Vous lisez : Conséquences d’une fausse déclaration à l’embauche sur le lien d’emploi

Les arbitres de griefs québécois appliquent généralement quatre critères afin de décider de la justesse d’un congédiement pour fausses déclarations à l’embauche. La présence d'un seul peut justifier le congédiement en certaines circonstances : 1) l'objet de la fausse déclaration; 2) la relation entre les renseignements omis et l'emploi du salarié; 3) l'effet de la fausse déclaration sur le consentement de l'employeur et 4) le caractère intentionnel ou involontaire de l'omission. Il s’agit d’une approche contractuelle plutôt que basée sur la faute du salarié.

D'autre part, les faits omis peuvent porter sur un motif interdit de discrimination mentionné à l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12). L’article 18.1 de la Charte interdit la recherche, dans un formulaire de demande d'emploi, de renseignements sur les motifs de discrimination énumérés à l'article 10, sauf lorsqu'un lien peut être établi avec les « aptitudes ou qualités requises par un emploi » au sens de l’article 20.

Ce qui suit fait un survol des sentences arbitrales et des jugements en révision de celles-ci mettant en cause de fausses déclarations à l’embauche faites relativement à l’état de santé, et la dernière décision traite d'une fausse déclaration concernant des emplois antérieurs.

Les articles de la Charte prévoient ceci :

« 10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

18.1 Nul ne peut, dans un formulaire de demande d'emploi ou lors d'une entrevue relative à un emploi, requérir d'une personne des renseignements sur les motifs visés dans l'article 10 sauf si ces renseignements sont utiles à l'application de l'article 20 ou à l'application d'un programme d'accès à l'égalité existant au moment de la demande.

20. Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi, ou justifiée par le caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d'une institution sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d'un groupe ethnique est réputée non discriminatoire. »

Condition psychologique

Le congédiement imposé par le Centre hospitalier régional de Trois-Rivières à un infirmier auxiliaire pour avoir fait de fausses déclarations à l’embauche au sujet de ses antécédents psychiatriques dans un questionnaire médical est maintenu par la Cour d’appel.

Même si des questions portant sur l’état de santé sont interdites par l’article 18.1 de la Charte des droits et libertés de la personne parce qu’elles portent sur le handicap, un motif de discrimination prévu à l’article 10 de la Charte, l’employeur peut vérifier si un salarié possède les aptitudes requises par l'emploi au sens de l'article 20. Le médecin de l'employeur a affirmé que le plaignant représentait un risque important d'absentéisme en se basant sur son dossier médical et sur le questionnaire de préembauche.

La Cour supérieure a donné raison à l’arbitre de griefs, qui a conclu que les renseignements dissimulés étaient d'une grande importance, car ils étaient en relation directe avec le genre de travail effectué. Selon lui, l'employeur devait pouvoir établir si le candidat était en mesure de fournir une prestation de travail non seulement adéquate, mais régulière. Il a conclu que la preuve avait démontré que l'infirmier auxiliaire travaille de manière autonome, de telle sorte qu'il peut s'écouler plusieurs jours ou semaines avant qu'un comportement dysfonctionnel ne soit remarqué. Pour la Cour d’appel, les questions posées, qui étaient relatives à des problèmes de dépendance à l’alcool, aux drogues et au jeu et de santé mentale ainsi qu'à un usage régulier de médicaments, n’étaient pas « sans lien avec la tâche et les responsabilités confiées ». Comme le consentement de l’employeur a été vicié sur un élément important lors de la naissance de l’obligation contractuelle, le contrat de travail est nul, et la décision de l’arbitre à ce sujet est maintenue.

La Cour traite des points suivants : 1) la légalité du questionnaire de préembauche à l’occasion de la vérification des aptitudes requises et le régime juridique établi par les articles 18.1 et 20 de la Charte; 2) la portée de l’obligation de bonne foi du salarié, tant au moment de la naissance du contrat que de son exécution, et ce, à l’égard de son obligation de divulgation des renseignements demandés; 3) les conséquences d’une fausse déclaration du salarié en réponse à une question qui contrevient à la Charte; 4) le vice de consentement de l’employeur provoqué par une fausse déclaration sur des faits susceptibles d’influer sur la capacité de travailler du salarié; 5) le régime juridique établi par les articles 18.1 et 20 de la Charte, relatifs à l’interdiction de requérir dans un formulaire de demande d’emploi ou lors d’une entrevue des renseignements sur l’un des motifs de discrimination visés à l’article 10, sauf s’ils sont utiles pour l’application de l’article 20 de la Charte et 6) l’obligation d’accommodement.

