Vous lisez : L’utilisation abusive des systèmes informatiques

Les griefs ou plaintes découlant des mesures imposées par l’employeur en raison de l’utilisation des systèmes informatiques à des fins personnelles sont généralement examinés par les arbitres de griefs et la Commission des relations du travail (CRT) sous l’angle de l’utilisation de biens appartenant à l’employeur à des fins personnelles ou du vol de temps.

On tiendra compte de différents facteurs, dont la présence ou non d’une politique claire à ce sujet et le degré de tolérance de l’employeur. Un extrait du résumé de la décision rendue par le commissaire du travail D’aigle, dans Fiset et Service d'administration P.C.R. ltée, D.T.E. 2003T-41 (AZ-50152857), illustre bien la situation :

« Jusqu'aux événements de l'automne 2000, l'employeur n'avait donné aucune directive relativement à l'usage d'Internet à des fins personnelles. Plusieurs cas d'utilisations à de telles fins, au vu et au su de tous, ont été démontrés. Le plaignant ne faisait pas exception. L'employeur a déclaré que, “dans une certaine mesure”, une telle utilisation pouvait être tolérée. Toutefois, en l'absence de directive, on peut se demander quelle est la limite de cette “certaine mesure”. On a aussi parlé de vol d'heures de travail. Toutefois, où commence le vol, s'il y en a eu? En matière de relations du travail, afin qu'un acte soit qualifié de fautif, il faut que son auteur sache qu'il contrevient à une quelconque norme. En l'absence de directive, on ne peut prétendre que le salarié qui rédige une lettre personnelle, fait un appel personnel ou en reçoit un à partir d'un équipement de l'employeur commet un acte fautif. D'autre part, il n'a pas été démontré que le plaignant a omis de fournir sa prestation de travail ou que l'employeur a subi un préjudice du fait de ses communications. S'il ne voulait pas que son personnel ait de telles communications, il devait l'en informer soit au moyen d'une directive générale ou par le biais d'un avis précis, indiquant qu'elles n'étaient pas permises. Si, par contre, elles étaient “tolérées dans une certaine mesure”, on devait l'indiquer en précisant le sens de cette “certaine mesure” de façon à permettre aux salariés d'agir en conséquence. »

Quant au droit de l’employeur de fonder sa preuve d’utilisation, par un employé, du logiciel de courrier électronique et d’Internet – dans le bus d’obtenir du matériel et d’en distribuer sur des courriels –, la commissaire de la CRT, Louise Côté-Desbiolles, dans Blais et Société des loteries vidéo du Québec inc., D.T.E. 2003T-178 (AZ-50157877), a précisé que droit à la vie privée n'est pas absolu de sorte qu’un employé ne peut s'attendre à ce que ses courriels et le contenu de l'ordinateur qu'il utilise au travail restent privés.

Pour évaluer la proportionnalité entre la faute et la sanction, les tribunaux tiennent compte des facteurs aggravants et atténuants généralement utilisés en matière de mesure disciplinaire ou non disciplinaire. L’image ou réputation de l’employeur, le fait que l’emploi comporte des périodes de temps où l’employé n’a pas de travail à accomplir ou qu’il a accès à de l’information confidentielle sont des critères fréquemment retenus.

Plusieurs cas illustrent bien ces principes ainsi que leur application à diverses situations susceptibles de se produire en milieu de travail.

Droits de la direction

En matière de relations du travail, afin qu'un acte soit qualifié de fautif, il faut que son auteur sache qu'il contrevient à une quelconque norme; en l’espèce, si l’employeur ne voulait pas que son personnel utilise Internet pour transmettre et recevoir régulièrement des courriels, il devait l’en informer – au moyen d'une directive générale ou d'un avis précis – que cela n'était pas permis.

Depuis 1985, le plaignant travaillait à titre de répartiteur, à raison de 50 à 55 heures par semaine. Comme ses collègues, il disposait d'un poste informatique intégré au réseau de l'entreprise avec un accès Internet. À l'automne 2000, l'employeur a découvert que le plaignant, qui entretenait une liaison par Internet, transmettait et recevait régulièrement des courriels à partir de son poste de travail. Le 30 octobre, il a été convoqué à une rencontre où on lui a reproché d'avoir utilisé à des fins personnelles le matériel informatique mis à sa disposition. L'employeur a offert au plaignant de démissionner, ce qu'il a refusé. Il a alors été congédié, d'où la présente plainte. En mars 1999, le plaignant avait accepté de rembourser à l'employeur le coût d'appels interurbains personnels faits au moyen de la « ligne watt » de l'entreprise – soit 227 $ pour des communications échelonnées sur plusieurs mois. À l'époque, le plaignant s'était également engagé à remettre 34,5 heures à l'employeur afin de compenser les heures de travail perdues.

Décision
Le congédiement est la mesure la plus sévère qui puisse être imposée à un salarié. Elle doit s'appliquer aux manquements graves, sans quoi les principes de la progression et de la proportionnalité des sanctions généralement reconnus et appliqués en matière disciplinaire n'ont aucun sens. En l'espèce, il est clair que le plaignant a utilisé l'équipement de l'employeur afin d'entretenir une relation qui n'avait aucun lien avec son emploi. Il est vrai qu'en ce faisant il démontrait ne pas avoir tiré de leçon comme l'employeur l'aurait souhaité lors des événements de 1999 relatifs aux appels interurbains. Il est vrai également que, lorsqu'il a dû faire face aux incidents reprochés, il a d'abord nié. Malgré cela, il n'y avait pas lieu de procéder au congédiement. Jusqu'aux événements de l'automne 2000, l'employeur n'avait donné aucune directive relativement à l'usage d'Internet à des fins personnelles. Plusieurs cas d'utilisations à de telles fins, au vu et au su de tous, ont été démontrés. Le plaignant ne faisait pas exception. L'employeur a déclaré que, « dans une certaine mesure », une telle utilisation pouvait être tolérée. Toutefois, en l'absence de directive, on peut se demander quelle est la limite de cette « certaine mesure ». On a aussi parlé de vol d'heures de travail. Toutefois, où commence le vol, s'il y en a eu? En matière de relations du travail, afin qu'un acte soit qualifié de fautif, il faut que son auteur sache qu'il contrevient à une quelconque norme. En l'absence de directive, on ne peut prétendre que le salarié qui rédige une lettre personnelle, fait un appel personnel ou en reçoit un à partir d'un équipement de l'employeur commet un acte fautif. D'autre part, il n'a pas été démontré que le plaignant a omis de fournir sa prestation de travail ou que l'employeur a subi un préjudice du fait de ses communications. S'il ne voulait pas que son personnel ait de telles communications, il devait l'en informer soit au moyen d'une directive générale ou par un avis précis, indiquant qu'elles n'étaient pas permises. Si, par contre, elles étaient « tolérées dans une certaine mesure », on devait l'indiquer en précisant le sens de cette « certaine mesure » de façon à permettre aux salariés d'agir en conséquence. Ce n'est pas ce que l'employeur a fait en 1999. D'abord, son message n'était pas clair et le plaignant pouvait fort bien comprendre que l'avis ne valait que pour les appels interurbains effectués par l'intermédiaire de la « ligne watt ». D'autre part, le laisser-aller et la tolérance qui ont suivi en ce qui a trait à l'usage d'Internet sont loin d'avoir clarifié la situation à cet égard. Enfin, les réticences du plaignant lors de la rencontre du 30 octobre – alors qu'il n'en connaissait pas l'objet – étaient normales et prudentes. Si l'on voulait s'entretenir de la question avec le plaignant et s'attendre à un autre comportement de sa part, on devait l'informer qu'on avait constaté son utilisation d'Internet et, au moins, l'aviser du fait que la rencontre porterait sur ce sujet. On aurait alors pu lui donner les avis nécessaires, et même un avertissement, mesure ultime à laquelle son acte a pu l'exposer en vertu du principe de la progressivité des sanctions, si sanction il devait y avoir. L'employeur n'a pas réussi à établir qu'il s'était défait des services du plaignant pour une cause juste et suffisante. Par conséquent, la plainte est accueillie.

Fiset et Service d'administration P.C.R. ltée, SOQUIJ AZ-50152857

L'utilisation de l'ordinateur à des fins personnelles ne constitue pas une « faute grave » étant donné notamment l'absence de politique claire à cet égard, d'intention malicieuse de la part du salarié et de préjudice subi par l'employeur.

La Commission des normes du travail réclame, au nom d'un salarié, 2 570 $, représentant des indemnités de préavis et de congé annuel y afférentes et, pour son propre compte, 20 % de cette somme en vertu de l'article 114 L.N.T. Le plaignant a travaillé pendant un an à titre d'analyste en informatique à la Bourse de Montréal. L'employeur prétend qu'il a été congédié, le 17 mai 2000, pour faute grave, ce qui le relevait de son obligation de lui donner un préavis ou une indemnité en tenant lieu. Au soutien du congédiement, l'employeur invoque trois incidents. Premièrement, en mai 2000, lors de la propagation du virus informatique « I love you », le plaignant aurait décidé de conserver le fichier infecté en vue de l'examiner et de mieux le connaître. Il l'a toutefois supprimé dès qu'on lui a demandé de le faire. Deuxièmement, l'employeur lui reproche d'avoir utilisé son ordinateur ainsi que quelques autres postes de travail au profit d'une vaste entreprise de décodage des signaux provenant de l'espace. Le plaignant a expliqué que, dès qu'une sollicitation de travail était acheminée à l'ordinateur pour les besoins de l'employeur, l'appareil assurait la priorité aux travaux professionnels requis pour l'emploi. Le troisième reproche concerne une opération effectuée sur un site de piraterie informatique. Le plaignant a reconnu avoir utilisé l'un des outils du site dans le but de vérifier si son mot de passe pouvait être déniché. En l'espèce, la Commission soutient que les actes reprochés ne constituent pas une « faute grave » au sens de l'article 82.1 paragraphe 3 L.N.T.

Décision
Il est établi que, dans le cadre de ses fonctions, le plaignant n'avait pas accès au système informatique des échanges boursiers proprement dits. Malgré l'absence de directive à ce sujet – sauf en ce qui a trait à l'usage du courrier électronique –, il se devait tout de même d'utiliser l'équipement informatique mis à sa disposition pour son travail et non à des fins personnelles. En ce qui concerne le premier incident, le plaignant a pris un certain risque, mais celui-ci était très limité compte tenu de son expertise dans le domaine. Sans directive précise, il est difficile pour un employeur d'empêcher les utilisateurs expérimentés d'ordinateurs de satisfaire une certaine curiosité, qui aurait pu d'ailleurs profiter à l'entreprise. Le deuxième incident apparaît comme un manquement plus sérieux aux devoirs du plaignant. En effet, pour un organisme comme la Bourse de Montréal, l'utilisation maximale de son équipement informatique constitue sans nul doute une donnée essentielle de sa productivité. Quant au troisième incident, la visite faite par le plaignant sur le site Internet de piratage informatique s'est révélée inoffensive. Elle aurait même pu profiter à l'employeur afin de renforcer la sécurité informatique et la protection des mots de passe de ses employés. En l'espèce, l'employeur ne s'est pas déchargé de son fardeau de prouver que le plaignant avait commis une faute grave. Pour en arriver à cette conclusion, les éléments factuels suivants sont déterminants : l'absence de politique claire et de cadre d'utilisation du matériel informatique par les salariés de l'entreprise; l'absence de préjudice; l'absence d'intention malicieuse de la part du plaignant; l'absence d'acte d'insubordination; l'absence d'avertissement préalable; et la reconnaissance de sa faute par le plaignant ainsi que la mise en place immédiate des correctifs nécessaires. L'action est par conséquent accueillie.

