Dans plusieurs pays, le vieillissement de la population commence à se faire sentir. Le Québec n’y fait pas exception. Le nombre important d’employés faisant partie de la génération des baby-boomers (nés de 1946 à 1966), la hausse de l’espérance de vie et l’abolition de l’âge de la retraite sont des facteurs qui contribuent au vieillissement de la main-d’œuvre. Le faible taux de fécondité et la nécessité d’une scolarité supérieure ont également, comme conséquence une prochaine pénurie de travailleurs dans certains métiers et professions. Il va de soi que ces phénomènes distincts auront des retombées majeures sur la gestion des ressources humaines, notamment le volet « santé et sécurité ». D’ailleurs, les responsables en entreprise s’attendent à des bouleversements et à des impacts relativement importants. Le présent article traite de ce sujet chaud et suggère des pistes de solution à envisager pour éviter de mettre la santé de votre organisation dans une situation précaire.
Le phénomène le plus important à considérer découle du fait que, d’ici 2021, on prévoit que le tiers des Canadiens aura plus de 55 ans . Dans une enquête menée par Statistique Canada entre 1989 et 2003, il a été démontré que les personnes de plus de 55 ans sont moins à risque de se blesser au travail que les groupes d’âge plus jeunes. Cela est expliqué par leur expérience et leur comportement moins téméraire . Toutefois, les blessures qu’ils s’infligent sont souvent plus sévères. Ces dernières sont caractérisées par des affaiblissements physiques (baisse d’énergie, diminution de la force musculaire, perte de flexibilité), des distorsions sensorielles (vue et ouïe principalement) et/ou des dérangements cognitifs (capacité de concentration diminuée). L’âge de la retraite obligatoire ayant été aboli, certains travailleurs resteront beaucoup plus longtemps sur le marché du travail. L’entreprise y gagnera certainement, car le savoir-être et le savoir-faire de ces travailleurs les rendent très précieux. Toutefois, elle devra se préparer à aménager le travail selon leurs capacités.
Le deuxième aspect est relié à l’exposition prolongée du personnel à des conditions de travail parfois ardues. Il est vrai que les accidents du travail sont moins fréquents chez les 55 ans et plus, mais il en est tout autrement pour les maladies professionnelles et les décès qui en résultent. En effet, les baby-boomers sont très fidèles à leurs employeurs et ont très peu changé d’emploi au cours de leur carrière. Certains ont malheureusement été exposés sur de très longues périodes au bruit, à des postures de travail non ergonomiques ou à des produits chimiques avant que des études épidémiologiques n’aient démontré leurs dangers. Comme les maladies peuvent prendre jusqu’à quinze ou vingt ans avant de se déclarer, certaines qui ont contractées il y a des dizaines d’années commencent seulement à faire leur apparition. Citons, par exemple, la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 25 juillet dernier mettant en cause le Groupe Alcan et ses quatorze ex-employés décédés d’un cancer pulmonaire.
Enfin, le dernier impact abordé aujourd’hui est la pénurie de main-d’œuvre. En fait, la proportion de travailleurs préretraités est plus élevée que jamais : près de 20 % s’approchaient de leur retraite en 2002 et ce chiffre n’ira qu’en augmentant . Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’âge obligatoire de la retraite a été aboli et les entreprises pourront compter sur leurs employés spécialisés pendant quelques années supplémentaires, ce qui représente une valeur ajoutée importante pour l’organisation. Toutefois, il ne faut pas penser que tous ces travailleurs pourront maintenir leur rythme de travail. Les métiers qui requièrent des efforts physiques devront parfois être repensés. Cela implique d’adapter les horaires de travail et de réaménager les postes afin d’assurer la sécurité de ces personnes plus âgées. Il faut éviter les blessures dues à des facultés qui peuvent être diminuées. Les organisations devront également recruter plusieurs jeunes travailleurs pour pallier les départs à la retraite. Ces derniers seront moins nombreux que leurs prédécesseurs et les attentes envers eux pourraient être démesurées, afin de maintenir des niveaux de productivité adéquats. Certaines entreprises seront tentées de donner moins de formation et d’information à ces nouveaux employés afin qu’ils soient productifs plus rapidement. Mais attention! Ce laxisme risque fort de se retourner contre elles, car leur relève n’aura non seulement pas été formée adéquatement sur les règles de sécurité primordiales, mais elle pourra également représenter un danger pour les autres employés. Le défi sera de leur donner le temps requis auquel ils ont droit pour l’intégration adéquate à leur milieu de travail. Le concept de mentorat permet aussi de bonifier le rendement en réduisant le risque de blessures dont ont été témoins les personnes plus âgées au fil des ans.
Il est donc urgent de comprendre que la gestion de la santé et de la sécurité du travail sera affectée par le vieillissement de la main-d’œuvre. Quelques démarches pourraient toutefois faciliter le maintien d’un environnement sécuritaire dans votre entreprise. Prévoir des endroits de travail sans risque pour vos travailleurs devrait faire partie de vos orientations organisationnelles, peu importe leur moyenne d’âge. La prévention, un programme de gestion des risques, la formation, l’aménagement des lieux et du temps de travail, la mise sur pied d’un programme de bien-être et la gestion médico-administrative des dossiers de CSST et d’invalidité sont autant d’outils qui peuvent favoriser un lieu de travail sain pour tous ceux qui y sont présents.
En résumé, la population active vieillit malgré elle et les employés restent de plus en plus au travail après 65 ans, que ce soit par choix ou par nécessité. Désormais, votre compétitivité dépendra de votre capacité à attirer et à fidéliser vos employés de toutes les générations. Et ces derniers ayant l’embarras du choix, l’accessibilité à des lieux et des horaires de travail aménagés selon leurs besoins et en fonction de leur mieux-être les intéressera certainement!
Jolaine Frigault, CRHA, M. Sc. est conseillère chez Medial Conseil Santé Sécurité inc.
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