Les absences du travail – de courte et longue durée – sont les « manquements » qui se rendent le plus souvent devant un arbitre de griefs.
Cette situation est très importante puisqu’elle touche la base même de la relation d’emploi, soit l’obligation de fournir une prestation de travail normale.
À ce sujet, on retrouve dans les conventions collectives deux types de clauses : celle dans laquelle il est prévu qu’un salarié absent pour une certaine période de temps, en raison d’une incapacité physique ou psychologique, perd son ancienneté et son emploi et celle dans laquelle il est question de la disponibilité du salarié « sur appel ».
L’incapacité, physique ou psychologique étant considérée comme un « handicap », les chartes des droits de la personne s’appliquent. L’obligation d’accommodement raisonnable qui en découle n’incombe cependant pas uniquement à l’employeur; le syndicat et le salarié doivent aussi y contribuer.
Toutes les mesures d’accommodement possibles doivent être recherchées par les parties.Il ne doit toutefois pas y avoir de contrainte excessive pour l’employeur.
Voici les principes en cause et quelques situations illustrant des cas vécus qui permettent de dégager des mesures préventives à adopter afin d’éviter de se rendre devant les tribunaux.
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Obligation d’accommodement : les principes applicables
Lorsque les caractéristiques d'une maladie sont telles que la bonne marche de l'entreprise est entravée de façon excessive ou lorsque l'employeur a tenté de convenir de mesures d'accommodement avec l'employé aux prises avec une telle maladie, mais que ce dernier demeure néanmoins incapable de fournir sa prestation de travail dans un avenir raisonnablement prévisible, l'employeur aura satisfait à son obligation de démontrer la contrainte excessive.
La plaignante, une employée d'Hydro-Québec, souffre de nombreux problèmes physiques et mentaux, et son dossier d'absences indique qu'elle a manqué 960 jours de travail entre le 3 janvier 1994 et le 19 juillet 2001. Au fil des ans, l'employeur ajuste les conditions de travail de la plaignante pour tenir compte des limites de cette dernière. Au moment de son congédiement, le 19 juillet 2001, la plaignante ne s'était pas présentée au travail depuis le 8 février. Son médecin traitant lui avait prescrit un arrêt de travail à durée indéterminée et l'expertise du psychiatre de l'employeur mentionnait que la plaignante ne serait plus en mesure de fournir « une prestation de services régulière et continue sans continuer à présenter un problème d'absentéisme comme [...] dans le passé ». La plaignante dépose un grief alléguant que le congédiement n'est pas justifié. L'arbitre rejette le grief au motif que l'employeur avait prouvé qu'au moment où il a congédié la plaignante, celle-ci ne pouvait, dans un avenir raisonnablement prévisible, remplir sa prestation de travail soutenue et régulière prévue au contrat. De plus, les conditions de retour au travail suggérées par l'expert du syndicat constitueraient une contrainte excessive. La Cour supérieure rejette la requête en révision judiciaire de la décision de l'arbitre. La Cour d'appel infirme le jugement de la Cour supérieure, concluant que l'employeur n'avait pas prouvé qu'il lui était impossible de composer avec les caractéristiques de la plaignante. De plus, l'arbitre ne devait pas uniquement tenir compte des absences, car l'obligation d'accommodement doit être évaluée au moment de la décision de mettre fin à l'emploi.
Décision
Mme la juge Deschamps : Le critère d'évaluation de la contrainte excessive formulé par la Cour d'appel est erroné. Ce critère n'est pas l'impossibilité pour un employeur de composer avec les caractéristiques d'un employé. Bien que l'employeur n'ait pas l'obligation de modifier de façon fondamentale les conditions de travail, il a cependant l'obligation d'aménager, si cela ne lui cause pas une contrainte excessive, le poste de travail ou les tâches de l'employé pour lui permettre de fournir sa prestation de travail. L'incapacité totale d'un salarié de fournir toute prestation de travail dans un avenir prévisible n'est pas le critère de détermination de la contrainte excessive. Lorsque les caractéristiques d'une maladie sont telles que la bonne marche de l'entreprise est entravée de façon excessive ou lorsque l'employeur a tenté de convenir de mesures d'accommodement avec l'employé aux prises avec une telle maladie, mais que ce dernier demeure néanmoins incapable de fournir sa prestation de travail dans un avenir raisonnablement prévisible, l'employeur aura satisfait à son obligation de démontrer la contrainte excessive. L'obligation d'accommodement qui incombe à l'employeur cesse là où les obligations fondamentales rattachées à la relation de travail ne peuvent plus être remplies par l'employé dans un avenir prévisible. En l'espèce, l'arbitre n'avait commis aucune erreur de droit et rien ne justifiait une intervention dans son appréciation des faits. [16] [18-19] [23]
C'est aussi par erreur que la Cour d'appel a estimé que l'obligation d'accommodement devait être évaluée au moment de la décision de congédier la plaignante. Plutôt, il faut privilégier une évaluation globale de l'obligation d'accommodement qui tient compte de l'ensemble de la période pendant laquelle l'employée s'est absentée. [20]
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2008. Reproduit avec la permission du ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada.
Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d'Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), SOQUIJ AZ-50502617
La dimension de l'entreprise et les caractéristiques de ses activités peuvent faciliter ou limiter la recherche d'une solution, mais le fait que l'employeur soit une grande municipalité ne saurait lui imposer un alourdissement substantiel de l'obligation d'accommodement.
La plaignante, une secrétaire travaillant pour une grande municipalité, conteste la décision de l'employeur de mettre fin à son emploi à la suite de son refus de se présenter à une évaluation médicale à laquelle elle était convoquée. L'employeur soutient qu'il a congédié la plaignante en raison de son absentéisme chronique et de la faible probabilité qu'elle soit en mesure de fournir une prestation de travail normale et régulière dans un avenir prévisible. Il affirme que, au cours de ses neuf années de service, elle a connu un taux d'absences de 70 %. Le syndicat soutient que l'employeur n'a pas respecté son obligation d'accommodement à l'égard de la plaignante, qui souffre de fibromyalgie. De plus, il n'a pas démontré que le maintien de son emploi lui imposait une contrainte excessive.