Commission des normes du travail c. Bourse de Montréal inc., SOQUIJ AZ -50117824

Le fait pour l'employeur d'instaurer une politique traitant de l'utilisation d'Internet et du courrier électronique ne constitue pas une modification des conditions de travail au sens de l'article 59 C.tr.

En mai 1999, l'Association des juristes de l'État a été accréditée pour représenter les avocats et notaires de la nouvelle Commission des valeurs mobilières du Québec. Alors que les parties négociaient leur première convention collective, l'employeur a adopté une politique traitant de l'utilisation d'Internet et du courrier électronique. L'Association soutient que cette politique, adoptée en octobre 2000 et modifiée en mai 2001, doit être retirée au motif qu'elle constitue une modification illégale des conditions de travail au sens de l'article 59 C.tr. L'employeur présente une objection préliminaire en invoquant le délai de prescription de six mois prévu à l'article 71 C.tr. Il prétend que l'objet de la contestation de l'Association n'est pas la politique elle-même, mais qu'il vise plutôt le droit de l'employeur d'établir toute politique. Comme la pratique de définir des politiques à l'intention du personnel remonte à une période antérieure, l'employeur affirme que l'Association avait six mois à compter de la date à laquelle la requête en accréditation a été déposée ou, à tout le moins, de la date à laquelle elle a obtenu son accréditation pour signifier sa plainte en vertu de l'article 59 C.tr.

Décision
L'objection préliminaire de l'employeur est rejetée. En effet, l'objet de la mésentente a été clairement déterminé par l'Association comme étant la teneur d'une politique particulière, soit la politique en matière d'utilisation d'Internet et du courrier électronique. Étant donné qu'il ne s'est pas écoulé six mois entre le 11 mai 2001, date de mise en vigueur de la nouvelle politique, et le 18 juillet suivant, date du dépôt de la plainte, cette dernière n'est pas prescrite. Quant au fond, le Tribunal doit d'abord déterminer si la politique constitue une condition de travail. Compte tenu du fait que la notion de « condition de travail » englobe toutes les questions touchant aux relations du travail – du moment qu'elles ne sont pas contraires à l'ordre public ou à la loi – et que ces conditions peuvent être décidées unilatéralement par l'employeur dans le cadre de politiques ou règlements, il y a lieu de reconnaître à ce titre le contenu de la politique Internet. En effet, il s'agit bien d'une question de conditions de travail puisque cette politique déborde largement le cadre du simple manuel d'utilisation technique d'un outil de travail. Ses dispositions sont susceptibles de faire l'objet de négociations entre les parties et il importe peu que l'utilisation du réseau Internet ou du courrier électronique ne soit pas un sujet ayant déjà été traité par le passé. Une modification aux conditions de travail au sens de l'article 59 C.tr. peut résulter tout autant de l'instauration d'une nouvelle condition de travail que de l'altération d'une condition existante. Il est reconnu par la jurisprudence que le gel des conditions de travail ne peut être interprété comme une mesure statique ou absolue puisque l'employeur doit conserver une marge de manoeuvre suffisante en vue d'assurer une saine gestion de son entreprise et d'adopter des politiques. Sur le plan des principes, on peut présumer une dérogation à l'article 59 C.tr. lorsque la preuve ne permet pas d'associer le comportement de l'employeur à des normes de saine gestion ou à des impératifs circonstanciels. Par ailleurs, l'article 59 C.tr. n'exige pas du syndicat la preuve d'un animus antisyndical de la part de l'employeur. Ce n'est pas parce qu'une politique traite d'une question qui n'a jamais été abordée qu'il faut y voir une modification indue des conditions de travail. Du moment que l'employeur respecte des principes de gestion saine et raisonnable, il peut s'adapter au contexte évolutif de son entreprise et de son environnement. En l'espèce, il est notoire que les changements technologiques ayant entraîné l'avènement d'Internet et du courrier électronique ont amené les entreprises à s'assurer d'une utilisation adéquate de ces nouveaux outils. En l'espèce, la politique en cause vise à s'assurer que l'utilisation des ressources informatiques soit compatible avec la mission de l'entreprise, respectueuse de son image publique et conforme à ses responsabilités. Elle ne constitue pas une modification aux conditions de travail des juristes qui contrevienne à l'article 59 C.tr. Par conséquent, la plainte est rejetée.

Association des juristes de l'État et Commission des valeurs mobilières du Québec, SOQUIJ AZ-03142033

L'usage personnel d’Internet peut être comparé à celui d'un téléphone; l’employeur doit avoir des motifs sérieux pour mettre sous surveillance un salarié et son enquête doit démontrer objectivement que celui-ci a utilisé un avantage à des fins personnelles de façon abusive ou inappropriée.

L'employeur est une entreprise qui conçoit et fabrique des simulateurs de vol et d'autres équipements destinés aux appareils civils et militaires. Le plaignant y occupait le poste d'inspecteur depuis 14 ans lorsqu'il a été congédié. L'employeur lui reproche d'avoir « volé du temps » et d'avoir fait usage d'Internet en violation de la politique de l'entreprise. Il soutient que le plaignant jouissait d'une grande autonomie dans l'organisation de son travail. Il devait déterminer le temps imparti à chaque inspection et pouvait décider lui-même d'effectuer des heures supplémentaires. Or, après avoir constaté que les délais d'inspection s'allongeaient en même temps que le plaignant effectuait beaucoup d'heures supplémentaires et passait de nombreuses heures devant son ordinateur, l'employeur a fait sortir les rapports d'utilisation d'Internet. Ceux-ci ont révélé que, au cours d'une certaine période, le plaignant avait utilisé Internet de façon excessive et inappropriée, les sites visités étant, dans une large proportion, pornographiques. Lors d'une rencontre avec ses supérieurs, il a reconnu avoir utilisé Internet durant ses heures de travail, tout en niant qu'il l'ait fait de façon excessive, ajoutant que quelqu'un avait pu utiliser son mot de passe. Il a été suspendu, puis congédié deux jours plus tard. Il réclame sa réintégration, le salaire perdu depuis son congédiement et 10 000 $ à titre de dommages non pécuniaires.

Décision
L'employeur a établi que, durant 5 mois, le plaignant a utilisé Internet pas moins de 852 fois, pour un total de 329 heures, soit l'équivalent d'un peu plus de 8 semaines de travail. L'argument du plaignant selon lequel il n'utilisait Internet qu'à raison d'une demi-heure par jour n'est pas retenu. Les données exprimées dans les rapports d'utilisation – le nombre de fois où il a utilisé son mot de passe et a activé son clavier ou sa souris, le nombre de sites visités de même que les heures de ces visites – prouvent qu'il utilisait Internet durant ses heures de travail, et ce, de façon importante. Or, durant cette même période, il effectuait plusieurs dizaines d'heures supplémentaires. Il est impossible qu'il n'y ait pas de relation entre ces deux faits : la somme de travail que le plaignant n'accomplissait pas parce qu'il naviguait à des fins personnelles sur Internet était ou bien reportée ou bien accomplie en heures supplémentaires. Cela s'appelle du « vol de temps » et l'employeur était fondé à sévir contre une telle violation de ses obligations par le plaignant. Par ailleurs, ce dernier a également contrevenu aux règles et politiques de l'entreprise en utilisant Internet comme il l'a fait. Il est établi que, chez l'employeur, l'usage d'Internet est un avantage qui n'est pas offert à tous les employés. Le plaignant a dû obtenir une autorisation pour bénéficier de cet avantage, puis il a dû s'engager à respecter certaines règles quant à son utilisation; celle-ci était permise, durant les heures de travail, afin d'exécuter des tâches seulement. À l'extérieur de ces périodes, l'utilisation d'Internet était soumise à certaines contraintes, notamment l'interdiction de se servir de matériel sexiste ou pornographique. Ces règles ont une justification objective qui a été démontrée, de telle sorte qu'on ne saurait les qualifier d'arbitraires, d'abusives ou de déraisonnables. L'usage personnel que faisait le plaignant d'Internet peut être comparé d'une certaine façon à celui d'un téléphone. L'employeur doit avoir des motifs sérieux pour mettre sous surveillance un salarié. Si, comme en l'espèce, son enquête démontre objectivement que ce dernier a fait une utilisation à des fins personnelles d'un avantage – Internet, dans le présent dossier – qui apparaît abusive ou inappropriée, l'employeur aura alors démontré qu'elle était nécessaire et qu'une sanction s'imposait. En l'espèce, la gravité objective de la faute du plaignant a été amplement établie, et l'employeur était fondé à imposer une mesure disciplinaire sévère. Quant aux dommages non pécuniaires réclamés eu égard aux circonstances dans lesquelles il a été congédié, le plaignant n'a pas démontré l'existence d'un tel préjudice ni l'existence d'une faute quelconque de la part de l'employeur.

Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 522 et C.A.E. Électronique ltée, SOQUIJ AZ-00141050

Le droit à la vie privée n'est pas absolu. Ainsi, un salarié ne peut s'attendre à ce que ses courriels et le contenu de l'ordinateur qu'il utilise au travail restent privés.

Le plaignant occupait le poste de technicien en chef du laboratoire. Parmi ses fonctions, il devait assurer la gestion du coffre-fort du laboratoire. En janvier 2001, le système électronique de l'entreprise a bloqué un courriel expédié par le plaignant parce qu'il contenait une vidéo de taille trop volumineuse. L'enquête réalisée par la suite a révélé qu'il avait envoyé, de son poste de travail, quelque 59 courriels entre les mois d'août 2000 et de janvier 2001. Aux messages transmis étaient joints divers fichiers comportant des blagues, de la nudité, des échanges sexuels explicites et, notamment, une bande dessinée offensante pour la directrice générale de l'entreprise. Le plaignant avait également enregistré sur le disque dur de l'ordinateur du laboratoire des programmes format « .exe », et ce, malgré la directive interdisant le téléchargement de tels programmes. Ils comportaient des images, des vidéos et des photos à caractère érotique. Le plaignant avait été avisé à plusieurs reprises de cesser ce genre d'envoi et de se conformer aux directives. L'employeur l'a congédié pour avoir utilisé le logiciel de courrier électronique et Internet dans le but d'obtenir du matériel obscène et offensant et d'en distribuer. L'employeur a également invoqué comme autre motif l'appropriation de sommes appartenant à l'entreprise; il s'agit d'argent se trouvant dans le coffre-fort du laboratoire et qui sert à effectuer des tests sur des appareils de loterie. De façon préliminaire, le plaignant demande l'exclusion de la preuve relative aux courriels, soutenant que celle-ci a été obtenue illégalement et en contravention avec les articles 183 et 184 du Code criminel, qui interdisent l'interception d'une communication privée. Il invoque la violation du droit au respect de sa vie privée, garanti par l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne et par les articles 35 et 36 du Code civil du Québec.

