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Les entreprises performantes créent une image de marque solide auprès de leurs clients externes. Les entreprises extraordinaires font une promesse – une promesse de valeur – à leurs clients, et elles mettent à exécution cette promesse.

La marque employeur peut se définir comme la mise en avant structurée d’une identité de l’organisation qui lui permet de se présenter sur le marché du travail de manière originale et différenciatrice. Dans un contexte démographique tendu, où la main-d’œuvre qualifiée se raréfie, la marque employeur devient un atout pour attirer les talents.

Selon J.-B. Coumau, J.-F. Gagne et E. Josserand, dans leur ouvrage Manager par la marque, la marque employeur, tout comme la marque de commerce, possède plusieurs caractéristiques qui lui donnent une efficacité particulière pour mobiliser les équipes :

  • elle parle à l’affectif;
  • elle donne un sens à l’action en incarnant le projet de l’entreprise;
  • elle renforce le sentiment d’appartenance et donc la cohésion à l’intérieur de l’entreprise;
  • elle remet le client au cœur des préoccupations des salariés.

Nous savons tous que la mobilisation du personnel est un enjeu stratégique pour les organisations, quels que soient leur taille et leur domaine d’activité. Avec l’accroissement de la concurrence internationale, le défi démographique et l’évolution vers une économie du savoir, la mobilisation est devenue incontournable. Récemment encore, une étude (Desjardins, Les Affaires et SECOR) a révélé que la mobilisation est un enjeu important ou très important pour 96 % des entreprises de 50 à 300 employés.

La mobilisation va au-delà des mesures de satisfaction ou de climat social; elle vise à s’assurer que les collaborateurs d’une organisation ont bien compris les enjeux de leur organisation, agissent en conséquence, pensent avoir les moyens d’agir et sont valorisés et reconnus par et pour leurs actions cohérentes avec les enjeux et les stratégies de leur entreprise. La mobilisation permet de conserver les talents.

Il est donc pertinent de s’interroger sur les liens entre la marque employeur, dont l’objectif est d’attirer des ressources qualifiées, et la mobilisation dont le but ultime est de conserver les employés performants.

Le lien entre mobilisation et marque employeur
L’entreprise est dite mobilisante lorsqu’elle « capture l’énergie positive individuelle des employés, en créant du sens au travail, en favorisant la motivation du collaborateur, et en ayant un encadrement qui agit comme levier pour donner du sens et créer un cadre de travail motivant ». (SECOR, 2006)

Le lien entre mobilisation et marque employeur peut être considéré sous plusieurs aspects :

  • une entreprise mobilisante réussit à intégrer plus rapidement les nouveaux employés au sein de l’organisation et à leur permettre d’être plus performants plus tôt;
  • la réalité de la mobilisation aide à préciser ou à renforcer le contenu de la marque employeur; il serait en effet dommageable à court terme pour l’image de l’organisation sur le marché du travail de recruter des candidats en leur promettant un environnement et des conditions de travail qui ne reflètent pas la réalité vécue dans l’entreprise;
  • dans une entreprise mobilisée, les employés deviennent des ambassadeurs de la marque employeur et agissent comme une force de vente efficace tant auprès du candidat potentiel que du public en général; à l’inverse, dans une entreprise démobilisée, le personnel a une perception négative qui nuit à la réputation de l’entreprise en tant qu’employeur.

La fierté de travailler pour son entreprise : un indicateur de la puissance de la marque employeur
Un sondage a été administré par SECOR à 15 700 personnes dans seize entreprises de divers secteurs d’activité. Ces répondants sont représentatifs de la répartition de la main-d’œuvre du secteur privé au Québec. Le questionnaire comprenait 51 questions, dont trois énoncés « baromètres », soit :

  • J’aime le travail que je fais.
  • Je suis fier de travailler pour mon entreprise.
  • J’ai confiance en l’avenir de mon entreprise.

L’énoncé « Je suis fier de travailler pour mon entreprise » nous apparaît comme celui qui synthétise le mieux la marque employeur telle qu’elle est vécue au sein de l’entreprise. Nous avons analysé (par corrélation) les éléments qui conduisent les personnes à répondre positivement à cette question : pourquoi un employé est-il fier de son entreprise?

Pourquoi un employé est-il fier de travailler pour son entreprise
Trois conditions se révèlent essentielles pour tous les types de répondants : aimer son travail, avoir confiance dans l’avenir de l’entreprise et avoir des objectifs individuels clairs.

