Vous lisez : ÉTUDE DE CAS – Test de dépistage d’alcool et de drogue : où en sommes-nous?

Dans un jugement* dont il sera fait état plus amplement dans le texte qui suit, la Cour supérieure a confirmé une sentence arbitrale dans laquelle l'arbitre a rejeté le grief du syndicat contestant la politique de l'employeur relative à la consommation d'alcool ainsi qu'à l'usage de drogues et de médicaments.

Estimant que cette politique présentait un risque réel d'entacher les droits fondamentaux des salariés en raison de son étendue et de son caractère hautement disciplinaire, l’arbitre avait annexé à sa décision une politique amendée (Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, Local 143 et Goodyear Canada inc., Usine de Valleyfield, Me Denis Tremblay, arbitre, T.A., 2005-04-12, SOQUIJ AZ-50400918).

La Cour d’appel a accueilli la requête pour permission d’en appeler du jugement de la Cour supérieure. C’est donc une affaire intéressante à suivre…

Voici un aperçu de quelques une des décisions qui ont été rendues sur la question.


La politique amendée relative à la consommation d'alcool ainsi qu'à l'usage de drogues et de médicaments rédigée par l'arbitre concilie l'atteinte aux droits fondamentaux des salariés et l'obligation de l'employeur de protéger ses employés ainsi que les usagers de la route.

DÉCISION : L'arbitre a reconnu que l'employeur n'avait présenté aucune preuve directe d'un problème de consommation de drogue et d'alcool dans son usine ou d'un lien entre une telle consommation et un degré élevé d'accidents du travail. Cependant, il pouvait conclure à un problème de consommation et à son lien avec le grand nombre d'accidents sur la base de présomptions graves, précises et concordantes découlant de la preuve. Il a eu raison de reconnaître l'existence d'un lien rationnel entre l'emploi de tests de dépistage et l'objectif de réduire les risques d'accidents du travail. Par ailleurs, les tests qu'il a mis de l'avant — pouvant être imposés à la suite d'un accident du travail ou dans le cas de postes à risque élevé — s'inscrivent dans une gamme de mesures raisonnables. Ils sont bien définis et applicables dans des circonstances précises. Ils ne sont pas disproportionnés eu égard à l'objectif visé. L'arbitre a correctement décrit le test du « balancing of interest » énoncé par la Cour suprême dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU (C.S. Can., 1999-09-09), SOQUIJ AZ-50067256, J.E. 99-1807, D.T.E. 99T-868, [1999] 3 R.C.S. 3. Son modèle de politique amendée concilie l'atteinte aux droits fondamentaux des salariés et l'obligation de l'employeur de protéger ses employés, individuellement et collectivement, ainsi que les usagers de la route. En ce qui trait à l'argument subsidiaire du syndicat, les conclusions de fait de l'arbitre sont correctes, basées sur un examen minutieux de la preuve et bien étayées. Il explique les raisons pour lesquelles il opte pour une conclusion plutôt que pour une autre. Il n'a pas commis d'erreur manifestement déraisonnable.

*Section locale 143 du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier c. Tremblay, SOQUIJ AZ- 50369152


Le congédiement imposé à un représentant pour avoir obtenu un résultat positif à un test de dépistage de drogue (cocaïne) est annulé et sa réintégration est ordonnée.

DÉCISION : L'employeur allègue avoir exigé l'abstinence totale du plaignant afin de protéger l'image de l'entreprise. Or, la preuve a démontré que ce dernier avait consommé de la cocaïne à la suite d'une activité organisée pour sa clientèle, mais non durant l'activité ni au même endroit où l'activité a eu lieu. De plus, il n'a pas été démontré en quoi la consommation de cocaïne avait eu un effet préjudiciable sur sa prestation de travail. La consommation de drogue, même illicite, à l'extérieur du travail ne fonde pas à elle seule à sanctionner un salarié s'il n'y pas d'effet préjudiciable pour l'employeur, compte tenu de la garantie au respect de la vie privée prévue à l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne. La crainte de l'employeur, sans autre preuve supplémentaire, est un motif insuffisant pour congédier le plaignant.

