Vous lisez : Se démarquer parmis les meilleurs

Chaque année, des centaines d’entreprises prennent part aux concours visant à mettre en valeur leurs pratiques de gestion des ressources humaines. Les plus performantes d’entre elles peuvent ainsi prétendre au titre de meilleur employeur au Québec ou au Canada. Peu importe le résultat obtenu, les participants sont unanimes : le jeu en vaut la chandelle. Et si notoriété rimait avec productivité et sentiment d’appartenance?

Après vingt années passées à travailler en gestion des ressources humaines dans diverses entreprises manufacturières, Silvester Taddio, CRIA s’est joint il y a quatre ans à l’Équipe Spinelli, un concessionnaire automobile d’importance de la région de Montréal. Dès son entrée en fonction à titre de directeur des ressources humaines, la qualité du climat de travail l’a enthousiasmé. « En vingt ans, dit-il, je n’avais jamais vu un tel sentiment d’appartenance chez des employés. L’engagement était palpable, le climat extraordinaire. Je me suis dit qu’il fallait à tout prix faire connaître la recette Spinelli et surtout la faire reconnaître à sa juste valeur. »

La suite de l’histoire est maintenant connue. Candidate en 2006 au concours Défi Meilleurs Employeurs organisé par Watson Wyatt et le magazine Affaires Plus, en collaboration avec l’Ordre des CRHA et CRIA du Québec, l’entreprise a récolté le premier prix dans la catégorie 200 à 499 employés. « Les résultats obtenus lors du sondage auprès des employés étaient on ne peut plus clairs. Le taux de satisfaction était de 100 %. Pour une première participation à un concours du genre, c’était exceptionnel », résume monsieur Taddio.

La même année, toujours dans le cadre du Défi, La Capitale assurances générales était sacrée meilleur employeur dans la catégorie 500 employés et plus. Une heureuse nouvelle pour l’entreprise de Québec qui en était à sa troisième participation à un concours du genre. Même scénario chez Boa-Franc, un fabricant de planchers de bois franc de la Beauce, qui s’est vu attribuer le titre de quatrième meilleur employeur au Canada dans la catégorie petites et moyennes entreprises du classement annuel produit par le Report on Business Magazine.

Mille et une motivations
Quels que soient le concours ou le résultat obtenu, les responsables de ressources humaines s’entendent sur les raisons qui les ont poussés à inscrire leur organisation. « Par-delà le défi que ça représente, ce qui nous motive à participer à ce genre de concours, explique le vice-président, ressources humaines de Boa-Franc, Guillaume Jacques, CRIA, c’est la possibilité de valider si les employés apprécient ce qui a été mis en place pour eux. » À La Capitale, le vice-président, ressources humaines et développement organisationnel, Martin Delage, CRHA, abonde dans le même sens. « Bien sûr, dit-il, on peut tenter de mesurer l’engagement des employés par l’entremise de rencontres à l’interne, mais il est rare qu’on ait vraiment l’heure juste de cette façon. On peut aussi recourir à des consultants et effectuer des sondages; mais la beauté des concours, c’est qu’ils fournissent une extraordinaire opportunité de communication avec les employés pendant près d’un an et demi. »

Le positionnement stratégique peut aussi être l’un des objectifs poursuivis par la participation au concours. À titre d’exemple, comme elle est installée à Saint-Georges de Beauce, à moins d’une heure de Québec, Boa-Franc y voyait une occasion de mesurer sa compétitivité en matière de recrutement face aux entreprises de la Vieille Capitale. « Pour pourvoir des postes de professionnels ou de techniciens, je dois souvent aller chercher de la main-d’œuvre à l’extérieur de la région. L’exercice nous a permis de voir si ce que nous proposons est comparable à ce qui peut être offert à Québec ou même à Montréal et de faire savoir que nous sommes de calibre », explique Guillaume Jacques.

Dans la même logique, Silvester Taddio ne cache pas le fait que l’idée de redorer le blason des concessionnaires automobiles a influencé la décision de l’entreprise de se lancer dans l’aventure du Défi Meilleurs Employeurs. « Il ne faut pas se conter d’histoire, dans la tête de la population, les vendeurs automobiles n’ont pas la cote. Le fait qu’un concessionnaire automobile figure au tableau des meilleurs employeurs était donc en soi pour nous une idée intéressante. »

Des retombées palpables
Par-delà les motifs énoncés, le fait de participer à un tel concours et de se positionner parmi les meilleurs comporte bel et bien certains avantages concrets. « Sur dix candidats rencontrés en entrevue, huit au moins nous parlent du fait que nous avons été désignés meilleur employeur de notre catégorie, raconte Martin Delage. Dans un secteur comme le nôtre, où l’on fait face à une pénurie réelle de personnel, c’est majeur et ça facilite grandement le recrutement. C’est ce qui peut faire en sorte qu’entre deux compagnies d’assurances, les gens choisissent de venir travailler chez nous plutôt que chez le compétiteur. »

Chez Boa-Franc, l’impact a aussi été significatif sur le plan du recrutement. « Nous participons systématiquement, et depuis un certain temps déjà, aux foires d’emploi dans notre région, mais aussi à Québec et à Montréal. Les choses sont beaucoup plus faciles depuis que nous avons gagné. Les gens viennent davantage vers nous et se montrent réellement intéressés à se joindre à notre équipe », affirme Guillaume Jacques.

