Alexandre travaille pour CRM depuis trois ans à titre de conseiller aux ventes. Employé performant, il accomplit son travail de façon impeccable. La semaine dernière, son patron, Roger, qui est directeur des ventes de la région ouest, a eu une promotion : l’entreprise lui a offert la direction des ventes du secteur centre-ville. Selon Roger, Alexandre serait le candidat idéal pour le remplacer; en effet, il est le plus performant de l’équipe et connaît très bien les clients qui l’estiment tous. Mais Gilles, le vice-président des ventes, ne pense pas qu’Alexandre est vraiment le bon candidat. Roger décide alors d’exposer la situation au responsable des ressources humaines, car il est convaincu que c’est plutôt un conflit de personnalités qui incite le vice-président à refuser la candidature d’Alexandre. Devant cette situation, que conseillez-vous au responsable de ressources humaines?
Vérifier la justesse de ses impressions…
Par France Beauséjour, CRIA, consultante généraliste
Même si Roger est convaincu que le vice-président des ventes « ne pense pas qu’Alexandre est vraiment le bon candidat » en raison d’un conflit de personnalités, il ne devrait pas fonder son opinion sur une impression sans en vérifier le bien-fondé.
Il doit avant tout s’assurer qu’Alexandre est bien le bon candidat avant de recommander sa candidature. Le fait qu’il soit le plus performant de l’équipe, qu’il accomplisse son travail de façon impeccable et qu’il soit apprécié des clients ne veut pas dire qu’il a les compétences, au sens large, pour occuper la fonction de directeur et qu’il sera en mesure d’assumer les responsabilités découlant de ce type d’emploi.
Je recommanderais en premier lieu au responsable des ressources humaines d’accompagner Roger dans une démarche d’évaluation de la candidature d’Alexandre, pour s’assurer que ce dernier possède la qualification requise par l’organisation, ce qui permettra de prédire sa performance et non de baser son jugement uniquement sur les raisons énoncées précédemment.
À la suite de cet exercice, si Roger est toujours d’avis qu’Alexandre est « le candidat idéal pour le remplacer », le responsable des ressources humaines pourra lui suggérer de solliciter au moment opportun une rencontre avec le vice-président des ventes, afin de tenter de connaître les motivations réelles de ce dernier. Roger aura préparé judicieusement cette rencontre afin d’éviter un climat de confrontation.
En supposant que Gilles affirme qu’il ne croit pas qu’Alexandre ait les compétences requises, Roger sera en mesure de lui démontrer les capacités d’Alexandre par des faits concrets et observables qui appuient sa recommandation. Ainsi, il pourra « peut-être » convaincre Gilles de considérer la candidature d’Alexandre lors du processus de sélection. Par contre, si Gilles admet qu’il s’agit d’un conflit de personnalités ou tout simplement qu’il ne souhaite pas en discuter pour des raisons qui lui appartiennent, mieux vaut lâcher prise pour le bien de tous, y compris de Roger.
Il appartient à Gilles, le vice-président des ventes, de choisir ses subalternes et il est préférable d’éviter de s’immiscer dans ses relations interpersonnelles (dans le contexte actuel évidemment). Disons sans ambages que, si Gilles ne peut supporter Alexandre, il serait malvenu de proposer une thérapie de couple… Mieux vaut donc s’abstenir.
Les relations interpersonnelles et les attitudes sont loin d’être des aspects négligeables dans tout processus de sélection, étant donné leur impact direct sur le climat de travail et l’efficacité de l’équipe.
…et suivre un processus rigoureux de dotation
Par Gaston Fournier, CRHA, directeur régional, GRH-Ressources humaines
Il est important de commencer par le début et de vérifier si un profil de compétences (connaissances, habiletés, aptitudes, autres caractéristiques) a été défini pour le poste de directeur des ventes de la région ouest.
Même si Alexandre est compétent comme conseiller aux ventes, on ne peut tenir pour acquis qu’il aura le même niveau de compétences dans un poste de gestionnaire comportant des responsabilités différentes (on se rappellera du Principe de Peter). Il est donc essentiel d’apprécier le potentiel de rendement de la personne dans un poste de nature différente comprenant de nouvelles exigences. Gilles, le vice-président des ventes, devra être consulté à cette étape, car c’est lui qui devra probablement superviser le nouveau directeur des ventes de la région ouest.
Dans un deuxième temps, le responsable des ressources humaines devra coordonner un processus officiel de dotation, en commençant par afficher le poste à l’interne. Si Alexandre est intéressé et soumet sa candidature, ses compétences devront être évaluées formellement (tests de connaissances, entrevue structurée, tests d’aptitudes et de personnalité, mises en situation, rapports de performance). La décision d’embauche devra être prise de façon objective en consensus par le comité de sélection, en se basant sur les critères de réussite et les prédicteurs de la grille de sélection. Le comité de sélection devra être formé du responsable des ressources humaines, du vice-président des ventes et d’au moins un autre gestionnaire. Étant donné que le vice-président des ventes aura été consulté dès la première étape du processus, on peut croire qu’il va se rallier à la décision du comité de sélection. Si le processus de sélection interne s’avère infructueux, le poste devra être offert à l’extérieur de l’organisation, en suivant les mêmes étapes.
Le responsable des ressources humaines ne peut présumer que Roger a raison en ce qui concerne le conflit de personnalités entre Gilles et Alexandre. Cependant, un processus rigoureux de dotation devrait lui permettre d’infirmer ou de confirmer cette perception. S’il existe réellement un conflit de personnalités entre le vice-président des ventes et Alexandre et que ce dernier est le candidat retenu, le responsable des ressources humaines devra avoir une discussion franche avec Gilles et lui offrir un coaching afin de s’assurer qu’il puisse tout de même superviser ce nouvel employé. Dans l’éventualité où Gilles refuserait cet accompagnement et continuerait de s’opposer à la promotion d’Alexandre, le responsable des ressources humaines n’aura d’autre choix que de soumettre le problème au président.
Source : Effectif, volume 10, numéro 2, avril/mai 2007