleuse, l'employeur a donné un mandat pour faire enquête sur celle-ci. Dans l'affaire Cadieux et Service de gaz naturel Laval inc. (C.A., 1991-09-12), SOQUIJ AZ-91011895, J.E. 91-1502, [1991] R.J.Q. 2490, la Cour d'appel a énoncé les critères à appliquer pour juger de la recevabilité d'une telle preuve, notamment le fait qu'elle soit parfaitement authentique, intégrale, inaltérée et fiable et que les propos soient suffisamment audibles et intelligibles. Ces principes doivent être adaptés lorsqu'il s'agit de captation d'images. En l'espèce, c'est bien la travailleuse que l'on voit sur ces images. De plus, le témoignage des enquêteurs démontre que les images qu'ils ont filmées ont été transférées en intégralité, en format numérique, par un employé de la même firme, pour faciliter le dépôt en preuve. Enfin, ces images sont claires et parfaitement intelligibles. Par ailleurs, dans Syndicat des travailleuses et travailleurs de Bridgestone Firestone de Joliette (C.S.N.) c. Trudeau (C.A., 1999-08-30), SOQUIJ AZ-50067177, J.E. 99-1786, D.T.E. 99T-846, [1999] R.J.Q. 2229, [1999] R.J.D.T. 1075, la Cour d'appel a établi les critères applicables en matière de surveillance faite par un employeur hors des lieux de travail, afin qu'elle ne soit pas susceptible de porter atteinte à la vie privée du travailleur. Ainsi, la surveillance doit être justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables. Dans le présent cas, l'employeur a établi des doutes sérieux quant au comportement de la travailleuse et la vraisemblance de ses limitations, ce qui le justifiait de prendre les moyens nécessaires pour vérifier ces faits. De plus, la filature avec captation d'images pendant quelques jours — et principalement à l'extérieur — n'est pas une surveillance intrusive. Ainsi, conformément à l'article 11 de la Loi sur la justice administrative, la preuve est recevable seulement en ce qui a trait aux images captées les 20 avril 2007 et 26 avril 2007, puisque seuls les enquêteurs qui ont capté ces images ont témoigné de leur authenticité. Par contre, les images filmées à travers les vitres d'une résidence montrant la travailleuse à l'intérieur sont irrecevables. Bien qu'à l'origine, cette filature soit justifiée par des motifs rationnels, le fait que les images aient été prises à travers des vitres constitue une atteinte à la vie privée, et ce, par le fait d'un moyen abusif et non raisonnable.
C.H.S.L.D. Vigi Reine Élisabeth, partie requérante, et Lynda Therrien, partie intéressée, et Commission de la santé et de la sécurité du travail, partie intervenante, SOQUIJ AZ-50528437
Les enregistrements vidéo ayant révélé que la travailleuse, alors en arrêt de travail, offrait une prestation de travail pour l'entreprise de son conjoint et que la tâche n'était pas moins exigeante que celle qu'elle occupait pour l'employeur, la présomption d'incapacité prévue à l'article 46 LATMP est repoussée et elle doit rembourser l'IRR reçue sans droit, soit 10 747 $.
Le 9 décembre 2003, la travailleuse, une préposée à l'entretien ménager, est victime d'un accident du travail qui entraîne une entorse à l'épaule gauche et une entorse dorsale. Le 7 septembre 2005, la CSST déclare la travailleuse capable d'exercer son emploi et met fin à l'IRR à compter du 22 août précédent. Cependant, le 18 septembre 2006, la CLP décide que la hernie discale C5-C6 constitue une lésion professionnelle en relation avec l'événement initial et l'IRR est rétablie à compter du 29 août 2005. Un membre du Bureau d'évaluation médicale consolidera cette lésion au 27 juillet 2007. Le 5 avril 2007, la CSST suspend l'IRR au motif qu'une enquête administrative jumelée à d'autres informations permet de croire que la travailleuse a omis de fournir des renseignements reliés à ses revenus d'emploi. L'instance de révision considère que la demande de révision de la travailleuse déposée le 22 juin suivant est irrecevable. Le 27 septembre 2007, la CSST déclare la travailleuse capable d'exercer son emploi à compter du 1er septembre 2006 malgré une lésion cervicale non consolidée, qu'elle n'a plus droit à l'IRR et qu'elle doit rembourser la somme de 10 747,45 $, soit le montant versé du 1er septembre 2006 au 3 avril 2007. L'instance de révision confirme cette décision. La travailleuse reconnaît que, pendant la période d'indemnisation, elle aidait son conjoint, qui exploite une entreprise d'entretien, relativement à un contrat d'entretien ménager effectué chez un concessionnaire automobile. Elle n'a pas informé la CSST de ce fait, car elle ne considérait pas qu'« aider son mari » constituait un travail, que ce travail n'était pas rémunéré et qu'elle n'était liée d'aucune façon à l'entreprise de son conjoint.
