Que l’employé soit un cadre ou un subalterne, syndiqué ou non, son contrat de travail, qu’il soit à durée limitée ou non, est régi par l’article 2088 du Code civil du Québec (C.C.Q.) qui prévoit que : « Le salarié, outre qu’il est tenu de faire son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l’information à caractère confidentiel qu’il obtient dans l’exécution ou à l’occasion de son travail […] ».
Il s’agit de l’un des fondements les plus importants de la relation entre un employé et son employeur et les cas de manquement à cette obligation faisant l’objet de recours auprès des différents tribunaux compétents – en fonction du statut du salarié ou de la nature des activités de l’employeur - sont très nombreux.
Or, il ressort de la lecture de ces cas que les parties ont avantage à ce que cette obligation soit explicitement « adaptée » à la situation de l’employé ou d’un groupe d’employés au moment de l’embauche. De cette façon, les attentes de l’employeur à l’égard de son employé sont claires. De plus, le fait de signer un document précisant la teneur de cette obligation éviterait, dans plusieurs cas, des poursuites judiciaires longues et coûteuses.
Voici un aperçu de quatre situations qui illustrent bien les différents aspects de la relation d’emploi auxquels l’obligation de loyauté se rattache.
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Limites à l’obligation de loyauté
On ne peut conclure que les salariés en lock-out, qui participent à la rédaction d’un journal distribué gratuitement, violent leur obligation de loyauté.
L'employeur publie le quotidien le Journal de Québec. Depuis le 22 avril 2007, ses employés de bureau, graphistes, journalistes et chefs de pupitre, regroupés en deux syndicats, sont en lock-out. Le même jour, les salariés du service de l'impression membres d'un troisième syndicat ont déclenché une grève légale. Depuis le 24 avril, les salariés publient un journal, MédiaMatinQuébec, distribué gratuitement à raison de 40 000 exemplaires par jour, du lundi au vendredi. L'employeur soutient que les salariés qui participent à la publication de ce journal violent leur obligation de loyauté à son endroit. Les salariés allèguent pour leur part que la publication du MédiaMatinQuébec sert de moyen de pression; elle cessera dès que le conflit de travail sera réglé. Ils invoquent leur droit à la liberté d'expression.
DÉCISION – Toutes les personnes physiques désignées à titre de défendeurs sont, malgré la grève et le lock-out, des salariés de l'employeur. Ils sont donc toujours liés à l'obligation de loyauté énoncée à l'article 2088 du Code civil du Québec. Cependant, si l'on devait retenir l'argument de l'employeur quant au devoir de loyauté des salariés en période de grève ou de lock-out, ceux-ci ne seraient pas autorisés à faire du piquetage parce que ce moyen de pression serait susceptible de lui causer un préjudice financier. Pourtant, la Cour suprême du Canada a reconnu que des salariés en grève ou en lock-out peuvent effectuer du piquetage à l’établissement de leur employeur, ajoutant que cette action constitue une forme d'expression dont l'objectif est de causer un préjudice d'ordre économique à ce dernier en vue d'obtenir un règlement favorable d'un conflit de travail (S.D.G.M.R., section locale 558 c. Pepsi-Cola Canada Beverages (West) Ltd. (C.S. Can., 2002-01-24), 2002 CSC 8, SOQUIJ AZ-50111292, J.E. 2002-268, D.T.E. 2002T-121, [2002] 1 R.C.S. 156). Or, le MédiaMatinQuébec est justement publié dans le but d'exercer une pression économique sur l'employeur. La prétention de ce dernier selon laquelle les salariés sont en conflit d'intérêts est rejetée. Conclure le contraire signifierait qu'ils seraient privés de tout moyen de pression parce que cet exercice pourrait nuire à l'employeur. Par conséquent, le droit à l'ordonnance demandée étant douteux, il y a lieu d'évaluer la prépondérance des inconvénients. Si l'injonction interlocutoire n'est pas prononcée, l'employeur pourra continuer à publier le Journal de Québec, comme il le fait d'ailleurs depuis la grève et le lock-out. La possible diminution du nombre de ses lecteurs est un risque qu'il a assumé en décrétant le lock-out. Par contre, si l'injonction interlocutoire était accordée, les salariés seraient privés d'un droit garanti par les chartes. Il est donc évident que le poids des inconvénients favorise les défendeurs puisqu'on ne peut les priver de leur liberté d'expression ou même restreindre celle-ci comme le désire l'employeur. Or, la Cour suprême a reconnu que la liberté d'expression joue un rôle important pour éliminer ou atténuer l'inégalité entre le pouvoir économique de l'employeur et celui des salariés. Par ailleurs, il n'a pas été démontré que l'injonction interlocutoire était nécessaire pour empêcher que soit causé un préjudice sérieux ou irréparable à l'employeur. Enfin, les défendeurs ayant acquiescé à la demande d'ordonnance relative à l'obligation de confidentialité, cette partie de la requête est accueillie.
