Vous lisez : ÉTUDE DE CAS – Différences culturelles ou ethniques

Selon le site Internet d’Immigration et Communautés culturelles du gouvernement du Québec, la province accueille en moyenne chaque année quelque 45 000 immigrants provenant d’une centaine de pays. Ceux-ci vivent-ils des difficultés d’intégration sur le marché du travail? À titre de réponse, voici cinq cas en lien avec cette question présentés devant un arbitre de grief ou un Tribunal des droits de la personne (Tribunal).

Un agent des services correctionnels d'origine haïtienne victime de discrimination et de harcèlement fondés sur la race obtient la réintégration dans son poste en stage probatoire ainsi que 25 000 $ à titre de dommage non pécuniaire et 5 000 $ à titre de dommage exemplaire.

Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c.Québec (Procureur général), SOQUIJ AZ-50476430, le plaignant conteste la décision de l'employeur de mettre un terme à son stage probatoire et allègue avoir fait l'objet de discrimination raciale en raison de son origine haïtienne et de harcèlement de la part de collègues et de supérieurs. Outre les nombreux propos racistes, il soutient que certains de ses collègues déposaient des plaintes de harcèlement sexuel à son égard, lesquelles n'étaient aucunement fondées.

Le Tribunal des droits de la personne précise qu’en matière de harcèlement et de discrimination fondés sur la race, on doit prendre en considération le contexte législatif international et interne. Au Québec, l'interdiction d'exercer du harcèlement et de la discrimination fondée sur la race s'inscrit dans un contexte plus large marqué par l'importance accordée par la communauté internationale à l'interdiction de la discrimination raciale dans les diverses conventions et déclarations en matière de discrimination. Ainsi, le Tribunal doit considérer la protection de la dignité, le droit à des conditions de travail justes et raisonnables ainsi que la protection à l'encontre de la discrimination et du harcèlement accordée par les articles 4, 10, 16 et 46 de la Charte des droits et libertés de la personne (Charte).

Dans cette affaire, le Tribunal mentionne que la jurisprudence reconnaît que les propos racistes portent atteinte à la dignité et que le harcèlement racial constitue une pratique dégradante ainsi qu'un profond affront à la dignité. Il précise que l'employeur a la responsabilité de prendre des mesures raisonnables pour éradiquer la discrimination et le harcèlement fondés sur la race, à défaut de quoi il en est responsable.

En ce qui a trait au cas qui lui a été soumis, le Tribunal a conclu que le plaignant a été victime de harcèlement et de discrimination systémiques fondés sur sa race, sa couleur et son origine ethnique ou nationale, et que cela a joué un rôle déterminant dans la décision de mettre fin à son stage probatoire. L'employeur s'est fondé sur un rapport d'évaluation biaisé réalisé par des personnes qui participaient à la discrimination et au harcèlement. Quant à la demande de réintégration du plaignant, pouvoir qui découle des articles 49 et 80 de la Charte, le Tribunal conclut que c'est la mesure la plus appropriée pour le plaignant, tant en fonction de son intérêt que de l'intérêt public. De plus, celui-ci a eu droit à une compensation pour la perte salariale causée par l'interruption des stages probatoires qu'il aurait normalement menés à terme, à une somme de 25 000 $ à titre de dommages moraux et à 5 000 $ à titre de dommages punitifs.

Une enseignante de mathématiques d'origine algérienne a été victime de propos racistes de la part de certains élèves et de leurs parents, mais l'employeur ayant rapidement pris des mesures afin de sanctionner sévèrement les élèves et d'aviser les parents que de tels actes ne sauraient être tolérés dans l’établissement, on ne peut lui imposer une obligation de résultat à cet égard.

Dans Syndicat de l'enseignement de la Rivière-du-Nord et Commission scolaire de la Rivière-du-Nord (Fatma Yahiaoui), SOQUIJ AZ-50486345, il s’agissait de griefs alléguant de la discrimination fondée sur l'origine ethnique contestant un non-réengagement. L’arbitre a rejeté les griefs.

La plaignante, d'origine algérienne, vit au Québec depuis 1998. Elle a été affectée à une école polyvalente pour y enseigner les mathématiques durant l'année scolaire 2006-2007. Des élèves et leurs parents se sont plaints de ses méthodes d'enseignement. Le directeur adjoint de l'école a assisté à l'une de ses classes et lui a fait des suggestions afin qu'elle améliore la communication avec ses élèves. Il a aussi désigné une collègue de la plaignante pour l'aider à améliorer sa prestation de travail. Par ailleurs, certains élèves ont tenu à son endroit des propos racistes, lui disant notamment de « retourner dans son pays », et des parents ont manifesté un comportement agressif envers elle.

L’arbitre saisi du dossier a conclu, d’une part, que la plaignante a été victime d'actes discriminatoires et qu’il y a eu atteinte à sa dignité et, d’autre part, que l'employeur, auquel incombe l'obligation de prendre les mesures nécessaires afin de protéger la dignité de ses salariés, a sanctionné les élèves qui avaient eu des comportements malveillants. Il a tenu compte du fait que l’employeur a pris plusieurs mesures en vue de réprimer ces débordements et de faire connaître aux élèves ainsi qu'à leurs parents que de tels actes répréhensibles ne pouvaient être tolérés. Dans ce contexte, l’arbitre a conclu qu’il ne saurait être question d'imposer à l'employeur une obligation de résultat, au point de lui imputer la responsabilité automatique de toute récidive. Par ailleurs, en ce qui a trait au grief contestant le non-renouvellement de son contrat, l’arbitre a souligné que la plaignante a tenté sérieusement d'améliorer sa prestation d'enseignement, mais sans succès. Devant ce constat, et compte tenu des piètres résultats des élèves, de l'inquiétude exprimée par leurs parents et de l'obligation de l'employeur d'offrir le meilleur service éducatif possible, l’arbitre a conclu qu’il n'était pas abusif que ce dernier refuse de renouveler son contrat.