L'employeur ne peut exclure la candidature de la personne présentant un handicap que si sa décision repose sur les aptitudes ou qualités requises par l'emploi convoité. En l'espèce, l’obligation d’accommodement n’a pu naître étant donné qu’aucune démarche d'accommodement de la part de l'employeur n'a pu être entreprise en raison du choix du plaignant de ne pas répondre en toute bonne foi à son questionnaire.

La Cour suprême décidera sous peu si elle autorise l’appel de cette décision.

Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Coeur-du-Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (C.S., 2010-11-05), 2010 QCCS 5311, SOQUIJ AZ-50687772, 2010EXP-3861, 2010EXPT-2530, J.E. 2010-2076, D.T.E. 2010T-775; requête pour permission d'appeler accueillie (C.A., 2011-03-10), 200-09-007226-100, 2011 QCCA 431, SOQUIJ AZ-50730198. Appel rejeté (C.A., 2012-10-16), 2012 QCCA 1867, SOQUIJ AZ-50903445, 2012EXP-3839, 2012EXPT-2163, J.E. 2012-2051, D.T.E. 2012T-760; requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême (C.S. Can., 2012-12-14), 35130.


La Cour supérieure a décidé que l'arbitre de griefs avait rendu une décision raisonnable en maintenant le congédiement d'une policière au motif de fausses déclarations médicales à l'embauche sur sa condition psychologique.

La policière a rempli un questionnaire de préembauche dans lequel elle a déclaré qu'elle avait souffert de dépression une dizaine d'années plus tôt pendant une durée de trois mois, alors que la période de celle-ci avait été de presque une année. De plus, elle a affirmé qu'elle n'avait pas souffert d'anxiété, de troubles de panique ou d'une autre maladie mentale.

Comme le dossier portait sur une question de nature administrative, l'employeur devait démontrer, ainsi que l'a exprimé l'arbitre, non seulement que toute l'information sur l'état de santé de la plaignante lui était inconnue au moment de l'embaucher, mais que s'il en avait été informé, il n'aurait pas procédé à son embauche, car elle ne possédait pas les qualités requises pour agir en qualité de policière. Selon la Cour, l'arbitre a eu raison d'avoir recours aux critères qui s'appliquent dans les cas de vice de consentement.

Association des policières et policiers provinciaux du Québec c. Provençal (C.S., 2012-10-09), 2012 QCCS 4754, SOQUIJ AZ-50901320, 2012EXP-3840, 2012EXPT-2164, J.E. 2012-2052, D.T.E. 2012T-761.


Le congédiement imposé à un journalier dans une entreprise de fabrication de papier pour avoir fait de fausses déclarations dans le questionnaire médical de préembauche est confirmé; l'employeur ne l'aurait pas embauché s'il avait connu la vérité, et il s'agit d'une annulation du contrat de travail.

Le plaignant s'est absenté du travail en raison d'un trouble de l'adaptation avec humeur dépressive et perturbation du comportement. Dans le questionnaire médical de préembauche, il avait faussement déclaré qu'il n'avait pas été hospitalisé, qu'il n'avait pas consulté de psychiatre, qu'il ne consultait pas de médecin, qu'il n'avait pas eu de troubles émotifs, qu'il n'avait pas consommé de marijuana et qu'il n'avait pas pris de médicaments. Pourtant, il souffrait toujours de cette condition psychologique au moment de son embauche, sa consommation de marijuana était constante et il prenait des médicaments puissants.

L’arbitre de griefs a conclu que les questions et les réponses étaient reliées à l'emploi et qu’elles sont permises par l'article 20 de la Charte et par l’article 9 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (L.R.Q., c. P-39.1).L’arbitre a également souligné les obligations légales de l’employeur en matière de santé et de sécurité du travail et il a maintenu le congédiement.