L’entreprise a également vu le nombre de candidatures spontanées se multiplier. « Les gens appellent et nous offrent leurs services parce qu’ils ont entendu parler de nous et de nos façons de faire. Nous étions loin de nous douter que ça pourrait aller aussi loin que cela. C’est nettement au-delà de nos espérances », ajoute en outre le vice-président, ressources humaines de l’entreprise.

Selon Silvester Taddio, l’effet est tout aussi positif chez le personnel en place. « Non seulement, dit-il, les gens sont fiers de travailler pour une entreprise comme la nôtre, mais ils ont moins envie d’aller voir ailleurs. Ça aide énormément en matière de conservation de personnel, ce qui est loin d’être négligeable compte tenu du manque actuel de main-d’œuvre spécialisée. »

Martin Delage va encore plus loin : il considère que l’exercice est même rentable sur le plan financier. « On avance toutes sortes de théories sur la performance des organisations, mais ce qui est certain, c’est que le climat interne influence beaucoup la productivité. Pour moi, l’équation est simple. Des employés heureux sont plus productifs. Plus de productivité signifie plus de services ou de meilleurs services aux clients, ce qui entraîne à coup sûr une plus grande fidélisation de la clientèle. Or, qui dit fidélisation plus grande, dit aussi plus grande rentabilité. En renforçant le sentiment d’appartenance à l’égard de l’entreprise, les concours favorisent donc les gains de productivité et une plus grande rentabilité. »

Ce que le Défi Meilleurs Employeurs
Sondage rempli par l'employeur :
  • des données factuelles sur l'entreprise
  • le profil de l'organisation
  • l'organisation en tant que citoyen
  • le positionnement de l'organisation
  • la rétribution et les avantages sociaux
  • les ressources humaines
Sondage rempli par les employés :
  • le niveau de satisfaction et d'efficacité à l'égard de la gestion du capital humai

Les conditions gagnantes
Pour obtenir les gains mentionnés plus haut, certaines conditions s’imposent toutefois. Ainsi, relate Silvester Taddio, il faut bien comprendre les exigences du concours et s’y conformer. Il faut par exemple « s’assurer que toutes les conditions soient mises en place pour assurer la confidentialité du sondage. Chez nous, il a fallu notamment rendre des ordinateurs disponibles à tous, vendeurs, mécaniciens, etc., de manière à ce que chacun puisse participer ».

Au delà l’exercice de suivi requis, les efforts à investir sont toutefois plus que raisonnables, selon Martin Delage. « Compte tenu des retombées possibles, le jeu vaut vraiment le coup. L’essentiel du travail se situe sur le plan des communications avec les employés. Il faut leur expliquer le concours, les raisons qui nous incitent à y participer et ce que nous comptons faire des résultats obtenus par la suite. »

Guillaume Jacques considère lui aussi qu’à la base, l’aventure doit être partagée par tous. « Bien sûr, dit-il, le service des ressources humaines coordonne le processus, mais tout le monde doit y croire, y compris la direction. Plus l’exercice est pris au sérieux dans l’entreprise, plus les résultats obtenus sont fiables. »

Or, pour le vice-président, ressources humaines de Boa-Franc, la fiabilité des résultats est cruciale. C’est qu’à son avis, l’aventure ne se termine pas avec l’obtention de la note, bien au contraire. « Quand nous recevons les résultats du concours, c’est comme si nous recevions notre bulletin à l’école. Il y a les facteurs évalués et les résultats obtenus pour chacun. Ça nous permet de savoir ce qu’il faut améliorer à l’avenir. Les mesures prises à la suite des résultats sont d’ailleurs, selon moi, ce qui est le plus important dans l’histoire. »

D’accord avec ce point de vue, Martin Delage affirme qu’il s’agit même d’une question de respect des employés. « Si on fait un sondage auquel les employés prennent la peine de répondre, le moins qu’on puisse faire, c’est d’y donner suite; sinon, ça pourrait être mal perçu et avec raison. Chaque année, chez nous, nous faisons donc le suivi et nous impliquons le personnel dans les changements à faire. »

C’est exactement pour cette raison que l’Équipe Spinelli ne participera pas au Défi Meilleurs Employeurs 2007. « Nous pourrions nous relancer dans l’aventure, mais nous avons décidé de nous concentrer sur des projets qui amélioreront les éléments jugés plus faibles par les employés », précise monsieur Taddio. Le Comité de satisfaction des employés, en place depuis plusieurs années déjà, participera aux travaux à venir.

Guillaume Jacques le confirme, Boa-Franc ne sera pas non plus de la partie cette année. « Après deux participations au concours québécois, nous avons décidé de nous inscrire à l’échelle canadienne pour avoir un défi supplémentaire. Nous avons réussi. Nous n’y serons pas en 2007. Nous avons encore beaucoup de choses à travailler et c’est ce que nous ferons au courant de la prochaine année. On ne dit pas non pour toujours, mais il faut être cohérent et aller d’abord au bout des plans d’action qui découlent de ces démarches. »

Les dimensions étudiées par le Défi Meilleurs Employeurs
  • L'arrimage (savoir ce qu'il faut faire)
  • La capacité (posséder les habiletés pour faire le travail)
  • Les ressources (disposer des outils pour faire le travail)
  • La santé et le milieu de travail (la santé de l'employé et celle de l'organisation)
  • La rétribution et les avantages sociaux
  • La motivation (vouloir donner un bon rendement)
  • Le sentiment d'appartenance à l'organisation

Guylaine Boucher, journaliste indépendante

Source : Effectif, volume 10, numéro 3, juin/juillet/août 2007.

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