Décision
La plaignante avait l'obligation de fournir sa prestation de travail. Toutefois, comme il est démontré que son absentéisme chronique était lié à la maladie dont elle souffre, le Tribunal doit déterminer si l'employeur a respecté son obligation d'accommodement à son égard. Cette obligation ne diffère pas d'intensité en fonction de la nature publique ou privée de l'entreprise. Bien que la dimension de celle-ci et les caractéristiques de ses activités puissent influer sur la recherche d'une mesure d'accommodement, le fait que l'employeur soit une grande municipalité ne saurait lui imposer un alourdissement substantiel de l'obligation d'accommodement. La mission première de l'employeur, qui assume des fonctions de gestionnaire public, serait ainsi détournée. En l'espèce, l'employeur a encadré la plaignante lors de nombreuses tentatives de retour progressif au travail. Différentes mesures ont été prises afin d'accommoder celle-ci, et aucune pression n'a été exercée afin d'exiger qu'elle se présente au travail. Les périodes d'attente de l'employeur, tant par leur durée que par leur répétition, permettaient de conclure à une improbable reprise du travail par la plaignante dans un délai raisonnable. Dans les circonstances, l'employeur a rempli son obligation d'accommodement et il pouvait mettre fin à l'emploi de la plaignante vu son incapacité de fournir sa prestation de travail.
Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP) et Montréal (Ville de), (Josée Ross), SOQUIJ AZ-50453385
La Méthode de gestion de l'assiduité au travail mise en place par l'employeur afin de guider les superviseurs dans la surveillance de l'absentéisme est une politique qui doit être portée à la connaissance des employés; par ailleurs, elle comporte certains articles dont le libellé devra être modifié de façon à ne pas laisser place à l'arbitraire.
L'employeur exploite une raffinerie. Compte tenu des conséquences importantes de l'absentéisme sur les activités de son entreprise, il a adopté une politique intitulée Règlements et procédures en matière de santé qui énonce notamment les obligations des employés en ce qui a trait à l'assiduité, aux examens médicaux et à la présentation de certificats médicaux. Il a également adopté la Méthode de gestion de l'assiduité au travail qui énonce qu'elle constitue un « guide destiné aux superviseurs dans la surveillance de l'absentéisme et dans leurs démarches auprès des employés en vue de supprimer les obstacles à une assiduité complète ». Enfin, il a appliqué des directives, intitulées Consultation corrective, destinées aux gestionnaires qui sont aux prises avec des comportements requérant une approche disciplinaire. Le syndicat conteste la validité de la méthode ainsi que son application. Il allègue qu'elle viole les dispositions de la convention collective relatives au harcèlement en milieu de travail. De plus, il fait valoir qu'il s'agit d'une politique qui, pour être opposable aux employés, doit être portée à leur connaissance, ce qui n'a pas été fait. Enfin, il prétend que cette politique n'est pas claire et entraîne de la confusion chez les employés, qui ont l'impression qu'on leur reproche d'être absents même si leur absence est justifiée par un certificat médical.
Décision
Le fait de rappeler aux employés qu'ils doivent être présents au travail, selon l'horaire prévu, et qu'un certain taux d'absences est inacceptable ne constitue pas du harcèlement. Par ailleurs, le processus de contrôle instauré par la mise en place, dans la méthode, de quatre degrés d'intervention (lettres suivies de rencontres entre l'employé et le superviseur, le directeur de service ou le conseiller des ressources humaines) confère au superviseur ou à la direction une certaine discrétion, mais l'on ne peut présumer que celle-ci est exercée de façon arbitraire. Deux articles de la méthode posent cependant problème. Le premier prévoit notamment que « Le superviseur doit demander à l'employé de lui remettre un plan d'amélioration de l'assiduité au travail qu'ils pourront examiner ensemble. » Un tel énoncé est trop rigide et invite à une application arbitraire qui pourrait constituer du harcèlement. Cet article devra être modifié par l'employeur de façon à ce qu'il se lise ainsi : « Le superviseur peut, au besoin, demander à l'employé de lui remettre un plan d'amélioration de l'assiduité, qu'ils pourront examiner ensemble. » Le second article prévoit que « si l'examen révèle qu'il est improbable que le dossier d'assiduité de l'employé s'améliore, la cessation d'emploi est applicable puisque l'employé a fait l'objet de tous les degrés d'intervention ». Il crée de la confusion en ce qu'il comporte une affirmation pouvant laisser croire aux employés que le taux d'absences déterminé par l'employeur satisfait aux critères établis par la jurisprudence pour justifier un congédiement en raison d'un absentéisme non coupable. L'employeur devra le modifier afin qu'il se lise comme suit : « Si l'examen révèle qu'il est improbable que le dossier d'assiduité de l'employé s'améliore, la cessation d'emploi peut être applicable. » Il devra ajouter : « La cessation d'emploi peut être contestée par grief, suivant la procédure établie par la convention collective. » D'autre part, bien que la méthode ait pour but de tracer une ligne de conduite à l'intention des superviseurs, elle met en place un processus auquel les employés sont assujettis. Elle clarifie les règlements et les procédures et ajoute des règles de contrôle. Ses articles expriment les objectifs de l'entreprise et définissent les comportements à adopter selon les circonstances. Cela correspond à la définition du terme politique. Cependant, cette politique n'a pas été communiquée aux employés préalablement à son application, contrairement aux critères énoncés dans Lumber & Sawmill Workers' Union, Local 2537 and KVP Co. (1965), 16 L.A.C. 73. Le Tribunal ordonne à l'employeur d'en porter le contenu à la connaissance des employés dans les trois mois suivant la présente décision.
Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 175 (SCEP) et Pétro-Canada, raffinerie de Montréal (grief syndical), SOQUIJ AZ-50454814
Le centre de santé et de services sociaux n'a pas recherché « toutes les mesures d'accommodement possibles » avant de congédier un infirmier atteint de troubles de la personnalité, et dont le taux d'absences était de 25 % depuis les six dernières années; l'arbitre ordonne la réintégration de ce dernier avec pleine compensation.
Le plaignant travaillait depuis 1998 à titre d'infirmier. Il conteste la décision de l'employeur de mettre fin à son emploi au mois d'août 2005 aux motifs qu'il connaissait un taux d'absences de 25 % depuis 1999 et qu'il souffrait d'épisodes dépressifs. L'employeur invoque l'expertise d'un psychiatre qui a examiné le plaignant, et dont le pronostic demeurait pessimiste quant aux possibilités que celui-ci puisse raisonnablement fournir une prestation normale de travail à l'avenir. De son côté, le syndicat soutient que l'employeur n'a pas rempli son obligation d'accommodement à l'égard du plaignant qui souffre d'un handicap.
