- au Canada, l’Association canadienne de recherche en santé au travail (2001) et les prix Environnement de travail sain de l’INQ, dont le premier prix a été octroyé en 1998;
- aux États-Unis, à partir de deux groupes antérieurs, l’Institute for Health and Productivity Management (1997);
- en Europe, l’European Network in Workplace Health Promotion (1996).
Même si la portée et l’étendue de cette définition sont bien complètes, la définition offre, aux directeurs ou aux professionnels, peu de lignes directrices pratiques pour créer des milieux de travail sains ou pour diagnostiquer ceux qui sont malsains et qui exigeraient une intervention!
L’exhaustivité de la définition est aussi son talon d’Achille, car elle inclut tout ce qu’une organisation devrait faire qui aurait une incidence sur les employés, les clients, la productivité et la performance organisationnelles, aussi bien que sur la collectivité et l’environnement dans lesquels l’entreprise fournit produits et services. La création d’un milieu de travail sain ne peut pas devenir la raison d’être d’une entreprise! Parmi les nombreux modèles théoriques de milieux de travail sains qui ont été présentés, il n’existe aucun modèle général. Par exemple, lors du test probablement le plus complet d’un modèle d’organisation de travail sain effectué jusqu’à maintenant, Wilson et ses collègues (2004) ont fait état d’un modèle ayant vingt-neuf structures. Ils l’ont utilisé pour prédire certains effets, notamment sur la santé des employés, l’absentéisme et le taux de roulement. Toutefois, ce modèle est complexe (il précise par exemple des mécanismes, y compris ce qu’on appelle les effets de médiation) et utilise un langage théorique, plutôt que des termes faciles à comprendre par les praticiens. On compte d’autres modèles dans la littérature universitaire canadienne (par exemple Kelloway et Day, 2005) et dans la littérature grise (par exemple AIIAO, 2006). Toutefois, ils n’ont pas fait l’objet d’essais concrets. Donc, au mieux, nous disposons de quelques lignes directrices, mais pas de consensus sur les modèles de milieux de travail sains.Au risque d’ajouter à la confusion en proposant un autre modèle, voici ci-dessous les bases d’un outil de gestion des ressources humaines utilisé par le Workplace Health Research Laboratory (WHRL) pour évaluer les milieux de travail et orienter l’instauration de milieux sains. Contrairement aux approches plus théoriques, cet outil se fonde sur des procédés et des systèmes reliés au travail réel. Il a été conçu, au départ, par GlaxoSmithKline. Toutefois, au cours des cinq dernières années, le WHRL et ses associés l’ont perfectionné (avec l’aide notamment de Michèle Parent, de la Standard Life, et de Chris Bonnett, de H3 Consulting). Lors de projets pilotes de développement et de plusieurs projets de consultation de WHRL, on a pu démontrer l’efficacité de cet outil qui touche huit aspects de la gestion des ressources humaines :
- stratégie, alignement et leadership des ressources humaines
- relations de travail
- qualité des postes
- qualité de vie au travail
- assurance collective et programmes d’aide aux employés et à leur famille
- gestion de la présence au travail et de l’invalidité
- santé et sécurité au travail
- promotion de la santé en milieu de travail
Cette dimension vérifie si l’entreprise a atteint les objectifs suivants :
- mise en place d’une structure de gestion du personnel éprouvée qui a été intégrée à sa vision;
- communications actives sur la gestion des ressources humaines à l’échelle de l’entreprise;
- évaluation constante de la gestion des ressources humaines et déploiement d’efforts pour la faire évoluer.
Cette dimension porte sur les aspects psychosociaux du milieu de travail. Tout particulièrement, elle s’intéresse aux mécanismes, programmes et pratiques utilisés par l’entreprise pour établir et maintenir des relations positives :
- entre les unités commerciales et de service;
- entre les employés et les collègues, mais aussi avec leurs superviseurs/directeurs immédiats;
- entre le personnel et l’entreprise.
