Commençons par une mise en contexte. Nous passons au minimum une quarantaine d’heures par semaine sur notre lieu de travail. Au total, nous côtoyons souvent plus nos collègues que les membres de notre famille et nos amis. Il est donc normal, voire logique et totalement légitime, que des liens se créent en contexte professionnel. Toutefois, en tant qu’employeurs, devons-nous encadrer ces liens ou les limiter, sans toutefois les proscrire?
D’abord, par relations personnelles, nous entendons les relations amoureuses pouvant se nouer entre deux employés de la même entreprise, mais également les relations amicales pouvant se créer au travail et s’extrapoler dans la vie personnelle des employés. L’ensemble de ces relations, la barrière entre la vie professionnelle et la vie personnelle, peut s’embrouiller et avoir un impact sur les organisations, la productivité, le jugement et l’impartialité des personnes et surtout, sur le climat de travail, dans le cas où la relation s’envenime pour une raison externe au contexte professionnel.
Rappelons rapidement les obligations de l’employeur, notamment en matière de prévention du harcèlement psychologique et de maintien d’un climat de travail sain, en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail et de la Loi sur les normes du travail. Il est effectivement de sa responsabilité de protéger ses employés de toute forme de harcèlement, et en cas de plainte, le fardeau de la preuve lui appartiendra, soit de démontrer qu’il a tout mis en œuvre pour prévenir et encadrer les comportements des employés concernés.
Ainsi, suivant cette optique, dans le cas où l’employeur est informé de la présence d’un couple au sein de ses employés, il peut le rencontrer afin de lui signifier ses attentes en matière de séparation de la vie personnelle et de la vie professionnelle. Il peut aussi, par le biais d’une politique interne, d’un code de conduite à l’endroit de ses employés ou même dans sa politique de prévention du harcèlement, émettre des directives claires et ainsi prévenir une situation à potentiel conflictuel. Une telle politique peut inclure, sans s’y limiter, l’obligation de discrétion, le respect de la confidentialité des informations, l’absence de discrimination ainsi que l’obligation de loyauté et agir en prévention du harcèlement, notamment à caractère sexuel.
Plus spécifiquement, concernant la discrétion, un employeur peut s’attendre à ce qu’il n’y ait pas de manifestations démonstratives de sentiments sur le lieu de travail. Puis, afin de prévenir la discrimination ou l’apparence de conflits d’intérêts ou de favoritisme, notamment lorsque l’un ou l’autre des membres de la relation pourrait se retrouver favorisé par ce contexte, l’employeur doit informer les employés de ses attentes. Il évitera ainsi un comportement injuste ou préjudiciable pour d’autres employés. Il doit limiter les conséquences professionnelles de la relation en veillant qu’elle n’ait pas d’impact sur le travail des personnes concernées et leurs collègues, mais également sur le fonctionnement du service et, à plus grande échelle, de l’organisation.
En dernier lieu, pour faire suite aux nombreux cas de dénonciation de comportements inappropriés et à caractère sexuel survenus dans le cadre du travail, souvent par une personne ayant un lien d’autorité avec sa victime, il est primordial d’imposer des balises afin de prévenir toute forme de harcèlement sexuel. La ligne est souvent mince entre séduction, démonstration d’affection et harcèlement, et les conséquences d’une rupture unilatérale peuvent plonger l’employeur dans une situation délicate, particulièrement si la police est saisie d’un tel dossier. Il ne faut pas oublier qu’il n’est pas nécessaire que les gestes soient survenus sur les lieux du travail pour que l’employeur en subisse les conséquences, lorsqu’un lien de subordination existe entre la victime et son agresseur. Ainsi, l’employeur doit s’assurer de ne pas tolérer de tel comportement et établir une jurisprudence sévère à cet égard.
Finalement, un point qui s’adresse plus aux employés. En cas de relations amoureuses au travail, devez-vous absolument le révéler à votre employeur? Sachez que rien ne vous y oblige, mais qu’il est souvent préférable de faire preuve de franchise. Une rencontre avec un membre de l’équipe des ressources humaines peut être à propos, car il est lié par le secret professionnel en fonction de ses obligations régies par l’Ordre. Il pourra ainsi vous conseiller sur la stratégie à entreprendre et même vous assister dans une rencontre avec votre gestionnaire. Ladite rencontre venue, vous pourrez notamment prendre les devants et rassurer votre patronne ou votre patron sur votre professionnalisme et l’informer qu’en aucun cas vous ne laisserez votre relation affecter votre prestation de travail et vos obligations en tant que membre du personnel.
Qu’en est-il des relations d’amitié? Sur ce point, les employeurs possèdent bien peu de marges de manœuvre, car il est quasi impossible d’empêcher ses employés de bien s’entendre. De plus, l’employeur se retrouve souvent gagnant dans une telle situation, car elle encourage l’esprit d’équipe. Il doit toutefois rappeler à ses employés leurs obligations et leurs responsabilités, notamment en s’assurant de ne pas discuter de sujets personnels au lieu de faire leur travail, de conserver un comportement professionnel, même envers des gens avec qui ils sont plus à l’aise, et de séparer la vie personnelle et la vie professionnelle, notamment en cas de chicane n’ayant pas de lien avec le travail. Dans ce cas-là, les gestionnaires peuvent faire appel à l’équipe des ressources humaines pour une médiation afin d’identifier la source du conflit et de permettre un retour à l’harmonie en mettant en place des solutions durables.
En bref, il est difficile, mais pas impossible, d’encadrer les relations personnelles en contexte professionnel. Un employeur avisé s’assurera de prévoir certains cas de figure dans sa politique de prévention sur le harcèlement et peut même se doter d’un code de conduite à l’endroit de ses employés. Toutefois, chaque relation sera un cas d’espèce en soi et devra être abordée selon les personnes impliquées.
Source : VigieRT, mai 2018.