Décision
La jurisprudence arbitrale établit qu'un employeur peut congédier un employé qui s'absente du travail pour maladie selon deux conditions : 1) l'employé doit présenter un taux d'absences élevé; et 2) il doit être peu vraisemblable que cet absentéisme se corrige dans un avenir prévisible. Ces conditions doivent cependant être appliquées en tenant compte de l'obligation d'accommodement. En l'espèce, le syndicat a exprimé certaines réserves relativement au calcul du taux d'absences du plaignant, qui prend en considération environ 323 heures de congé personnel. Or, même en excluant ces congés, l'absentéisme du plaignant au cours des 7 dernières années se situe à environ 21 %, ce qui est élevé. L'expert de l'employeur et celui du syndicat s'entendent sur le fait que le plaignant souffre d'un trouble de la personnalité entraînant des épisodes dépressifs. Par ailleurs, les deux experts situent à 90 % les possibilités qu'il connaisse un nouvel épisode de dépression. Toutefois, l'employeur ne pouvait se contenter d'évaluer le taux d'absences du plaignant et d'invoquer le pronostic pessimiste de son expert afin de justifier la cessation d'emploi. Il devait tenter d'accommoder le plaignant, atteint d'un handicap, en recherchant toutes les mesures d'accommodement possibles. Le congédiement est donc annulé et il est ordonné à l'employeur de faire le nécessaire, en collaboration avec le syndicat et le plaignant, en vue de rechercher une solution d'accommodement à sa condition médicale, sans contrainte excessive pour l'employeur.
CSSS d'Ahuntsic et Montréal-Nord et Syndicat interprofessionnel d'Ahuntsic et Montréal-Nord (B.T.), SOQUIJ, AZ-50450781
Le congédiement d'une aide en alimentation souffrant de dépression et affichant un absentéisme de plus de 60 % sur une période de 6 ans est confirmé; le pronostic est pessimiste et la plaignante a déjà bénéficié de trois retours au travail progressifs ainsi que d'un congé partiel sans solde.
La plaignante, une aide en alimentation, s'est absentée à de nombreuses reprises de 1999 à 2005 en raison d'épisodes de trouble dépressif majeur. Elle conteste le refus de l'employeur de lui permettre un retour progressif au travail selon les recommandations de son médecin traitant. De plus, elle s'oppose à sa cessation d'emploi. L'employeur soutient que la plaignante a connu un taux d'absences excessif, soit plus de 60 % sur une période de 6 ans. Il affirme qu'il a mis fin à son emploi en raison du pronostic pessimiste concernant la capacité de celle-ci de fournir une prestation de travail normale à l'avenir. Il invoque les conclusions de son médecin expert établissant les possibilités d'une rechute à 70 %. Pour sa part, le syndicat prétend que l'employeur n'a pas rempli son obligation d'accommodement.
Décision
Au moment de sa cessation d'emploi, la plaignante était absente en raison d'un deuxième épisode de trouble dépressif majeur et elle connaissait un absentéisme excessif depuis 1999. Par ailleurs, au cours de cette période, elle a bénéficié de trois retours progressifs au travail et d'un congé partiel sans solde. Dans ce contexte, l'employeur était fondé à refuser son retour progressif au travail et à exiger qu'elle se soumette d'abord à une expertise médicale. Quant à la cessation d'emploi, il a démontré qu'il était improbable qu'elle fournisse une prestation de travail normale dans un avenir prévisible. Compte tenu de son absentéisme excessif et du pronostic pessimiste, il ne pouvait accommoder la plaignante sans subir une contrainte excessive. L'employeur devait cependant lui verser l'indemnité compensatrice tenant lieu de préavis prévu à l'article 82 L.N.T. En effet, l'absentéisme non fautif ne constitue pas une faute grave au sens de l'article 82.1. Par ailleurs, l'article 82 est compatible avec le régime collectif du travail. La plaignante comptait plus de 10 ans de service continu et elle a donc droit à une indemnité équivalant à 8 semaines de salaire.
Syndicat des travailleuses et travailleurs du Réseau du Suroît (CSN) et CSSS du Suroît (Lise Proulx), SOQUIJ AZ-50460302
L'employeur a satisfait à son obligation d'accommodement en aménageant un local exempt de poussière et de parfum pour un représentant à la clientèle atteint d'asthme grave; créer un poste dans lequel les fonctions reliées aux appels téléphoniques seraient retirées constituerait une contrainte excessive puisque celles-ci représentent l'essentiel de l'emploi.
Le plaignant était représentant à la clientèle dans un centre d'appels depuis le printemps 1999. Il avait un handicap, étant gravement atteint d'asthme. Dès l'automne suivant, l'employeur a mis en place des mesures d'accommodement en l'affectant à du travail de bureau et en lui permettant de prendre des pauses plus fréquentes. Plusieurs recommandations médicales ont également amené l'employeur à aménager un local isolé exempt de poussière et de parfum où le plaignant a travaillé de février à juillet 2001. Pendant cette période, celui-ci n'a pas reçu ou fait d'appels téléphoniques, afin de ménager sa voix. Le 6 juin 2001, les médecins du service de santé de l'entreprise ainsi que le pneumologue traitant ont émis des restrictions permanentes concernant son emploi. Malgré les mesures d'accommodement mises en place, le taux d'absences de ce dernier est demeuré inchangé; il se situait à 21 %. Le 1er août suivant, l'employeur l'a mis à la retraite sans pénalité, invoquant l'incapacité du plaignant à exercer son emploi ainsi que l'impossibilité de le déplacer dans un délai raisonnable. Le plaignant demande la réintégration dans son emploi et le syndicat n'a proposé aucun autre emploi qui pourrait convenir.
Décision
Le plaignant n'avait plus la capacité d'exercer l'emploi de représentant à la clientèle. Même si le médecin traitant a observé une amélioration de son état de santé au printemps 2001, sa prestation de travail ne s'améliorait pas. Malgré toutes les mesures d'accommodement, son absentéisme est demeuré inchangé. Par ailleurs, il est impossible de déplacer le plaignant dans un délai raisonnable. L'employeur n'est pas tenu de créer un poste sur mesure constitué exclusivement de travail de bureau pour y affecter le plaignant en permanence. De plus, il n'est pas certain que cette solution serait adéquate, compte tenu des résultats médiocres obtenus lorsque le plaignant travaillait dans un local bien aéré. Ainsi, la réception d'appels téléphoniques constituant 80 % de la tâche de représentant à la clientèle, affecter le plaignant uniquement à des tâches administratives correspond à la création d'un nouveau poste de travail dans lequel serait retiré l'essentiel des responsabilités liées à l'emploi. L'employeur aurait à assumer une contrainte excessive.
Syndicat des employées et employés de techniques professionnelles et de bureau d'Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP) et Hydro-Québec (Paul Tourangeau), SOQUIJ AZ-50505062
Étant donné que la condition psychologique du plaignant est tributaire de facteurs exogènes, et donc indépendants de la volonté de l'employeur, le seul accommodement possible est que ce dernier continue de tolérer ses absences tout en lui versant des prestations d'assurance-salaire comme il l'a fait pendant plusieurs années, ce qui constitue assurément une contrainte excessive.
