Vous lisez : Audition en vue à la Commission des relations du travail

Un salarié croit avoir été l’objet d’un congédiement interdit, d’un congédiement sans cause juste et suffisante ou encore de harcèlement psychologique… Il dépose sa plainte à la Commission des normes du travail, laquelle en fait l’analyse et, le cas échéant, la transfère à la Commission des relations du travail (ci-après la « CRT »). Un avis d’audience sera éventuellement transmis aux parties intéressées, dont fait évidemment partie l’employeur.

Cet avis d’audience, en plus d’informer les parties de la date fixée et de différentes règles applicables en préparation de ladite audience, prévoit la possibilité que la CRT convoque les parties à une conférence préparatoire.  

Ce pouvoir de la CRT de convoquer une conférence préparatoire a été confirmé par le législateur à l’article 135 du Code du travail (ci-après le « Code »). Le législateur a également déterminé quel était l’objet d’une telle procédure :

« 136. La conférence préparatoire est tenue par un commissaire. Elle a pour objet :
  1. de définir les questions à débattre lors de l'audience;
  2. d'évaluer l'opportunité de clarifier et préciser les prétentions des parties ainsi que les conclusions recherchées;
  3. d'assurer l'échange entre les parties de toute preuve documentaire;
  4. de planifier le déroulement de la procédure et de la preuve lors de l'audience;
  5. d'examiner la possibilité pour les parties d'admettre certains faits ou d'en faire la preuve par déclaration sous serment;
  6. d'examiner toute autre question pouvant simplifier ou accélérer le déroulement de l'audience.
La conférence préparatoire peut également permettre aux parties d'en arriver à une entente et de terminer ainsi une affaire. »

Ainsi, la conférence préparatoire permettra non seulement à la CRT, mais également aux parties, d’être davantage informées de ce qu’une partie revendique, de ses arguments et surtout de ce qu’elle recherche comme remède ou conclusion.

L’occasion est également intéressante pour les parties de circonscrire le débat en vue et de dresser l’ordre de présentation de la preuve. Cela favorisera une meilleure préparation à l’audience et évitera possiblement des déplacements ou des pertes de temps.

Soulignons que le Code du travail prévoit également la rédaction d’un procès-verbal de la conférence préparatoire :

« 137. Le commissaire consigne au procès-verbal de la conférence préparatoire les points sur lesquels les parties s'entendent, les faits admis et les décisions qu'il prend. Le procès-verbal est versé au dossier et une copie en est transmise aux parties.

Les ententes, admissions et décisions qui y sont rapportées gouvernent pour autant le déroulement de l'instance, à moins que la Commission, lorsqu'elle entend l'affaire, ne permette d'y déroger pour prévenir une injustice. »

Les parties pourront donc se fier aux « résultats » de la conférence préparatoire, consignés au procès-verbal, afin de mieux guider leur préparation. Soulignons à cet effet qu’après cinq (5) jours de la transmission aux parties du procès-verbal, à moins de contestation, celui-ci fera preuve de son contenu. Les règles de preuve et de procédure de la CRT contiennent une disposition à cet effet :

« 25. Le procès-verbal d’une conférence préparatoire fait foi de son contenu à moins d’opposition déposée à la Commission dans les cinq (5) jours de sa transmission aux parties. »

Si la conférence préparatoire peut être tenue à l’initiative de la CRT, rien n’empêche un employeur, partie au litige, de demander à celle-ci de tenir une telle conférence. En effet, dans des circonstances où plusieurs jours d’audition sont à prévoir, où la preuve à soumettre à la CRT sera longue et complexe ou encore si de nombreux témoins, experts ou non, seront entendus, il peut être opportun de demander à la CRT de tenir une conférence préparatoire. Cette conférence se tiendra le plus souvent au moyen d’une conférence téléphonique, présidée par un commissaire désigné. La CRT aura cependant le dernier mot quant à l’opportunité ou non de tenir la conférence préparatoire demandée par une des parties.

Illustration
Une décision[1] rendue très récemment par la CRT illustre les bienfaits que peut avoir la tenue d’une conférence préparatoire. Dans cette affaire, le plaignant avait déposé trois (3) plaintes contre l’employeur, soit en application des articles 122.1 (mise à la retraite interdite), 124 (congédiement sans cause juste et suffisante) et 123.6 (harcèlement psychologique) de la Loi sur les normes du travail (ci-après la « LNT »).

En vue de l’audition de ces trois plaintes devant la CRT, une conférence préparatoire est tenue et un procès-verbal est dressé, comprenant les engagements suivants (résumés ici) de la part du plaignant :

  • Transmission à la CRT et à l’employeur d’un exposé chronologique des faits au soutien de sa plainte de harcèlement psychologique, incluant la date des événements et le nom des personnes impliquées;
  • Précision quant à laquelle des quatre (4) hypothèses de l’article 122.1 LNT serait applicable à son cas;
  • Annonce de la preuve que le plaignant entend faire pour démontrer les conditions d’exercice de ses plaintes en vertu des articles 122.1 et 124 LNT;
  • Précision des conclusions recherchées par chacune des plaintes;
  • Transmission de tous les documents que le plaignant a en sa possession et qu’il entend invoquer dans le cadre de sa preuve.

Quelques jours plus tard, le plaignant transmet une lettre à la Commission, apportant certaines des précisions convenues. Cependant, de l’avis de la CRT, ces précisions ne sont pas suffisantes. Un avis est ainsi transmis au plaignant, dans lequel on lui demande de se conformer aux engagements pris lors de la conférence préparatoire. Un délai additionnel est au surplus donné au plaignant afin qu’il réponde à cette demande. Au moment de l’audience, le plaignant n’a toujours pas les précisions demandées. L’employeur demande donc le rejet de ces plaintes.

Le juge administratif chargé d’entendre l’affaire conclut que tant le plaignant que son procureur n’ont pas démontré de façon satisfaisante qu’ils étaient dans l’impossibilité de remplir les engagements souscrits dans le cadre de la conférence préparatoire.

Le juge administratif souligne qu’on ne peut imposer à l’employeur de se défendre à l’encontre d’une plainte sous 122.1 LNT dans la mesure où le plaignant n’a pas précisé à quelle des quatre (4) hypothèses de cet article il se réfère. La plainte sous 122.1 LNT est ainsi rejetée.

Constatant le défaut du plaignant de transmettre les détails liés à la plainte de harcèlement psychologique, la plainte en vertu de l’article 123.6 LNT est aussi rejetée.

Enfin, pour ce qui est de la plainte sous l’article 124 LNT, considérant que le plaignant a donné suffisamment de renseignements permettant à la CRT de croire qu’il satisfait aux conditions d’exercice du recours, la plainte n’est pas rejetée. En effet, concluant que le défaut du plaignant d’avoir transmis ses précisions quant à sa plainte sous l’article 124 LNT ne cause pas de réel préjudice à l’employeur, le dossier est poursuivi quant à cette plainte.

Efficace, mais pas en toutes circonstances
La tenue d’une conférence préparatoire, comme il a été mentionné précédemment, peut ainsi, selon les circonstances, s’avérer un outil très efficace pour un employeur soucieux de bien préparer l’administration de sa preuve et le déroulement de chacune des journées d’audience. En effet, cette procédure permettra le plus souvent aux parties d’avoir un portrait global de l’ensemble du litige et ainsi d’adapter leur stratégie. Évidemment, cet outil doit être utilisé avec modération par l’employeur et être réservé aux cas où l’ampleur du dossier justifie une telle procédure.

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Source : VigieRT, mars 2012


1 Abergel et Sears Canada inc., 2012 QCCRT 0080
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