Vous lisez : Consommation d’alcool et de drogues

Avez-vous récemment mis à jour vos politiques en matière de consommation d’alcool et de drogues? À la suite d’une décision récente de la Cour suprême du Canada, l’arrêt Stewart c. Elk Valley Coal Corp.[1], ce serait le moment idéal pour le faire. Dans cet arrêt, la Cour suprême discute de l’impact, en cas d’un congédiement pour des causes liées à une dépendance, d’une politique en vigueur obligeant les membres du personnel à informer leur employeur de leurs dépendances. Plus précisément, la Cour a dû décider si le congédiement d’un employé à la suite d’un accident au travail, lorsqu’il était sous l’influence de la cocaïne, était discriminatoire.

Les faits

Elk Valley Coal Corporation (ci-après l’« employeur ») est une entreprise qui exploite des mines. Comme nous pouvons nous y attendre, les conditions de travail à l’intérieur d’une mine sont objectivement dangereuses. Afin d’assurer la sécurité et de prévenir des accidents dans la mine dans laquelle l’employé en question travaillait, l’employeur a mis en place une politique obligeant les membres de son personnel à divulguer leurs dépendances à des drogues, à l’alcool ou à d’autres substances (la « Politique »). En vertu de la Politique, toute personne qui dévoile une dépendance se verra offrir des traitements. La Politique mentionne clairement que s’il y a un accident et que la personne impliquée échoue à un test de dépistage, elle sera congédiée.

Après l’entrée en vigueur de la Politique, un conducteur de camion (ci-après l’« employé ») a été impliqué dans un accident avec son véhicule. L’employé a ensuite subi un test de dépistage, auquel il a échoué. Le test a révélé qu’il avait de la cocaïne dans son système. L’employé a ensuite admis qu’il avait une dépendance à la cocaïne.

En appliquant la Politique, l’employeur a congédié l’employé puisqu’il n’a pas divulgué sa dépendance avant l’incident. L’employé a contesté son congédiement en soumettant une plainte au Alberta Human Rights Tribunal (le « Tribunal ») et en alléguant que la décision était discriminatoire étant donné qu’il avait un handicap, sa dépendance à la cocaïne.

Les décisions antérieures

Le Tribunal a rejeté la plainte en expliquant que l’employeur a adopté la Politique de bonne foi et qu’il était nécessaire dans les circonstances de l’appliquer. Ainsi, le Tribunal a ajouté ce qui suit :

« Si l’[employeur] devait offrir à [l’employé] la possibilité de se soumettre à une évaluation ou remplacer les conséquences plus lourdes et immédiates du congédiement par des conséquences moins graves, l’effet dissuasif de la Politique serait considérablement amoindri, ce qui constituerait une contrainte excessive pour l’entreprise, vu les responsabilités de [l’employeur] en matière de sécurité. »[2]

La Cour d’appel a confirmé la décision du Tribunal en expliquant que l’employé n’était pas congédié en raison de sa dépendance, mais plutôt parce qu’il a violé la Politique.

La décision de la Cour suprême

La Cour suprême a confirmé les décisions des instances inférieures. Particulièrement, la Cour a confirmé qu’il n’y a pas eu de discrimination prima facie en congédiant l’employé. L’employeur a donné à l’employé l’occasion de divulguer sa dépendance avant qu’un accident ne survienne et offre des traitements à tous les employés qui le font. Malgré cette offre, l’employé a décidé de ne pas déclarer sa dépendance et doit donc en subir les conséquences. À cet égard, la Cour a expliqué ce qui suit :

« [35] Il existait manifestement des éléments de preuve susceptibles d’appuyer la conclusion du Tribunal selon laquelle le motif du congédiement n’était pas la dépendance, mais la violation de la Politique. Le Tribunal a conclu, au vu des faits de l’espèce, que [l’employé] avait la capacité de respecter la Politique. Il n’était donc pas déraisonnable pour le Tribunal de conclure à l’absence de discrimination prima facie en l’espèce. [L’employé] avance deux arguments pour tenter de faire infirmer les conclusions de fait du Tribunal. »

Puisque la Cour a déterminé qu’il n’y a pas eu de discrimination prima facie, l’employeur n’avait pas l’obligation d’accommoder l’employé à cause de son handicap.

Cette décision n’a pas encore été citée par les tribunaux au Québec. Cela étant dit, dans la décision récente ArcelorMittal Mines Canada et Syndicat des métallos, section locale 6869 (M. X)[3], il y a eu des enjeux similaires. Dans cette affaire, ArcelorMittal a congédié un employé pour avoir conduit un camion sous l’influence de la cocaïne. Afin d’accommoder l’employé, l’employeur lui a fait signer une entente de dernière chance par laquelle il s’engageait à ne pas se présenter au travail sous l’influence de drogues. L’employé n’a pas respecté ladite entente, et l’employeur l’a donc congédié. L’employé a déposé un grief contestant son congédiement, mais ultimement l’arbitre a rejeté le grief puisque « l’obligation d’accommodement raisonnable de l’employeur avait atteint ses limites »[4]. La question suivante se pose : si ArcelorMittal Mines avait adopté une politique similaire à la Politique, est-ce qu’il aurait dû entreprendre cette démarche avant de congédier l’employé définitivement? Compte tenu de la décision de la Cour suprême, il semble que la réponse pourrait bien être négative.

Conclusion

À la lumière de ce qui précède, nous suggérons aux employeurs de modifier leur politique interne et de prévoir que tout membre du personnel a l’obligation de divulguer aux ressources humaines s’il a des dépendances à des drogues, à l’alcool ou à d’autres substances.

Source : VigieRT, avril 2018.

1 2017 CSC 30.
2 Bish c. Elk Valley Coal Corporation, 2012 AHRC 7, par. 152.
3 2017 QCTA 751.
4 Id, par. 113.
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