Vous lisez : Entrée en vigueur de nouvelles dispositions dans la LATMP

Le 1er janvier 2011, de nouvelles dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) sont entrées en vigueur. Les articles 323.2 à 323.5, introduits par le Projet de loi no 40 adopté le 13 décembre 2006, imposent une nouvelle responsabilité aux administrateurs de personnes morales. En adoptant ce projet de loi, le gouvernement québécois avait comme objectif principal de doter la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) d’un recours déjà en vigueur au sein d’autres organismes gouvernementaux, et, par le fait même, de s’assurer d’une gestion optimale des comptes en recouvrement.

Avec l’entrée en vigueur de ces dispositions, les administrateurs d’une personne morale sont désormais solidairement responsables du paiement de la cotisation due par cette dernière, en plus des intérêts et pénalités reliés à ce montant.  

Les administrateurs peuvent toutefois être exonérés de cette responsabilité, selon la situation factuelle dans laquelle ils se trouvent. Voyons plus en détail les obligations de l’employeur quant au paiement de la cotisation CSST ainsi que les nouveaux critères applicables à la responsabilité des administrateurs.

Les obligations de l’employeur
En vertu de l’article 315, tout employeur est tenu de payer sa cotisation auprès de la CSST. Un taux de cotisation est en effet fixé annuellement compte tenu du service dans lequel est classé l’employeur ou du taux personnalisé qui lui est applicable. Le taux de cotisation est également calculé selon la somme des salaires déclarés par l’employeur.

Par ailleurs, en vertu de l’article 316, l’employeur qui retient les services d’un entrepreneur sous-traitant peut être tenu au paiement de la cotisation due par cet entrepreneur. Cependant, avant de faire affaire avec un entrepreneur, un employeur peut s’enquérir auprès de la CSST des sommes qui seraient dues par celui-ci. Si l’employeur engage tout de même cet entrepreneur et se voit dans l’obligation de payer la cotisation due par ce dernier, il peut retenir la somme payée sur les montants qu’il lui doit. Mais qu’arrive-t-il lorsque l’employeur ne doit plus rien à l’entrepreneur sous-traitant? En fait, il devient subrogé dans les droits de la CSST et peut réclamer à l’entrepreneur une somme égale au paiement de la cotisation à laquelle il était tenu.

La responsabilité solidaire des administrateurs
L’article 323.2 établit la responsabilité des administrateurs d’une personne morale qui a omis de payer ses cotisations d’employeur auprès de la CSST. Ce ne sont que les administrateurs en fonction à la date de l’omission de paiement qui deviennent solidairement responsables avec l’employeur de toute somme due à la CSST ainsi que des pénalités et des intérêts qui s’y rattachent. Bien entendu, les sommes recouvrables auprès d’un administrateur sont limitées à celles que la personne morale n’a pas payées. La responsabilité des administrateurs pourra être engagée dans trois cas bien précis :

  • lorsque la CSST aura épuisé ses recours judiciaires contre l’employeur et qu’elle n’aura pu récupérer, en totalité ou en partie, la somme due ainsi que les intérêts et pénalités applicables;
  • lorsque l'employeur fait l'objet d'une ordonnance de mise en liquidation ou devient failli au sens de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et qu'une réclamation est produite;
  • lorsque l'employeur a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution ou qu'il a fait l'objet d'une dissolution.

Il y a également lieu de mentionner que les nouvelles dispositions ne s’appliquent que pour les cotisations des années 2011 et suivantes qui sont dues par la personne morale. C’est donc dire que ces dispositions n’ont pas d’effet rétroactif et que les administrateurs ne peuvent être tenus responsables des cotisations impayées des années précédentes.