Le plaignant, un inhalothérapeute, conteste la décision de l'employeur de mettre fin à son emploi en raison de son absentéisme chronique et de son incapacité à fournir une prestation normale de travail. De 2000 à 2005, il a connu un taux d'absences de 34,5 %. Ses nombreuses absences sont liées à un désordre d'anxiété généralisée et à une dépression majeure récurrente. L'employeur soutient que la maladie du plaignant est incurable. Il a décidé de mettre fin à son emploi à la suite du rapport de son médecin expert établissant les risques de rechutes et de récidives à 90 %. Il affirme qu'il ne pouvait plus l'accommoder sans subir une contrainte excessive. Le syndicat est d'avis que la condition du plaignant s'est stabilisée à la suite d'une thérapie cognitive et d'un rajustement de sa médication. Selon lui, l'employeur n'a pas démontré qu'il ne pouvait plus l'accommoder sans subir une contrainte excessive.
Décision
Le taux d'absences du plaignant au cours des six dernières années n'est pas contesté. En outre, la preuve médicale établit son incapacité à fournir une prestation de travail normale dans le futur en raison d'un risque de rechutes et de récidives évalué à 90 %. Or, l'obligation de fournir une prestation normale de travail constitue une composante essentielle du contrat de travail. En l'espèce, aucun accommodement n'aurait permis de pallier le problème d'absentéisme chronique du plaignant. Contrairement à la jurisprudence invoquée par le syndicat, la situation du plaignant n'est pas liée à des éléments sur lesquels l'employeur exerce un contrôle, tel un conflit en milieu de travail, mais à des facteurs exogènes, tels des problèmes familiaux. Dans les circonstances, le seul accommodement possible serait que l'employeur continue de tolérer les éventuelles absences du plaignant tout en lui versant des prestations d'assurance-salaire. Un tel accommodement lui imposerait assurément une contrainte excessive. L'employeur était donc fondé à rompre le lien d'emploi.
Syndicat des professionnelles et professionnels en soins de santé du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (FIQ) et Centre hospitalier de l'Université de Montréal - Hôtel Dieu (M.L.), SOQUIJ AZ-50499662
Administration de la preuve devant l’arbitre
L'employeur étant le seul à connaître la méthode précise qui lui sert à établir l'absentéisme des salariés et les critères sur lesquels il se base — inclusion ou non des absences autorisées en vertu de la convention collective —, il est normal que, en cas de contestation, il doive communiquer au syndicat toutes ces informations pour lui permettre de préparer sa défense.
Le syndicat a déposé trois griefs collectifs contestant le taux d'absences de plusieurs débardeurs et un grief individuel contestant un congédiement pour cause d'absentéisme. L'employeur a informé les débardeurs visés par les griefs qu'il estimait excessif leur absentéisme et leur a demandé de corriger la situation, sans quoi il serait contraint de prendre les dispositions nécessaires. Par voie de requête pour précisions, le syndicat a demandé à plusieurs reprises à l'employeur de lui fournir la méthodologie utilisée pour déterminer le taux d'absences de ses membres, soit la période de référence, les variables prises en considération, les motifs, etc., ainsi que les critères employés pour déterminer que le taux d'absences d'un membre justifie une convocation. L'employeur a refusé. Selon le syndicat, les lettres envoyées à ses membres — dans lesquelles on mentionne leur absentéisme et le compare à celui du groupe —, revêtent une connotation disciplinaire ou, à tout le moins, évoquent la possibilité de mesures disciplinaires. Dans un tel cas, il revient à l'employeur de présenter sa preuve en premier et de démontrer que, dans chaque cas, il y a eu un nombre excessif d'absences. Pour sa part, l'employeur allègue que ces lettres sont des mesures administratives parce qu'elles mettent en cause la capacité des salariés à fournir une prestation de travail normale. Il affirme qu'il revient à celui qui allègue un droit de le démontrer et fait supporter au syndicat le fardeau de démontrer que le taux d'absences reproché à certains débardeurs n'est pas excessif. Les parties demandent à l'arbitre de rendre une décision sur le déroulement et le fardeau de la preuve.
Décision
Il revient à l'employeur de présenter sa preuve en premier puisque le fardeau de démontrer que les salariés visés par les griefs ont un taux excessif d'absences lui incombe. Il doit également transmettre au syndicat les précisions demandées. Il importe peu que les lettres soient considérées comme des mesures disciplinaires ou administratives. En effet, le fardeau de la preuve incombe à l'employeur, non pas parce que la loi ou la convention collective le prévoit, mais parce que l'équité procédurale l'exige. C'est lui qui, au départ, remet en cause la capacité des débardeurs visés par les griefs de fournir une prestation normale de travail, ce qui fait partie de ses droits de direction. Par ailleurs, il existe plusieurs méthodes pour calculer l'absentéisme, soit en incluant ou non certaines absences prévues dans la convention collective. L'employeur exerce son droit en établissant une politique relative à l'absentéisme qui tient compte de la totalité ou d'une partie de ces absences afin de connaître le taux d'absences moyen des salariés et le taux individuel de chacun pour ensuite déterminer si, selon le critère qu'il s'est lui-même fixé, ce dernier taux est excessif. Or, comme il est le seul à connaître la méthode qui lui sert à établir ce taux ainsi que les critères sur lesquels il se base pour affirmer qu'il est excessif, il est donc normal qu'en cas de contestation il doive transmettre au syndicat cette information pour lui permettre de préparer sa défense. Par ailleurs, bien que l'employeur ait affirmé que le syndicat connaissait ou était présumé connaître la méthode de calcul et les critères utilisés, celui-ci a prétendu le contraire. L'obligation de l'employeur de les fournir demeure donc entière. En conséquence, il lui est ordonné de fournir les précisions demandées. À l'audience, il devra présenter sa preuve en premier et devra s'acquitter du fardeau de preuve.
Association des employeurs maritimes et Syndicat des débardeurs, section locale 375 (SCFP), (griefs collectifs et Robert Moreau)*, SOQUIJ AZ-50452430
La preuve de l'absentéisme chronique d'un débardeur qui refusait systématiquement des offres de travail, laquelle a été faite au moyen d'un programme adopté par l'employeur et qui prévoyait une méthode de calcul et un régime d'imposition de mesures visant à corriger un taux excessif d'absences, est recevable; le congédiement de celui-ci est justifié puisque son taux de refus est deux fois plus élevé que celui de la moyenne des employés et qu'il n'y a pas de perspective d'amélioration quant à son obligation d'assurer une présence régulière et fiable au travail.