Corporation Sun Media c. Syndicat canadien de la fonction publique, SOQUIJ AZ- 50432190
Obligation de loyauté vs liberté d’expression, dénonciation publique ou whistleblowing
L'Université Bishop a porté atteinte à la liberté d'expression de la plaignante — une professeure également présidente du syndicat — ainsi qu'à son droit de critiquer l'Université sans subir la censure; toutefois, des dommages-intérêts ne lui sont pas accordés étant donné qu'elle a outrepassé son droit en faisant parvenir un courriel à l'ensemble de la communauté.
La plaignante, professeure dans une université, remplissait également les fonctions de présidente du syndicat. Elle s'est exprimée à différentes occasions auprès des membres du syndicat et de la communauté universitaire afin de leur faire part de ses critiques relatives aux relations du travail et à la direction de l'Université. Elle a également fait parvenir un courriel à l'ensemble de la communauté universitaire en réaction à des propos tenus par le directeur. Par l’intermédiaire de son grief, elle conteste les deux lettres de l'employeur qui lui sont parvenues peu de temps après l'envoi de son courriel au motif qu'elles comportent des restrictions à son droit de critiquer et à son droit d'exprimer son opinion sans subir de censure. Le syndicat conteste aussi ces lettres de même que les propos tenus par un représentant de l'employeur lors d'une réunion sociale. L'employeur s'oppose à l'arbitrabilité du grief individuel au motif que les lettres ne constituent pas des mesures disciplinaires et refuse que sa responsabilité soit reconnue pour les propos tenus par un tiers à l'occasion d'une réunion sociale.
DÉCISION – La première objection est rejetée. Il n'est pas nécessaire qu'une mesure disciplinaire soit imposée pour qu'une allégation d'atteinte à la liberté prévue à la convention collective et à la liberté d'expression puisse faire l'objet d'un grief. En l'espèce, la convention protège à la fois ces deux types de liberté. La seconde objection est accueillie. Les propos tenus par un représentant de l'employeur étaient des opinions personnelles et l'employeur ne peut en être tenu responsable. Quant au fond, les articles 3 et 46 de la Charte des droits et libertés de la personne ainsi que les dispositions de la convention collective et la liberté d'expression sont invoqués. De plus, le droit à la critique et le droit à l'absence de censure institutionnelle sont reconnus par l'Université pourvu que les propos soient formulés de manière responsable. Par ailleurs, le salarié ne doit pas manquer à son obligation d'agir avec loyauté conformément à l'article 2088 du Code civil du Québec. Or, les deux lettres à l'origine des griefs portent atteinte au droit de la plaignante de critiquer l'Université puisque l'employeur prétend qu'elle ne peut pas exprimer publiquement de critiques à l'endroit de la direction de l'Université lorsque le syndicat n'est pas directement visé. Toutefois, la plaignante a agi de façon excessive en envoyant son courriel à l'ensemble de la communauté. Une telle diffusion n'était pas nécessaire afin d'atteindre l'objectif qu'elle poursuivait dans son message. En qualité d'employée, la plaignante devait exercer son droit de critiquer l'Université en évitant, dans la mesure du possible, de compromettre inutilement les intérêts et la réputation de celle-ci. Cependant, les lettres de l'employeur circonscrivent de façon beaucoup trop restrictive le droit de la plaignante de formuler des critiques et d'exprimer son opinion sans subir de censure. Le retrait de ces deux lettres est ordonné. Toutefois, aucune indemnité n'est accordée à la plaignante compte tenu du fait qu'elle a outrepassé son droit de critiquer l'Université par une diffusion excessive en faisant parvenir un courriel à toute la communauté universitaire.
Association of Professors of Bishop's University et Bishop's University (Nelly Khouzam et grief syndical), SOQUIJ AZ-50447809
Le congédiement d'un fonctionnaire, également représentant syndical, pour avoir tenu des propos diffamatoires ayant porté atteinte à la réputation de l'employeur est confirmé.