La possibilité pour un administrateur d’exonérer sa responsabilité
L’article 323.3 de la LATMP stipule qu’un administrateur qui a agi avec soin, diligence et habileté raisonnables dans les circonstances ou qui, dans ces mêmes circonstances, n’a pu avoir connaissance de l’omission de l’employeur de payer sa cotisation, ne sera pas tenu responsable de la somme due à la CSST. De plus, un administrateur qui était en fonction au moment de l’omission, mais qui a cessé d’être administrateur depuis au moins deux ans à la date de la cotisation pourra être exonéré.

Cet article offre donc aux administrateurs une possibilité de défense de diligence raisonnable. Mais en quoi consiste ce type de défense?

Pour que sa responsabilité soit exonérée, l’administrateur devra établir de façon concrète qu’il a agi de façon diligente tout au long de son mandat. Il ne faut pas oublier que l’obligation de diligence est personnelle à l’administrateur et que celui-ci ne peut se décharger de cette obligation en la rejetant sur les épaules d’une tierce personne. La CSST considère les gestes suivants comme étant indicateurs de la présence d’une certaine diligence :

  • l’administrateur s’assure que le Registre des entreprises du Québec et que les documents officiels de la personne morale qu’il administre sont à jour;
  • l’administrateur s’assure que l’employeur a payé les sommes dues à la CSST;
  • l’administrateur s’informe de ce qui se passe dans l’entreprise;
  • l’administrateur agit avant qu’il y ait eu un manquement relatif au paiement des cotisations et non seulement lorsque le manquement a déjà eu lieu[1].

Exception à la règle de la responsabilité des administrateurs
Comme nous l’avons mentionné précédemment, un employeur peut être tenu d’acquitter la cotisation due par l’entrepreneur ou par le sous-traitant qu’il a engagé. Cependant, si les sommes dues ne sont toujours pas acquittées après qu’elle ait épuisé ses recours contre le sous-traitant et ses administrateurs, et contre l’employeur qui est tenu au paiement en vertu de l’article 316 de la LATMP, la CSST ne pourra se retourner contre les administrateurs du second employeur tenu au paiement.

En effet, l’article 323.5 amène une exception à la règle de la responsabilité des administrateurs et tempère l’application de ce principe en exonérant les administrateurs de l’employeur qui a requis les services d’un entrepreneur.

Subrogation dans les droits de la CSST
L’employeur qui acquitte le montant de la cotisation due par l’entrepreneur qu’il a engagé est subrogé dans les droits de la CSST pour l’obtention du remboursement intégral de la somme payée. Peut-on également appliquer le principe de la subrogation en regard des nouvelles dispositions en vigueur et considérer que les administrateurs de la personne morale que constitue l’entrepreneur sont responsables du paiement de la cotisation à l’employeur subrogé?

Étant donné que le législateur n’a pas limité la portée de la responsabilité des administrateurs en cette matière, il semble logique de croire que ce principe s’applique autant pour les administrateurs des entreprises sous-traitantes. Cela viendra assurément diminuer les craintes des employeurs qui font affaire avec certaines entreprises sous-traitantes dont ils ne connaissent pas l’historique et l’état de solvabilité.

Conclusion
En plus d’être responsables des déductions à la source non payées, des salaires impayés des employés et, dans certains cas, des pénalités infligées à un employeur relativement au régime d’assurance-emploi, les administrateurs de personnes morales peuvent maintenant voir leur responsabilité engagée pour les cotisations dues à la CSST.

En raison de la récente entrée en vigueur des dispositions 323.2 à 323.5 de la LATMP, les tribunaux n’ont pas encore eu l’occasion de se prononcer sur leur application. Cependant, vu leur libellé clair et concis, tout porte à croire que leur application ne soulèvera pas de problèmes majeurs.

En définitive, il y a lieu de conseiller aux administrateurs de redoubler de prudence et de diligence dans l’exécution de leurs fonctions et de rester vigilants en tout temps en ce qui concerne les cotisations dues à la CSST par une personne morale qui est assujettie à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

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Source : VigieRT, février 2011.


1 Responsabilité des administrateurs
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