Vous lisez : Le service des ressources humaines source du leadership client!

Dans une salle de conférences, un groupe d’employés participe à une session de formation sur la culture client. Convaincue que la prochaine révolution industrielle est arrivée, l’organisation relègue ses services d’une complexité et d’une valeur moindre en sous-traitance un peu partout dans le monde et relève la barre de performance de sa main-d’œuvre qui effectue des transactions à complexité et à valeur ajoutée (voir Effectif, vol. 9, n° 2).

Dans une autre salle, un groupe de cadres fait un travail de remise en question de l’alignement et de l’engagement de la direction de l’entreprise. Plusieurs membres du service des ressources humaines y participent pour faciliter les débats sur la culture de l’entreprise, sur son leadership relatif à la clientèle communément appelé leadership client.

Le plan stratégique à long terme de l’entreprise est d’améliorer et de différencier les trois formes de capital de l’entreprise : le capital humain, le capital client et le capital financier. Le fer de lance de cette approche est la mise en valeur de l’expertise en résolution des problèmes d’une très grande complexité pour ses clients, expertise qui est unique à l’organisation. Toutes les activités visent à aider l’entreprise à se rapprocher de ses clients, à se différencier clairement de la compétition, à améliorer l’efficacité et la perception de son image commerciale interne et externe.

Ce qui ressort de ces discussions, ce sont d’abord les faiblesses multiples de l’organisation sur le plan de sa culture de gestion des clients. Il se dégage un consensus à l’effet que certaines personnes empêchent les cadres de remplir leur rôle, coupent les budgets de formation… Selon eux, les coupables, ce sont les membres de la haute direction! C’est pour cela que les gens sont essoufflés, très stressés, voire épuisés et que les clients commencent à se poser de sérieuses questions sur la compétitivité de l’organisation.

Pourtant, la direction veut toujours donner un service impeccable. Elle encourage les employés, dans des campagnes de sensibilisation, à être polis, à prendre le temps de bien faire les choses, à écouter les clients, à les aider dans leur expérience d’achat. Souvent, cela ne va pas très loin; la paperasse et les systèmes plus ou moins efficaces, le nombre de personnes en attente, en plus des contrôles de qualité des superviseurs ne font souvent que pousser les gens à bâcler les transactions pour préserver leur sécurité d’emploi et atteindre les exigences de productivité.

Le pouvoir de l’information et du nombre fait doucement sombrer beaucoup d’organisations dans la médiocrité institutionnalisée. Beaucoup de gestionnaires à la tête de ces entreprises axées sur la productivité et le court terme se disent : « plus j’ai de personnes, plus je peux distribuer ou non l’information et les ressources ». Les employés ont maintenant des armes plus sérieuses entre leurs mains : ils constatent, contestent, demandent et exigent plus d’engagement de leur direction, quittent leurs supérieurs médiocres pour une organisation qui leur paraît plus prometteuse. Les entreprises ont alors un problème de fidélisation… qui, en réalité, est un problème d’organisation et de culture de gestion axée sur l’excellence!

Les services de ressources humaines, par leurs interventions stratégiques, peuvent contribuer à accroître l’engagement à la performance de la direction en appuyant sur les leviers prioritaires de leadership personnel et d’équipe suivants.

1. La reconnaissance et la rétribution financière et non financière

  • Affectations variées
  • Amélioration du temps de contact client
  • Budgétisation
  • Congés sabbatiques
  • Cours à l’interne et à l’externe
  • Diminution du temps de voyage
  • Engagement dans des organisations à but non lucratif
  • Évaluation des pairs et superviseurs sur leurs compétences de leadership
  • Évaluation des pairs et superviseurs sur leurs compétences de travail en équipe
  • Gestion du développement de produits et services
  • Habileté à prendre des initiatives
  • Implication dans les activités de relations publiques
  • Partage d’emploi
  • Participation à la planification
  • Participation à la gestion d’équipe semi-autonome
  • Participation au plan d’affaires
  • Participation au plan stratégique
  • Projets d’améliorations transversales avec les autres unités de la chaîne de service au client
  • Reconnaissance de l’expertise par les pairs
  • Responsabilité dans le processus d’embauche
  • Rotation dans les postes de coordination et supervision
  • Travail à la maison
  • Travail d’analyse et d’amélioration des processus avec consultants
  • Temps discrétionnaire

2. Le courage d’assumer son pouvoir de prendre des décisions difficiles

  • Avoir les convictions pour mettre en place les cibles du premier levier dont les éléments sont énumérés ci-dessus.
  • Reconnaître que la peur n’est pas la meilleure motivation.

On évite la confrontation brutale, frontale et directe; on tente plutôt d’atteindre le cœur et l’intelligence en se basant sur des faits, en cherchant à débusquer le problème et non le blâme, en impliquant la personne dans la recherche d’une solution.

3. Utiliser le pouvoir du rôle à des fins légitimes
Normalement, les vrais leaders sont connus et reconnus dans leurs organisations. Les membres de la direction qui abusent du pouvoir de leur fonction, à des fins immorales ou illégitimes, sont aussi reconnus, ne sont pas efficients et ne réussissent pas à gagner le respect, l’engagement et l’admiration de leur équipe et des milieux d’affaires.