L'employeur gère le parc immobilier du gouvernement du Québec. Le plaignant occupait un poste de technicien en administration. Au moment de son congédiement, il était également secrétaire-trésorier du syndicat et membre du comité de santé et de sécurité du travail. L'employeur lui reproche d'avoir sciemment tenu des propos diffamatoires à son endroit, propos qui auraient porté atteinte à sa réputation. Le plaignant soutient qu'il a été congédié pour avoir donné à une journaliste des informations qui sont vraies, et ce, dans les limites de son rôle de représentant syndical. Il est établi que, à la suite de l'entrevue qu'il a accordée au téléphone, un article a été publié dans un quotidien au sujet de la présence d'amiante dans les édifices gouvernementaux ainsi que de l'existence de cas d'amiantose. Le jour de la parution de l'article, le syndicat et l'employeur ont écrit des communiqués de presse se voulant rassurants quant à la sécurité des travailleurs et du public.
DÉCISION – Le plaignant bénéficie de la présomption selon laquelle il a été congédié à cause de l'exercice d'une activité syndicale. L'employeur doit donc démontrer qu'il a congédié le plaignant pour une autre cause, réelle et sérieuse — en l'espèce, la violation de son obligation de loyauté. Un salarié ne doit ni s'attaquer à la réputation de son employeur, ni dénoncer les pratiques qu'il n'accepte pas, ni étaler sur la place publique les différends qui l'opposent à ce dernier. Celui qui tient des propos mensongers à l'égard de son employeur commet une faute dont la gravité peut entraîner la rupture irrémédiable du lien de confiance entre les parties. Lorsqu'un salarié est au service de l'État, une obligation de loyauté à l'égard de la population lui incombe également. Le service public implique que l'information qui touche la santé et la sécurité de la population doit être diffusée le plus objectivement possible de façon à donner une version fiable des faits au citoyen. La diffusion de fausses informations à ce sujet, lorsqu'elle est délibérée, est incompatible avec la tâche de l'employé public ainsi qu'avec celle du syndicat qui le représente. Par ailleurs, l'obligation de loyauté à l'égard de la population peut, en certaines circonstances, fonder l'employé de l'État à recourir à la dénonciation publique (whistleblowing) de pratiques ou de politiques illégales ou dangereuses. Ainsi, à certaines conditions, le salarié pourra dénoncer publiquement son employeur sans violer son obligation de loyauté. Il doit toutefois faire preuve de jugement et de modération dans le choix de la façon dont il veut faire sa dénonciation. En l'espèce, la déclaration du plaignant ne satisfait pas aux cinq critères établis par la jurisprudence pour qualifier un geste de whistleblowing : 1) ce qui a été communiqué est vrai; 2) la critique est faite de façon raisonnable et responsable; 3) les recours internes ont été épuisés; 4) l'employeur est une institution publique; et 5) la question est d'intérêt public. Le plaignant ne peut donc invoquer le droit à la dénonciation publique à titre de moyen de défense. Il ne peut non plus invoquer l'immunité que lui confère sa fonction de représentant syndical. En effet, aucune immunité ne protège celui qui diffuse publiquement des propos alarmistes et inexacts et qui nuisent à la réputation de l'employeur. Or, les déclarations du plaignant comportaient plusieurs inexactitudes et exagérations. Manifestement tendancieuses, elles ont créé de l'inquiétude chez les employés du gouvernement et chez les personnes qui fréquentent ses établissements. La tenue de tout propos déraisonnable, téméraire, exagéré, alarmiste et nuisible à la réputation de l'employeur constitue un exercice abusif des responsabilités syndicales qui n'est pas protégé par l'immunité s'attachant au poste de secrétaire-trésorier. Le plaignant a outrepassé son rôle lorsqu'il a déclaré publiquement, dans le journal, que les édifices publics étaient dangereux alors qu'ils ne l'étaient pas. La Commission n'a pas à évaluer la rigueur de la sanction imposée à moins que la sévérité excessive de celle-ci ne la conduise à conclure qu'il s'agit d'un prétexte visant à punir l'exercice d'un droit protégé. Or, ce n'est pas le cas.
Petitclerc et Société immobilière du Québec, SOQUIJ AZ-50471940
La plaignante — une éducatrice dans un centre de la petite enfance — n'a pas manqué à son obligation de loyauté et de confidentialité en divulguant, en réponse à la question d'un parent, que l'employeur avait aboli six heures rémunérées allouées aux travaux de préparation; l'avis disciplinaire est annulé.