L'employeur est tenu de verser à un opérateur d'origine haïtienne victime de propos racistes de la part de son supérieur une indemnité de 500 $ visant à compenser le préjudice subi en raison d'une atteinte à sa dignité.

Dans Systèmes d'alarmes Prudential ltée et Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 1604 (Franky Fleurançois), SOQUIJ AZ-50608110, avec ce grief, on réclamait l’arrêt des propos racistes ainsi que des dommages-intérêts. Il a été accueilli et une indemnité de 500 $ a été accordée au plaignant, un opérateur d’origine d'origine haïtienne victime de propos racistes de la part de son supérieur au cours d'une altercation. De son côté, l'employeur a fait valoir que l'incident est survenu alors que le plaignant défiait son autorité.

L’arbitre a accueilli le grief. Il a précisé que des personnes peuvent avoir des désaccords et des affrontements, mais ne peuvent utiliser de propos racistes, car il s'agit d'une atteinte à la dignité de la personne. Il a utilisé le pouvoir prévu à l'article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne pour ordonner la cessation d'une atteinte à un droit protégé, la réparation du préjudice subi et le versement de dommages punitifs. L’arbitre a conclu que même si le supérieur a tenté de rétablir la situation immédiatement après l'incident, dans sa réponse écrite au grief et même à l'audience, cela n'efface pas les propos inacceptables tenus par une personne en situation d'autorité. Il a tenu compte, d’une part, du fait qu’il s'agissait d'un incident isolé et que ce supérieur avait lui-même embauché le plaignant et, d’autre part, que l'employeur a pris des engagements fermes afin que l'entreprise ne tolère plus les propos racistes. Quant à la réparation du préjudice, l’arbitre a pris en compte le fait que l'incident s'est déroulé devant un seul témoin. Il n’a pas accordé de dommages punitifs, car aucune atteinte intentionnelle n'a été prouvée.

Un conducteur de plate-forme élévatrice et son employeur sont solidairement condamnés à verser 3 500 $ à un tuyauteur d'origine arménienne pour avoir porté atteinte à sa dignité lorsque le conducteur, à l'occasion d'une altercation avec ce dernier, lui a suggéré de retourner dans son pays d'origine s'il n'était pas satisfait.

Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Entreprise conjointe Pichette, Lambert, Somec, SOQUIJ AZ-50444588, le Tribunal des droits de la personne du Québec a précisé qu’en matière de respect des droits de la personne relevant des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne, la défense de provocation n'a jamais été retenue. Même s'il peut être insultant de se faire reprocher une inconduite devant des collègues, le fait de répliquer par un rejet ou par une exclusion d'un membre de la société en raison d'une caractéristique différente constitue une atteinte inadmissible à un droit fondamental. Selon le Tribunal, on ne peut porter atteinte aux droits fondamentaux reconnus par la Charte, même sous le coup de la colère, même si elle est justifiée. Celui-ci précise que la jurisprudence prend en considération le repentir, ou l'absence de repentir, du défendeur pour déterminer s'il doit être condamné à des dommages punitifs et, le cas échéant, pour en évaluer le quantum. Le Tribunal rappelle que la Cour suprême, dans Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor) (C.S. Can., 1987-07-29), SOQUIJ AZ-87111049, a établi que la responsabilité de l'employeur est engagée lorsque l'employé commet un geste discriminatoire dans le contexte de son emploi.

Un producteur agricole ayant instauré un système de ségrégation raciale est condamné à verser des dommages-intérêts à des journaliers d'origine haïtienne.

Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Centre maraîcher Eugène Guinois Jr inc., SOQUIJ AZ-50308055, une entreprise familiale spécialisée dans la culture de la laitue et des carottes a fait appel aux services de recrutement de l'Union des producteurs agricoles (UPA) à cause d'un manque de main-d'œuvre.

Les plaignants, d'origine haïtienne, n'avaient accès qu'à un bâtiment, appelé la « cabane verte », situé en retrait, qui a été décrit comme très petit et extrêmement sale, sans eau courante ni chauffage. Ils n'avaient pas de casier ni vestiaire. Des toilettes chimiques extérieures et des boyaux d'arrosage avaient été mis à leur disposition. Ils utilisaient les tables à pique-nique situées à l'extérieur, la cabane ne pouvant les accueillir tous à l'heure des repas. Un seul four à micro-ondes était en état de fonctionnement, et les plaignants ont déclaré que certains salariés refusaient de l'utiliser vu son état de malpropreté. Toute tentative d'accéder à la cafétéria des « blancs » a échoué.

Le Tribunal des droits de la personne a conclu que les plaignants avaient été victimes de discrimination, voire de harcèlement dans leur emploi, l’employeur ayant refusé de leur permettre l'accès aux installations des travailleurs de race blanche. Le Tribunal a aussi tenu compte de l'inaction de l'employeur à corriger la situation dans laquelle les travailleurs ont été placés année après année. Le Tribunal a conclu que le fait de perpétuer l'attitude de non-respect envers les gens de couleur constitue un abus de confiance et du harcèlement au sens de l'article 10.1 de la charte. Comme les actes discriminatoires ont été commis par des membres du personnel en position d'autorité, la responsabilité de l'employeur est engagée.

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Source : VigieRT, mai 2011.

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