Garceau et Sico inc., SOQUIJ AZ-50353170


Le test de dépistage de drogues auquel le plaignant a dû se soumettre était illégal, de sorte que le congédiement imposé à la suite d'un résultat positif est annulé.

Le plaignant est toxicomane. Il a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de drogues. L'employeur lui reproche de ne pas avoir respecté l'entente de réintégration conditionnelle prévoyant qu’il sera congédié s'il ne respecte pas ses engagements. Elle précise également que l'employeur pourra lui demander de se soumettre à un test de dépistage de drogues lorsqu'il aura des motifs raisonnables ou probables de croire que le plaignant travaille sous l'effet de telles substances. L'employeur explique qu'il a procédé au test en question lors du retour de vacances du plaignant après qu'il eut appris que ce dernier vendait de la drogue à l'usine. Le plaignant a reconnu avoir partagé une cigarette de marijuana avec son amie durant ses vacances. Il ajoute qu'il n'a pas travaillé sous l'influence de cette drogue ni d'aucune autre substance.

DÉCISION : Les parties ont admis que le litige est fondé sur la seule application de l'entente. Or, on ne peut lui conférer une étendue qui va au-delà des motifs pour lesquels elle a été conclue ni lui donner un effet dont les parties n'ont pas convenu. L'entente doit donc être interprétée restrictivement, mais en s'assurant que les buts qu'elle recherche sont atteints. Il faut noter que l'entente n'interdit pas au plaignant de consommer des drogues, voire d'en vendre; elle lui interdit uniquement de travailler sous l'influence de telles substances ou de s'absenter pour un motif lié à la consommation de drogues. Par conséquent, l'employeur devait démontrer par une preuve prépondérante que ce dernier avait travaillé sous l'effet d'une telle drogue. Or, la preuve ne démontre pas que cela soit le cas. L'arbitre ne peut conclure, sans une preuve scientifique ou d'expert en ce sens, que le plaignant était sous l'effet de la drogue. On peut s'interroger sur la légalité de la décision de l'employeur de le soumettre au test de dépistage prévu à l'entente puisque la dénonciation indique non pas que le plaignant travaillait sous l'effet de drogues, mais qu'il en vendait sur les lieux du travail. Même si la démarche de l'employeur était légitime face à un possible trafic de drogue chez lui, le droit qui lui était accordé par l'entente ne concernait que l'aspect des relations du travail. En signant l'entente, le plaignant n'a pas renoncé à ses droits fondamentaux garantis par la Charte des droits et libertés de la personne dans le contexte d'une dénonciation de nature criminelle. Même s'il était de bonne foi, l'employeur n'avait pas de motifs raisonnables et probables prévus à l'entente pour faire subir le test de dépistage auquel il a soumis le plaignant. Par conséquent, il ne pouvait le congédier pour le motif qu'il avait travaillé sous l'influence de drogues ni même pour s'être présenté au travail sous l'effet de telles substances.

Emballage Mitchell-Lincoln ltée, division Drummondville et Syndicat des salariés d'Emballages Mitchell-Lincoln ltée, division Drummondville (Stéphane Girard), SOQUIJ AZ-50336674


L'arbitre n'a commis aucune erreur manifestement déraisonnable en décidant que l'omission de l'employeur de fournir la documentation préalable à un test de dépistage de drogue entraînait la nullité du congédiement imposé au plaignant.