La plaignante occupe un poste d'éducatrice dans un centre de la petite enfance (CPE) depuis 13 ans. Lors d'une rencontre avec les parents, elle aurait déclaré ne pas avoir eu le temps d'établir l'horaire des responsabilités qui sont dévolues aux enfants parce que la direction n'avait accordé que deux heures rémunérées pour ces tâches de préparation, contrairement aux huit heures allouées les années précédentes. Quelques jours plus tard, l'un des parents présents à la rencontre s'est adressé à la directrice pour savoir pourquoi les huit heures n'étaient plus accordées aux éducatrices étant donné le surplus déclaré par l'employeur. Le même jour, la plaignante a reçu un avis disciplinaire lui reprochant d'avoir manqué à son obligation de respecter la confidentialité des informations auxquelles elle avait accès dans le contexte de son travail, d'avoir divulgué de l'information amenant la clientèle à remettre en question la compétence et le jugement de la direction de l'entreprise et d'avoir ainsi manqué à son obligation de loyauté et de confidentialité.
DÉCISION – La préoccupation des parents à l'occasion de la rencontre était tout à fait légitime et la plaignante se devait d'apporter une réponse à leur questionnement. Elle y a effectivement répondu en donnant la raison pour laquelle cette préparation n'avait pas été faite et elle n'avait pas à donner de détails. L'employeur prétend qu'elle aurait transmis de l'information fausse. Or, cette prétention est inexacte et ne peut être tranchée, car ce motif n'est pas mentionné à l'avis disciplinaire. Contrairement à la perception qu'en a eue l'employeur, le parent en question ne formulait pas une plainte. Une procédure ne doit pas nécessairement être enclenchée dès qu'un parent pose une question. On ne peut tenir compte des reproches faits par l'employeur dans son avis disciplinaire. Son affirmation voulant que seule la direction puisse donner à sa clientèle des informations d'ordre administratif ne peut être retenue. De plus, on ne saurait considérer comme un aveu de la plaignante la mention dans une lettre selon laquelle elle aurait mieux réagi si elle avait reçu un avis verbal. L'employeur a choisi d'adopter une attitude rigide et, ce faisant, il s'est imposé un fardeau de preuve dont il n'a pas été capable de se décharger. Ainsi, l'avis disciplinaire est annulé et rayé du dossier de la plaignante. Aucune indemnité n'est accordée à titre de dommages-intérêts, aucune preuve n'ayant été présentée à ce sujet.
Centre de la petite enfance Les Petits Semeurs inc. et Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298 (Suzanne Mondor), SOQUIJ AZ-50480860
Un analyste en développement informatique a contrevenu à son obligation de loyauté lorsqu'il a effectué des activités commerciales personnelles durant ses heures de travail, mais il n'a alors pas privé l'employeur de ses services parce qu'il avait beaucoup de temps libre; une suspension de trois mois aurait été substituée au congédiement n'eût été le fait qu'il avait détruit des fichiers dans son ordinateur lorsqu'il a appris sa suspension, de sorte qu'il mérite plutôt une suspension de neuf mois.
Le plaignant, un analyste en développement informatique, a été suspendu aux fins d'une enquête en janvier 2005, au terme de laquelle il a été congédié le 17 mars suivant. L'employeur lui a reproché d'avoir utilisé à de nombreuses reprises du matériel informatique et le courrier électronique de l'entreprise à des fins autres que l'exercice de ses fonctions. Une enquête a révélé qu'il a fait, pendant ses heures de travail, du soutien technique pour l'entreprise de sa mère. On lui a aussi reproché d'avoir utilisé des avantages reliés à son statut d'analyste informatique pour installer, sans autorisation, des composantes inappropriées à son poste de travail, à savoir un logiciel WS-FTP, de façon à établir une connexion avec un autre serveur afin d'effectuer des travaux au site de l'entreprise de sa mère.
