Le 12 avril 2017, le Tribunal administratif du travail (ci-après le « TAT ») a rendu une décision importante en matière d’accréditation syndicale. Dans l’affaire Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 500 et Electronics Boutique Canada inc.[1], le juge administratif a statué qu’un employeur n’a pas l’intérêt juridique requis pour contester la constitutionnalité des dispositions du Code du travail (ci-après le « Code ») qui traitent de la méthode d’évaluation du caractère représentatif des syndicats. Cette décision n’est pas sans impact pour les employeurs au Québec. Nous vous proposons donc un bref rappel des faits pertinents de ce dossier.
1. Les faits
Le 14 février, le syndicat, Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 500 (ci-après « TUAC ») a déposé une requête auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail afin de représenter tous les salariés d’Electronics Boutique Canada inc. (ci-après l’« employeur »). Même si TUAC a obtenu l’adhésion syndicale d’une majorité des salariés visés par la requête, celle-ci a été déférée au TAT, puisque l’employeur a notifié son intention au Procureur général du Québec de contester la constitutionnalité des dispositions du Code en ce qui a trait à la méthode d’évaluation du caractère représentatif des syndicats.
Plus précisément, l’employeur a plaidé que le processus d’accréditation prévu au Code enfreint la liberté d’association des salariés et la liberté d’expression de ceux-ci et des employeurs. Il a tenté de convaincre le juge que l’absence d’un vote au scrutin secret obligatoire lorsqu’une requête en accréditation est déposée, comme dans d’autres juridictions, viole la liberté d’association des salariés. Ainsi, le fait qu’ils ne puissent pas, et particulièrement, l’employeur, exprimer leur opinion sur la demande d’accréditation donne lieu à une violation de la liberté d’expression des deux parties.
2. La décision
Le TAT n’a pas analysé la constitutionnalité des dispositions du Code, puisque ce dernier a déterminé qu’un employeur n’a pas l’intérêt juridique nécessaire de les contester. En d’autres termes, l’employeur n’est pas la partie appropriée pour faire une telle contestation.
Le juge administratif a expliqué que selon une jurisprudence constante, l’employeur n’est pas une partie intéressée quant au caractère représentatif d’un syndicat. Il écrit :
À cet égard, le TAT se fonde sur l’article 32 du Code, qui se lit comme suit : « […] Sont seuls parties intéressées quant au caractère représentatif d’une association de salariés, tout salarié compris dans l’unité de négociation ou toute association de salariés intéressée. »
Compte tenu du fait que l’employeur n’est pas une partie intéressée quant au caractère représentatif d’un syndicat, le juge explique que l’employeur tente de plaider pour autrui ce qui n’est pas permis. Seuls les salariés ou les syndicats sont les titulaires de la liberté d’association, droit fondamental en matière d’accréditation.
3. Conclusion
Cette décision réitère que les employeurs ne peuvent pas contester les dispositions du Code en matière de caractère représentatif des syndicats. Par contre, cette conclusion ne signifie pas pour autant que les dispositions en cause sont constitutionnelles.
Tel que mentionné par l’employeur dans ce dossier, le processus d’accréditation au Québec diffère de celui de la majorité des autres juridictions suivant le modèle de la Wagner Act, puisque nous ne prévoyons pas un vote au scrutin obligatoire au moment du dépôt d’une requête en accréditation. Il revient donc aux salariés ainsi qu’aux syndicats de contester ces dispositions.
Source : VigieRT, juin 2017.
1 | 2017 QCTAT 1739 |