Décision
En ce qui a trait à l'exclusion de la preuve, on ne peut parler d'une « communication » au sens strict du terme, et encore moins d'une « interception », l'entreprise procédant quotidiennement à la copie et à l'archivage sur disque compact du contenu des disques durs de tous les ordinateurs. L'employeur n'a pas intercepté une communication en cours; c'est plutôt un dispositif automatique de sécurité connu de tous qui l'a alerté et qui l'a amené à vérifier le contenu d'un fichier qui, en raison de sa taille, ne pouvait être transmis. Quant au respect de la vie privée, il ne s'agit pas d'un droit absolu. Le plaignant ne pouvait s'attendre à ce que ses courriels et le contenu de son ordinateur restent privés. Bien qu'une utilisation personnelle minimale et limitée soit tolérée, la politique de l'employeur à ce sujet indique qu'« aucun utilisateur ne peut prétendre à l'aspect “privé” de ses échanges ». En conséquence, la demande d'exclusion de la preuve pour violation du droit au respect de sa vie privée est rejetée.

Quant au fond, la preuve établit que le plaignant a persisté à poursuivre ses activités d'échange de matériel pornographique malgré les avertissements de ses supérieurs. Il savait que ses activités étaient inacceptables puisqu'il utilisait différents subterfuges pour les camoufler. Selon la politique, claire et connue de tous, l'usage d'Internet est réservé aux activités professionnelles, même si une utilisation personnelle limitée est tolérée. Le comportement du plaignant, sa persistance à ne pas tenir compte des avertissements reçus au cours de sa dernière année d'emploi et l'envoi d'une bande dessinée comportant des propos offensants à l'endroit de la directrice générale justifiaient une mesure disciplinaire sévère. De plus, le plaignant s'est approprié des biens de l'employeur. En effet, la preuve établit qu'il a pris 242 $ dans le coffre-fort. Sa version selon laquelle il s'agit d'un oubli n'est pas crédible. Ce second manquement, assimilable à un vol, justifiait à lui seul un congédiement. Compte tenu de toutes les circonstances, la décision de l'employeur était fondée. En conséquence, la plainte est rejetée.

Blais et Société des loteries vidéo du Québec inc., SOQUIJ AZ-50157877

Image de l’employeur

Le congédiement du plaignant, qui a mentionné sur un site Internet qu'il jouait aux cartes durant les heures de travail et qui faisait preuve d'insouciance, est confirmé; pour une entreprise alimentaire qui doit être certifiée afin de se démarquer de la concurrence, il s'agit de manquements graves.

En décembre 2004, le plaignant, un préposé au lavage et à l'assainissement dans une entreprise du secteur alimentaire, a admis avoir joué aux cartes à deux reprises pendant ses heures de travail. L'employeur lui a alors imposé une suspension de deux semaines qui n'a pas fait l'objet d'un grief. En juillet 2006, un fournisseur de l'entreprise a trouvé par hasard un texte publié en mai 2004 dans un groupe de discussion sur Internet dans lequel le plaignant se vantait de travailler pour l'employeur (qui y était nommé) et affirmait qu'il était très bien payé et qu'il passait la moitié de ses quarts de travail à jouer aux cartes. À la suite de cette découverte, l'employeur l'a congédié. Le plaignant prétend que la mesure ne pouvait être imposée vu la clause d'amnistie prévoyant que toute mesure disciplinaire datant de plus de neuf mois doit être effacée du dossier d'un salarié et ne peut être invoquée contre lui ultérieurement, et qu'il s'agissait d'une double sanction.

Décision
L'objection préliminaire doit être rejetée. La dernière mesure disciplinaire avait été imposée à l'intérieur du délai prévu. En outre, il n'y a jamais eu d'amnistie implicite de la part de l'employeur. Pour ce faire, il aurait d'abord fallu que celui-ci apprenne le comportement fautif et qu'ensuite il n'intervienne pas. Or, c'est en décembre 2005 qu'il a appris que ses employés jouaient aux cartes, et ceux-ci lui ont affirmé que cela ne s'était produit qu'à deux reprises. En juillet 2006, lorsqu'il a pris connaissance des propos du plaignant sur Internet, il a agi immédiatement. Il n'y a donc pas eu d'amnistie.

Quant au fond, il n'y a pas non plus de motif d'intervention. Le plaignant a commis une première faute grave en décembre 2005 et il s'est vu imposer une sanction assez clémente dans les circonstances. En effet, l'assainissement revêt une importance capitale chez l'employeur et le plaignant le savait très bien. Il s'agit d'une entreprise certifiée HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point), ce qui la démarque de la concurrence et lui impose des normes très strictes pour le lavage et l'assainissement des équipements de production. Or, le plaignant a fait preuve d'une grande insouciance. Plusieurs recettes ont été manquées, ce qui a amené l'employeur à faire enquête pour découvrir que le lavage était mal fait et que ses employés jouaient aux cartes au lieu de travailler. Ainsi, ces incidents ont mis en lumière ce qui s'est passé en mai 2004. En outre, l'employeur a découvert, en 2006, que le plaignant se vantait dans un groupe de discussion de travailler seulement quatre heures par jour et de jouer aux cartes le reste du temps. Ce dernier a fait preuve d'insouciance et son écrit sur Internet constitue une très bonne preuve de ce qui lui est reproché. Il a volé du temps à l'employeur à plus d'une occasion et celui-ci a raison d'avoir perdu confiance en lui. Le syndicat a fait valoir que le site en question avait peu de membres et qu'il était peu fréquenté. Même si cela était vrai, il demeure que n'importe qui pouvait y accéder. Le plaignant a été déloyal; il travaillait de nuit sans supervision et l'employeur devait avoir pleine confiance en lui. Ce dernier pouvait tenir compte des événements de décembre 2005 pour prendre sa décision de congédier le plaignant, puisque cela faisait partie de son dossier disciplinaire.

Montour ltée et Syndicat des employées et employés de la Cie Montour (CSN), (Éric St-Maurice), SOQUIJ AZ-50413667

Emploi comportant des périodes de temps libre

Un analyste en développement informatique a contrevenu à son obligation de loyauté lorsqu'il a effectué des activités commerciales personnelles durant ses heures de travail, mais il n'a alors pas privé l'employeur de ses services parce qu'il avait beaucoup de temps libre; une suspension de trois mois aurait été substituée au congédiement n'eût été le fait qu'il avait détruit des fichiers dans son ordinateur lorsqu'il a appris sa suspension, de sorte qu'il mérite plutôt une suspension de neuf mois.

Le plaignant, un analyste en développement informatique, a été suspendu aux fins d'une enquête en janvier 2005, au terme de laquelle il a été congédié le 17 mars suivant. L'employeur lui a reproché d'avoir utilisé à de nombreuses reprises du matériel informatique et le courrier électronique de l'entreprise à des fins autres que l'exercice de ses fonctions. Une enquête a révélé qu'il a fait, pendant ses heures de travail, du soutien technique pour l'entreprise de sa mère. On lui a aussi reproché d'avoir utilisé des avantages reliés à son statut d'analyste informatique pour installer, sans autorisation, des composantes inappropriées à son poste de travail, à savoir un logiciel WS-FTP, de façon à établir une connexion avec un autre serveur afin d'effectuer des travaux au site de l'entreprise de sa mère.

Décision
Le plaignant a admis avoir fait l'installation, sans permission, d'un logiciel à son poste de travail. Toutefois, la preuve a révélé que tous les postes de travail des développeurs ont cette application. Ce n'est donc pas tant d'avoir procédé à cette installation qui est répréhensible, mais l'usage qu'il en a fait. Or, pendant 2 mois et demi, en 2004, le plaignant a fait des sessions de transfert FTP, échelonnées sur 12 journées différentes, presque exclusivement avec le site Internet de l'entreprise de sa mère. Une telle utilisation des heures de travail à des fins personnelles est déloyale, d'autant que cela constitue également une violation du code de conduite de l'employeur et, bien que celui-ci n'interdise pas totalement certaines activités personnelles, il prohibe cependant les activités commerciales personnelles. Il importe peu que le plaignant ait été rémunéré ou non. Par contre, ce code permet l'utilisation d'Internet pour autant qu'elle ne nuise pas au fonctionnement du réseau informatique ou à l'image de l'entreprise et à la condition qu'elle ne soit pas liée à des motifs immoraux ou illégaux. L'utilisation d'Internet et des autres outils de communication est donc permise « à condition d'en faire un usage raisonnable et approprié ». Par ailleurs, le plaignant a détruit des fichiers informatiques à son poste de travail après qu'on lui eut dit qu'il était suspendu. Cela constitue un geste grave, soit un manque de loyauté, et il est surprenant que la lettre de congédiement n'en fasse pas mention. Même si l'on peut en déduire que l'employeur ne l'a pas jugé suffisamment important pour l'invoquer, cela n'empêche pas qu'il le soit dans le cours de la preuve et il peut être considéré dans l'appréciation de la mesure à imposer. Or, il ressort de la preuve que le plaignant disposait de beaucoup de temps libre pour lequel il n'avait pas de tâches à accomplir. Dans un tel contexte, même s'il ne se conformait pas au code de conduite, il n'a pas privé l'employeur de ses services à l'époque où les transferts FTP ont été effectués. En outre, ses activités n'ont pu nuire à l'image de l'entreprise puisqu'il n'y a eu aucune diffusion publique d'activités commerciales et qu'aucun service n'a été offert au public. Au surplus, les nombreux courriels reçus ont été détruits avant d'avoir été ouverts. L'analyse de la jurisprudence permet d'affirmer que, en cette matière, les circonstances de chaque cas peuvent conduire à des décisions bien différentes. En l'espèce, un facteur atténuant important est la manière dont la découverte des activités du plaignant a été gérée par son supérieur. Une bonne discussion lui aurait probablement permis d'apprendre ce qu'il cherchait et il aurait alors pu rappeler au plaignant les principes du code de conduite plutôt que de confier l'affaire au service de la sécurité. En effet, on ne peut conclure à une rupture irrémédiable du lien de confiance. Malgré le manque de loyauté, les reproches ne sont pas suffisants pour justifier le congédiement. Une suspension de trois mois aurait été la sanction adéquate. Toutefois, compte tenu du comportement du plaignant lorsqu'il a détruit les fichiers informatiques, une suspension de neuf mois est plus appropriée.

Syndicat des spécialistes et professionnels d'Hydro-Québec, section locale 4250 (SCFP-FTQ) et Hydro-Québec (Daniel Gosselin) SOQUIJ AZ-50436095

La suspension de deux mois imposée à un technicien en entretien des bâtiments d'un hôtel pour avoir navigué sur Internet durant ses heures de travail (la nuit) est confirmée.