Cette dimension est reliée au travail effectué quotidiennement par les employés. Selon une documentation de recherche abondante et éloquente, les employés qui exercent un certain contrôle sur leur travail ou qui peuvent avoir une influence sur les décisions touchant leur travail ont tendance à être plus productifs, en meilleure santé, plus heureux et moins stressés. Actuellement, certains disent que les milieux de travail doivent appuyer « la personne tout entière qui occupe un emploi enrichissant ». Cet aspect porte donc sur la façon dont l’entreprise réussit à créer des emplois enrichissants. Un emploi enrichissant :
- est lié à la vision plus vaste de l’entreprise;
- est clair;
- est appuyé par des ressources appropriées;
- propose un défi à l’employé, sans le désemparer et le stresser énormément;
- est en constante amélioration pour enrichir le travail quotidien de la personne.
Cette dimension renvoie aux programmes de soutien et de développement qu’une organisation propose à ses employés, souvent à l’échelle de l’entreprise. Par exemple, on hausse la qualité de vie au travail quand les employés :
- ont des possibilités de perfectionnement et de développement de leur carrière;
- un niveau de souplesse suffisant pour permettre un équilibre entre leur travail et leurs autres priorités;
- pensent qu’ils reçoivent une rémunération adéquate pour les efforts qu’ils déploient et les compétences qu’ils offrent;
- reçoivent régulièrement de la reconnaissance pour le travail bien fait.
Cette dimension est un système important destiné à aider les employés à améliorer leur santé et celle de leur famille. Surtout, ces programmes les aident à surmonter des problèmes qui, s’ils ne sont pas traités, auraient au bout du compte une incidence sur leur capacité à accomplir leur travail. Par exemple, les entreprises peuvent offrir un accès à des services de santé additionnels, comme :
- les soins de santé qui ne sont pas payés par le gouvernement;
- les soins dentaires;
- du counseling et de l’information sur certains problèmes, juridiques, financiers ou relationnels, auxquels les gens font face.
Cette dimension concerne la gestion intégrée des questions de santé qui ont une incidence directe sur le travail, y compris les besoins chroniques et aigus. Elle consiste en programmes qui :
- encouragent les gens à venir travailler plutôt qu’à être absents (gestion de la présence);
- reconnaissent le problème de présentéisme (être au travail tout en offrant un niveau de productivité faible) et agissent pour le diminuer;
- comprennent des processus qui aident les personnes frappées d’une invalidité, et qui ont besoin d’un soutien, à retourner au travail de manière aussi sécuritaire et efficace que possible.
Cette dimension inclut les rôles et les responsabilités associés à la santé et à la sécurité en milieu de travail. Alors que les systèmes de santé et de sécurité du travail avaient tendance, traditionnellement, à mettre l’accent sur les blessures physiques et sur la sécurité, ils ont aujourd’hui un mandat et une portée beaucoup plus vastes et peuvent porter sur d’autres aspects, comme la santé mentale et le stress. Les entreprises sécuritaires ont pris un engagement à l’égard de la santé et de la sécurité des employés, grâce à :
- des politiques, des procédures et des pratiques conçues pour éliminer les accidents et les blessures en milieu de travail, y compris les quasi-accidents;
- des communications claires sur la sécurité;
- un engagement de leadership;
- des analyses des causes fondamentales des problèmes de sécurité et à un suivi approprié.
Promotion de la santé en milieu de travail
Cette dimension propose aux employés et à leur famille des comportements sains positifs et un changement de style de vie grâce à :
- de l’information et à de l’éducation;
- de la motivation;
- des appuis au programme (par exemple installations, financement et événements, comme des foires sur la santé, des cliniques de dépistage, etc.).
En offrant des programmes de promotion de la santé au travail, les entreprises augmentent la probabilité que les employés et leur famille réussissent à apporter des changements :
- à leur style de vie, ce qui peut avoir une incidence sur des résultats, comme la productivité et les congés de maladie,
- ainsi qu’à leurs comportements de santé, ce qui peut avoir un impact sur l’obésité, le tabagisme et les maladies cardiovasculaires, et à utiliser de façon plus appropriée les régimes d’assurance-maladie.