Syndicat national des travailleuses et travailleurs des pâtes et papiers de Crabtree inc. (CSN) et Produits Kruger ltée (E.D.) (T.A., 2012-01-04), SOQUIJ AZ-50819608, 2012EXP-636, 2012EXPT-321, D.T.E. 2012T-109.


Le congédiement imposé à une chauffeuse d'autobus pour avoir omis de déclarer, dans le questionnaire médical de préembauche, qu'elle avait souffert de dépression majeure et qu'elle prenait toujours des médicaments antipsychotiques est confirmé.

L’arbitre de griefs s’est dit d’avis que toutes les questions posées à la plaignante étaient utiles afin de vérifier son état de santé psychologique, selon l'article18.1de la Charte, et constituaient une exigence professionnelle justifiée au sens de l'article20de la Charte. En effet, l'état de santé mentale de la plaignante et sa consommation de médicaments présentaient un risque incompatible avec la conduite d'un autobus.

Syndicat des chauffeurs d'autobus, opérateurs de métro et employés des services connexes au transport de la STM, section locale 1983, SCFP et Société de transport de Montréal (Mme A), (T.A., 2011-06-20 (décision rectifiée le 2011-08-18)), SOQUIJ AZ-50763676, 2011EXP-2328, 2011EXPT-1388, D.T.E. 2011T-487, [2011] R.J.D.T. 818.


En omettant de mentionner ses antécédents psychiatriques lorsqu'elle a postulé un emploi d'acheteuse, la plaignante a induit l'employeur en erreur et son congédiement est confirmé.

La plaignante occupait un poste d'acheteuse. Elle avait des antécédents psychiatriques reliés à des troubles bipolaires, ce qui avait un effet sur son absentéisme.

L’arbitre de griefs a conclu que la maladie bipolaire dont souffrait la plaignante pouvait avoir des répercussions sur sa capacité à fournir une prestation régulière de travail. Par conséquent, il y avait un lien entre les antécédents psychiatriques de la plaignante et l'emploi qu'elle sollicitait. L'employeur n'a donc pas contrevenu à la Charte en exigeant des précisions sur son état de santé. En faisant de fausses déclarations dans le questionnaire de préembauche, la plaignante n'a pas agi de bonne foi et elle a induit l'employeur en erreur lors de la conclusion du contrat de travail.

Syndicat national des employés de l'Hôpital général du Lakeshore et Hôpital général du Lakeshore (T.A., 2003-05-30), SOQUIJ AZ-03145140, D.T.E. 2003T-778, A.A.S. 2003A-128.


Par contre :

L’omission de la plaignante de déclarer qu’elle avait fait l’objet d’un suivi en psychologie à l’adolescence dans le questionnaire médical ne justifie pas un congédiement.

Le questionnaire médical comprenait des questions sur l'état de santé de la plaignante durant les cinq années précédentes. Dans ce contexte, elle a indiqué qu'elle avait eu des problèmes d'anxiété et qu'elle avait fait l'objet d'un suivi en psychologie au cours de cette période. Le fait d'avoir eu recours à de tels soins à l'époque de son adolescence n'est pas pertinent.

Syndicat du personnel paratechnique, des services auxiliaires et des métiers du CSSS La Pommeraie, section locale 2304 (SCFP-FTQ) et Centre de santé et de services sociaux La Pommeraie (M.L.), (T.A., 2010-03-08), SOQUIJ AZ-50616394, 2010EXPT-1209, D.T.E. 2010T-343, A.A.S. 2010A-28.


Condition physique

Le congédiement imposé à un employé paramédical pour avoir omis de déclarer une blessure au genou requérant une intervention chirurgicale dans le questionnaire médical à l'occasion de son embauche est confirmé; le contrat d'embauche est nul, car il est entaché d'un vice de consentement. De plus, l'employeur n'a aucune obligation d'accommodement à son égard; une excellente condition physique et psychologique est une exigence requise pour ce poste au sens de l'article 20 de la Charte.