Le plaignant travaille dans un hôtel à titre de technicien en entretien de bâtiments durant le quart de nuit. Il conteste la suspension de deux mois qui lui a été imposée le 17 avril 2002. L'employeur lui reproche d'avoir utilisé son ordinateur portatif, qu'il a branché à Internet à 21 occasions, entre le 19 janvier et le 16 avril, pour un total de 3 481 minutes pendant ses heures de travail au lieu de fournir une prestation de travail adéquate. Invoquant son dossier disciplinaire, qui fait mention des difficultés du plaignant à travailler durant tout son quart de travail, l'employeur l'a suspendu pour s'être rendu coupable de vol de temps. Le syndicat soutient qu'on ne peut opposer au plaignant des événements survenus en 1998. En ce qui a trait au vol de temps, la preuve ne démontre pas que le plaignant donnait priorité à Internet au détriment de son travail ni qu'il était négligent dans l'exécution de ses tâches. Le syndicat ajoute que la sanction imposée est trop sévère.

Décision
Le technicien en entretien de bâtiments doit être disponible pendant toute la durée de son quart de travail pour répondre aux appels d'urgence qui peuvent survenir. Bien que les branchements à Internet effectués entre janvier et avril 2002 n'aient rien coûté à l'employeur, le plaignant a utilisé son ordinateur portable durant ses heures de travail pour envoyer et recevoir des courriels de même que pour télécharger différents logiciels. Or, l'employeur soutient que la liste des tâches à effectuer par le plaignant lorsqu'il travaille suffit à l'occuper pendant une période de huit heures. Le Tribunal peut toutefois concevoir que les tâches qui font partie de la description de son poste ne puissent pas être suffisantes pour remplir un quart de travail complet. Néanmoins, le plaignant doit rester disponible pour répondre aux appels d'urgence dans le but d'intervenir en cas de bris d'équipement ou de mauvais fonctionnement. L'employeur n'a adressé au plaignant aucun reproche selon lequel il n'exécutait pas de façon adéquate chacune des tâches qui lui étaient confiées au jour le jour. La qualité du travail fourni n'a donc pas été remise en question entre le mois de janvier et le moment où l'employeur a découvert qu'il naviguait sur Internet pendant son quart de travail. Pourtant, il faut conclure que le plaignant a utilisé à des fins personnelles des heures de travail pour lesquelles il était rémunéré. Par ailleurs, la convention collective prévoit que toute mesure disciplinaire sera retirée six mois après l'événement qui lui a donné naissance, c'est-à-dire, en l'espèce, six mois après la sentence arbitrale du 18 mai 2001 ayant conclu que le plaignant n'accordait pas la priorité à son travail lorsqu'il était en service. Par conséquent, la clause d'amnistie s'applique et les fautes antérieures ne peuvent être invoquées contre ce dernier. Cependant, en agissant comme il l'a fait, le plaignant ne se rendait pas aussi disponible qu'il aurait dû le faire pour répondre rapidement et efficacement aux appels, quelle que soit leur origine. Lorsqu'il utilisait son ordinateur portable pour se brancher à Internet, il n'offrait pas à l'employeur toute la disponibilité qui était requise de lui et, en cela, il commettait une faute et agissait de façon répréhensible; il était donc susceptible de se voir imposer une mesure disciplinaire pour l'inciter à prendre conscience de ce manquement et à corriger la situation. Le plaignant se serait branché à Internet pendant son quart de travail durant environ 60 heures sur une période de 3 mois. L'employeur avait raison de considérer ses agissements comme une faute grave. En effet, entre janvier et avril 2002, pendant qu'il était au travail, le plaignant a utilisé le temps rémunéré par l'employeur à des fins personnelles, et ce, sur une base régulière, sinon quotidienne. Il s'agit donc d'une faute lourde justifiant l'imposition d'une mesure disciplinaire sévère, d'autant plus que le plaignant travaille seul, presque sans surveillance, et qu'il se cachait dans l'atelier électrique pour ne pas être vu.

Fairmont Le Reine Élizabeth et Syndicat des travailleuses et travailleurs de l'Hôtel Le Reine Élizabeth (C.S.N.), SOQUIJ AZ-50279670

L'employeur, un centre jeunesse, était fondé à congédier un agent de gestion du personnel pour avoir utilisé Internet à des fins personnelles pendant au moins 30 % de son temps de travail.

Le plaignant a travaillé pendant une vingtaine d'années à titre de cadre en ressources humaines dans plusieurs établissements du réseau de la santé et des services sociaux. À compter de 1994, il a été affecté à des fonctions d'agent de gestion du personnel chez l'employeur. En février 2003, il a été suspendu aux fins d'une enquête et, le 3 avril suivant, il a été congédié. Les principaux reproches formulés dans l'avis de congédiement sont les suivants : négligence et incompétence dans l'exercice de ses fonctions, harcèlement et intimidation à l'endroit de certains employés, fausses déclarations concernant son état de santé, vol de temps et utilisation abusive d'Internet à des fins personnelles pendant les heures de travail. Le syndicat invoque le non-respect de la procédure édictée à l'article 5.09 de la convention collective en vertu de laquelle un congédiement doit être précédé d'une rencontre au cours de laquelle l'employeur indique au syndicat et au plaignant « les motifs qui ont provoqué la mesure disciplinaire ». Pour sa part, l'employeur soutient que certains des reproches formulés dans l'avis de congédiement sont visés par l'exception prévue au paragraphe introductif de l'article 5.09, à savoir dans les cas d'agissements « de nature criminelle ou de mœurs ». Subsidiairement, il affirme que, même si la rencontre prévue à l'article 5.09 n'a pas eu lieu ou a été tenue en partie, les parties n'ont pas prévu à la convention collective que ce défaut entraînerait l'annulation de la mesure disciplinaire. Il fait valoir à ce propos que le cinquième alinéa du second paragraphe de l'article 5.09 permet de modifier l'avis de congédiement. Par ailleurs, le syndicat allègue que celui-ci n'est pas assez explicite et ne permet pas au plaignant de présenter une défense pleine et entière.

Décision
Le syndicat et le plaignant n'ont pas été informés du congédiement et des motifs justifiant cette mesure lors de la rencontre du 31 mars. Le plaignant a alors été questionné sur certains événements et sur ses intentions en cas de congédiement ou de suspension, mais les propos qui lui ont été tenus n'indiquaient pas quelle mesure avait été prise. Compte tenu du caractère impératif que les parties ont donné à la rencontre prévue à l'article 5.09 de la convention, sept des motifs mentionnés dans l'avis de congédiement doivent être écartés. L'allégation de harcèlement et d'intimidation ne peut être associée à l'exception prévue à l'article 5.09 pour les agissements de nature criminelle ou mettant en cause les moeurs. Le terme « mœurs », selon son sens courant et les dictionnaires juridiques, fait référence à des usages ou à des comportements reliés à la sexualité. En l'instance, le harcèlement et l'intimidation reprochés au plaignant ont trait exclusivement à des comportements de nature psychologique. En revanche, les allégations de fausse déclaration concernant son état de santé et de vol de temps sont assimilables à un comportement frauduleux. Il y a lieu de leur appliquer l'exception prévue pour des actes de nature criminelle. D'autre part, l'article 5.09 ne stipule pas que les motifs de congédiement sont automatiquement transmis en cas d'agissements de nature criminelle ou mettant les mœurs en cause. Quoi qu'il en soit, le Tribunal estime que l'avis de congédiement est suffisamment détaillé pour les reproches entrant dans ces catégories et que l'employeur n'avait pas à exposer les faits les soutenant.

Quant au fond, l'employeur prétend tout d'abord que le plaignant n'a pas fourni de certificat médical pour justifier certaines absences, et plus particulièrement lorsque son directeur lui a en officiellement fait la demande, à la fin de 2002. Il est établi que le plaignant s'absentait régulièrement, en général pour de courtes périodes de une ou deux heures, en invoquant un problème de tension artérielle. Son témoignage concernant son état de santé n'a pas été contredit et la preuve établit que, pendant environ six ans, ses absences ont été autorisées sans jamais que soit exigée une attestation médicale. Il utilisait alors sa banque de congés de maladie pour les heures manquées sans qu'il y ait de discussion. Dans ce contexte, il est difficile de conclure à l'existence de fausses déclarations. Quant à l'omission de fournir le certificat médical demandé à la fin de 2002, l'arbitre est d'avis qu'il s'agit d'un simple oubli ayant coïncidé avec les vacances du plaignant, lesquelles ont été suivies de sa suspension aux fins d'une enquête. En ce qui a trait à l'utilisation d'Internet, les résultats d'une enquête menée par un technicien en informatique indiquent que le plaignant a navigué pendant 30 % à 40 % de son temps de travail durant la période du 2 décembre 2002 au 11 février 2003. Il a admis avoir beaucoup navigué sur Internet, expliquant qu'il n'avait pas suffisamment de travail à effectuer depuis une réorganisation administrative survenue en novembre 2002. Cette explication doit être rejetée. Le plaignant a reconnu qu'il utilisait Internet à des fins personnelles, bien avant novembre 2002. En outre, même en tenant pour acquis que ses responsabilités l'occupaient fort peu, il n'en demeure pas moins qu'un salarié ne peut décider de son propre chef et à l'insu de son employeur de s'adonner pendant de longues périodes à des activités n'ayant rien à voir avec son emploi. Selon la preuve non contredite, l'employeur n'a jamais acquiescé à ce que le plaignant consacre du temps de travail à des activités personnelles, et encore moins une part si importante. Il ressort que le plaignant a pris les moyens nécessaires pour éviter que l'employeur connaisse son emploi du temps en demandant de travailler la porte fermée en tout temps. En agissant comme il l'a fait, il a contrevenu au principe selon lequel un salarié est rémunéré en contrepartie de sa prestation de travail. D'autre part, contrairement à ce que laisse entendre le plaignant, on ne peut reprocher à un employeur de ne pas surveiller systématiquement un salarié à qui l'accès à Internet a été accordé. La confiance doit être la règle et la surveillance, l'exception. L'importance du temps consacré à Internet, le caractère répétitif de cette activité et la dissimulation à laquelle le plaignant s'est livré amènent à conclure qu'il a commis une faute grave même s'il n'y a pas eu consultation de sites pornographiques ni atteinte à la réputation de l'employeur. L'expérience considérable du plaignant en gestion des ressources humaines et son rôle de collaborateur auprès du directeur du service rendent sa faute d'autant moins excusable. Enfin, le plaignant a peut-être reconnu ses agissements, mais son aveu est tardif et l'on constate qu'il n'a jamais admis avoir été fautif dans son témoignage. Le syndicat a soutenu également que, à défaut de conclure que toutes les fautes alléguées dans la lettre de congédiement avaient été commises, la mesure devait être infirmée. On doit cependant noter que les motifs inclus dans la lettre de congédiement ne sont pas reliés, mais constituent des reproches distincts qui peuvent être examinés et appréciés séparément. En l'occurrence, la faute liée à l'utilisation abusive d'Internet pendant les heures de travail constitue un motif suffisamment sérieux et grave pour justifier à lui seul le congédiement.

Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 4140 et Centres jeunesse de l'Outaouais (Claude Parisée), SOQUIJ AZ-50338981

Information confidentielle

La sentence arbitrale ayant modifié en suspension la destitution du plaignant – un policier reconnu coupable d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur – est annulée parce que, d'une part, elle contient une erreur de droit eu égard à l'interprétation de l'article 119 alinéa 2 de la Loi sur la police et que, d'autre part, elle est déraisonnable dans son ensemble.