DÉCISION : Bien que l'employeur soit soumis à des obligations sévères à l'égard du transport de marchandises et de produits dangereux et qu'il doive compter sur des employés en pleine possession de leurs moyens, l'arbitre a exercé sa compétence en interprétant et en appliquant la convention collective. Sa décision ne pourra donc être annulée à moins qu'elle soit manifestement déraisonnable. En vertu d’une disposition de la convention, l'employeur avait l'obligation de divulguer l'ensemble de la documentation pertinente et utile avant de procéder au test de dépistage de drogues. En décidant que la transmission du formulaire préalable était une procédure essentielle à la démarche entreprise par l'employeur, l'arbitre n'a commis aucune erreur manifestement déraisonnable. En effet, suivant la politique en vigueur, le seul test positif révélant la présence de drogue n'est pas en soi un motif de congédiement automatique et l'employeur n'est pas autorisé à faire des tests sans motif sauf dans les cas graves énumérés à la convention, mais qui ne sont pas applicables en l'espèce. Il devait donc consigner dans le formulaire les raisons d'exiger un test. L'omission de remettre le formulaire a vicié l'origine de la demande de test et, par conséquent, le congédiement. Par ailleurs, le motif invoqué par l'employeur se limitait à la présence de cocaïne dans le sang du plaignant et aucune preuve n'a été présentée quant au moment de sa consommation ni quant à la quantité.

Canadian National Railway Co. c. Keller, SOQUIJ AZ-50300967


Une préposée à l'entretien congédiée pour alcoolisme fait l'objet d'une entente de réintégration conditionnelle et, même s'ils constituent une atteinte à ses droits, des tests aléatoires de dépistage d'alcool sont considérés comme une exigence professionnelle justifiée.

DÉCISION : Exiger qu'un salarié ne se présente pas au travail en état d'ébriété malgré sa dépendance à l'alcool constitue une norme qui semble satisfaire au critère de rationalité. L'employeur vise ainsi à assurer l'accomplissement d'une prestation de travail avec diligence, prudence, en toute sécurité et dans le respect de la dignité des personnes. Cette obligation est prévue aux articles 2087 et 2088 du Code civil du Québec. La Loi sur la santé et la sécurité du travail impose aussi à l'employeur de prendre les moyens nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des salariés. Le deuxième critère paraît également être rempli puisque la bonne foi ou la sincérité de l'employeur par rapport à la norme établie ne peut être remise en cause. Le troisième critère, soit celui de la proportionnalité de la norme établie, n'est cependant pas nécessaire en l'espèce, soit le congédiement. Toutefois, il est important de souligner que l'employeur est en droit d'imposer, y compris une mesure disciplinaire, des mesures d'encadrement particulières à la plaignante compte tenu de sa situation personnelle et des répercussions sur son travail. Par conséquent, le grief est accueilli en partie et certaines modalités de réintégration sont ordonnées eu égard à l'examen des modalités envisagées par l'employeur dans sa lettre du 13 mars 2003. Tout d'abord, la suspension de quatre mois sans salaire pour la période du 7 avril au 7 août 2003 est une mesure disciplinaire appropriée pour permettre à la plaignante de comprendre qu'il est inacceptable de se présenter au travail ou de travailler en état d'ébriété ou sous l'influence de l'alcool et qu'elle doit prendre les mesures nécessaires pour contrôler ce problème. Du 7 août 2003 jusqu'au 1er avril 2004, la plaignante sera considérée comme en absence autorisée sans salaire aux fins de sa réadaptation car, au stade d'une troisième rechute en cinq ans, elle connaissait les mécanismes d'aide dont elle pouvait bénéficier si sa dépendance à l'alcool reprenait le dessus. En ce qui concerne les trois modalités visant à contenir l'état d'ébriété au travail : l'exigence de ne pas se présenter au travail en état d'ébriété est légitime; malgré une atteinte aux droits de la plaignante, l'utilisation raisonnable de tests aléatoires de dépistage d'alcool est justifiée dans son cas et l'employeur est également fondé à imposer un congédiement immédiat à la plaignante si elle se présente au travail ou si elle accomplit son travail en état d'ébriété ou sous l'influence de l'alcool. L'employeur sera aussi fondé à imposer le congédiement si la plaignante refuse, sans motif raisonnable, de se soumettre à un test aléatoire de dépistage d'alcool auquel il pourra raisonnablement procéder.