DÉCISION – Le plaignant a admis avoir fait, sans permission, l'installation d'un logiciel à son poste de travail. Toutefois, la preuve a révélé que tous les postes de travail des développeurs ont cette application. Ce n'est donc pas tant d'avoir procédé à cette installation qui est répréhensible, mais l'usage qu'il en a fait. Or, pendant 2 mois et demi, en 2004, le plaignant a fait des sessions de transfert FTP, échelonnées sur 12 journées différentes, presque exclusivement avec le site Internet de l'entreprise de sa mère. Une telle utilisation des heures de travail à des fins personnelles est déloyale, d'autant que cela constitue également une violation du code de conduite de l'employeur et, bien que celui-ci n'interdise pas totalement certaines activités personnelles, il prohibe cependant les activités commerciales personnelles. Il importe peu que le plaignant ait été rémunéré ou non. Par contre, ce code permet l'utilisation d'Internet pour autant qu'elle ne nuise pas au fonctionnement du réseau informatique ou à l'image de l'entreprise et à la condition qu'elle ne soit pas liée à des motifs immoraux ou illégaux. L'utilisation d'Internet et des autres outils de communication est donc permise « à condition d'en faire un usage raisonnable et approprié ». Par ailleurs, le plaignant a détruit des fichiers informatiques à son poste de travail après qu'on lui eut dit qu'il était suspendu. Cela constitue un geste grave, soit un manque de loyauté, et il est surprenant que la lettre de congédiement n'en fasse pas mention. Même si l'on peut en déduire que l'employeur ne l'a pas jugé suffisamment important pour l'invoquer, cela n'empêche pas qu'il le soit dans le cours de la preuve et il peut être considéré dans l'appréciation de la mesure à imposer. Or, il ressort de la preuve que le plaignant disposait de beaucoup de temps libre pour lequel il n'avait pas de tâches à accomplir. Dans un tel contexte, même s'il ne se conformait pas au code de conduite, il n'a pas privé l'employeur de ses services à l'époque où les transferts FTP ont été effectués. En outre, ses activités n'ont pu nuire à l'image de l'entreprise puisqu'il n'y a eu aucune diffusion publique d'activités commerciales et qu'aucun service n'a été offert au public. Au surplus, les nombreux courriels reçus ont été détruits avant d'avoir été ouverts. L'analyse de la jurisprudence permet d'affirmer que, en cette matière, les circonstances de chaque cas peuvent conduire à des décisions bien différentes. En l'espèce, un facteur atténuant important est la manière dont la découverte des activités du plaignant a été gérée par son supérieur. Une bonne discussion lui aurait probablement permis d'apprendre ce qu'il cherchait et il aurait alors pu rappeler au plaignant les principes du code de conduite plutôt que de confier l'affaire au service de la sécurité. En effet, on ne peut conclure à une rupture irrémédiable du lien de confiance. Malgré le manque de loyauté, les reproches ne sont pas suffisants pour justifier le congédiement. Une suspension de trois mois aurait été la sanction adéquate. Toutefois, compte tenu du comportement du plaignant lorsqu'il a détruit les fichiers informatiques, une suspension de neuf mois est plus appropriée.
Syndicat des spécialistes et professionnels d'Hydro-Québec, section locale 4250 (SCFP-FTQ) et Hydro-Québec (Daniel Gosselin), SOQUIJ AZ- 50436095
Le congédiement de la plaignante — une agente de la qualité — pour avoir omis d'assurer un suivi auprès de l'employeur afin de justifier la prolongation de son absence pour cause de maladie est confirmé.
La plaignante, une agente de la qualité, s'est absentée à compter du 25 octobre 2005 pour cause d'épuisement professionnel. Au mois d'avril 2006, la compagnie d'assurances lui a reconnu le droit à des prestations d'assurance-salaire pour la période du 1er novembre 2005 au 13 avril 2006. Elle a aussi établi qu'elle n'était plus invalide à compter du 14 avril 2006. Par la suite, l'employeur lui a demandé de consulter le médecin de la compagnie d'assurances et de fournir les pièces justificatives motivant son absence. Au mois de juin 2006, il a décidé de mettre fin à son emploi en raison de son omission de justifier son absence.
DÉCISION – Au mois d'avril 2006, la compagnie d'assurances a demandé à la plaignante de lui fournir la preuve de son invalidité. Or, celle-ci n'a pas communiqué avec le médecin de la compagnie et elle n'a pas donné suite aux lettres recommandées de l'employeur exigeant qu'elle motive son absence. Les véritables motifs de son congédiement résident dans son manque de collaboration et dans son omission d'assurer un suivi auprès de l'employeur afin de motiver son absence. La plaignante a négligé de communiquer avec son employeur alors qu'elle n'était plus considérée comme invalide. Elle a ainsi adopté une attitude inacceptable, constituant un manque de loyauté. Dans ce contexte, l'employeur était fondé à mettre fin à son emploi.