- évaluer l’état actuel de la gestion des ressources humaines au sein de l’entreprise en fonction des aspects mentionnés ci-dessus;
- convenir avec la haute direction de ce que devrait être le milieu de travail;
- créer, de manière systématique, des interventions qui intègrent des principes et des pratiques améliorés de gestion des ressources humaines dans l’entreprise.
On trouvera les présentations de Yardley et de ses collègues, dont il est question dans le présent article, à l’adresse : www.whru.ca. On peut communiquer avec les auteurs par courrier électronique à : jyardley@brocku.ca (en anglais seulement) ou à mc@mangomango.biz (en anglais et en français).
Références
Kelloway, E.K. et A. Day. La constitution d’un milieu de travail sain : ce que nous savons jusqu’à maintenant. Revue canadienne des sciences du comportement, numéro 37, 2005, pp. 223-235.
Kelloway, E.K. et A. Day. La constitution d’un milieu de travail sain : où nous devons être. Revue canadienne des sciences du comportement, numéro 37, 2005, pp. 309-312.
Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario (AIIAO). Healthy Work Environments Best Practice Guidelines: Developing and Sustaining Nursing Leadership. Toronto, Canada, 2006.
Shamian, J. et F. El-Jardali. Healthy Workplaces for Health Workers in Canada: Kowledge Transfer and Uptake in Policy and Practice. Healthcare Papers, numéro spécial, numéro 7, 2007, pp. 6-25.
Wilson, M.G., D.M. Dejoy, R.J. Vandenberg, H.A. Richardson, et A.L. McGrath. Work characteristics and employee health and well-being: Test of a model of healthy work organization. Journal of Occupational and Organizational Psychology, numéro 77, 2004, pp. 565-588.
Yardley, J. Workplace Psycho-social Toxicity: Leading Edge Research Findings and Implications for Management. Atelier et présentation des résultats d’une recherche à la conférence annuelle de l’APAI, Toronto, 17 avril 2007.
Yardley, J., M. Noka, et J. Russell. Healthy Organizational Culture (HOC) as a Predictor of Workplace Productivity and Individual Health. Document de recherche présenté à la conférence de l’APA/NIOSH, Work, Stress, and Health: Making a Difference in the Workplace, Miami, Floride, États-Unis, 2-4 mars 2006.
Yardley, J.K., M. Noka, et M. Jackson King. The Effects of Chronic Negative Acts in the Workplace on Key Organizational Outcomes and Employee Health. Affiche et document présentés à la conférence sur la santé et la sécurité de l’APAI, 1er-3 mai 2006, Palais des congrès du Toronto métropolitain, Toronto, Ontario.
Yardley, J.K., M. Noka, A.V. Lippert et G.Z. Rochon. The Multiplicative Effect of Good Jobs and Good Bosses. Affiche et document présentés à la conférence sur la santé et la sécurité de l’APAI, 1er-3 mai 2006, Palais des congrès du Toronto métropolitain, Toronto, Ontario.
Yardley, J.K. Healthy Employment Relationships: The Heart of Hospitals. Document de travail présenté au deuxième symposium annuel sur les pratiques novatrices dans les hôpitaux sains de l’Association des hôpitaux de l’Ontario, 30 septembre-1er octobre 2004.
Yardley, J.K. Healthy Organizations are High Quality Organizations. Publié dans le compte rendu électronique de la 8e conférence internationale sur ISO 9000 et la gestion de la qualité totale, Montréal, Canada, 23-25 avril 2003.
John Yardley, Ph. D., directeur, Workplace Health Research Laboratory, Université Brock, et président, Metrics@Work, et Marie-Claude Perrault, CRHA, présidente, Mango intervention stratégique
Source : Effectif, volume 10, numéro 4, septembre/octobre 2007.