Vous lisez : Pratique douteuse?

Il y a quelque temps, Nathan, CRHA, a décroché un emploi chez Électrique 345, au service des ressources humaines. L’entreprise est spécialisée dans la fabrication de composantes électriques. Parmi ses fonctions, Nathan a le mandat de recruter des techniciens spécialisés dans le domaine. Le recrutement devient toutefois de plus en plus difficile, car ces techniciens se font très rares. Mais voilà que Nathan reçoit la visite d’un des directeurs de l’entreprise qui affirme avoir eu une idée de génie… Il lui suggère de téléphoner directement aux techniciens spécialisés des entreprises concurrentes pour leur faire une offre d’emploi. Embarrassé, Nathan se voit mal faire de tels appels. Il vient donc vous demander conseil à titre de conseiller en ressources humaines. Que lui suggérez-vous de faire?

Une question d’éthique avant tout…


Par François Audy, CRHA, conseiller associé, Laliberté Services-conseil

Voici une question très intéressante. En effet, combien de fois, dans l’exercice de nos fonctions, nous retrouvons-nous devant une situation semblable à celle que vit Nathan, alors que nos processus de recrutement s’avèrent infructueux?

Dans le cas qui nous occupe, j’aurais même tendance à dire à plus forte raison quand notre processus est sans résultat, puisque Nathan est un nouveau venu dans son poste au sein de l’entreprise Électrique 345 et qu’il désire commencer sa nouvelle carrière en livrant des résultats.

La question fondamentale est de déterminer si Nathan peut, en tant que professionnel de la gestion des ressources humaines, contacter directement des candidats potentiels qui occupent des fonctions similaires dans des entreprises concurrentes; c’est l’idée dont lui a fait part un directeur de l’entreprise.

En premier lieu, il importe de se rappeler que la fonction ressources humaines des organisations – tout comme d’autres professions – doit appliquer et respecter certaines règles d’éthique, très souvent non écrites. Dans ce contexte, qu’un service des ressources humaines se permette d’appeler directement des candidats potentiels afin de leur faire une offre d’emploi enfreint cette règle élémentaire. La notion d’éthique prend ici tout son sens.

Nathan ne peut pas et ne doit pas se permettre de succomber à la tentation d’entraver cette règle. En effet, qu’adviendrait-il s’il entrait dans ce petit jeu? Il viendrait tout simplement de déclarer ouvertement la guerre à ces entreprises concurrentes. Aucun service des ressources humaines n’a le droit de se livrer à des activités de chasse à l’intérieur d’autres entreprises puisque, ce faisant, son organisation deviendrait elle-même la cible de ses concurrents.

De plus, comme il existe aussi dans notre profession différents comités de discussion (par exemple des comités sectoriels ou régionaux…) auxquels siègent souvent les professionnels de la gestion des ressources humaines, d’autres règles (telle l’impossibilité de recruter dans des entreprises participantes) viennent alors limiter l’intervention de Nathan.

Je crois que, pour ces motifs, Nathan doit procéder par l’entremise d’une firme de recherche de personnel, qui pourra aisément contacter les techniciens spécialisés œuvrant pour des entreprises concurrentes. En procédant ainsi, Nathan ne s’exposera pas à des problèmes d’éthique. Cependant, il importe pour ce dernier, avant d’octroyer un mandat à quelque firme que ce soit, de vérifier son budget afin d’utiliser le bon moyen d’intervention. Bien évidemment, Nathan devra non seulement expliquer les raisons justifiant son refus d’agir selon les volontés du directeur, mais aussi l’informer de son plan B.


Solutions irréprochables

Par Michelle Véronneau, CRHA, associée et directrice conseil, Dotemtex recherche de cadres inc.

Nathan se trouve dans une situation assez inconfortable en effet. D’une part, il se voit dans l’obligation de remplir son mandat en recrutant des techniciens spécialisés, particulièrement rares, et d’autre part il fait face à un directeur qui lui suggère de recruter chez les concurrents.

La réaction de Nathan est tout à fait normale et son réflexe de consulter quelqu’un avant de prendre une décision est louable. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une pratique illégale, le « maraudage » entre entreprises concurrentes est très mal vu et peut dégénérer en guerre de recrutement.

Je commencerais par conseiller à Nathan de rencontrer le directeur en question et de lui expliquer que, selon une entente tacite assez répandue, les entreprises ne se « volent » pas d’employés entre elles.

D’autre part, le problème reste entier et Nathan doit tout de même pourvoir ses postes… Voici ce que je lui recommanderais, en tenant pour acquis qu’il a déjà utilisé les journaux et les sites Web pour afficher ses postes.

  • Dans un premier temps, d’autres moyens de recrutement sont disponibles. Dans un cas comme celui qui nous occupe présentement, Nathan pourrait se tourner vers les employés de l’organisation. En effet, plusieurs entreprises ont mis sur pied des programmes qui encouragent les employés à recommander des personnes qu’ils connaissent; si le candidat ainsi recommandé est embauché, l’employé qui a permis cette embauche mérite une prime.
  • Dans un deuxième temps, Nathan pourrait s’adresser à l’Ordre des technologues qui, pour un montant raisonnable, publie des offres d’emploi destinées à ses membres.
  • Une fois ces démarches faites, je recommanderais à Nathan de communiquer avec les établissements d’enseignement qui donnent cette formation. Souvent, ils ont soit un service de placement, soit une liste de leurs anciens étudiants qui sont ouverts à d’autres opportunités de carrière ou, encore, elles acceptent d’afficher des offres d’emploi.

Évidemment, bien que ces méthodes puissent réussir, il s’agit là de recrutement passif, c’est-à-dire que Nathan affichera ses postes tout en espérant que les candidats qu’il recherche liront son offre le jour où elle sera affichée.

Dans une situation de pénurie, il faut parfois se tourner vers des professionnels du recrutement, tels les chasseurs de têtes. Le recours aux services d’une tierce partie permet à l’entreprise d’effectuer un choix et ne l’engage en aucune façon envers un candidat. De plus, ces services sont accompagnés d’une garantie en cas de départ du nouvel employé ou si celui-ci ne répond pas aux exigences du poste. En période de pénurie, cette garantie vaut vraiment son pesant d’or.

Source : Effectif, volume 10, numéro 1, janvier/février/mars 2007

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