En 1976, le plaignant est entré au service d'une municipalité à titre de policier. Au printemps 2001, des accusations criminelles ont été portées contre lui pour voies de fait à l'endroit de son épouse et utilisation frauduleuse d'un ordinateur. En décembre de la même année, le corps de police municipal a été intégré à la Sûreté du Québec (SQ). En juillet 2002, le plaignant a été reconnu coupable sous les deux accusations portées contre lui. Il a obtenu dans chaque dossier une absolution conditionnelle. En mars 2005, l'autorité disciplinaire de la SQ a conclu à la responsabilité du plaignant relativement à un seul des manquements, soit avoir utilisé l'ordinateur relié au Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ) à des fins personnelles en vue d'obtenir des informations sur son ex-épouse, leur fils et son ex-belle-mère. À la suite de sa destitution, le 20 octobre suivant, il a déposé un grief, qui a été accueilli en partie. L'arbitre a conclu que la situation familiale et professionnelle du plaignant ainsi que le degré de gravité accordé par les autorités disciplinaires à de tels gestes constituaient des « circonstances particulières » au sens de l'article 119 de la Loi sur la police justifiant l'imposition d'une sanction moins sévère. Il a substitué une suspension de 10 jours à la destitution. La SQ demande la révision judiciaire de cette décision. Elle soutient que l'arbitre a commis des erreurs dans l'interprétation de l'article 119 de la Loi ainsi que dans l'appréciation des circonstances particulières.

Décision
La Cour suprême, dans Lévis (Ville) c. Fraternité des policiers de Lévis Inc. (C.S. Can., 2007-03-22), 2007 CSC 14, SOQUIJ AZ-50423140, J.E. 2007-618, D.T.E. 2007T-273, [2007] 1 R.C.S. 591, a mis fin à la controverse jurisprudentielle qui existait quant à l'interprétation des mots « circonstances particulières ». Ainsi, lorsqu'il se prononce sur la question des circonstances particulières, le décideur ne doit pas perdre de vue le rôle spécial que joue le policier et l'incidence d'une déclaration de culpabilité sur sa capacité à exercer ses fonctions. En l'espèce, nulle part l'arbitre n'a relié quelque fait que ce soit au rôle ou à la mission d'un policier, c'est-à-dire maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, prévenir et réprimer le crime, assurer la sécurité des personnes et des biens, sauvegarder les droits et libertés, respecter les victimes et coopérer avec la communauté dans le respect du pluralisme culturel (art. 48 et 49 de la Loi). Il n'y est pas non plus question de l'autorité morale du policier ni du lien de confiance requis pour l'exercice de ses fonctions. En outre, il est difficile de réconcilier le raisonnement de l'arbitre quant à la gravité des faits reprochés avec le texte de la Loi. En effet, il a conclu que l'utilisation du CRPQ à des fins personnelles était un geste répréhensible, mais non une faute grave. Or, la Loi établit clairement, au contraire, qu'il s'agit d'un geste tellement grave qu'il entraîne la destitution.

Le second reproche formulé au soutien de la requête a trait à l'appréciation par l'arbitre des circonstances particulières. Or, certains éléments pertinents n'ont pas été considérés par ce dernier. Ainsi, ce sont 12 consultations non autorisées au CRPQ et non 7 qui ont été effectuées sur une période de 12 mois. En outre, l'arbitre a passé sous silence le verdict de culpabilité sous une accusation de voies de fait prononcé en juillet 2002 pour des événements remontant à 1998. D'autre part, il n'a pas fait état des trois explications différentes offertes par le plaignant afin de tenter, sans succès, de se disculper. Enfin, il n'a pas fait référence à la diffusion, dans le public, du fait que les trois policiers ayant témoigné au procès criminel à l'appui du plaignant pourraient être accusés de parjure. Il y a donc lieu d'intervenir et de casser la sentence arbitrale parce qu'elle est erronée en droit et déraisonnable. Une première erreur de droit est d'avoir assimilé les sanctions disciplinaires ou déontologiques imposées dans des cas où il n'y avait « pas eu d'accusation au criminel » à la sanction de principe prévue à l'article 119, deuxième alinéa, c'est-à-dire « après déclaration de culpabilité au criminel ». Une seconde erreur de droit consiste à ne pas avoir accolé l'effet de la condamnation sur l'opinion publique aux circonstances particulières mises de l'avant par le plaignant, soit sa situation familiale difficile et son passé de policier sans reproche. Le fait que, dans son ensemble, la sentence arbitrale n'est pas raisonnable représente une autre raison d'intervenir. En effet, l'on ne peut conclure que la nécessaire confiance du public et la capacité du plaignant d'exercer ses fonctions de policier resteraient intactes si l'on confrontait les circonstances particulières alléguées par ce dernier et les autres faits mis en preuve. Enfin, il n'est pas utile de retourner le dossier à l'arbitre pour qu'il en décide conformément à la Loi. À l'instar du juge de première instance dans Ville de Lévis ((C.S., 2003-09-15), SOQUIJ AZ-50193288, D.T.E. 2003T-1095), il y a lieu de casser la sentence arbitrale et de confirmer la destitution du plaignant.

Sûreté du Québec c. Bergeron, SOQUIJ AZ-50490477 (jugement porté en appel)

Le congédiement d'une infirmière pour avoir utilisé un ordinateur à des fins personnelles et avoir téléchargé des fichiers contenant des données confidentielles sur une clé USB est confirmé.

La plaignante, une assistante infirmière-chef à temps plein pendant le quart de nuit dans un centre d'hébergement privé et conventionné, a été suspendue aux fins d'enquête après qu'un employé eut retrouvé dans un logement réservé aux familles des résidents en fin de vie une clé USB dont la plaignante avait signalé la disparition. L'attention de l'employeur sur cet incident avait été attirée par le fait que la plaignante avait offert une récompense pour cette clé USB en déclarant qu'elle comportait des informations très importantes pour le travail. Pourtant, un tel outil n'est pas utilisé par le personnel infirmier de l'établissement. Une vérification de la clé a révélé qu'elle contenait notamment des informations confidentielles relatives aux bénéficiaires et aux opérations financières de l'établissement. Interrogée à ce sujet, la plaignante a reconnu être allée dans le logement pour dormir durant les périodes de repas et avoir utilisé l'ordinateur du service à des fins personnelles. Elle a toutefois affirmé ignorer comment des documents confidentiels se sont retrouvés sur sa clé USB. Par ailleurs, la préposée aux bénéficiaires avec qui elle travaille a déclaré notamment que la plaignante utilisait régulièrement l'ordinateur du poste des infirmières. La plaignante a alors été congédiée. Des griefs ont été déposés à l'encontre de cette décision ainsi que pour dénoncer le refus de l'employeur de restituer à la plaignante sa clé USB. Le syndicat demande que soit écartée la preuve du contenu de la clé au motif qu'elle a été obtenue en violation du droit au respect de la vie privée garanti à l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Décision
Les représentants de l'employeur ont porté atteinte à la vie privée de la plaignante en prenant connaissance du contenu de sa clé USB sans son approbation et sans même qu'elle le sache. Cependant, mettre de côté cette preuve déconsidérerait davantage l'administration de la justice. En effet, l'employeur devait s'assurer de l'identité du propriétaire de la clé et il avait un motif raisonnable de vouloir en connaître le contenu, compte tenu des questions que soulevait le comportement intrigant de la plaignante. L'objection préliminaire est donc rejetée. Quant au fond, la plaignante a été fautive en allant dormir dans un logement réservé exclusivement aux familles des résidents. On doit également conclure qu'elle a copié sur sa clé USB des documents confidentiels. Tout d'abord, aucune preuve directe n'a été présentée selon laquelle un membre du personnel de direction aurait accidentellement, volontairement ou malicieusement introduit sur cette clé des fichiers compromettants pour la plaignante. D'autre part, il est établi qu'elle utilisait régulièrement l'ordinateur du poste des infirmières et que c'est précisément pendant l'un de ses quarts de travail que le dossier « Administration » a été téléchargé sur sa clé. La possibilité qu'une autre personne soit intervenue est très improbable puisque aucun indice ne va en ce sens. Il est tout aussi improbable que les documents confidentiels aient été copiés par erreur ou inadvertance. Les manquements reprochés à la plaignante ont donc été prouvés. La faute relative à l'usage du logement réservé n'a pas à elle seule une gravité suffisamment grande pour emporter un congédiement. Par contre, lorsque l'on tient compte de l'autre manquement, qui constitue une faute grave, on peut comprendre que l'employeur ait perdu confiance en la plaignante. Sa décision n'est pas déraisonnable et les griefs sont en conséquence rejetés.

Groupe Champlain inc. et Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (Micheline L'Archer), SOQUIJ AZ-50508088

Le congédiement d'un analyste en informatique pour consultation de renseignements confidentiels et utilisation d'Internet durant les heures de travail est confirmé.

Le plaignant a travaillé à titre de technicien à la téléphonie à compter de 1990, puis à titre d'analyste en informatique à partir de 2001. Il conteste le congédiement qui lui a été imposé le 18 octobre 2001 aux motifs qu'il aurait consulté à plusieurs reprises, sans autorisation, des renseignements fiscaux concernant plusieurs contribuables ainsi que son propre dossier fiscal et ceux de ses collègues de travail, et qu'il aurait utilisé Internet durant les heures de travail. L'employeur soutient que, en consultant des dossiers fiscaux sans autorisation et à des fins personnelles, le plaignant a violé la Loi sur la fonction publique ainsi que la Loi sur le ministère du Revenu et qu'il s'est placé dans une situation de conflit d'intérêts. Le syndicat prétend que le plaignant ne croyait pas que la simple consultation des dossiers fiscaux constituait un geste aussi répréhensible et qu'il n'avait pas de mauvaises intentions.

Décision
Les parties admettent l'existence des gestes reprochés au plaignant. Le litige porte sur la proportionnalité de la sanction imposée. Quatre motifs invoqués au soutien du congédiement concernent la consultation de dossiers fiscaux de contribuables sans autorisation; un cinquième concerne l'utilisation d'Internet à des fins personnelles durant les heures de travail. Il appert d'abord que le plaignant a contrevenu à la règle de l'employeur relative à l'utilisation d'Internet, qui énonce que « l'accès à un site ou à un groupe de discussions dont le contenu est non pertinent aux activités du Ministère est rigoureusement interdit ». Ensuite, en faisant usage de renseignements confidentiels à une fin non prévue à la loi, le plaignant a contrevenu à l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu et violé plusieurs règles administratives. Il faut souligner le caractère répétitif des manquements : il a accédé sans autorisation aux dossiers de 132 contribuables à 212 reprises entre les mois d'août 1997 et de juin 2001. Bien que la preuve ne révèle pas que le plaignant a divulgué l'information consultée, les règles interdisent tant la consultation que la divulgation. Par ailleurs, les salariés sont informés du fait que la consultation sans autorisation constitue une faute grave même s'il n'y a pas divulgation de l'information. Plusieurs arbitres ont reconnu le caractère grave de la consultation de dossiers fiscaux sans autorisation et la même conclusion s'impose en l'espèce. Le plaignant savait que l'employeur ne tolérait pas les manquements à la confidentialité des dossiers fiscaux et on ne peut retenir l'argument selon lequel il ignorait la gravité de ses gestes en raison de son insouciance ou de sa naïveté. De plus, le fait que le plaignant comptait 11 ans d'ancienneté et qu'il occupait un poste de nature professionnelle constitue une circonstance aggravante puisqu'il devait forcément connaître les règles applicables en matière de confidentialité des dossiers fiscaux. Le ministère du Revenu doit appliquer des règles strictes en matière de confidentialité et le non-respect de ces règles peut certes entraîner le bris du lien de confiance. Pour tous ces motifs, le Tribunal conclut que le congédiement ne constitue pas une sanction disproportionnée dans les circonstances.

Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec et Québec (ministère du Revenu), SOQUIJ AZ-50175399

L'employeur était fondé à congédier le plaignant, un analyste responsable de la sécurité informatique qui a contrevenu aux règles d'éthique en accédant à des informations confidentielles sans autorisation et en utilisant Internet à des fins personnelles.

Le plaignant occupait le poste d'analyste responsable de la sécurité informatique à la Direction régionale de Laval de la CSST. Il conteste la décision de l'employeur de le congédier le 3 février 2003. L'employeur lui reproche plusieurs manquements liés à l'utilisation des ressources informatiques. Il affirme d'abord que le plaignant a commis un acte frauduleux en se branchant sans permission sur Internet à son domicile au moyen du compte fournisseur Internet du poste de la Direction régionale de Laval. Ensuite, il soutient qu'il a contrevenu aux règles d'éthique en accédant à la messagerie d'un collègue et qu'il a commis d'autres indiscrétions et gestes illégaux en obtenant des données de nature très confidentielle concernant l'évaluation du rendement et l'attribution des bonis. De plus, il lui reproche d'avoir pris l'initiative d'installer à son poste informatique de l'équipement qui n'est pas homologué ou encore approuvé par la CSST. Enfin, il allègue que le plaignant a obtenu par la tricherie et le mensonge un nouveau système informatique et qu'il a usé de sa boîte de messagerie de manière abusive. L'employeur affirme que ces différents manquements rompent le lien de confiance avec le plaignant. Ce dernier réfute tous les manquements, alléguant qu'il ignorait que des coûts étaient associés à l'utilisation d'un programme en particulier et que l'autorisation d'accès à la messagerie lui avait été accordée. Il ajoute qu'en général, il ne connaissait pas les règles et les directives de l'employeur en matière informatique. Par ailleurs, le syndicat s'oppose à la recevabilité en preuve de certains faits qui ne figuraient pas à l'avis de congédiement.

Décision
Il suffit que les faits constituent des éléments liés aux motifs énoncés à l'avis de congédiement pour qu'ils soient recevables. Or, les faits pour lesquels le syndicat s'oppose à l'admission en preuve sont étroitement liés à la preuve de l'employeur pour démontrer les motifs invoqués au soutien du congédiement. D'autre part, la défense fournie par le plaignant à l'égard des manquements qui lui sont reprochés n'est pas crédible. En effet, un spécialiste en informatique responsable de la sécurité ne peut ignorer l'existence de coûts associés à l'utilisation d'un programme informatique; à tout le moins, le plaignant aurait dû vérifier les coûts de l'utilisation du programme et assumer les responsabilités de sa fonction. Par ailleurs, la preuve démontre qu'il a accédé à la messagerie sans jamais obtenir d'autorisation, contrevenant ainsi aux règles d'éthique. De plus, le plaignant, qui avait la responsabilité de faire appliquer les règles et les directives en informatique, s'est lui-même autorisé à utiliser de l'équipement à son poste informatique en faisant fi des règles et de ses responsabilités. À l'égard des autres manquements, il est plutôt difficile de croire qu'un spécialiste en informatique occupant une telle fonction de responsabilité a pu ignorer les règles et directives en la matière. Au surplus, le plaignant a agi consciemment en utilisant ses connaissances et les moyens mis à sa disposition afin d'accéder à des renseignements confidentiels, allant ainsi à l'encontre de tous les avis reçus et manquant à son obligation de loyauté. Pour ces motifs, il n'y a pas lieu d'annuler le congédiement, et le grief est rejeté.

Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) et Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ), (Jean-Marc Boyer), SOQUIJ AZ-50324231

Vol de temps

Un technicien au service des travaux publics d'une municipalité a utilisé Internet à des fins personnelles, malgré l'existence d'une politique très claire à ce sujet, à raison de trois heures par jour pendant ses heures de travail et a falsifié en conséquence ses relevés de temps; son congédiement est confirmé.

Le plaignant était technicien aux services techniques des travaux publics de la municipalité. Ses tâches lui étaient confiées par le directeur des services techniques, à qui il remettait chaque semaine un relevé de temps indiquant les projets auxquels il avait travaillé. Une bonne partie de ses tâches nécessitait l'usage de l'ordinateur. En avril 2000, l'employeur a instauré une politique relative à l'accès à l'Internet, rappelant que son usage devait se faire essentiellement aux fins du travail, mais en permettant également un usage personnel en dehors des heures de bureau. Au début de 2005, le directeur des services techniques s'est rendu compte que le plaignant mettait beaucoup de temps à exécuter ses tâches et que les plans généraux de la Ville n'avaient pas été mis à jour depuis un bon nombre d'années. Ce travail a été donné en sous-traitance plusieurs mois après. À la fin de l'année, il a demandé qu'une enquête soit menée sur l'utilisation que faisait le plaignant de son ordinateur. Au mois d'avril 2006, un rapport sommaire ayant démontré que celui-ci utilisait l'ordinateur à des fins personnelles en moyenne trois heures par jour, l'employeur l'a suspendu pour faire enquête. Convoqué trois semaines plus tard, le plaignant a été placé devant le contenu du rapport et le fait qu'il avait produit délibérément de faux relevés de temps. Il a déclaré que plusieurs le faisaient et qu'il était démotivé depuis qu'on lui avait retiré la production des plans généraux. Deux semaines plus tard, il a été congédié pour avoir, entre le 16 février et le 3 mai 2006, utilisé l'ordinateur du service à des fins personnelles pendant ses heures de travail et pour avoir produit des relevés de temps comportant de faux renseignements. Par la suite, l'employeur a mandaté une société afin qu'elle enquête sur le contenu de deux disques durs de l'ordinateur utilisé par le plaignant. Le rapport fait état de plus de 10 000 visites entre mai 2004 et 2006, dont 99 % n'étaient aucunement reliées au travail.

Décision
Le plaignant a indiqué, dans ses relevés de temps, qu'il travaillait, alors qu'il naviguait sur Internet en moyenne trois heures par jour. Il mentait régulièrement à son supérieur et son travail s'est accumulé au point où l'employeur a dû faire appel à un sous-traitant. Ces fautes sont graves et elles ont été prouvées par l'employeur. De plus, la preuve a démontré ce même comportement dolosif en 2004 et 2005. Le plaignant, qui avait 19 ans d'ancienneté et avait occupé plusieurs postes syndicaux au cours de ces années, était bien au courant de la politique de l'employeur. Il en avait été avisé plusieurs fois. En outre, en janvier 2005, il avait pris connaissance d'un avis qui indiquait que le fait de ne pas respecter cette politique pouvait entraîner l'imposition de mesures disciplinaires sévères. Malgré cela, il a continué à naviguer durant ses heures de travail à raison de trois heures par jour alors qu'il accusait de plus en plus de retard dans ses tâches. Il a délibérément violé la politique d'utilisation d'Internet, et ce, à répétition. Le fait qu'il effaçait quotidiennement toute trace de navigation personnelle démontre qu'il cherchait à dissimuler ses activités illégales. Pendant près de trois mois, en toute connaissance de cause, il a volé trois heures de travail par jour à son employeur, ce qui représente 40 % de ses heures de présence, sans compter la production dolosive de relevés de temps. Il jouissait d'une grande autonomie et ne pointait pas. Ces rapports de présence frauduleux ont trompé l'employeur quant à la durée réelle de travail. Par ailleurs, les faits révélés dans l'enquête après le congédiement sont recevables en preuve et constituent des circonstances aggravantes. Premièrement, ils établissent des faits antérieurs au congédiement et, deuxièmement, la lettre de congédiement laissait entendre que l'enquête menée se poursuivait. De plus, elle est pertinente pour établir la crédibilité du plaignant. D'autre part, le fait qu'il ait prétendu avoir été démotivé ne peut servir de circonstance atténuante et encore moins d'excuse valable. L'employeur, en outre, était fondé à enquêter avant d'intervenir auprès du plaignant. Finalement, le principe de la progression des sanctions n'avait pas à être appliqué en présence de fautes graves commises à répétition et, compte tenu de l'absence de véritables circonstances atténuantes, le Tribunal n'a pas à intervenir.

Syndicat des employés municipaux de Beloeil (SCFP) et Beloeil (Ville de), (Daniel Nadeau), SOQUIJ AZ-50452091

Le fait pour un technicien aux achats comptant 19 années d'ancienneté de naviguer sur Internet à des fins personnelles durant ses heures de travail constitue une faute grave et son congédiement est confirmé.

Le plaignant travaillait à titre de technicien aux achats. Il conteste le congédiement qui lui a été imposé le 11 mai 2004. L'employeur lui reproche d'avoir commis un vol de temps en naviguant sur Internet à des fins personnelles alors qu'il était au travail. L'employeur explique que, à la suite de rumeurs, il a effectué une enquête et a constaté que le plaignant avait consacré plus de 140 heures de navigation sur Internet à des fins personnelles sur une période de 70 jours travaillés. Pour sa part, le syndicat fait valoir que la sanction n'est pas proportionnelle à la faute et que l'employeur n'a pas tenu compte de plusieurs facteurs, tels que l'ancienneté de 19 ans du plaignant et le fait qu'il n'a jamais été prévenu du risque que l'utilisation d'Internet entraîne son congédiement.

Décision
La preuve révèle que le plaignant a consacré un grand nombre d'heures de travail à la navigation sur Internet à des fins personnelles. D'ailleurs, celui-ci a reconnu qu'il s'adonnait à une telle occupation depuis deux ou trois ans. Cela signifie que le nombre d'heures consacrées à l'activité reprochée se situe probablement fort au-delà des 140 heures estimées par l'employeur. Le plaignant a donc commis un vol de temps important, qui représente une somme d'au moins 2 445 $ si l'on tient compte uniquement de l'estimation de l'employeur. Il faut préciser que le plaignant travaillait seul, de façon autonome, et sans aucune surveillance. Il occupait donc un poste nécessitant un niveau de confiance très élevé de la part de l'employeur. Le vol constitue une faute grave et le fait qu'il se soit poursuivi sur une période de 70 jours constitue un facteur aggravant. L'aveu du plaignant ne peut constituer un facteur atténuant puisque c'est face à la preuve accablante de l'employeur qu'il a été fait. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, de la gravité de la faute et de l'absence de circonstances atténuantes, il n'y avait pas lieu d'appliquer le principe de la progression des sanctions et le congédiement ne constituait pas une mesure abusive ou déraisonnable.