Dans les circonstances, ces modalités de réintégration et les conditions afférentes devront être maintenues pendant une période de trois ans. En ce qui a trait à la dépendance à l'alcool de la plaignante et à sa capacité de retour au travail, la preuve révèle qu'elle est maintenant en rémission de sa dépendance à l'alcool, qu'elle en a la maîtrise et que l'expertise médicale produite en preuve indique qu'elle est apte à retourner au travail. L'employeur doit cependant prendre les mesures nécessaires afin qu'une personne du service des ressources humaines la rencontre afin de la préparer à ce retour. Enfin, la renonciation à l'arbitrage de grief par la plaignante et le syndicat en cas de congédiement, conformément aux modalités de réintégration prévues en l'espèce, démontre qu'elle en est à sa dernière chance quant à la question de l'ébriété au travail.

Union des employées et employés de service, section locale 800 (FTQ) et Commission scolaire English-Montréal (Eileen Rowe), SOQUIJ AZ-50289246


L'interdiction pour les chauffeurs d'autocar de faire usage de drogues non prescrites dispense l'arbitre d'examiner la preuve quant aux conséquences d'une consommation qui ne serait qu'occasionnelle.

DÉCISION : En ce qui a trait à la validité du test, ses modalités techniques ainsi que la valeur scientifique des résultats obtenus ne sont guère mises en doute. Le plaignant conteste plutôt le fait d'avoir été contraint de s'y soumettre. Or, une telle prétention n'est guère fondée. En effet, l'employeur a le droit d'interdire à ses chauffeurs de consommer en tout temps des drogues ou des stupéfiants, quelles que soient les circonstances. Cette prohibition est beaucoup plus étendue que celle portant sur l'usage d'alcool et couvre de façon très stricte la consommation de drogues non prescrites en tout temps et en tout lieu. Elle dispense donc de tout examen de la preuve sur les conséquences d'une consommation qui ne serait qu'occasionnelle. Quant aux reproches de fausses déclarations que lui a faits l'employeur relativement à la date de sa dernière consommation, la preuve scientifique révèle que le plaignant n'a pas tout avoué et a consommé davantage qu'il ne l'a prétendu. Quoi qu'il en soit, sa seule admission voulant qu'il ait continué à consommer, ne serait-ce qu'occasionnellement, constitue à elle seule un motif suffisant pour justifier sa suspension suivie de son renvoi.

Autocars Orléans Express inc. et Union des employées et employés de service, section locale 800, SOQUIJ AZ-04141221


La sentence arbitrale ayant conclu au bien-fondé du congédiement du plaignant pour avoir refusé d'être évalué par un spécialiste en toxicomanie est confirmée.

DÉCISION : Le congédiement résulte du refus du plaignant de subir une évaluation à la suite de son admission de plein gré qu'il avait consommé du cannabis. Compte tenu de cet aveu, l'employeur avait le droit d'exiger qu'il se soumette à l'évaluation d'un spécialiste. Le syndicat n'a pas démontré le caractère manifestement déraisonnable de la conclusion de l'arbitre selon laquelle l'aveu du plaignant était libre et volontaire. Les actes de l'employeur n'ont pas été dictés par le résultat positif du test, mais bien par l'admission du plaignant. Il n'a d'ailleurs pas attendu le résultat pour agir; dès son aveu, le plaignant a été suspendu sur-le-champ.

Union des chauffeurs de camions, hommes d'entrepôts et autres ouvriers, Teamsters Québec, section locale 106 (F.T.Q.) c. Dufresne, SOQUIJ AZ- 50233855
 

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Me Monique Desrosiers, coordonnatrice, Secteur droit du travail et droit social, Direction de l’information juridique à la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ)

Source : VigieRT, numéro 16, mars 2007.

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