Décision
En premier lieu, la CLP doit décider si la travailleuse peut être relevée des conséquences de son défaut d'avoir contesté la décision de la CSST du 5 avril 2007 dans le délai prévu à la Loi. Le tribunal ne peut accepter la justification de la travailleuse selon laquelle elle croyait que la décision constituait un simple avis et qu'il fallait attendre le résultat de l'enquête administrative pour produire sa contestation. Le libellé de la décision ne soulève aucune ambiguïté quant à sa nature même et à sa finalité. D'ailleurs, la travailleuse connaissait déjà le processus de contestation d'une décision de la CSST. Sa contestation en révision est donc irrecevable, la travailleuse n'ayant pas démontré un motif raisonnable pour justifier une prorogation du délai de contestation. Dans un second volet, la CLP doit décider si la travailleuse a reçu sans droit une IRR entre le 1er septembre 2006 et le 3 avril 2007. D'abord, le fait que la travailleuse ait des liens avec l'entreprise de son conjoint ou qu'elle ait touché une rémunération de travail importe peu puisque le fil conducteur est l'incapacité de la travailleuse à exercer son emploi. En effet, en vertu de l'article 57 LATMP, le droit à l'IRR s'éteint lorsque la travailleuse redevient capable d'exercer son emploi. L'article 46 LATMP énonce que la travailleuse est présumée incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle n'est pas consolidée. En l'espèce, la travailleuse bénéficie de l'application de cette présomption, sa lésion cervicale ayant été consolidée à une date postérieure, soit le 27 juillet 2007. Afin de déterminer si elle est capable d'exercer son emploi, il faut comparer la tâche de travail effectuée auprès de son employeur à celle réalisée au bénéfice de l'entreprise de son conjoint. La travailleuse témoigne qu'elle n'accomplissait pas de travaux lourds pour l'entreprise de son conjoint, mais elle n'en accomplissait pas non plus chez son employeur. La tâche effectuée pendant sa période d'incapacité n'était pas moins exigeante que celle réalisée auparavant chez son employeur à titre de préposée à l'entretien ménager. D'autre part, la travailleuse tend à minimiser la durée de son horaire de travail auprès de l'entreprise de son conjoint, alors que les enregistrements vidéo et le complément d'enquête révèlent des périodes de travail plus longues. Finalement, la preuve vidéo révèle que la travailleuse outrepassait les limitations fonctionnelles qui lui avaient été reconnues, et ce, sans qu'elle en subisse de conséquences. La travailleuse avait donc la capacité d'exercer un emploi similaire à celui qu'elle effectuait chez son employeur en dépit de limitations fonctionnelles et d'une lésion non consolidée, qu'il s'agisse d'une hernie discale C5-C6 ou d'une entorse cervicale. La présomption d'incapacité prévue à l'article 46 est renversée. La travailleuse a donc reçu sans droit une IRR alors qu'elle était, dans les faits, capable d'exercer son emploi. En conséquence, l'IRR est remboursable à la CSST en vertu de l'article 430 LATMP.
