La gestion de la complexité n’est pas une lubie. La mondialisation et la compétitivité nous plongent dans la complexité. Nous gérons plusieurs dossiers en simultané, de l’opérationnel au stratégique, de la haute direction au plancher des vaches, avec les clients, les employés, les partenaires, etc. Cela crée des paradoxes : être à la fois stimulé par son travail et en ressentir le poids. Être passionné et en souffrir...
Ce que n’est pas la gestion de la complexité
- La gestion du temps
- La gestion des priorités
- La gestion des personnes difficiles
- Etc.
Ce qu’est la complexité
La complexité est comme un tissu composé d’éléments différents et qui forme un tout qu’on ne peut décomposer. Ce tout existe par les interactions des divers éléments.
Le terme complexe est souvent confondu avec compliqué. Ce qui est compliqué peut être décomposé en différentes étapes systématiques et on peut finir par le comprendre, comme le tableau de bord d’un Boeing. Ce qui est complexe implique que nous n’avons pas toutes les données. Ce serait tenter de reproduire la position exacte de toutes les nouilles d’un spaghetti dans une assiette. Si vous êtes sûr de n’avoir rien oublié, c’est peut-être compliqué, mais sûrement pas complexe. Car on peut spécifier et décrire en détail la structure et le fonctionnement du compliqué, mais on n’a qu’une perception globale du complexe qui, bien qu’observé et manipulé, nous reste imparfaitement connu, clos sur quelque mystère. La complexité est un ordre dont on ne connaît pas le code. La complexité signifie une pluralité d’éléments, bien souvent hétérogènes et dont l’unité n’est pas immédiatement claire pour l’esprit, ce qui peut impliquer des difficultés de compréhension de l’analyse. L’une des composantes importantes de la complexité est la perplexité. Dans les situations complexes, on se sent embrouillé, incertain en raison de ce qu’on perçoit comme étant ambigu. Une telle situation rend la décision et l’action difficiles. Comment agir quand la lisibilité des choses nous échappe? Cette complexité, on ne pourra la gérer que si on réussit à en tirer un sens. La compréhension de la complexité implique la compréhension de l’interdépendance, de la notion de confiance, de celle de la synergie et de la coopération. La complexité se comprend si on réussit à voir les choses pour ce qu’elles sont globalement sans essayer de les décortiquer. C’est une toute autre façon de voir. Dans toute complexité, il y a présence d’incertitude.
Appréhender le complexe est de l’ordre de la conception plutôt que de l’analyse. L’analyse nous amène à décortiquer pour comprendre les parties et nous cache la globalité. Concevoir permet de saisir cette globalité. D’un monde fragmenté par l’analyse cartésienne, il nous mène dans celui des interdépendances et de la dynamique des systèmes. La force de cette vision réside dans l’intégration des niveaux de complexité, l’interdépendance des structures et des fonctions et la dynamique des interactions.
Exemples « d’objets » complexes
- Une équipe de travail dans une organisation
- Internet
- Un arbre
- L’humain
- Nos entreprises
- Etc.
Un tout complexe n’est pas réductible à ses parties. Il ne faut pas abandonner sa logique, mais au contraire l’ouvrir sur l’irrationalité et l’inconnu. Il ne s’agit pas d’être cartésien ou anti-cartésien, mais d’être localement tantôt l’un et tantôt l’autre, principalement l’un et l’autre et, enfin, au-delà de l’un et de l’autre. En d’autres mots, il faut se servir de l’analyse à travers une vision globale de la réalité.
La complexité doit être comprise comme un état auquel est parvenu un système en évolution. L’observateur qui contemple un système complexe y verra richesse, diversité et profondeur; d’autre part, la forme du système sera donnée par un principe organisateur. Ce principe semblera d’une surprenante simplicité. Les systèmes qui sont réputés être organisés à un niveau de complexité élevé sont en mesure de faire face à un environnement d’une complexité correspondante. La capacité de communiquer efficacement à l’intérieur du système est le reflet de la capacité d’échanger efficacement avec son environnement.
« Les principes de l’approche systémique sont les suivants1 :
- Le principe d’interaction ou d’interdépendance : chaque élément tire son information des autres éléments et agit sur eux. Pour comprendre un élément, il faut le considérer dans le contexte avec lequel il interagit.
- Le principe de totalité : lorsqu’il y a un regroupement d’éléments, la logique de groupe constitué prime sur celle de chaque élément qui le compose.
- Le principe de rétroaction appelé aussi feed-back ou causalité circulaire : l’effet B produit par A agit en retour sur la cause A qui l’a produite.
- Le principe d’équifinalité : on peut obtenir un résultat identique à partir de conditions initiales différentes et en empruntant des chemins différents. »
Des solutions concrètes et des stratégies
« C’est en marchant que l’on fait le chemin ».
Le Moigne
C’est en prenant du recul que nous pouvons réduire la complexité (De Rosnay), la ramener à des comportements simples, à des interactions d’entités plus globales dont l’inertie est sa plus grande.
Quelques conseils :
- être attentif aux évolutions;
- être prêt à remettre en question ses certitudes;
- accepter de faire entrer dans son système de pensée des approches différentes.
La gestion imposée de façon centralisée est mal adaptée à la complexité et à l’implication des personnes. La gestion devrait favoriser l’émergence de projets et proposer aux personnes des dispositifs de bilans personnels et professionnels. Cela permet d’allier les finalités de l’entreprise, les projets individuels et la gestion de carrière.
Diagnostiquer :
- la surcharge de complexité = incapacité d’extraire un sens, trop de « diversité »
- optimum = modéliser afin de décider (on a aussi besoin de prendre du recul afin de conserver la vision d’ensemble)
De Rosnay nous a laissé les « dix commandements de l’approche systémique ».
- Conserver la variété
- Ne pas ouvrir les boucles de régulation
- Rechercher les points d’amélioration
- Rétablir l’équilibre par la décentralisation
- Savoir maintenir les contraintes
- Différencier pour mieux intégrer
- Pour évoluer, se laisser agresser
- Préférer les objectifs à la programmation détaillée
- Savoir utiliser l’énergie de commande
- Respecter les temps de réponse
Louise Charette, CRHA, est présidente de Multi Aspects Groupe Inc.
Téléphone : 418 651-4748
Adresse électronique : louise.charette@multiaspects.com
1) Yatchinovsky (1999) p.14
Bibliographie
DE ROSNAY, Joel (1975). Le macroscope: vers une vision globale, Paris, Éditions du Seuil.
DE ROSNAY (1995). L’homme symbiotique. Regards sur le troisième millénaire, Paris, Le Seuil.
DONNADIEU, G. et KARSKY, M. (2002). La systémique, penser et agir dans la complexité, Paris, Éditions Liaisons.
KAST, F.E. and J.E. ROSENZWEIG (1973). Organization and Management; a System and Contingency Approach, New-York, McGraw-Hill; Series in Management.
NAUD, Didier (2007). La stratégie face à la complexité, Paris, Les éditions Demos.
OUELLET, A. (1982). Processus de recherche, Sillery, Presses de l’Université du Québec.
PICARD, D. et M. EDMOND (1984). L’école de Palo Alto, Collection Actualité de la psychologie.
TREMBLAY, R-B. (1974). Le groupe optimal; cahier III, Montréal, CIM.
YATCHINOVSKY, Arlette (1999). L’approche systémique – Pour gérer l’incertitude et la complexité, Collection formation permanente, Paris, ESF Éditeur.