Kazumba et Fido Solution inc., SOQUIJ AZ-55000875
Le congédiement d'un représentant aux ventes pour conflit d'intérêts et concurrence déloyale est confirmé; il s'agit d'une faute grave ayant provoqué la rupture définitive du lien de confiance.
L'employeur vend de l'équipement ainsi que du matériel d'impression numérique et de sérigraphie. En octobre 2002, il a engagé le plaignant à titre de représentant technique aux ventes. En janvier 2005, à la suite d'une dénonciation, il a commencé à mettre en doute la loyauté de ce dernier. Un rapport de filature lui a permis de constater que le plaignant s'occupait d'affaires personnelles durant ses heures de travail et qu'il avait menti sur les causes de ses absences. Le matin du 27 janvier, le bureau du plaignant ayant été vidé, l'employeur a conclu à une démission de sa part. Dans les jours suivants, il a découvert que celui-ci avait manigancé afin de s'approprier l'exclusivité d'une nouvelle encre, Mégaink, après lui avoir recommandé de décliner l'offre d'exclusivité du fournisseur de ce produit. Le plaignant conteste son congédiement. L'employeur allègue que ce dernier a volontairement quitté son emploi et que, n'eût été sa démission, il l'aurait congédié pour faute grave.
DÉCISION – Il est établi que l'employeur avait pris la décision de congédier le plaignant le matin du 27 janvier 2005: il a annulé ses codes d'accès à l'ordinateur et il a inscrit « congédiement » comme motif de départ dans le relevé d'emploi. Principalement, c'est lui qui a exposé le premier les raisons du renvoi, soit le conflit d'intérêts et le manque de confiance. Le fait que le bureau du plaignant était vide ne suffit pas pour conclure à une démission, laquelle ne se présume pas. Jamais celui-ci n'a exprimé son intention de démissionner puisque l'employeur a pris les devants. Par ailleurs, l'obligation de loyauté fait partie intégrante du contrat de travail et un salarié doit éviter de se placer dans une situation de conflit d'intérêts. Elle implique également en une obligation de probité, de droiture, d'honnêteté, de bonne foi et de fidélité. Le plaignant, qui occupait un poste clé dans le domaine de l'impression numérique, avait reçu le mandat d'évaluer le produit Mégaink. La grande confiance que lui accordait l'employeur a toutefois été ébranlée, en janvier 2005, à la suite d'une dénonciation et du visionnement d'une bande vidéo. Même si la preuve était incomplète au moment du congédiement, l'employeur a conclu, à partir d'éléments réels et sérieux, à un manque de loyauté de sa part. Il s'est senti floué et déconsidéré; ses craintes raisonnables ont compromis la relation de confiance essentielle au maintien du lien d'emploi. La preuve recueillie le lendemain du congédiement a confirmé ses craintes ainsi que sa décision. Les explications du plaignant au sujet de ses rencontres avec des fournisseurs à l'insu de l'employeur ne sont pas crédibles. Plusieurs clients ont cessé de s'approvisionner chez ce dernier au profit de l'entreprise mise sur pied par le plaignant, qui s'est placé dans une situation où il a choisi ses intérêts au détriment de ceux de son employeur. Il a commis une faute grave ayant rompu le lien de confiance, de sorte que l'employeur était fondé à le congédier.
Grenier et Graphiques Cosmex inc., SOQUIIJ AZ-50466184
Le congédiement d'un technicien pour manquement à ses obligations de loyauté et de confidentialité est annulé; estimant que son sort dans l'entreprise était incertain, le plaignant a vu dans la création éventuelle de sa propre compagnie — non concurrente de celle de l'employeur — une solution sérieuse à la situation précaire dans laquelle on l'avait placé.
L'employeur exploite une entreprise manufacturière d'équipement industriel adapté à des secteurs spécialisés. En août 2004, il a embauché le plaignant à titre de superviseur du service après-vente. Ce dernier a alors signé un engagement de confidentialité et de non-concurrence. En février 2006, certaines lacunes lui ont été signalées sur le plan de la gestion. Au mois d'août, l'employeur lui a retiré son poste de superviseur et lui a confié celui de technicien, au même salaire. Durant les semaines suivantes, le plaignant n'a pas eu de bureau, ni de téléphone, ni d'ordinateur. On lui confiait alors peu de tâches. Estimant que son sort dans l'entreprise était incertain, il a effectué certaines démarches en vue de créer sa propre entreprise. Lorsque l'employeur a entendu parler de ses projets, il lui a imposé une suspension sans solde à compter du 8 novembre 2006, et ce, pour une durée indéterminée. Deux jours plus tard, le plaignant a constitué sa compagnie. Le 20 décembre suivant, il a reçu un avis de congédiement.