Guylaine Lapierre, partie requérante, et Chaîne de Travail adapté inc., partie intéressée, et Commission de la santé et de la sécurité du travail, partie intervenante, SOQUIJ AZ-50500279
La preuve par bande vidéo est recevable en preuve; les caméras de surveillance ne présentaient aucune défectuosité au cours de la période concernée, le transfert sur CD est une copie fidèle du film original et il n'a pas non plus été démontré que la présence non constante du technicien informatique lors des enregistrements ait pu mettre en péril l'authenticité de la copie effectuée, puisqu’il ne possédait pas les connaissances requises pour l’altérer.
Le travailleur, un soudeur, a déclaré s'être fait mal à une épaule après avoir glissé, et s'être retenu, dans la boîte d'un camion. Le travailleur a consulté un médecin le jour même, et un diagnostic de tendinite aux épaules a été posé. Le lendemain, il a donné une version différente à l'employeur. À la suite de cette rencontre et en raison d'une nouvelle version de l'événement, l'employeur a décidé de regarder les images captées par les caméras de surveillance dans le garage de l'entreprise. La vidéo n'ayant rien démontré, l'employeur a convoqué le travailleur, le 14 février 2006, afin d'obtenir une version écrite de ce dernier. Le travailleur a alors maintenu avoir fait une chute. L'employeur a transmis la vidéo à la CSST, qui a rejeté la réclamation du travailleur. L'instance de révision a confirmé cette décision. Le travailleur prétend que la bande vidéo n'est pas recevable en preuve.
Décision
En ce qui a trait au moyen préliminaire, l'article 2855 du Code civil énonce l'obligation, lors de la présentation d'un élément matériel, de faire une preuve distincte préalable d'authenticité de celui-ci. Par ailleurs, en vertu de l'article 2 du Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles, la CLP est maîtresse de ses règles de preuve et de procédure et n'est pas tenue à celles édictées par le droit civil. L'article 11 de la Loi sur la justice administrative prévoit une disposition semblable. En l'espèce, l'employeur a offert au travailleur de visionner l'original des séquences vidéo et, par la suite, tant la CSST que l'instance de révision lui ont permis de commenter la vidéo avant de rendre leur décision. Or, à ces diverses occasions, aucune objection n'a été soulevée. Dans ces circonstances, il appartient au travailleur de démontrer l'absence d'authenticité ou de fiabilité du document électronique. La Cour d'appel, dans Cadieux et Le Service de gaz naturel Laval inc. (C.A., 1991-09-12), SOQUIJ AZ-91011895, J.E. 91-1502, [1991] R.J.Q. 2490, a élaboré certains critères en matière de recevabilité d'enregistrement mécanique. Bien qu'il soit possible que la CLP s'en inspire, il faut toutefois les utiliser avec circonspection, puisque ce jugement traite d'une infraction en matière criminelle. En l'espèce, les caméras de surveillance ne présentaient aucune défectuosité au cours de la période concernée et le transfert sur CD est sans l'ombre d'un doute une copie fidèle du film original. Il n'a pas non plus été démontré que la présence non constante du technicien informatique lors des enregistrements ait pu mettre en péril l'authenticité de la copie effectuée. En effet, aucun employé ne possédait les connaissances requises pour altérer les bandes vidéo. En conséquence, le moyen préliminaire est rejeté.
Gilles Bérubé, partie requérante, et Doncar Dionne Soter Mécanique inc., partie intéressée, SOQUIJ AZ-50491417
La dénonciation à la CSST, par l'une de ses agentes qui a vu le travailleur debout dans un ascenseur, sans canne ni fauteuil roulant, alors que ce dernier disait être confiné à son fauteuil roulant et avoir besoin d’aide pour marcher et que les rapports des ergothérapeutes et les rapports médicaux décrivaient aussi une situation de dépendance quasi totale, est suffisante pour soulever un doute sérieux quant à l'incapacité du travailleur et procéder à une filature.