Le plaignant, un débardeur, détenait un poste permanent au sein de l'Association des employeurs maritimes, laquelle offre des services de débardage au port de Montréal. Il a occupé de nombreuses fonctions au sein de la catégorie des débardeurs. De 1995 à 2005, il a eu un absentéisme oscillant entre 20 % et 34 %, sauf pour l'année 2003, dans laquelle son taux était acceptable. Selon l'employeur, le fait qu'un employé refuse souvent les occasions de travail qu'il offre a un effet négatif sur ses activités. Pour faire face à ce problème, il a adopté un programme de gestion de l'absentéisme en vue de déterminer les employés dont le taux d'absences est jugé excessif et de les rencontrer afin qu'ils améliorent leur dossier d'assiduité. Conformément au programme, les employés dont le taux d'absences est jugé excessif durant une période de trois mois font l'objet d'une série de mesures imposées progressivement. Depuis la mise en place du programme, en 2000, et même avant celle-ci, le plaignant a fait l'objet de mesures progressives à huit occasions. Il a été congédié, son absentéisme de 18 % ayant été considéré comme inacceptable comparativement à l'ensemble des débardeurs. Le syndicat fait valoir que le dossier d'assiduité produit en preuve par l'employeur est irrecevable parce qu'il ne respecte pas l'article 4.05 a) de la convention collective, qui prévoit que : « Les sanctions disciplinaires relatives au déploiement [...] sont retirées du dossier de l'employé le 31 décembre de l'année en cours. » Enfin, il conteste la validité du programme. De son côté, l'employeur affirme que toute preuve concernant le dossier d'assiduité du plaignant doit être recevable, puisqu'elle est pertinente pour déterminer si ce dernier s'est acquitté de son obligation d'assurer une présence régulière au travail. Il invoque la notion d'estoppel en soutenant que le syndicat ne peut contester le programme mis en place, car il ne s'y est jamais opposé ni ne l'a contesté.
Décision
La demande de maintien sommaire déposée par le syndicat au motif que l'employeur a mis fin à l'emploi du plaignant malgré l'absence de ce dernier lors de la rencontre dont l'objet était l'annonce du congédiement est rejetée. En effet, le plaignant a été convoqué à la rencontre et il a choisi de ne pas y assister, préférant s'y faire représenter.
Quant au fond, les éléments nécessaires permettant l'application de la doctrine de l'estoppel soumise par l'employeur ne sont pas présents. Le programme a été adopté unilatéralement et ses particularités n'ont pas été communiquées au syndicat. De plus, celui-ci n'a pas accepté le plan, même implicitement, ni n'a acquiescé à la manière dont il était appliqué. D'ailleurs, dans le contexte d'un grief concernant les mêmes parties et soulevant la même question, l'arbitre a tiré la même conclusion (Association des employeurs maritimes et Syndicat des débardeurs, section locale 375 (SCFP) (Robert Moreau), (T.A., 2008-07-08), SOQUIJ AZ-50517727) : la doctrine de l'estoppel ne s'applique pas. Cependant, les raisons invoquées par l'employeur pour adopter un tel programme sont raisonnables. Ce programme comporte une méthode de calcul de l'absentéisme ainsi qu'un régime de mesures progressives destinées à corriger un taux d'absences excessif. Il a d'ailleurs été jugé équitable, raisonnable et respectant les limites des droits de la direction dans cette autre sentence rendue entre les mêmes parties. Il vise à mettre en évidence les occasions de travail offertes à l'employé alors que ce dernier est disponible, mais qui sont refusées pour des raisons autres que les vacances ou la maladie. La détermination du taux d'absences se fait selon une démarche suivie uniformément pour tous les employés et elle constitue une évaluation relative juste et fiable des dossiers d'assiduité de chacun. Cependant, l'adoption d'un tel programme ne peut soustraire de l'examen arbitral le bien-fondé de l'imposition d'une mesure disciplinaire. Quant à la prétention du syndicat selon laquelle il faut retirer du dossier d'assiduité les manquements survenus antérieurement à la période prévue par la convention, elle est rejetée. En effet, cette disposition ne s'applique pas à un cas d'absentéisme chronique, car le dossier d'assiduité de l'employé devient alors pertinent pour déterminer si son taux d'absences est acceptable et s'il sera satisfaisant à l'avenir. Cette disposition vise les mesures disciplinaires imposées pour des comportements répréhensibles. En conséquence, tout le dossier d'assiduité est recevable. Quant à la justification de la mesure imposée, le dossier du plaignant, même considéré indépendamment du programme, était insatisfaisant. En effet, au cours de la période de six ans durant laquelle l'absentéisme a fait l'objet d'une surveillance étroite au moyen du programme, à l'exception de l'année 2003, le taux d'absences du plaignant a été au moins le double — et souvent le triple — de la moyenne des autres employés. Ce dernier a été averti plusieurs fois et a fait l'objet de nombreuses mesures disciplinaires. En outre, la seconde lettre de « dernière chance » n'a pas contribué à améliorer son dossier. Le plaignant ne satisfait pas à l'exigence principale de son contrat de travail, soit assurer une présence régulière et fiable au travail. D'autre part, plusieurs absences sont attribuables à la consommation abusive de substances toxiques. Or, dès l'année 2001, le plaignant a été informé de l'existence d'un programme d'aide aux employés offert par l'employeur. Ce programme, décrit à l'annexe E de la convention collective, prévoit que « la responsabilité première pour résoudre ces problèmes appartient à l'employé ». Or, le plaignant a fait appel à ce programme seulement après avoir été convoqué à la rencontre visant sa cessation d'emploi. Étant donné son dossier d'assiduité insatisfaisant, cette initiative ne paraît pas sérieuse. Il a manqué plusieurs occasions de se corriger, en dépit de nombreux avertissements de la part d'un employeur tolérant. La décision de l'employeur est justifiée, car la perspective d'une amélioration marquée semble illusoire. Le congédiement est donc maintenu.
Association des employeurs maritimes et Syndicat des débardeurs, section locale 375 - SCFP (Sylvain Dubois), SOQUIJ AZ-50516933
Lorsque les faits sont simples, et que l'arbitre est aussi capable que l'expert de les comprendre et de déduire les conclusions qui en découlent, le rapport du témoin l'expertise n'est pas recevable.