Dans l’ensemble, les répondants ont dit aimer leur travail. Par contre, le niveau de confiance dans l’avenir de l’entreprise est variable et influencé par les trois facteurs suivants :

  • l’environnement externe macro : par exemple, dans une grande compagnie aérienne solide et qui a des résultats positifs, la confiance dans l’avenir était à +23 en 2002 (un an après le 11 septembre 2001), mais a progressé à +46 en 2005;
  • la capacité de l’entreprise à communiquer aux employés clairement et régulièrement ses performances financières;
  • la possibilité pour les collaborateurs d’avoir des objectifs individuels clairs.

Différences selon le poste occupé
À ces trois conditions d’ensemble, s’ajoutent d’autres variables selon le type de fonction exercée par le collaborateur (voir tableau ci-dessous).

Des objectifs clairs et alignés du haut en bas de l’organisation sont donc des facteurs clés pour que les gestionnaires se disent fiers de travailler pour leur entreprise. Professionnels et employés ont essentiellement besoin de se sentir utiles et utilisés au mieux de leurs compétences. Les employés ont aussi besoin de trouver un équilibre de vie entre leur travail et leur vie personnelle, ce qui est le cas dans l’ensemble (indice +15); mais ils veulent aussi que la direction exprime clairement les raisons des changements, ce qui n’est pas le cas (indice de -25).

Variable Gestionnaires Professionnels Employés
Objectifs de l’unité clairs TS PS NS
Objectifs de l’entreprise clairs TS PS PS
Liens entre les objectifs de l’entreprise et de l’unité TS S PS
Contribution claire à la performance de son unité TS PS PS
Travail permettant de faire ce qu’on sait faire le mieux PS TS TS
Travail permettant d’assurer un bon équilibre de vie PS NS S
Raisons des changements claires PS PS TS
TS (très significatif), S (significatif), PS (peu significatif), NS (non significatif)

Différences selon la fréquence des contacts avec le client
Le tableau suivant nous montre que les employés qui ont « toujours » ou « parfois » des contacts avec la clientèle ont besoin de plus de conditions préalables pour se déclarer fiers de travailler pour leur entreprise que ceux qui en ont rarement.

Les résultats indiquent la nécessité d’avoir une orientation stratégique claire et des objectifs alignés pour les personnes qui ont un contact avec la clientèle de l’entreprise et qui « refusent de devoir se retrouver à faire face au client pour lui expliquer les incohérences et les erreurs de l’entreprise » (extrait d’un commentaire d’un répondant qui résume bien une tendance de fond parmi le personnel de guichet).

Conditions Toujours en contact avec la clientèle : 10 conditions Parfois en contact avec la clientèle : 11 conditions Rarement en contact avec la clientèle : 5 conditions
Confiance dans l’avenir de l’entreprise TS TS TS
Amour de son travail TS TS TS
Travail permettant de faire ce qu’on sait faire le mieux TS TS S
Objectifs de l’unité clairs TS S S
Contribution claire à la performance de son unité S S PS
Objectifs individuels clairs TS NS TS
Liens clairs entre objectifsde l’unité et de l’entreprise S S NS
Raisons des changements claire- ment expliquées par la direction TS TS NS
Responsabilités au-delà des tâches quotidiennes S PS PS
Enquêtes clients permettantde s’améliorer TS NS NS
Objectifs de l’entreprise clairs NS S NS
Reconnaissance des performances supérieures NS S NS
Travail permettant un équilibre de vie PS TS PS
Disposition du matériel nécessaire PS TS PS
TS (très significatif), S (significatif), PS (peu significatif), NS (non significatif)

Mieux comprendre le mécanisme de la fierté de travailler pour son entreprise : retour aux sources
Le faible rôle de l’image externe dans la fierté de travailler pour son entreprise
Il est curieux de constater que des énoncés comme « Mon entreprise s’adapte rapidement aux demandes du marché » ou « Mon entreprise offre des produits et services adaptés aux besoins du marché » ne contribuent pas fortement à expliquer la fierté de travailler pour son entreprise, comme on aurait peut-être pu s’y attendre. Ceci n’est le cas que dans les entreprises qui diffusent des informations claires sur les attentes et la satisfaction de la clientèle, ce qui reste rare au Québec. C’est donc le manque d’information qui est ici en cause. La capacité des organisations de diffuser de l’information claire sur les données stratégiques est faible, particulièrement en ce qui concerne les performances financières (indice de -16), les attentes de la clientèle (indice de -11) et la satisfaction de la clientèle (indice de -18).