DÉCISION – Rien ne démontre que le plaignant ait manqué à ses obligations de loyauté et de confidentialité. Il a vu dans la création éventuelle de son entreprise une solution sérieuse à la situation précaire dans laquelle l'employeur l'avait placé. Il a cherché à l'exploiter sans se cacher. Au contraire, en août 2006, il avait soumis par écrit une proposition d'affaires à l'employeur. Pour celui-ci, cette solution n'était alors pas envisageable à court terme. D'autre part, le plaignant n'a pas fait concurrence à l'employeur. Comme il ne fabrique pas d'équipement, il ne peut avoir les mêmes clients. Il a plutôt envisagé d'exercer son métier de technicien en instrumentation et contrôle électrique et d'offrir ses services à l'employeur ainsi qu'à d'autres entreprises. Enfin, ce dernier l'a suspendu sans explications. Par la suite, jamais on ne lui a demandé de donner sa version des faits, invoquant la « possibilité de faute grave ». À partir de la simple possession de documents, on a présumé sa mauvaise foi, voire sa malhonnêteté, sans plus d'analyse. Le congédiement a donc été effectué sans cause juste et suffisante le 8 novembre. Les démarches effectuées entre cette date et le 20 décembre ne visaient qu'à étoffer la décision déjà prise. La réintégration du plaignant est ordonnée.
Côté et Mecfor inc., SOQUIJ AZ-50479033
La participation active de la plaignante — une aide-coiffeuse — à la mise sur pied du salon de coiffure d'une collègue constituait un manquement grave à son obligation de loyauté; le congédiement est confirmé.
La plaignante était aide-coiffeuse depuis 2001. Au début du mois de décembre 2006, l'employeur a appris qu'elle avait copié des fiches-clients et fait de la sollicitation auprès de sa clientèle au bénéfice de l'une des coiffeuses, qui allait ouvrir son propre salon. Le 20 décembre, il lui a remis une lettre lui reprochant son manque de loyauté et mentionnant qu'elle devait démissionner après la période des Fêtes. Le 28 décembre, la plaignante et sa collègue coiffeuse ont annulé tous leurs rendez-vous du lendemain. Lorsque l'employeur l'a su, il leur a fait signifier une lettre les avisant qu'il considérait qu'elles avaient démissionné. Le 22 janvier 2007, la plaignante a commencé à travailler au nouveau salon de sa collègue. Outre la démission, l'employeur invoque, subsidiairement, l'existence d'une cause juste et suffisante de congédiement.
DÉCISION – Même si plusieurs éléments permettent de penser que la plaignante avait l'intention de quitter le service de l'employeur dès l'ouverture du salon de sa collègue, on ne peut conclure qu'elle a effectivement démissionné le 28 décembre. Le fait d'avoir, à cette date, annulé tous ses rendez-vous du lendemain ne suffit pas pour démontrer qu'elle a effectivement rompu le lien d'emploi. C'est plutôt l'employeur qui a résilié le contrat de travail. Par ailleurs, en vertu de son obligation de loyauté, un salarié ne doit pas se placer dans une situation susceptible de causer un conflit d'intérêts avec son employeur. Le fait de lui faire concurrence, durant l'emploi, constitue une violation grave de cette obligation et justifie le congédiement. En l'espèce, la plaignante a participé à la mise sur pied de l'entreprise concurrente de sa collègue en sollicitant la clientèle de son employeur et en s'appropriant des informations confidentielles. Son témoignage, qui nie les faits reprochés, est très peu crédible, contrairement à ceux fournis par ses ex-collègues. L'ensemble de ses agissements a irrémédiablement rompu le lien de confiance, et l'employeur était fondé à la congédier.
Désy et 9126-6072 Québec inc. (Complexe La Fine Pointe), SOQUIJ AZ-50467784
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Monique Desrosiers, avocate, Coordonnatrice, Secteur droit du travail et droit social, Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ)
Source : VigieRT, numéro 29, juin 2008.