L'instance de révision, disposant de plusieurs décisions, a conclu qu'il y avait lieu de procéder à une évaluation à la baisse des besoins d'aide personnelle à domicile du travailleur, que celui-ci n'avait pas droit au remboursement de certains frais, que la CSST lui réclamait à juste titre la somme versée en trop, qu'elle était justifiée de reconsidérer sa décision antérieure, compte tenu d'une preuve vidéo démontrant que les adaptations du domicile du travailleur initialement accordées n'étaient pas nécessaires. À titre de moyen préliminaire, le travailleur s'oppose au dépôt de la preuve de filature (bande vidéo et rapport écrit). Il soutient que cette preuve a été obtenue de façon illégale et en contravention de ses droits fondamentaux.
Décision
En matière de respect des droits fondamentaux, sont pertinents les articles 8, 24 et 1 de la Charte des droits et libertés, les articles 5 et 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne et les articles 3, 35, 36 et 2858 du Code civil du Québec. En matière de recevabilité des éléments et des moyens de preuve, c'est l'article 11 de la Loi sur la justice administrative qui est pertinent. Par ailleurs, les principes à considérer ont été établis par la Cour d'appel dans Bridgestone/Firestone (C.A., 1999-08-30), SOQUIJ AZ-50067177, J.E. 99-1786, D.T.E. 99T-846, [1999] R.J.Q. 2229, [1999] R.J.D.T. 1075. La surveillance du travailleur, faite à son insu, entre en conflit avec son droit fondamental du respect de sa vie privée. Toutefois, ce droit à la vie privée n'est pas absolu et il peut être sujet à des restrictions. Ainsi, une surveillance vidéo pourra être admise si elle est justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables. Selon les principes reconnus, il faut d'abord qu'on trouve un lien entre la mesure prise par la CSST et l'objectif. Cet objectif en est un de bon fonctionnement et de bonne administration du régime d'indemnisation appliqué par la CSST. Quant aux motifs qui ont mené à la décision de procéder à la filature, ils doivent être raisonnables et rationnels et exister avant que cette décision ait été prise. Les résultats de la filature ne peuvent, après coup, justifier la surveillance. En l'espèce, il y a eu dénonciation à la CSST, par l'une de ses agentes. Celle-ci a vu le travailleur debout dans un ascenseur, sans canne ni fauteuil roulant. Cela l'a pour le moins étonnée, étant donné que, selon le travailleur et sa conjointe, celui-ci était confiné à son fauteuil roulant et avait besoin d'assistance pour tous les transferts et d'aide pour marcher. Les rapports des ergothérapeutes et les rapports médicaux décrivent aussi une situation de dépendance quasi totale. Dans un tel contexte, la dénonciation est suffisante pour soulever un doute sérieux quant à l'incapacité du travailleur. La CSST a donc démontré des motifs rationnels, sérieux et importants qui existaient avant la décision de procéder à la filature et qui justifient cette décision de faire surveiller le travailleur. De plus, la filature a été réalisée par des moyens raisonnables et a été le moins intrusive possible, ce qui est le cas ici. En effet, le travailleur et sa conjointe ont été filmés dans des endroits où ils peuvent être vus du public, soit dans la rue, dans des stationnements, dans le hall d'un hôtel ou dans un corridor d'hôpital. Cette preuve est donc recevable et son utilisation n'est pas susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. De plus, elle est pertinente compte tenu de l'objet de la contestation déposée par le travailleur.
Jacques Duchemin, partie requérante, et Denis Trépanier & Fils inc. et Le Groupe PWC, parties intéressées, et Commission de la santé et de la sécurité du travail, partie intervenante, SOQUIJ AZ-50410467
Des dénonciations d'employés à l'égard de la travailleuse avaient été fournies à l'employeur, qui en a informé la CSST; la surveillance effectuée est raisonnable dans un tel contexte et la bande vidéo est recevable.
La travailleuse demande la révision d'une décision de la CLP au motif que celle-ci est entachée d'un vice de fond de nature à l'invalider. La CLP a déclaré que la travailleuse était capable d'exercer son emploi à compter du 19 février 2004, qu'elle n'avait plus droit au versement de l'IRR, non plus qu'au programme d'aide personnelle, et qu'elle devait rembourser toutes les sommes perçues en trop à compter du 19 février 2004. Cette décision a été rendue après que la CLP eut apprécié une preuve de filature et une bande vidéo contredisant les allégations d'invalidité de la travailleuse. Cette dernière prétend que la bande vidéo n'aurait pas dû être admise en preuve.