4. Le pouvoir de l’expertise
Certaines personnes tirent leur pouvoir de leur intelligence du milieu d’affaires dans lequel elles évoluent, de leur expérience, de leurs connaissances, de leur maturité et de leur jugement, etc. C’est un pouvoir légitime qui est reconnu, gagné dans la rigueur fonctionnelle et généreuse dans son application à servir l’équipe avec humilité.

5. Le leadership de service
On décide de suivre certaines personnes, sans que cela ne demande d’effort! On croit en cette personne, qui a du charisme, qui ne ment pas, qui, surtout, prend la responsabilité personnelle des échecs et partage les victoires avec ses coéquipiers.

Le leadership de service se retrouve à tous les niveaux de l’organisation, du haut dirigeant jusqu’au concierge. Le leadership de service se démontre par des actes quotidiens, par les valeurs manifestées, par la constance et la rigueur de pensée. Ces leaders partagent en général les caractéristiques suivantes :

  • soutien inconditionnel à leur équipe et à leurs collègues
  • intolérance envers la médiocrité
  • aucune inclination politique
  • haute estime de la compétence
  • admission d’emblée de l’erreur et de l’échec
  • courage, attachement à leurs croyances et valeurs
  • éthique et intégrité très élevée
  • calme dans les crises
  • partage des victoires, sens inné du fair play

Comment la stratégie RH peut aider l’organisation à sortir de la médiocrité
Voici quelques pistes de solutions axées sur le leadership client, que les services des ressources humaines peuvent utiliser.

1. Contribuer à créer un terrain de jeux bien structuré dont les paramètres sont axés sur l’excellence du service au client
L’engagement n’est pas synonyme d’abdication du management. Si la structure est lourde et loin d’une orientation client, il ne faut pas attendre pour soulever les bonnes questions et aider à réorienter le cheminement de l’organisation.

2. Développer les connaissances du savoir-faire et du savoir-être
Est-ce que les personnes ont la capacité d’agir, d’anticiper? Est-ce qu’elles ont les compétences, les systèmes et les structures pour bien les appuyer dans leur travail, intégrer la planification et l’exécution? Si une personne est nommée en charge de l’équipe sans recevoir la formation, elle reçoit une auto sans les clés en quelque sorte.

3. Encourager une bonne attitude au travail
Les meilleurs coachs du sport professionnel ont très exceptionnellement été d’excellents joueurs. Alors, non seulement on doit avoir l’auto et les clés, mais il faut aussi connaître le code de la route! On doit s’assurer que le personnel de gestion est axé sur des normes d’excellence de calibre mondial.

4. Gérer les règles du jeu avec cohérence
Si un gestionnaire est responsabilisé, pourquoi lui faut-il plus que sa signature pour effectuer une transaction importante? Ironiquement, le leadership de nos organisations s’assure de fournir l’auto, les instructions pour se rendre à destination, de multiples tests pour mesurer la capacité de la personne à conduire; mais il s’assure de laisser de multiples blocs en béton incontournables sur la route du service au client, la différence majeure qui met en relief la démarcation sur le plan de la compétitivité mondiale.

Dans la situation présentée au début de cet article, nous disions que les gestionnaires en réunion avaient rendu la « direction » responsable du mauvais service à la clientèle. À la fin de la rencontre, ils ont fini par admettre que ce sont eux qui composent « la direction ». De fait, ils sont la direction. Le président ne peut pas faire ce qui leur revient comme responsabilité dans leur rôle. Ces personnes ont dès lors cherché à trouver des pistes de solution, elles ont amorcé une réflexion sur les options de gestion du changement que l’organisation doit considérer pour engager davantage toute la direction de l’entreprise, pour devenir une équipe engagée et engageante.

Dans ce cadre de pensée, il est important de bien connaître l’ADN de son milieu organisationnel, pour évaluer ses chances de succès, en se souvenant que moins de 31 % des organisations ont les attributs fonctionnels favorables à une culture client positive.

Faire ses devoirs : un rappel
Le service des ressources humaines doit faire ses devoirs et analyser les facteurs favorables et défavorables à sa participation au développement du leadership client. Préparer le terrain aux changements souhaités, bien mesurer et identifier le point de départ, mesurer et ajuster les étapes critiques, incluant sa propre capacité à mener un tel projet sur une base objective et, surtout, se préparer à une résistance passive cruelle, si le niveau d’engagement et de fonctionnalité ne se révèle pas à la hauteur pendant l’implantation et l’exécution.

Il y a beaucoup de choses qu’un service des ressources humaines peut faire pour contribuer au succès stratégique de l’entreprise, en plus de renforcer l’engagement à la satisfaction client et à la profitabilité de l’entreprise. Avant de s’y engager, il doit faire l’analyse de sa capacité à soutenir l’approche client de la direction.

Rémi Bourdage, CRIA, EDC, AMC, B. SC. E., ceinture verte six sigma

Source : Effectif, volume 10, numéro 1, janvier/février/mars 2007

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