Le plaignant a déposé un grief afin de contester son congédiement pour absentéisme. Au terme de la dernière journée d'audience, un différend a surgi entre les parties relativement à trois expertises psychiatriques. À la suite de leurs discussions, elles ont finalement convenu de déposer les expertises sans faire témoigner leurs auteurs. Le syndicat souhaite cependant qu'un témoin expert éclaire le Tribunal sur le vocabulaire et la terminologie utilisés par les trois psychiatres, qu'il montre les recoupements entre les documents et qu'il indique ce qu'il comprend de ces expertises. L'employeur s'oppose à ce témoignage. La présente décision porte uniquement sur cette question.
Décision
Selon la doctrine, il y aurait trois types de témoignages que peut livrer un expert : 1) celui qui porte sur un rapport scientifique qu'il a été appelé à préparer selon les règles de l'art de sa profession; 2) celui par lequel il donne son opinion en arbitrage sur des questions exigeant des compétences spécialisées; et 3) celui par lequel il émet son opinion sur un point particulier de la preuve. L'expert que le syndicat veut faire témoigner semble appartenir à la troisième catégorie. D'autre part, la première condition préalable à la recevabilité d'une expertise est que celle-ci soit de nature à aider le décideur à comprendre les faits et à apprécier la preuve. Il faut donc que le litige porte sur des questions scientifiques ou techniques d'une certaine complexité. Lorsque les faits sont simples, et que le juge est aussi capable que l'expert de les comprendre et de déduire les conclusions qui en découlent, l'expertise n'est pas recevable. En l'espèce, le litige porte sur le congédiement imposé au plaignant à cause de son lourd dossier d'absentéisme et du non-respect d'une entente intervenue au début de l'été 2003. Le syndicat estime que cette mesure est injuste, illégale, abusive et non conforme à la convention collective. Il n'y a rien dans cette affaire qui relève de questions scientifiques ou techniques d'une certaine complexité. Le Tribunal saisit suffisamment la portée des trois expertises pour se faire une opinion sans qu'il soit nécessaire de recourir au témoignage d'un expert. Il appartiendra aux parties d'expliquer le rapport qu'il peut y avoir entre des expertises psychiatriques effectuées en 2000 et 2002, et le congédiement contesté.
Syndicat des employés du transport public du Québec métropolitain inc. (CSN) et Réseau de transport de la Capitale (grief syndical), SOQUIJ AZ-50493579
En déclarant un accident du travail fictif, le plaignant a commis une faute grave qui permet de douter de ses huit déclarations passées et de ses déclarations futures; le congédiement est confirmé.
Le plaignant occupait un poste de préposé aux clients depuis huit ans. Son travail consistait à circuler dans l'entrepôt à bord d'un chariot mobile pour prendre les produits sur les tablettes et assembler les commandes des clients épiciers. Le jour de l'événement, alors qu’il avait le dos tourné aux tablettes, il aurait ressenti une vive douleur au mollet et, en se retournant, il aurait aperçu une caisse derrière sa jambe. Bien qu'il n'ait pas vu celle-ci tomber, il est convaincu qu'elle a causé le choc qu'il a subi. Il a immédiatement rapporté l'accident à son supérieur, qui dit ne pas avoir vu de rougeurs sur le mollet du plaignant, seulement du bleu et du jaune. Ils se sont alors rendus sur les lieux de l'accident, ont pris plusieurs photos des lieux ainsi que du mollet du plaignant et ont constaté qu'il n'y avait aucune caisse au sol ni aucune caisse endommagée ou manquante. Le plaignant a quitté son quart de travail, alléguant avoir trop de douleur. À la suite d'un examen médical, il a été placé en assignation temporaire pour deux jours. Il a par la suite été convoqué à un examen médical par l'employeur; il admet qu'il a alors donné une version différente de l'accident. Dans son rapport d'expertise, le médecin conclut que l'hématome n'a pas été causé par l'accident. L'employeur a alors convoqué le plaignant à une réunion, au cours de laquelle celui-ci a refusé de collaborer et de donner accès à ses dossiers médicaux, se montrant impatient, agressif et grossier. L'employeur lui a imposé une suspension administrative aux fins d'une enquête, puis l'a congédié. À l'audience, le syndicat a fait témoigner un médecin, spécialisé en phlébologie et maladies veineuses, qui a examiné le plaignant plus d'un an après l'accident. Selon lui, ce dernier souffrant d'une maladie variqueuse, des veines bleues pouvaient être présentes avant l'accident.
Décision
Dans Cie minière Québec Cartier c. Québec (Arbitre des griefs), (C.S. Can., 1995-07-20), SOQUIJ AZ-95111087, J.E. 95-1525, D.T.E. 95T-881, [1995] 2 R.C.S. 1095, la Cour suprême du Canada a décidé qu'une telle preuve était recevable lorsqu'elle permet de vérifier si le congédiement était raisonnable ou approprié lorsqu’il a été imposé. Ainsi, il faut se demander quel fait l'expertise postérieure vise à prouver et, ensuite, appliquer le test de la pertinence au regard du fardeau de preuve respectif des parties. En l'espèce, l'expertise vise à prouver non pas que le plaignant était atteint de varices un an après son accident — ce qui serait dénué de pertinence —, mais plutôt qu'il l'était au moment de l'accident. L'objection de l'employeur doit donc être rejetée.
Quant à la faute reprochée au plaignant, comme l'accident n'a eu aucun témoin direct, l'employeur doit démontrer par présomption de fait qu'il était physiquement et médicalement improbable. Or, quatre indices font présumer que l'accident était physiquement improbable. Premièrement, tous les tests de reconstitution ont échoué. Une centaine d'essais, dont ceux effectués lors de la visite des lieux par le Tribunal, n'ont pas réussi à reproduire le récit du plaignant. Deuxièmement, le sort de la caisse tombée sur celui-ci n'a jamais été élucidé; il n'y avait pas de caisse au sol 15 minutes après l'accident et aucune caisse n'était endommagée ou manquante. Troisièmement, l'hypothèse selon laquelle la caisse était superposée en position instable est contredite par la preuve, car il était physiquement impossible de placer une caisse à cet endroit. Quatrièmement, la crédibilité du plaignant est affaiblie puisqu'il a donné, deux jours après l'accident, une version différente des faits au cours de sa rencontre avec le médecin de l'employeur.