Décision
Les prétentions de la travailleuse sont écartées. En aucun moment lors de l'audience à l'origine de la décision, la travailleuse ne s'est opposée au dépôt de la preuve vidéo. Comme il a été décidé dans Villeneuve (C.L.P., 2005-10-31), SOQUIJ AZ-50341847, C.L.P.E. 2005LP-183, « l'administration de la preuve est une question de droit privé et ce sont les parties elles-mêmes qui doivent effectuer des objections de cet ordre, [de sorte que] lorsqu'une partie ne s'oppose pas en temps utile [...], elle consent implicitement à sa production et est forclose de toute objection par la suite ». Subsidiairement, eu égard à l'application de l'article 2858 du Code civil du Québec, dans Ead, (C.A.L.P., 1995-07-17), SOQUIJ AZ-95156138 (Banque CALP AZ-4999026065), D.T.E. 95T-973, [1995] C.A.L.P. 1070, la CLP a indiqué que les articles 377 et 378 LATMP, de même que l'article 6 de la Loi sur les commissions d'enquête et de ses propres règles de preuve, de procédure et de pratique, rendent le tribunal « maître » de sa preuve sur une question découlant de sa compétence spécialisée. Ainsi, le tribunal « n'est donc pas tenu d'appliquer les règles de preuve et de procédure prévues au Code civil du Québec ». Tel est également le sens qu'il y a lieu de donner à la décision de la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Bridgestone (C.A., 1999-08-30), SOQUIJ AZ-50067177, J.E. 99-1786, D.T.E. 99T-846, [1999] R.J.Q. 2229, [1999] R.J.D.T. 1075. Même dans l'hypothèse où l'article 2858 du Code civil serait appliqué, il y aurait lieu de conclure que la preuve vidéo a été obtenue dans des conditions qui respectent les dispositions de cet article. La jurisprudence a élaboré certains critères qui doivent être respectés pour que ce type de preuve puisse être acceptable. Ainsi dans Duchemin, (C.L.P., 2007-01-24), 2007 QCCLP 474, SOQUIJ AZ-50410467, il a été décidé que « les motifs qui ont mené à la décision de procéder à la filature, doivent être raisonnables et rationnels et exister avant que cette décision ait été prise » et que « la dénonciation faite [doit être] suffisante pour soulever un doute sérieux quant aux réelles incapacités du travailleur. » Dans Gaudreau (C.L.P., 2005-11-29), SOQUIJ AZ-50345674, il a été indiqué que « pour que la [CLP] déclare inadmissibles les éléments de preuve obtenus à la suite des activités de surveillance enclenchée par la CSST, il aurait fallu que le travailleur démontre que leur admission est de nature à déconsidérer l'administration de la justice, ce qu'il n'a pas fait ». Comme il a été mentionné dans Ead, « c'est plutôt l'exclusion de la preuve qui serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, car la vérité devant primer, il est dans l'intérêt de la justice que le tribunal ait tous les éléments en mains pour déterminer si c'est à bon droit que le travailleur prétend avoir droit à une indemnisation ». En l'espèce, la CSST avait des motifs rationnels et raisonnables pour recourir à la procédure de surveillance. Des dénonciations d'employés à l'égard de la travailleuse avaient été fournies à l'employeur, qui en a informé la CSST. La décision de la CLP fait état des témoignages des personnes responsables de l'enquête. Le commissaire était donc en mesure de déterminer, à juste titre, que cette façon de procéder était acceptable. Comme il a été décidé dans Desjardins (C.L.P., 2006-12-13), SOQUIJ AZ-50401031, « la surveillance effectuée [...] apparaît raisonnable puisqu'elle apparaissait nécessaire pour effectuer la vérification du comportement du travailleur dans des lieux publics alors qu'il ne se savait pas observé soit par l'employeur ou par un examinateur médical ». Comme dans ce cas, le meilleur moyen de vérifier le comportement de la travailleuse en raison des doutes soulevés par les dénonciations « résidait dans la surveillance et l'enregistrement sur support vidéo ». En outre, la décision de la CLP fait état d'autres motifs qui autorisaient à conclure dans le même sens, et ce, sans même tenir compte de la preuve vidéo. Ainsi, il y est indiqué que « le tribunal ne peut retenir le témoignage de la travailleuse en raison d'un manque flagrant de crédibilité, les explications de la travailleuse, à plusieurs égards, faisant l'objet d'imprécisions et de contradictions [...]. » Dans ce paragraphe, le commissaire explique de façon précise les motifs pour lesquels il n'accorde aucune crédibilité au témoignage de la travailleuse. Ainsi, en déclarant que la travailleuse était capable le 19 février 2004 d'exercer son emploi, la CLP n'a pas commis d'erreur manifeste et déterminante.