L’arbitre de griefs s’est dit d’avis que l'employeur doit démontrer non seulement que le plaignant a fait une fausse déclaration ou omis de divulguer une information importante, mais aussi que celle-ci est liée à l'emploi et que, s'il avait connu la vérité, il n'aurait pas procédé à son embauche. De plus, les questions étaient suffisamment précises afin qu'un candidat sache ce que l'employeur désirait obtenir à titre de renseignements médicaux. Le plaignant a décidé de ne pas divulguer sa blessure au genou droit et de ne pas mentionner qu'il devait porter une attelle à l'occasion de la pratique de sports. Au surplus, le fait de subir, dans un avenir prochain, une intervention au genou est un élément qu'un futur employeur est en droit de connaître.

Syndicat du préhospitalier (FSSS-CSN) et Corporation d'Urgences-santé (Alexandre Bonin), (T.A., 2012-03-07), SOQUIJ AZ-50838609, 2012EXP-1354, 2012EXPT-707, D.T.E. 2012T-232.


Le congédiement d'un technologue médical pour avoir omis de révéler lors de son embauche qu'il avait déjà eu des problèmes de santé (hypertension, épicondylite, maux de dos et dépression) est annulé, notamment parce qu'il constitue une mesure discriminatoire.

Les réponses inexactes fournies par le plaignant au questionnaire de préembauche passaient sous silence les problèmes de santé qu'il avait déjà éprouvés ou pour lesquels il prenait des médicaments, soit de l'hypertension artérielle, des douleurs lombaires, une dépression et une épicondylite.

L’arbitre de griefs a déclaré que le questionnaire de préembauche était très exhaustif et indiscret. Or, l'article18.1de la Charte limite de telles demandes d'information aux seules aptitudes ou qualités requises pour l'emploi. Il n'y avait aucune preuve d'exigences préalablement déterminées pour la sélection des candidats. Le processus ayant conduit au congédiement est également défaillant, le médecin de l'employeur n'ayant pas examiné le plaignant. La relation entre un risque d'incapacité future et la condition médicale d'un salarié s'établit en commençant par une définition sérieuse des exigences physiques et mentales du poste ainsi qu'une évaluation objective des capacités d'un candidat.

Syndicat des technologues en radiologie du Québec et Centre hospitalier de l'Université de Montréal (Campus St-Luc), (T.A., 2004-07-23), SOQUIJ AZ-50268767, D.T.E. 2004T-972, A.A.S. 2004A-200, [2004] R.J.D.T. 1816.


Information sur les emplois antérieurs

Ayant appris après le congédiement du plaignant que celui-ci avait fait une fausse déclaration lors de l'embauche au sujet des motifs pour lesquels il avait quitté ses emplois précédents, l'employeur soutient qu'il ne l'aurait jamais engagé s'il avait connu la vérité; l'arbitre conclut à un vice de consentement et à la nullité du contrat de travail.

Le plaignant a été préposé aux bénéficiaires chez l'employeur. Il a transmis une demande d’emploi contenant des renseignements erronés. L'employeur a fait valoir qu'il ne l'aurait jamais engagé s'il avait su qu'il avait été congédié en raison de son comportement belliqueux et de plaintes de harcèlement sexuel portées contre lui par des collègues.

L’arbitre de griefs a conclu que ces fausses déclarations avaient été faites de façon délibérée et qu’elles visaient à masquer certains antécédents sur le plan professionnel en vue d'améliorer ses chances d'obtenir un emploi. Le plaignant savait que l'information cachée était pertinente eu égard au poste convoité. D'autre part, l'employeur a prouvé qu'il n'aurait pas engagé le plaignant s'il avait été au courant de ses congédiements antérieurs. Il a donc été induit en erreur relativement à des éléments essentiels à la validité de son consentement. Le contrat de travail est déclaré nul. Nous serons bientôt fixés sur la question des fausses déclarations en matière d’embauche. En effet, si la Cour suprême du Canada autorise l’appel de la décision dans Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Coeur-du-Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, nous aurons droit à une toute nouvelle analyse approfondie sur le sujet. Dans le cas contraire, les critères établis par la Cour d’appel seront maintenus.

Source : VigieRT, février 2013.

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