Pour ce qui est de savoir si l'accident est médicalement probable, la preuve ne permet pas de conclure en ce sens. D'une part, il n'y avait pas trace d'un hématome récent sur le mollet du plaignant. La science permet de déterminer l'âge d'un hématome d'après sa couleur. Or, le mollet du plaignant aurait dû être rouge après l'accident, et non bleu et jaune comme la photo le démontre et comme le prétendent ceux qui l'ont examiné. L'expert du syndicat note la présence d'anciennes varices bleues dans le pli derrière le genou. Toutefois, ce n'est pas le point d'impact de la caisse et il admet, en examinant la photo prise après l'accident, qu'il s'agit d'un hématome ancien. D'autre part, le plaignant n'a probablement pas éprouvé une douleur qui justifiait l'interruption de son quart de travail et deux journées d'assignation temporaire : il n'a jamais boité et il n'avait pas de traces observables de trauma récent. Ses propos et comportements relativement à sa douleur font douter de l'existence de l'accident, et l'assignation temporaire ne prouve pas la douleur. Le plaignant a donc commis une faute grave qui contrevient à son obligation de loyauté et qui a eu pour effet de rompre le lien de confiance. De plus, cette fausse déclaration permet de douter de la véracité des déclarations passées — huit accidents de travail en huit ans — et de ses déclarations futures d'accident. Les fausses déclarations en cours d'emploi sont traitées sévèrement par la jurisprudence arbitrale, et les congédiements imposés pour de telles déclarations relativement à l'état de santé sont souvent maintenus. Le plaignant avait fait l'objet de plusieurs mesures disciplinaires pour absentéisme chronique et persistant, insubordination et manque de respect envers un supérieur. Or, la fausse déclaration a un lien avec l'ensemble de ces problèmes. Étant donné que la réhabilitation était improbable, l'employeur était fondé à congédier le plaignant. Quant à la suspension aux fins d'une enquête, elle était justifiée en raison du comportement de ce dernier.
Provigo Distribution inc. et Travailleuses et travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, section locale 501 (Robert Ringuette), SOQUIJ AZ-50472698
Dans le cadre de l’audience d’un grief contestant un congédiement pour absentéisme excessif relié à un handicap, une expertise médicale destinée à remettre en cause les limitations fonctionnelles permanentes du salarié à la suite d'une amélioration de son état de santé postérieure au congédiement est jugée irrecevable.
La plaignante travaillait à titre de messagère dans un centre hospitalier et elle comptait 29 ans d'ancienneté. De 1998 à 2004, elle a connu un taux d'absences moyen de 70 % lié à différents problèmes de santé. Au mois de juillet 2004, l'employeur a décidé de la congédier en raison de sa condition médicale, de son absentéisme élevé ainsi que d'un pronostic de rechute élevé. Il soutient que les expertises médicales attribuent à la plaignante des limitations fonctionnelles permanentes importantes. Selon lui, aucun poste ne peut être adapté à de telles limitations sans qu'il en résulte pour lui une contrainte excessive. Il ajoute qu'il n'est pas tenu de créer un poste sur mesure pour la plaignante. De plus, il s'oppose à la recevabilité en preuve d'une expertise médicale réalisée après le dépôt du grief et qui vise à modifier les limitations fonctionnelles de la plaignante. Pour sa part, le syndicat fait valoir que celle-ci était apte à occuper les postes de téléphoniste et de préposée à l'accueil. Il prétend que l'employeur n'a pas assumé son obligation d'accommodement.
Décision
L'objection patronale est accueillie. L'arbitre doit se placer à la date de la décision de l'employeur pour juger de la validité de celle-ci. En l'espèce, le syndicat veut produire une expertise médicale susceptible de modifier rétroactivement les limitations fonctionnelles de la plaignante en raison d'une amélioration survenue postérieurement à la fin d'emploi. Une telle preuve n'est pas pertinente pour juger de l'état de santé de la plaignante au moment de la fin d'emploi : elle permet uniquement de juger selon son état actuel, plus d'un an après les faits. Par conséquent, elle n'est pas recevable.
Quant au fond, les limitations fonctionnelles permanentes de la plaignante au moment de sa cessation d'emploi font l'objet de deux opinions médicales unanimes. Par ailleurs, il ne fait aucun doute que la plaignante présentait un absentéisme élevé depuis 1998, et que le risque de rechute était très élevé si elle réintégrait son poste de messagère. Le fait que l'employeur impose une norme d'assiduité aux salariés et qu'il leur demande de fournir une prestation de travail régulière constitue une exigence professionnelle justifiée. Il faut donc déterminer si l'employeur pouvait accommoder la plaignante sans subir une contrainte excessive. Or, celui-ci a démontré qu'il ne pouvait lui offrir un emploi respectant ses limitations fonctionnelles sans subir une contrainte excessive. La seule solution était de créer un poste sur mesure pour elle, ce qui constitue une contrainte excessive.
Syndicat du personnel de bureau du CHRTR — FSSS-CSN et Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Diane Labranche), SOQUIJ AZ-50419614
Cas d’application : Absence maladie
Le congédiement du plaignant, dont l'absentéisme s'élève à 71 %, est fondé; il est médicalement incapable de travailler dans un avenir prévisible et il s'est désisté de sa demande de congé sans solde, ce qui aurait pu constituer un accommodement.
En 1998, l'employeur, une entreprise de services ambulanciers, a embauché le plaignant à titre de préposé aux véhicules. Celui-ci conteste le congédiement qui lui a été imposé en raison de son absentéisme excessif et de son incapacité à fournir une prestation de travail normale dans un avenir prévisible. De 2002 à 2004, le plaignant a connu un taux d'absences de 71 % en raison d'un accident du travail et de maladie. Un psychiatre a établi qu'il souffrait d'un trouble de l'adaptation avec humeur dépressive relié à des conflits en milieu de travail. Le plaignant exerce des fonctions syndicales depuis 1999. Le syndicat soutient qu'il a été congédié en raison de ses activités syndicales dans un contexte de relations du travail difficiles. Relativement aux absences du plaignant, il affirme que l'employeur ne pouvait lui reprocher des absences pour lesquelles il a été indemnisé en vertu de la convention collective ou d'une loi. Selon lui, l'employeur aurait dû faire droit à la demande de congé sans solde du plaignant.
Décision
Le plaignant s'est absenté plus de 71 % de son temps de travail sur une période de deux ans, et ce, alors que le taux moyen d'absences chez l'employeur se situait à environ 20 %. Par ailleurs, la preuve médicale a établi de façon unanime que le plaignant présente des traits de personnalité qui le rendent incapable de retourner au travail. Dans ce contexte, le congédiement constituait une mesure administrative. Il ne fait aucun doute que l'absentéisme élevé du plaignant et son incapacité à retourner au travail constituaient les véritables motifs du congédiement, et non ses fonctions syndicales. On ne peut non plus conclure qu'il subissait de la persécution de la part de l'employeur ni qu'il exerçait ses fonctions syndicales dans un climat de travail difficile. Au contraire, l'employeur faisait preuve de collaboration avec le syndicat. Par ailleurs, le plaignant avait le droit de s'absenter pour des motifs tels que l'accident du travail et la maladie, et il a été indemnisé durant ces absences. Cependant, le fait qu'il s'agissait d'absences autorisées n'empêchait pas l'employeur d'en tenir compte dans l'appréciation du taux d'absences du plaignant, et il était fondé à congédier ce dernier. Il n'avait aucune obligation de lui accorder un congé sans solde qui n'aurait fait que retarder sa fin d'emploi, selon la preuve médicale.
