La gestion de la performance ne se limite plus à une simple mesure du rendement des employés. Cet outil de gestion peut grandement contribuer aux résultats de l’entreprise, lorsqu’il est bien adapté à ses activités et à l’évolution de sa culture organisationnelle.
Bref historique
Les outils de gestion utilisés pour évaluer le rendement et la performance des employés ont évolué de façon significative depuis l’époque Taylor au début du 20e siècle, quand on se limitait à la mesure du niveau de productivité dans sa forme la plus simple.
La gestion réelle de la performance a fait ses débuts à l’époque de la Seconde Guerre mondiale. Cette évolution de la simple mesure du niveau de productivité vers une gestion et une appréciation structurée du rendement global et du développement des employés s’est faite progressivement.
Au 21e siècle, les employeurs ne peuvent plus se limiter à l’évaluation purement quantitative et technique du rendement de leur capital humain, car il est devenu essentiel d’introduire un outil de gestion beaucoup plus complet qui permet de gérer à la fois le rendement et le développement des collaborateurs.
Lien entre l’évaluation du rendement, la rémunération et la motivation
La gestion de la performance est sans aucun doute un des sujets en gestion des affaires qui a suscité le plus grand nombre de controverses, particulièrement en ce qui a trait au lien qui est fait entre l’évaluation du rendement et la rémunération. Il existe deux écoles de pensée à cet égard.
Les défenseurs de la première école de pensée prétendent que faire un lien entre l’évaluation du rendement et la récompense pécuniaire diminue la valeur de l’aspect développement et motivation du collaborateur. Selon eux, le lien avec la rémunération met trop d’emphase sur l’aspect punitif de l’exercice, car peu de gens sont enclins à admettre qu’ils ont des lacunes à surmonter, lorsque qu’un tel aveu peut avoir un impact négatif sur leur révision salariale ou encore la promotion en vue. Les tenants de cette école diront que les systèmes de gestion de la performance reliés à la rémunération n’ont aucun impact sur la motivation. D’après eux, cette approche conduit à des coûts plus élevés et à une mentalité de mercenaire, qui rend les collaborateurs improductifs : ils ne travaillent plus pour une entreprise, pour un projet, mais pour l’argent.
À l’autre extrême, les adeptes de la deuxième école de pensée affirment que le lien entre l’évaluation du rendement et la rémunération est primordial afin d’assurer une gestion équitable et objective de la rémunération.
Les divergences entre les approches suscitent une certaine réflexion : doit-on mettre l’accent sur le lien avec la rémunération ou sur le développement des collaborateurs?
La réponse à cette question peut varier d’une entreprise à l’autre et d’un métier à l’autre. Seule la direction de l’entreprise peut y répondre, à la lumière de sa mission et de ses valeurs. Selon l’entreprise, aucune approche n’est meilleure qu’une autre, si celle qui est choisie est partagée et bien gérée par les gestionnaires. Pour plusieurs, la formule gagnante sera un bon équilibre entre les deux approches et elle peut être adaptée selon le niveau de responsabilité et le métier.
Une étude du Conference Board s’est intéressée à ce que les employés attendent de leurs employeurs (HR Executive Review : Implementing the New Employment Compact, 1997). Les trois réponses mentionnées le plus souvent sont :
- un travail intéressant;
- un dialogue franc;
- des possibilités de croissance et de perfectionnement.
Étonnamment, le salaire ne se retrouve qu’en huitième place.
Selon cette étude, un outil de gestion de la performance qui encourage le dialogue entre le supérieur immédiat et le collaborateur, qui favorise les échanges sur le perfectionnement et le développement des collaborateurs, assure la motivation et une meilleure conservation de ceux-ci.
Ultimement, les entreprises qui ont implanté un tel processus de gestion de la performance ou qui ont l’intention de le faire veulent un outil qui apporte une valeur ajoutée à l’entreprise ainsi qu’au capital humain qui collabore à sa réussite. Dans la majorité des cas, la motivation et la mobilisation du personnel se marient de manière cohérente et efficace. Pour plusieurs entreprises, la formule est synonyme de réussite et même de dépassement. Il peut s’agir d’un levier important pour l’obtention de résultats supérieurs dans un contexte économique de plus en plus concurrentiel où la conservation des collaborateurs est devenue un enjeu à ne pas négliger.
Il est donc important de se doter d’un processus de gestion de la performance qui crée un environnement favorable à l’épanouissement individuel, conformément aux grandes théories de la motivation. La majorité des théoriciens en matière de motivation (Maslow, Herzberg) reconnaissent que le désir de se réaliser demeure un des facteurs de motivation les plus importants. Obtenir une augmentation de salaire est une réalisation qui répond à un besoin économique qui se situe au bas de la pyramide des motivations au travail, selon Maslow. Par ailleurs, un projet particulier qui permet au collaborateur de se responsabiliser et de grandir sur les plans tant personnel que professionnel saura répondre au besoin de réalisation de soi qui se trouve au sommet de la pyramide en question.