Annie Taillefer, partie requérante, et ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, parties intéressées, et Commission de la santé et de la sécurité du travail, partie intervenante, SOQUIJ AZ-50465999
L'employeur était en droit de se poser certaines questions lorsqu’il a reçu le rapport de son médecin, puisque les conclusions faisaient ressortir des éléments discordants et paradoxaux entre l'état de santé allégué par le travailleur et son état objectif; de plus, le travailleur a été filmé dans des endroits publics, sur une courte période de temps et dans des conditions qui ne portent pas atteinte à sa dignité.
Le 5 novembre 2003, le travailleur, un ouvrier de moulage, a subi une lésion professionnelle, soit une entorse au poignet. Le 28 janvier 2004, la reprise de travaux légers a été autorisée. Le 4 février 2004, le travailleur s'est de nouveau blessé, mais cette fois à la colonne lombaire. En 2005, constatant qu'il n'y avait pas d'attestation médicale dans le dossier du travailleur depuis le 14 août 2004, l'employeur a demandé une expertise. À la réception du rapport concluant que les lésions étaient consolidées depuis le 29 juin 2005, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, l'employeur a confié un mandat de filature à une firme d'enquêteurs afin de vérifier les capacités réelles du travailleur. Il a aussi convoqué le travailleur à une rencontre pour vérifier ses capacités dans le but de lui confier un emploi qui respecte ses capacités. Le 23 août 2005, la CSST a déclaré que le travailleur était capable d'exercer son emploi à partir du 4 août 2005, en ce qui a trait à sa condition lombaire, et l'instance de révision de la CSST a confirmé cette décision. Le 23 août 2005, la CSST a déclaré que le travailleur était capable d’occuper son emploi à compter du 19 juillet 2005, pour ce qui est de sa condition au poignet droit. L'instance de révision a confirmé cette décision. Le 6 décembre 2005, la CSST a entériné l'avis du BEM et déclaré que les diagnostics étaient ceux d'entorse au poignet avec dérangement symptomatique du complexe fibrocartilagineux triangulaire, que ces lésions n'étaient pas consolidées, mais que les traitements n'étaient plus nécessaires, à l'exception d'une arthro-imagerie du poignet et possiblement, d'une intervention chirurgicale. L'instance de révision a confirmé cette décision. Le 21 décembre 2005, la CSST a déclaré qu'elle était fondée à suspendre l'IRR rétroactivement au 19 juillet 2005. L'instance de révision a infirmé cette décision. Le 29 janvier 2007, la CSST a déclaré que le diagnostic de syndrome d'impaction cubitale au poignet concernait l'événement du 5 novembre 2003. L'instance de révision a confirmé cette décision.
