Vous lisez : Congédiement pour incompétence

En milieu de travail, les cas de congédiement peuvent être de deux natures : disciplinaire ou administrative. Nous nous attarderons ici à la notion de congédiement administratif. Il convient cependant de bien saisir la différence entre ces deux notions. Le congédiement disciplinaire est la sanction ultime après l'imposition d'autres mesures disciplinaires à l'intérieur de ce qu'il est convenu d'appeler un processus de gradation des sanctions ayant pour objectif de corriger un comportement répréhensible de la part d'un salarié. Quant au congédiement administratif pour incompétence, il n'emprunte pas la voie des sanctions, car il n'y a pas cette intention de sévir, étant donné le caractère involontaire des manquements reprochés au salarié, soit l'incapacité pour celui-ci d'accomplir son travail correctement.

Avant de mettre fin à l'emploi d'un salarié, l'employeur doit d'abord établir son incompétence. Ensuite, il doit démontrer qu'il a respecté les obligations prévues par la jurisprudence avant de se départir de cet employé.

Voici les obligations établies par la jurisprudence actuelle…

L'employeur doit informer le salarié de ses attentes et des politiques de l'entreprise
Chaque salarié doit être au courant des politiques et des attentes de l'entreprise pour laquelle il travaille. Cette obligation d’information incombe à l'employeur et comporte deux volets. Le premier est relatif aux attentes de l'entreprise à l’égard du salarié. Pour remplir cette exigence, l'employeur doit s'assurer que le salarié a été avisé du rendement qu'on attend de lui dans l'exercice de ses fonctions. Le salarié doit donc bien connaître les tâches à effectuer et les exigences à leur égard. L'employeur doit l’aviser formellement de ses attentes, de façon claire et sans équivoque. Par exemple, les attentes peuvent être communiquées dans un document écrit remis au salarié.

Le deuxième volet s'inscrit dans un contexte plus large, c'est-à-dire que l’employeur doit faire connaître au salarié les politiques de l'entreprise. Une façon de s'assurer que les employés connaissent ces politiques serait de les afficher à un endroit accessible à tous ou encore d’en remettre une copie à chacun d'eux. Mais, le simple fait de lui remettre les politiques de l'entreprise au salarié n’est pas suffisant, car l’employeur doit s'assurer qu’il en comprend bien la portée.

L'employeur doit signaler ses lacunes à l’employé
Afin qu'un salarié puisse s'améliorer, il est important que son employeur lui signale ses erreurs, ses points faibles ou encore son rendement déficient. En effet, l’employé doit connaître les faits qui lui sont reprochés. Cela peut se faire dans le cadre d’une rencontre ou encore par la remise d'un avis écrit indiquant ses lacunes au salarié. Peu importe le moyen choisi pour aviser l’employé, l'ambiguïté doit être évitée à tout prix. Les lacunes du salarié doivent lui être clairement communiquées et l'employeur doit s'assurer qu’il en a une bonne compréhension.

L'employeur doit apporter le soutien nécessaire pour que le salarié se corrige et atteigne les objectifs
L’employeur doit, une fois les lacunes du salarié déterminées, lui fournir l’aide et la collaboration nécessaires afin qu’il puisse corriger la situation. Le salarié doit avoir eu une formation adéquate et doit recevoir l’appui de son employeur tout au long de sa prestation de travail. Une formation supplémentaire pourrait améliorer son efficacité. Désigner une personne-ressource à laquelle le salarié peut s’adresser en cas de besoin pourrait aussi s'avérer utile. Ces solutions peuvent se révéler très bénéfiques pour les deux parties. Dans un tout autre ordre d’idée, l’employeur peut offrir au salarié de le muter à un autre poste dont les tâches conviendraient mieux à ses capacités.

Cette troisième exigence se résume en l’obligation pour un employeur d’outiller convenablement le salarié et de l’accompagner dans l’atteinte de ses objectifs. L’employeur doit être proactif et soutenir le salarié pour favoriser ainsi un meilleur rendement.

L'employeur doit accorder au salarié un délai raisonnable pour s’améliorer
L’employeur doit donner au salarié un délai raisonnable pour qu’il satisfasse à ces attentes. Un délai raisonnable s’établit, entre autres, en fonction de l’entreprise exploitée, du poste occupé par le salarié, de son ancienneté, de ses manquements et de la gravité de ceux-ci. Il est entendu qu’une fois le délai déterminé, le salarié doit en être avisé. De plus, il est primordial pour l’employeur de respecter ce délai. Il ne peut présumer de l’incapacité du salarié à s’amender. Si un employeur met fin à l’emploi d’un salarié avant la fin du délai convenu, le congédiement pourrait être annulé par le tribunal.

Durant la période de correction octroyée au salarié, il est recommandé à l’employeur de faire des suivis auprès de lui afin de connaître l’évolution de son rendement. Le suivi peut se faire pendant des rencontres ou prendre la forme d’évaluations écrites. Il revient à l’employeur de déterminer le moyen le plus approprié d’assurer ce suivi.

L'employeur doit informer clairement le salarié de la possibilité d'un congédiement à défaut d'amélioration de sa part
Considérant qu’une sanction imposée à un salarié doit être proportionnelle à ses manquements et que le congédiement est la sanction ultime, cette cinquième obligation est cruciale et il ne faut l’ignorer sous aucun prétexte. L’employeur doit aviser le salarié qu’à moins d’une amélioration notable de sa part, il se verra dans l’obligation de se départir de ses services. Un employeur qui ne respecte pas cette exigence et qui congédie un salarié sans l’avoir valablement avisé de cette possibilité commet un acte qui risque d'être considéré comme illégal par les tribunaux spécialisés.

En conclusion, précisons que le congédiement équivaut à la peine capitale pour le salarié dans le contexte des relations du travail; c’est pour cette raison que la décision d’un employeur de mettre fin à l’emploi d’un salarié ne doit pas être prise de façon abusive, discriminatoire ou arbitraire. Il est primordial que l’employeur, afin d’éviter de procéder à un congédiement injustifié, suive rigoureusement les cinq exigences déterminées par la jurisprudence.

Se conformer à ces obligations est encore plus important depuis l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions de la Loi sur les normes du travail[1] en matière de harcèlement psychologique. En effet, le suivi par un employeur d’un salarié qui a des lacunes pourrait être interprété par ce dernier comme du harcèlement psychologique à son égard. L’employeur doit donc veiller à appliquer les exigences convenablement et prudemment afin d’éviter tout conflit. Bref, il est important de se rappeler que, lorsque les relations entre employeur et salarié sont empreintes de respect, le milieu de travail devient plus motivant pour les deux parties.

Véronic Morissette-Landry, avocate, Commission des normes du travail

Source : VigieRT, numéro 36, mars 2009.


1 L.R.Q., c. N-1.1, art. 81.18, 81.19 et 123.6 à 123.16
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