En 2012, la jurisprudence en droit du travail a été marquée par de nombreux jugements d’intérêt portant sur des sujets aussi variés que la vie privée au travail, le droit des cadres de se syndiquer ou encore l’obligation de l’employé d’indemniser son employeur en raison des pertes financières liées à sa mauvaise gestion.
Nous présentons ici sommairement dix jugements qui ont retenu plus particulièrement notre attention en 2012. Bien qu’une telle sélection comporte toujours une part de subjectivité, compte tenu du nombre élevé de décisions rendues chaque année en droit du travail, les jugements retenus constituent en quelque sorte des « incontournables » de la jurisprudence en droit du travail pour l’année 2012.
R. c. Cole, 2012 CSC 53 – Ordinateur et vie privée au travail
La Cour suprême du Canada rappelle que le droit de l’employeur de fouiller l’ordinateur d’un employé pour des motifs raisonnables doit être analysé en tenant compte de l’expectative de vie privée. Une politique interdisant l’usage personnel des ordinateurs peut réduire cette expectative sans toutefois l’éliminer. Il faut analyser l’existence d’une expectative de vie privée en tenant compte de l’ensemble des circonstances relatives à l’utilisation de l’ordinateur.
Compagnie Wal-Mart du Canada c. Travailleuses et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503, 2012 QCCA 903 – La fermeture d’une entreprise ne constitue pas une modification des conditions de travail au sens de l’article 59 du Code du travail
Dans ce dernier chapitre concernant les recours intentés par le syndicat à la suite de la fermeture du magasin Wal-Mart à Jonquière, la Cour d’appel rejette le recours alléguant que la fermeture d’une entreprise constitue une modification illégale des conditions de travail au sens de l’article 59 du Code du travail. L’affaire sera entendue par la Cour suprême du Canada.
Jean c. Omegachem inc., 2012 QCCA 232 – Le refus d’un salarié de signer un engagement de non-concurrence en cours d’emploi ne constitue pas une cause juste et suffisante de congédiement
La Cour d’appel annule le congédiement imposé à un salarié en raison de son refus de signer une clause de non-concurrence en cours d’emploi. L’employeur aurait dû lui présenter une telle clause au moment de l’embauche. Son refus d’accepter cette nouvelle condition en cours d’emploi ne peut lui être reproché, d’autant plus que la légalité de la clause apparaît douteuse.
Transforce inc. c. Marc Baillargeon, 2012 QCCA 1495 – Un cadre congédié après 38 jours d’emploi obtient 11 mois de salaire à titre de préavis
Un cadre est congédié sans motif sérieux quelques jours après son embauche. Le fait qu’il ait reçu de son employeur précédent une indemnité de fin d’emploi équivalant à 450 000 $ ne constitue pas un critère permettant de réduire l’indemnité qui doit être accordée par le nouvel employeur. La Cour d’appel accorde au cadre congédié après 38 jours d’emploi une indemnité tenant lieu de préavis équivalant à 11 mois de salaire.
Société des casinos du Québec c. Cloutier, 2012 QCCS 112 – Les cadres peuvent-ils se syndiquer?
Une association de cadres invoquait devant la Commission des relations du travail son droit à la syndicalisation en se fondant sur la liberté d’association. La Commission avait accepté d’accréditer l’association en déclarant inconstitutionnelle l’exclusion des cadres du régime prévu au Code du travail. La Cour supérieure annule cette décision. Le législateur a écarté les cadres du droit à la syndicalisation prévu au Code du travail. Il n’appartient pas aux tribunaux de réformer ce choix du législateur. L’affaire sera entendue par la Cour d’appel.
Construction Jean-Guy Pellerin inc. c. Grenier, 2012 QCCQ 7685 – Responsabilité d’un employé en matière de mauvaise gestion
Un employé exerçant le poste de commis principal dans un commerce de détail est congédié et poursuivi en dommages-intérêts par son ancien employeur, ce dernier invoquant principalement une gestion déficiente et négligente de l’employé. Le tribunal rappelle le devoir de prudence, de diligence et d’assiduité de tout employé. En cas de défaut, l’employeur peut poursuivre l’employé en demandant, notamment, l’exécution par équivalent. Le congédiement est confirmé, et l’employé est condamné à verser à son ancien employeur un peu plus de 20 000 $ afin de l’indemniser pour les pertes financières liées à sa mauvaise gestion.
Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 427 c. Tembec, Usine de Matane, 2012 QCCA 179 – Compétence exclusive de la CSST
Le salarié demandait par voie de grief à être réintégré dans son emploi prélésionnel en tenant compte de ses limitations fonctionnelles, et ce, malgré le fait que la CSST l’ait déclaré incapable de reprendre son emploi prélésionnel. Dans cette affaire, la Cour d’appel réitère que la capacité d’un salarié à reprendre son travail prélésionnel relève exclusivement de la compétence de la CSST, et qu’un arbitre de grief ne peut intervenir sur une matière relevant exclusivement de la CSST.
Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur-du-Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, 2012 QCCA 1867 – Obligation de l’employé à l’égard du questionnaire médical préalable à l’embauche
Un infirmier auxiliaire est congédié pour avoir fait de fausses déclarations à l’embauche au sujet de ses antécédents psychiatriques. Tout en maintenant le congédiement, la Cour d’appel réitère que toute fausse déclaration est susceptible d’ébranler le lien de confiance nécessaire au maintien du lien d’emploi et qu’un employé a l’obligation de dévoiler la vérité au cours d’une entrevue ou dans un formulaire d’embauche, indépendamment du caractère potentiellement discriminatoire de la question. La Cour distingue l’interdiction de discriminer dans l’emploi de la cueillette d’information susceptible de mener à de la discrimination. Enfin, la Cour précise que toute fausse déclaration ne saurait être déterminante si la question est discriminatoire et que l’employeur ne peut exclure la candidature d’un individu affecté d’un handicap que si sa décision repose sur les aptitudes ou qualités requises par l’emploi.
R. c. Metron Construction Corporation, 2012 ONCJ 506 – Responsabilité accrue en matière de santé et de sécurité du travail
Des amendes totalisant 342 500 $ ont été imposées par la Cour de justice de l’Ontario à une compagnie de construction ontarienne et à son président et unique administrateur pour négligence criminelle ayant causé la mort sur un chantier de construction. La compagnie était poursuivie en vertu du Code criminel du Canada, alors que le président de la compagnie était poursuivi en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l’Ontario. Le montant élevé des amendes imposées témoigne du sérieux que les tribunaux accordent à la sécurité et à la santé des travailleurs au travail. Soulignons que l’affaire Metron est pertinente au Québec étant donné l’application pancanadienne du Code criminel.
Guay inc. c. Payette, 2011 QCCA 2282 – Règles applicables à l’examen des clauses restrictives intervenues dans un contexte de vente d’éléments d’actif
En décembre 2011, la Cour d’appel infirmait une décision de la Cour supérieure en concluant que les règles propres au contrat de travail prévues au Code civil du Québec ne devaient pas être considérées afin de déterminer la validité de clauses restrictives intervenues dans le cadre d’un contrat de vente d’éléments d’actif. Or, le 17 mai 2012, la Cour suprême du Canada a accueilli la requête pour autorisation de pourvoi. Il s’agit donc d’un débat inachevé qu’il sera intéressant de surveiller.
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Source : VigieRT, janvier 2013.