Rassemblement des employés techniciens ambulanciers du Québec (CSN) et Corporation d'Urgences-santé de la région de Montréal métropolitain (Monsieur F...), SOQUIJ AZ-50448203
L'employeur a tenté de multiples façons d'accommoder une éducatrice qui présentait un absentéisme excessif; étant donné notamment l'importance de la régularité de la présence auprès des enfants, son congédiement est confirmé.
La plaignante, une éducatrice dans un centre de la petite enfance, conteste la décision de l'employeur de mettre fin à son emploi en raison de son absentéisme excessif et de l'improbabilité qu'elle fournisse une prestation de travail normale et régulière à l'avenir. Entre 2001 et 2005, la plaignante a connu un taux d'absences variant entre 40 % et 100 % en raison de deux épisodes de dépression majeure. L'employeur invoque les conclusions de son psychiatre établissant les risques de rechute de la plaignante à 70 %. Il soutient qu'il ne peut accommoder cette dernière sans subir une contrainte excessive.
Décision
L'absentéisme excessif de la plaignante depuis 2001 et l'improbabilité qu'elle fournisse une prestation de travail normale et régulière à l'avenir ont été établis. Dans un tel cas, la fin d'emploi n'est pas automatique, et l'employeur doit tenter d'accommoder la plaignante. Celle-ci souffre d'un handicap majeur et elle a bénéficié d'avantageux congés payés en raison de maladie. L'employeur a fait des efforts sérieux afin de lui apporter aide et soutien. Toutefois, compte tenu d'un risque de rechute établi à 70 %, il aurait été hasardeux de lui permettre de retourner au travail. En effet, l'employeur a l'obligation de veiller à la stabilité des enfants et doit favoriser la régularité de la présence des éducateurs. Il ne pouvait accommoder la plaignante sans subir une contrainte excessive. Le grief est donc rejeté.
Centre de la petite enfance Au Galop et Syndicat des travailleuses et travailleurs en garderie de Montréal — CSN (Suzanne Crevier), SOQUIJ AZ-50428688
Cas d’application : Manque de disponibilité
Comme le congédiement imposé à des employés temporaires dont la disponibilité n'est pas « raisonnable » au sens de la convention collective constitue une mesure administrative, si l'arbitre conclut que la disponibilité est raisonnable, il doit annuler la sanction; dans le cas contraire, il ne peut que la confirmer.
Les deux sentences arbitrales portent sur l'application de l'article 44.11 de la convention collective, qui prévoit qu'un employé temporaire perd son emploi s'il n'a pas fait preuve d'une disponibilité raisonnable dans l'acceptation des affectations de travail pendant toute période de six mois consécutifs. Des lettres personnalisées ont été envoyées aux employés qui présentaient un taux d'acceptation inférieur à 50 %. Dans le dossier no 500-09-017953-076, le plaignant a été congédié en raison de son faible taux d'acceptation. Après avoir constaté que ce taux n'était pas raisonnable, l'arbitre a néanmoins accueilli son grief au motif qu'il avait réussi à améliorer sa disponibilité. La Cour supérieure a accueilli la requête en révision judiciaire de cette sentence, d'où l'appel du syndicat. Dans le dossier no 500-09-018154-070, la cessation d'emploi de 5 plaignants sur 13 a été annulée par une arbitre au motif qu'ils avaient fait preuve d'une disponibilité raisonnable durant la période suivant la réception de la lettre de sensibilisation de l'employeur. Ce dernier a porté l'affaire en révision judiciaire, mais la Cour supérieure a rejeté sa requête, d'où l'appel.
Décision
Il revenait aux arbitres d'apprécier si les plaignants avaient fait montre d'une « disponibilité raisonnable », la convention collective étant muette sur la définition de cette notion. La Cour supérieure et la Cour d'appel ne peuvent se substituer à l'arbitre à cet égard, à moins que son interprétation ne soit déraisonnable au sens de l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick (C.S. Can., 2008-03-07), 2008 CSC 9, SOQUIJ AZ-50478101, J.E. 2008-547, D.T.E. 2008T-223, [2008] 1 R.C.S. 190. D'autre part, la convention collective énonce que la décision finale rendue par un arbitre lie l'employeur, le syndicat et les employés « dans tous les cas comportant des circonstances identiques ou substantiellement identiques ». Or, des arbitres ont déjà décidé que la sanction imposée en vertu de l'article 44.11 était de nature administrative et non disciplinaire. Par conséquent, le rôle de l'arbitre se limite à déterminer le caractère raisonnable de la disponibilité de l'employé temporaire. Ainsi, dans le dossier no 500-09-017953-076, l'arbitre ne pouvait pas conclure au caractère déraisonnable de la disponibilité du plaignant et se permettre tout de même de modifier la mesure imposée au motif d'absence de cause juste et suffisante. Compte tenu de sa conclusion de départ, il n'avait d'autre choix que d'appliquer la clause. La Cour supérieure a donc eu raison d'annuler la sentence arbitrale et de rejeter le grief. Par ailleurs, dans le dossier no 500-09-018154-070, l'arbitre a considéré que certains plaignants avaient fait preuve d'une disponibilité raisonnable après avoir reçu une lettre de l'employeur. Elle a aussi estimé qu'il était déraisonnable pour ce dernier de tenir compte d'une période de six mois, dont la moitié était antérieure à la réception de la mise en garde, afin de justifier le congédiement d'employés qui avaient radicalement modifié leur attitude par la suite. Cette conclusion n'est pas déraisonnable si l'on considère la jurisprudence arbitrale, le fait que l'employeur ait dans d'autres cas utilisé une période de six mois commençant après l'envoi de la lettre d'avis et le contenu de la lettre qui invitait l'employé à faire preuve « désormais » d'une disponibilité raisonnable. La Cour supérieure était donc fondée à ne pas intervenir.
Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes c. Société canadienne des postes, SOQUIJ AZ-50498526
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Monique Desrosiers, avocate, Coordonnatrice, Secteur droit du travail et droit social, Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ)
Source : VigieRT, numéro 33, décembre 2008.