En pratique
Des entrevues approfondies avec plusieurs professionnels de la gestion des ressources humaines nous laissent croire qu’au-delà des débats sur l’aspect motivationnel de l’outil et le lien à faire ou non avec la rémunération, il existe des facteurs de succès non négligeables. Trois constats principaux se dégagent de ces entrevues.
Premier constat : un système de gestion de la performance qui est fortement appuyé par les dirigeants de l’entreprise et qui est mis en pratique par la direction d’abord offre un meilleur retour sur investissement.
Sylvie St-Onge, CRHA, Denis Morin, CRHA, et Mario Bellehumeur, chercheurs de HEC Montréal et de l’Université du Québec à Montréal, ont déterminé que, selon les cadres participant à l’étude, le style de gestion des dirigeants d’entreprise influence le succès d’un processus de gestion de la performance. Plus les dirigeants priorisent ce processus et plus ils communiquent clairement les objectifs de l’organisation, plus les cadres et gestionnaires sont motivés à évaluer le rendement de leurs collaborateurs. (Motivation des cadres à évaluer le rendement de leurs employés : perspectives rationnelle, affective, contextuelle et de justice organisationnelle)
Deuxième constat : un outil de gestion de la performance qui a été conçu pour les intervenants du service des ressources humaines et non pour les gestionnaires qui l’utilisent ne donne jamais les résultats escomptés.
Selon Katya Laviolette, CRIA, vice-présidente, ressources humaines chez Médias Transcontinental, la gestion de la performance ne se limite pas à l’utilisation d’un simple formulaire. Selon elle, il faut plutôt avoir de réels échanges avec ses collaborateurs sur les objectifs à atteindre et sur leur plan de développement : « En tant que professionnels en ressources humaines, nous avons eu tendance à mettre plus d’emphase sur la complexité de l’outil et les échéanciers à respecter. Nous devons maintenant prendre un peu de recul et consulter nos clients à l’interne. Au lieu de mettre l’emphase sur l’outil proprement dit, nous devrions plutôt mettre l’emphase sur les besoins de nos clients internes et sur leur adhésion au processus dans son ensemble. »
Troisième constat : un système de gestion de la performance doit être bien communiqué et accompagné d’une formation donnée aux gestionnaires qui auront à le gérer si on désire en retirer le maximum.
Selon François Beaudry, CRHA, directeur, relations industrielles et formation chez Astral Média Radio et Affichage, on ne saurait jamais trop insister sur la nécessité de former les gestionnaires, mais surtout de les accompagner dans le processus. « Nos responsables RH révisent chacune des évaluations avec les gestionnaires afin de s’assurer qu’ils maîtrisent bien les composantes du système de gestion de la performance et de leur apporter l’aide nécessaire sur la forme. »
Voici un formulaire qui permettra de prendre un peu de recul et de vérifier si sa façon de faire est toujours d’actualité.
Formulaire d'auto-évaluation | ||
Énoncé | Vrai | Faux |
Notre outil de gestion de la performance a été conçu sur mesure et adapté à notre contexte organisationnel. | ||
Notre outil de gestion de la performance est simple à administrer. | ||
Notre outil de gestion de la performance favorise la responsabilisation de gestionnaires et des collaborateurs. | ||
Notre outil de gestion de la performance encourage les échanges et le dialogue entre les gestionnaires et leurs collaborateurs. | ||
Notre outil de gestion de la performance a été diffusé à tous nos gestionnaires et collaborateurs au moment du lancement du programme et à l'embauche de chaque nouveau gestionnaire. Une formation et un guide d'utilisation existent. | ||
Notre outil de gestion de la performance est appliqué de façon cohérente dans toute l'entreprise et il obtient l'adhésion complète des principaux dirigeants. | ||
Notre outil de gestion de la performance favorise la rétroaction constructive. | ||
Notre outil de gestion de la performance permet un bon équilibre entre les objectifs quantitatifs et les objets qualitatifs qui sont à la fois mesurables et réalisables. | ||
Il existe un bon équilibre entre la portion de l'évaluation du rendement directement reliée à la rémunération et la portion reliée au développement et à la formation des collaborateurs. |
Une réponse négative à une ou à plusieurs questions de ce formulaire indique que la date d'expiration de l'outil de gestion de la performance est probablement dépassée. Il est alors temps de vérifier si l'outil qui est suggéré aux gestionnaires offre une réelle valeur ajoutée et s'il a suivi l'évolution de l'organisation depuis sa mise en place. Il s'agit d'un investissement au niveau de la performance globale de l'entreprise. Il ne faut donc pas manquer cette opportunité!
Sylvie Leroux, CRHA, MBA, Sylvie Leroux conseils inc.
Source : Effectif, volume 10, numéro 1, janvier/février/mars 2007