Décision
La preuve obtenue sur bande vidéo lors de la filature est recevable. L'employeur a utilisé des moyens rationnels en décidant de confier un tel mandat, puisque le travailleur était absent du travail depuis novembre 2003 et que les lésions n'étaient pas encore consolidées en juillet 2005. Le dossier de l'employeur ne comportait pas de certificat médical après le 14 août 2004, bien que le travailleur ait continué de consulter pour les deux conditions. Mais c'est surtout en recevant le rapport d'expertise de son médecin désigné, réalisé le 29 juin 2005, que l'employeur a été justifié de se poser certaines questions, puisque les conclusions faisaient ressortir des éléments discordants et paradoxaux entre l'état de santé allégué par le travailleur et son état objectif. Par contre, le travailleur n'a pas démontré que l'admission d'une telle preuve était de nature à déconsidérer l'administration de la justice. Il a été filmé dans des endroits publics, sur une courte période de temps et dans des conditions qui ne portent pas atteinte à sa dignité. De plus, l’information recueillie est pertinente. S'en priver ne servirait pas les intérêts de la justice.
André Perreault, partie requérante, et Camoplast inc., partie intéressée, et Commission de la santé et de la sécurité du travail, partie intervenante, et Camoplast inc., partie requérante, et André Perreault, partie intéressée, SOQUIJ AZ-50468487
On ne peut reprocher au médecin de l'employeur le fait qu'il ait visionné la bande vidéo et révisé le dossier avant d'émettre son avis, puisqu’il ne pouvait émettre une opinion sur la relation causale sans procéder ainsi; le travailleur aurait pu commenter le contenu de cet avis plutôt que de demander de ne pas en tenir compte.
Le travailleur, un coupeur dans une manufacture d'habits pour hommes, a produit une réclamation alléguant ressentir des douleurs au membre supérieur depuis trois ou quatre ans, celles-ci s'étant aggravées graduellement. Un diagnostic de discopathie C4-C5 et d'épicondylite a été posé. La CSST a rejeté cette réclamation et l'instance de révision a confirmé cette décision. À l'audience, le travailleur a déposé plusieurs documents médicaux qui, selon lui, établissent la relation entre l'épicondylite et le travail. L'employeur a alors demandé la permission de soumettre ces documents à un médecin afin d'obtenir son opinion. Un délai lui a été accordé pour commenter les nouveaux documents et pour offrir des commentaires additionnels. L'employeur a transmis ses commentaires accompagnés d'une opinion médicale sur la relation entre le travail et les lésions diagnostiquées. Le travailleur demande au tribunal de ne pas tenir compte de cette opinion, invoquant le fait que l'employeur a profité de la permission accordée pour déposer une nouvelle preuve médicale basée sur une bande vidéo déposée lors de l'audience.
Décision
Les documents produits par l'employeur sont recevables. Contrairement aux prétentions du travailleur, la preuve n'a pas été déclarée close après l'audience. En effet, on lui a accordé une permission afin de produire une preuve additionnelle compte tenu des documents déposés par le travailleur, et ce, dans le respect des règles de justice naturelle et afin d'assurer à l'employeur son droit à une défense pleine et entière. En effet, c'est seulement en début d'audience que des documents médicaux ont été déposés. L'employeur ne s'est pas opposé au dépôt de ces documents, mais a demandé la permission de pouvoir déposer une preuve additionnelle s'il le jugeait nécessaire après avoir obtenu une opinion médicale. Or, l'opinion du médecin de l'employeur n'est pas une « toute nouvelle preuve » comme le soumet le travailleur. Il s'agit plutôt d'une preuve déposée dans le but de contrer les arguments de ce dernier qui tente d'établir une relation entre le travail de coupeur et l'épicondylite à partir de l'opinion de son médecin. On ne peut donc reprocher au médecin de l'employeur le fait qu'il ait visionné la bande vidéo et révisé le dossier avant d'émettre son avis. Il ne pouvait émettre une opinion sur la relation causale sans procéder ainsi. Quant à la bande vidéo, elle avait été déposée en preuve et il est tout à fait légitime qu'il en ait pris connaissance avant de donner son opinion. Le travailleur aurait pu commenter le contenu de l'avis du médecin de l'employeur, plutôt que de demander de ne pas en tenir compte.
Francesco Parillo, partie requérante, et Samuelsohn ltée, partie intéressée, SOQUIJ AZ-50482821
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Monique Desrosiers, avocate, Coordonnatrice, Secteur droit du travail et droit social, Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ)
Source : VigieRT, numéro 36, mars 2009.