Syndicat des employés de bureau de Thetford Mines et Thetford Mines (Ville de), (Renaud Bergeron), SOQUIJ AZ-50294677

Malgré la politique de l'employeur et les règles d'éthique prohibant l'utilisation d'Internet à des fins personnelles durant les heures de travail, le plaignant – un employé de la fonction publique – naviguait de 4 à 13 fois par jour; la suspension de 5 jours était justifiée.

Le plaignant est agent d'aide socio-économique depuis 1999. Il jouit d'une grande autonomie dans son travail. En janvier 2005, il a été suspendu durant une journée pour avoir effectué un peu plus de 23 heures de navigation sur Internet à des fins personnelles pendant les heures de travail. Le 25 octobre 2006, lors d'une réunion d'équipe, l'employeur a affirmé qu'il tolérait 10 minutes de socialisation au début de la journée et il a rappelé qu'il était interdit de faire un usage personnel d'Internet et du courrier électronique. Le 4 mai 2007, le plaignant a été suspendu pendant 5 jours pour avoir navigué sur Internet à des fins personnelles, et ce, pendant 293 sessions totalisant environ 17 heures réparties sur 39 jours, pour avoir reçu des courriels personnels dont certains étaient accompagnés de pièces jointes comportant des images à caractère sexuel et pornographique et pour avoir utilisé les outils informatiques de l'employeur afin d'exercer des activités reliées à son travail d'agent de voyages.

Décision
Ni la période de 10 minutes de socialisation tolérée par l'employeur au début de la journée ni les pauses ne peuvent être utilisées pour naviguer sur Internet à des fins personnelles. En effet, ainsi que l'énonce le règlement d'entreprise, l'utilisation du réseau Internet à des fins personnelles n'est pas permise. Il y est indiqué que seule une utilisation personnelle limitée pourra être tolérée. De plus, lors de la réunion du 25 octobre 2006, l'employeur a fait différents rappels relativement à l'utilisation du temps de travail. La navigation du plaignant sur Internet à des fins personnelles durant environ 17 heures réparties sur 39 jours dépasse nettement l'utilisation personnelle tolérée par l'employeur et mérite une sanction disciplinaire. D'autre part, le plaignant savait que la réception au bureau de courriels personnels dont certains étaient accompagnés d'images à caractère sexuel et pornographique était inappropriée. Il aurait pu les détruire, mais il les a ouverts et a envoyé les fichiers à son adresse électronique personnelle, conservant le tout dans le système informatique de l'entreprise. Ce type d'usage du matériel informatique ne pouvait être toléré par l'employeur. Le plaignant a également commis une faute en utilisant ce matériel afin d'exercer des activités personnelles d'agent de voyages. L'autonomie dont il bénéficie dans son travail, la répétition des gestes, la récidive après le premier reproche et le fait qu'il banalise son utilisation personnelle d'Internet et du courrier électronique sont des facteurs aggravants. Il n'existe aucun facteur atténuant qui permettrait de réduire la sanction.

Syndicat de la fonction publique du Québec - Fonctionnaires et Québec (ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale), (Joël Crevier), SOQUIJ AZ-50500581

Matériel pornographique

Dans l'évaluation de la sanction imposée au plaignant, qui a utilisé l'ordinateur et la connexion Internet pour télécharger et sauvegarder du matériel pornographique, l'employeur n'a pas tenu compte des obligations qui sont prévues à sa politique quant aux facteurs à considérer à l'occasion de l'imposition d'une mesure disciplinaire; une suspension de trois mois est substituée au congédiement.

Le plaignant occupe un poste de directeur de comptes pour une entreprise spécialisée dans la vente de produits chimiques. Il a été congédié au motif qu'il avait utilisé l'ordinateur et la connexion Internet mis à sa disposition pour télécharger et sauvegarder du matériel à caractère pornographique, contrairement aux politiques en vigueur, au code de conduite et au manuel de l'employé. L'employeur allègue que le plaignant a, par ses agissements, mis en péril le réseau informatique desservant 19 000 employés et qu'il avait été informé des dangers pour l'entreprise et des conséquences sur le plan disciplinaire. Pour sa part, le plaignant affirme que, depuis neuf ans, il a toujours fait le même usage de son ordinateur et qu'il croyait à la tolérance de l'employeur à cet égard. Il allègue que, malgré le sérieux de la faute commise, la sanction imposée est disproportionnée.

Décision
L'employeur a accordé beaucoup d'importance aux écrits – politiques internes, engagements, code de conduite et manuel de l'employé – lors de l'évaluation du comportement du plaignant. Toutefois, il a négligé ses obligations découlant de ces mêmes documents, soit de considérer certains facteurs en cas de mesures disciplinaires. Premièrement, il se devait de considérer le degré de gravité de l'inconduite. Or, même si la faute commise est sérieuse et aurait pu mettre en danger l'ensemble du réseau informatique, elle est toutefois atténuée par le fait que le plaignant croyait que son comportement était toléré. Le second facteur, le dossier de l'employé, joue en faveur du plaignant puisque le seul motif de congédiement allégué est l'utilisation inappropriée de l'équipement. L'employeur n'a pas tenu compte non plus du fait que la situation aurait pu être corrigée en cessant cette utilisation et qu'il n'y a eu aucune conséquence directe sur les clients et sur les autres employés. Le seul facteur que l'employeur semble avoir pris en considération est la mesure prise dans un cas similaire. Or, aucun exemple d'un cas similaire n'a été présenté. Quant aux circonstances de l'événement, elles constituent des facteurs atténuants puisque le plaignant travaille à la maison à l'aide d'un équipement dont l'utilisation à des fins personnelles est autorisée, sauf exception, et que les fautes ont été commises en dehors des heures de travail. De plus, elles se sont échelonnées sur une période telle que le plaignant a cru à la tolérance de son employeur. Ainsi, la sanction imposée est trop sévère, et une suspension de trois mois est substituée au congédiement. La réintégration est également ordonnée, la preuve ne révélant aucun empêchement à ce titre.

Gilles et Ciba Spécialités chimiques Canada inc., SOQUIJ AZ-50481524

La nature des fautes commises par le plaignant — qui occupait des fonctions de technicien en informatique dans une commission scolaire —, soit la surveillance d'un collègue à son insu au moyen d'une webcaméra, le téléchargement d'une centaine de vidéos pornographiques avec le matériel de l'employeur et leur caractère fortement répréhensible, le tout conjugué à ses réponses évasives et mensongères, justifie son congédiement.

Le plaignant occupait un poste de technicien en informatique dans une commission scolaire. Il travaillait dans un centre de formation pour adultes, où des cours de niveau secondaire et d'éducation populaire sont donnés. Le 1er juin 2005, il s'est absenté pour des raisons médicales, mais il n'a pas dit à l'employeur qu'il souffrait d'une dépression et n'a pas remis d'attestation médicale. Au mois de septembre suivant, en dehors des heures de travail et alors qu'il s'agissait d'un jour férié, il a installé un cadenas sur l'ordinateur qu'il utilisait pour ses fonctions afin d'empêcher que l'on puisse l'ouvrir. En partant, il a emporté une webcaméra et une rallonge électrique appartenant à l'employeur de même qu'une bonbonne d'air comprimé. Dans les jours suivants, son remplaçant a communiqué avec lui par courriel parce qu'il avait besoin d'utiliser l'ordinateur qui avait été cadenassé. Le plaignant l'a alors avisé dans un message de trouver une autre solution. Le remplaçant a fait écouter ce message à son supérieur qui, après vérification, a constaté qu'il y avait un système de réseau sans fil au bureau du plaignant et que son ordinateur contenait du matériel pornographique juvénile et adulte. Le supérieur a également visionné les images captées par la caméra de surveillance le 5 septembre et y a aperçu le plaignant circuler dans les locaux et en ressortir des objets à la main. Une convocation aux fins d'enquête a été fixée au 14 septembre suivant afin de permettre au plaignant de donner sa version des faits. L'employeur lui reprochait d'avoir téléchargé du matériel pornographique durant ses heures de travail, d'avoir utilisé du matériel informatique appartenant à la Commission scolaire à cette fin, d'avoir utilisé et installé sans permission le logiciel LimeWire et, par le fait même, d'avoir permis à d'autres utilisateurs de récupérer ce matériel pornographique. De plus, il lui a demandé de rapporter tous les biens lui appartenant qui étaient en sa possession. Lors de cette réunion, le plaignant a commencé par nier les faits, puis en a admis certains. Il a ajouté avoir surveillé son remplaçant à l'aide de la webcaméra. Immédiatement après cette rencontre, il a remis les biens qu'il avait pris. Le 21 septembre suivant, l'employeur l'a congédié.

Décision
Même si la preuve établit que le plaignant a pris du matériel appartenant à l'employeur sans autorisation, on ne peut conclure qu'il l'a volé ou qu'il avait l'intention de le faire. En effet, les techniciens en informatique pouvaient sortir du matériel de bureau sans autorisation aux fins de leur travail. Par contre, la prétention du syndicat selon laquelle le plaignant voulait faire des tests relativement à de la formation à distance ne peut être retenue. Ce dernier n'avait reçu aucune directive à cet effet et il était en congé de maladie. En ce qui concerne la bonbonne d'air comprimé, on ne peut conclure qu'elle appartenait au plaignant ni qu'elle avait une certaine utilité pour son travail. Ainsi, il a emprunté ce matériel à ses fins personnelles. Toutefois, le congédiement pour ce motif n'est pas retenu.

En ce qui a trait aux autres faits reprochés par l'employeur lors de l'enquête du 14 septembre, les témoignages ne concordent pas pour ce qui est des réactions du plaignant. Ce dernier allègue qu'il est faux de dire qu'il a tout nié, alors que les personnes assistant à cette rencontre prétendent le contraire. En présence de versions contradictoires, l'examen doit être fait en utilisant le critère de la vraisemblance. Or, la version du plaignant est peu crédible. Il a d'abord tout nié et, après avoir été informé par son représentant syndical de la preuve détenue par l'employeur, il a avoué qu'il avait téléchargé des films pornographiques et surveillé, par webcaméra, son remplaçant. Un autre critère retenu par la jurisprudence pour évaluer la preuve testimoniale est la constance dans les déclarations. En l'espèce, les déclarations du plaignant ont souvent varié, à des dates différentes, et ce, quant à l'ensemble de son témoignage. Il est donc établi que celui-ci a installé la webcaméra afin de surveiller son remplaçant. De plus, la raison qu'il invoque pour avoir installé le logiciel LimeWire, soit dans le but d'effectuer des essais visant la formation à distance, n'est pas retenue. Il est plus plausible qu'il ait réservé l'ordinateur à ses propres fins pour communiquer avec des sites de rencontres et que le logiciel ait été installé pour télécharger du matériel pornographique. En effet, il a téléchargé plus de 60 films pornographiques, en a effacé 6, 38 films étaient en cours de téléchargement et l'ordinateur contenait 21 images pornographiques. Même si l'on ne peut conclure que le téléchargement a eu lieu durant les heures de travail, le plaignant a admis en avoir regardé le contenu sur les lieux du travail. Or, il savait qu'une telle conduite, fortement répréhensible, allait à l'encontre d'une politique de l'employeur qui lui avait été expliquée. Il a tenté de démontrer, par une expertise en psychiatrie, qu'il avait des problèmes psychologiques à cette époque. Les tribunaux d'arbitrage hésitent fortement à accepter des expertises non concomitantes des événements. En l'espèce, la prudence s'impose, d'autant plus que le plaignant a menti dans son témoignage et que l'expert affirme qu'il est possible que celui-ci ait amplifié ses symptômes. Ainsi, les fautes commises sont retenues et, selon la jurisprudence, le téléchargement de vidéos pornographiques à l'aide du matériel de l'employeur, leur transmission à des collègues ou à d'autres personnes de même que leur visionnement sur les lieux du travail doivent être sanctionnés sévèrement. Chaque cas est un cas d'espèce et l'on doit tenir compte de divers facteurs, tels l'aveu, les témoignages de bonne foi, la sincérité, le milieu où se produisent les fautes et l'état psychologique. En l'espèce, le plaignant a nié les faits, a omis de répondre avec sincérité aux questions posées en multipliant les réponses évasives, s'est contredit et a menti au Tribunal. L'employeur était fondé à affirmer qu'il y a eu rupture du lien de confiance et, étant donné toutes les circonstances, on ne peut tenir compte du fait que le plaignant pourrait avoir de la difficulté à trouver un autre emploi en raison de son âge ni de ses 18 années de service. Le congédiement est donc confirmé.