Aimer son travail : une condition nécessaire mais non suffisante
Même s’il est nécessaire d’aimer son travail pour être mobilisé et fier de son entreprise, ce n’est pas suffisant. Par exemple, nous avons constaté le cas de certains professionnels (juristes, informaticiens, etc.) qui aiment leur travail parce qu’il leur permet de faire ce qu’ils savent faire le mieux mais qui ne sont pas nécessairement fiers de travailler pour leur entreprise, sauf lorsque leurs objectifs sont clairs et en lien avec ceux de leur unité et ceux de l’organisation.

Quatre critères sont présents lorsque les collaborateurs disent aimer leur travail (par ordre d’importance)* :

  • l’employé a la capacité de se réaliser par l’entremise de son travail, car il a le sentiment que le travail lui permet de faire ce qu’il aime et sait faire (TS); il perçoit qu’il contribue à la performance de son unité (S);
  • l’employé travaille dans un cadre clair, car les objectifs de son unité sont explicites (S), ses objectifs individuels sont compris (S), il a des responsabilités bien définies (TS) et il jouit de l’autonomie voulue pour les assumer (S);
  • l’employé travaille dans un climat ou règne la confiance et l’équité (S);
  • l’employé est fier de son entreprise (S) et il a confiance en l’avenir de celle-ci (S).

*TS = très significatif et S = significatif

C’est l’alignement stratégique qui crée la confiance dans l’avenir
On entend par alignement stratégique la capacité d’une entreprise à expliquer clairement à son personnel sa stratégie et les raisons des changements ainsi que sa compétence à aligner les objectifs de l’entreprise sur ceux des unités administratives et des individus.

La confiance dans l’avenir est certes tributaire du contexte économique et des performances de l’organisation, mais pas entièrement. La capacité de l’entreprise à montrer la voie, à communiquer les changements et les performances financières et à leur donner du sens est fondamentale pour créer la confiance dans l’avenir. D’où la présence de tous les énoncés sur les différents niveaux d’objectifs dans les tableaux précédents.

La confiance dans l’avenir est aussi fortement conditionnée par la capacité de la direction de l’organisation à être sur le terrain et à communiquer avec le personnel de manière informelle. Il existe chez les personnes sondées un cercle vertueux (ou vicieux selon les réponses!) :

L’enjeu du style de gestion
Il ne suffit pas d’aimer son travail, ni d’être fier de son entreprise pour être mobilisé, et donc devenir un porte-parole et un ambassadeur de la marque employeur de son entreprise. Rappelons-nous le vieil adage : « On vient pour l’entreprise; on en part à cause de ses gestionnaires ».

Le style de gestion qui prévaut au sein d’une entreprise est donc majeur pour comprendre comment on passe de la fierté à la mobilisation. Pour que le défi fierté/mobilisation soit relevé, il faut :

  • des gestionnaires disponibles qui accordent aux employés une autonomie appropriée, qui fixent des objectifs clairs et qui donnent une rétroaction précise;
  • des gestionnaires qui encouragent la collaboration entre les collaborateurs et entre les unités et qui favorisent le sentiment d’appartenance à l’entreprise;
  • des collaborateurs qui se valorisent dans leur travail, des gestionnaires qui réussissent à renforcer ce sentiment en les consultant et en étant à l’écoute;
  • des gestionnaires qui s’efforcent de réduire le stress inutile lié essentiellement au manque de clarté des objectifs et au style de gestion perçu comme étant inéquitable.

Conclusion
Toute mesure de mobilisation permet donc de détecter la puissance de la marque employeur dans l’entreprise. En particulier lorsqu’on peut analyser les facteurs qui déterminent la fierté de travailler pour son entreprise.

Les résultats du sondage nous confirment bien la nécessité de jouer sur l’affectif (aimer son travail et être fier de travailler pour son entreprise), mais que cet aspect affectif reste tributaire de la capacité de l’organisation à donner du sens à l’action quotidienne du travailleur et à l’aligner sur l’intention stratégique de son entreprise. Pour remettre le client au centre, il faut améliorer notablement la communication stratégique sur le client (ses attentes et la satisfaction).

Philippe Collas, directeur principal et Claude Marier, CRHA, directeur principal, SECOR-TAKTIK

Source : Effectif, volume 10, numéro 3, juin/juillet/août 2007.

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