Syndicat du personnel de soutien de la Seigneurie des Mille-Îles (CSN) et Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles (Louis Marchand), SOQUIJ AZ-50468456

La suspension de six mois imposée à un conseiller en environnement pour « vol de temps » – il a utilisé Internet à des fins personnelles durant ses heures de travail – est confirmée.

Engagé en 1989, le plaignant occupait un poste de conseiller en environnement depuis novembre 2003 lors des événements ayant mené à sa suspension. À la suite de plaintes d'employés, l'employeur a entrepris une enquête qui a révélé que, entre le 1er janvier et le 20 septembre 2004, le plaignant avait utilisé l'accès Internet à des fins personnelles pendant ses heures de travail, pour une durée totale de 236 heures. L'enquête a aussi révélé qu'il avait tenté d'accéder à des sites à caractère sexuel pouvant porter atteinte à l'image de l'entreprise, en violation du code de conduite de l'employeur. Le 2 novembre 2004, l'employeur a rencontré le plaignant pour lui faire part des résultats de l'enquête. Celui-ci a tout de suite admis avoir utilisé le réseau Internet à des fins personnelles. L'employeur lui a imposé une suspension de six mois. Il affirme avoir agi ainsi dans le but d'envoyer un message clair quant au caractère inacceptable d'un tel détournement du temps de travail.

Décision
La façon de calculer de l'employeur pour obtenir un résultat de 236 heures de consultation de sites inappropriées n'est pas contestée. Ce total correspond à plus de six semaines de temps rémunéré non travaillé. Comme l'enseigne la jurisprudence, il s'agit de fautes qui ne résultent pas d'un acte isolé et le fait qu'elles s'étalent sur plusieurs mois accroît leur gravité. Par ailleurs, le supérieur immédiat du plaignant n'a été témoin de l'usage illicite d'Internet qu'une seule fois, mais il a tout de suite averti le plaignant de son désaccord. Il s'agissait d'une mise en garde s'inscrivant dans les limites de l'application du code de conduite. Enfin, le plaignant occupait un poste de confiance et il jouissait d'une grande autonomie. Le détournement, à des fins personnelles, d'un grand nombre d'heures de travail constitue un vol de temps aux dépens de l'entreprise. De plus, l'usage de ce temps de travail est incompatible avec les règles de l'entreprise. La mesure imposée est sévère, mais non abusive compte tenu de l'inconduite récurrente du plaignant et de l'importance du nombre d'heures. Il s'agit en l'espèce d'un manquement grave au devoir de loyauté, au sujet duquel il n'y a pas lieu d'intervenir.

Syndicat des spécialistes et professionnels d'Hydro-Québec, section locale 4250, SCFP et Hydro-Québec (François Durand), SOQUIJ AZ-55000111

Le congédiement imposé à un inspecteur pour avoir reçu et transmis par courriel du matériel pornographique est remplacé par une suspension de six mois.

Le plaignant travaillait à titre d'inspecteur. Il conteste le congédiement qui lui a été imposé le 8 septembre 2004, à la suite d'une enquête importante de l'employeur afin de vérifier les courriels de tous les salariés d'un service pendant les mois de janvier à juillet précédents. Cette enquête a entraîné des conséquences disciplinaires pour 75 employés. L'employeur reproche au plaignant d'avoir utilisé de façon inappropriée l'équipement de la compagnie, en particulier son ordinateur, pour recevoir et transmettre par courriel du matériel à caractère pornographique, le tout à l'encontre de la politique de l'entreprise. Le syndicat soutient que l'ensemble des circonstances ne justifie pas la sanction ultime du congédiement.

Décision
Il est vrai que le plaignant n'a pas répondu honnêtement aux questions que les enquêteurs lui ont posées au téléphone. Toutefois, quelle conclusion peut-on tirer de cette conversation de deux ou trois minutes? Premièrement, le plaignant ne savait pas pourquoi on lui posait ces questions. Il pouvait s'agir d'un sondage général sans conséquences personnelles ou d'autre chose. Le plaignant allègue qu'il voulait parler à son superviseur afin de mieux comprendre de quoi il s'agissait. Cependant, il a été congédié sur la seule base des réponses qu'il a données au téléphone, sans plus d'explication. Il y a lieu de déterminer si l'évaluation de la franchise d'un salarié ayant 24 ans de service, sans dossier disciplinaire antérieur, peut se faire d'une façon juste uniquement au moyen d'un entretien téléphonique de trois minutes. Sans excuser pleinement le manque de franchise du plaignant pendant cet entretien avec deux enquêteurs, les faits entourant le questionnaire téléphonique constituent des facteurs atténuants importants, surtout en ce qui concerne le lien de confiance. Par ailleurs, le manque de précision dans son témoignage relativement à la fréquence des manquements reprochés s'explique par l'étendue de la période en cause, soit près de sept mois. Il n'a pas davantage tenté de tromper l'arbitre par sa propre définition de la pornographie ou de matériel inapproprié, qui diffère de celle du procureur patronal. Il faut également apprécier le fait que le manque d'honnêteté du plaignant n'est aucunement mentionné dans la lettre de congédiement. Par conséquent, les facteurs atténuants dépassent de loin les facteurs aggravants. Le fait qu'il s'agisse d'une première infraction en 24 ans de service, aussi grave soit-elle, est important. D'ailleurs, la qualité de l'entrevue téléphonique accordée au plaignant contraste avec le traitement accordé aux autres employés interrogés, soit lors d'une entrevue en personne sur les lieux du travail, et constitue dès lors un autre facteur atténuant. Dans ce contexte, le manque de franchise du plaignant ne se compare pas à un geste de fraude ou de vol qui brise le lien de confiance essentiel au maintien de la relation d'emploi. Ce dernier s'est toutefois permis de contrevenir à une politique importante de la compagnie à 36 reprises pendant une période 6 mois. La fréquence de ses transmissions et le nombre de documents communiqués placent ses activités parmi les cas les plus graves dans l'usine. Malgré les facteurs atténuants entourant sa déclaration lors de l'enquête, le plaignant a tout de même manqué de franchise envers son employeur. Dans les circonstances, la sanction doit être modifiée. Une suspension de six mois est d'une sévérité suffisante pour communiquer au plaignant, comme aux autres employés, la gravité de sa faute.

Pratt & Whitney Canada et Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleuses et travailleurs du Canada (TCA-Canada), (Gaétan Charles), SOQUIJ AZ-50291484

La suspension de deux mois imposée à un commis dans un musée pour avoir utilisé Internet pendant ses heures de travail, notamment à des fins de clavardage et de consultation de sites pornographiques, est confirmée.

Le plaignant travaille au service des dossiers et de la documentation d'un musée. Un règlement d'entreprise interdit l'utilisation de biens de l'employeur à des fins personnelles. À compter de 1998, le plaignant a été avisé à quelques reprises de cesser d'utiliser des jeux électroniques sur les ordinateurs du musée auxquels il avait accès. On a même retiré les jeux de son ordinateur, mais il les a réinstallés. En février 2000, il a reçu une réprimande à ce sujet. Peu après, l'employeur a remarqué que des jeux se trouvaient encore dans l'ordinateur du plaignant. Il a alors fait examiner l'usage qu'il en faisait pour le service des technologies de l'information de l'entreprise et par une firme externe. Cet examen a révélé que le plaignant utilisait notamment son ordinateur aux fins de clavardage et de consultation de sites pornographiques. L'employeur lui a alors imposé une suspension de deux mois. Le syndicat s'oppose à la recevabilité en preuve d'un rapport d'utilisation de l'ordinateur du plaignant au motif que ce document ne lui a pas été communiqué avant l'audience, en dérogation à la convention collective qui prévoit que les éléments du dossier de l'employé ne sont recevables en preuve que s'ils ont été portés à sa connaissance. Le syndicat allègue aussi une intrusion de l'employeur dans la vie privée du plaignant.

Décision
Le rapport d'utilisation de l'ordinateur du plaignant ne provient pas de son dossier d'employé, mais plutôt d'un outil de travail qu'il utilisait. Il s'agit donc d'une preuve recevable même si le plaignant n'en a pas eu connaissance avant l'audience. Lorsqu'un salarié est au travail, ou dans les locaux de l'entreprise, son expectative de confidentialité ou de respect de sa vie privée est plus restreinte. Par ailleurs, l'employeur n'a pas procédé à une surveillance continue ou systématique de son personnel ni à une surveillance dirigée vers le plaignant. C'est plutôt en raison de la persistance de ce dernier à ne pas respecter les règles d'utilisation de l'ordinateur que l'employeur a été amené à examiner plus en détail l'utilisation qu'il en faisait. Lorsqu'une adresse de courriel désignant l'entreprise de l'employeur sert de lien de communication avec un journal, des agences de rencontres, des sites pornographiques et des sites de clavardage, il n'est pas illégal ni abusif de la part de l'employeur de vérifier le contenu d'un courriel afin de s'assurer que le salarié s'est conformé aux exigences du règlement d'entreprise, rappelé dans divers avis, ainsi qu'à un avis de sanction qui lui a déjà été donné. Le fardeau de preuve de l'employeur est celui de la prépondérance. En l'espèce, la participation du plaignant est amplement démontrée, malgré ses dénégations. Il ne s'agit pas d'un incident isolé, mais de nombreux accès, durant une longue période, à des sites pornographiques, de clavardage et d'agences de rencontres. Le plaignant a passé outre à des consignes connues. La sanction imposée est sévère, mais compte tenu de l'absence de facteurs atténuants, de son absence de collaboration à l'enquête et de son dossier disciplinaire, comportant déjà un avis pour une infraction de même nature, la sanction est maintenue et le grief, rejeté.

Alliance de la fonction publique du Canada et Musée des beaux-arts du Canada, SOQUIJ AZ-03142007

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Monique Desrosiers, avocate, Coordonnatrice, Secteur droit du travail et droit social, et Annie Mongeon, avocate, Agente de formation, Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ)

Source : VigieRT, numéro 39, juin 2009.

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